Balzac et la petite tailleuse chinoise : le propos graphique de Freddy Nadolny Poustochkine uni au propos littéraire de Dai Sijie
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Balzac et la petite tailleuse chinoise : le propos graphique de Freddy Nadolny Poustochkine uni au propos littéraire de Dai Sijie

Balzac et la petite tailleuse chinoise, ce titre vous dit sans doute quelque chose. Au moins si, comme moi, vous avez dû le lire au temps béni de vos études. L’oeuvre emblématique de Dai Sijie a bientôt vingt ans et reste un ouvrage marquant de dissidence face à un pouvoir despotique qui veut contrôler de A à Z toutes les belles lettres littéraires mises à la portée du peuple. Pour créer cette histoire, l’écrivain chinois installé depuis trente ans en France n’a pas dû aller bien loin : il l’a vécue. Témoin et souffre-douleur de la Chine de Mao Zedong, alors que ses parents contestataires étaient envoyés en prison, le jeune Dai fut intégré durant trois ans dans un camp dit de rééducation, un camp de travail ayant pour but de purger les esprits de leurs jeunes résidents de toute idée opposée à l’ordre en place. Aujourd’hui, c’est Freddy Nadolny Poustochkine qui donne puissance à cette oeuvre décloisonnée.

 

 

 

 

 

 

 

© Freddy Nadolny Poustochkine

 

Résumé de l’éditeur : Deux amis de 17 et 18 ans, le narrateur et son ami Luo, qui se connaissent depuis l’enfance, sont envoyés en rééducation dans la province du Sichuan, car ils sont considérés comme des « intellectuels ». Nous sommes en pleine période de la Révolution culturelle lancée par Mao Zedong, en 1971. Le narrateur est plutôt réservé et joue du violon. Luo, son meilleur ami, était son voisin de palier avant leur départ pour la rééducation. Il est beaucoup moins timide, il est même un bon conteur. Il raconte toutes sortes d’histoires au chef du village, et surtout les films que ce dernier leur demande d’aller voir en ville. Les deux amis rencontrent la fille du tailleur du village voisin. Elle est considérée comme la plus belle de la montagne, pleine de vie, mais sans aucune instruction. Tous deux en tombent immédiatement amoureux. Luo devient l’amant de la petite tailleuse. Pour service rendu, le Binoclard, un autre garçon lui aussi en rééducation dans un village voisin, prête aux deux amis Ursule Mirouët, un roman de Balzac. Fascinés, les deux amis volent toute la valise de livres interdits du Binoclard, valise contenant les romans des plus grands auteurs occidentaux du XIXe siècle. Luo fait alors un serment : « Avec ces livres, je transformerai la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde ».

 

 

 

 

© Freddy Nadolny Poustochkine chez Futuropolis

 

C’est vrai que des profondeurs de la mine, de cette gueule du loup terreuse et dangereuse, il est bien difficile de voir la lumière du jour, de l’espoir de jours meilleurs. Mais pour nos deux héros, malgré les peines et les efforts surhumains qu’on demande à leurs jeunes corps, il n’est pas difficile de s’apercevoir que ce coin de montagne isolé recèle deux trésors : la jolie petite tailleuse volontaire dans les pas de son père et des livres interdits que Le Binoclard semble garder précieusement, sans vouloir partager ce monde de sensations.

 

 

 

 

 
© Freddy Nadolny Poustochkine


L’heure viendra pour nos deux prisonniers de les découvrir mais, en attendant, Freddy Nadolny Poustochkine ne se prive pas de déjà entrouvrir la porte de ce monde de sensations. Graphiques tout d’abord, dès un prologue où l’on ne voit goutte sinon l’essentiel, les corps meurtris, le combat face à la mine. L’art de Poustochkine prend place par tache, par goutte, plus que par des cases conventionnelles. Comme dans un rêve qui tiendrait plus du cauchemar.

 

 

 

 

© Freddy Nadolny Poustochkine chez Futuropolis

 

Ça désarçonne, ça déstabilise (d’autant que c’est peut-être un peu trop linéaire) mais ça donne du biscuit et on découvre un vrai propos graphique (d’une beauté affolante) qui s’unit à celui, littéraire, de Dais Sijie. Inutile de dire que le pari pas forcément évident de l’adaptation d’un tel monument, d’une telle promesse de vie au-delà des barrières est réussi.

 

 

 

 

© Freddy Nadolny Poustochkine


On sent que ce récit, non content de le représenter, Freddy s’y est investi, l’a vécu. Et ses exploits graphiques tiennent la route (et sur 318 pages, il faut y aller) entre redondance assumée pour les scènes minières et une évasion sans modération. Une grande rencontre entre deux arts engagés.


Titre : Balzac et la petite tailleuse chinoise

Récit complet

D’après le roman de Dai Sijié

Scénario, dessin et couleurs : Freddy Nadolny  Poustochkine

Genre : Historique, Drame

Éditeur : Futuropolis

Nbre de pages : 318

Prix : 32€



Publié le 14/12/2017.


Source : Alexis Seny

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