Bec dans l’eau ou balle dans la tête, deux nuances de Pascal Regnauld très différentes
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Bec dans l’eau ou balle dans la tête, deux nuances de Pascal Regnauld très différentes

Pascal Regnauld, sacré as que celui-là. Pourtant, si vous n’avez pas été attentif, peut-être l’avez-vous loupé… jusqu’ici. Car c’est vrai que la publicité pour laquelle il a longtemps travaillé est du genre à ne pas partager la renommée avec ses hommes de l’ombre. Puis, sous l’imposant nom de Sokal qui orne les couvertures de Canardo, la place au soleil est parfois difficilement atteignable (comme sur les plages trop bondées, l’été). Mais oui, Pascal Regnauld anime depuis plus de vingt ans la série Canardo aux côtés du maître de la pêche aux canards, Benoît Sokal. Depuis deux albums, Pascal Regnauld assure même tout seul, comme un grand (mais encore sous-estimé), le dessin de cet emplumé d’enquêteur. Mais voilà qu’en deux coups, Pascal Regnauld a fait encore plus fort avec Trou de mémoire qui révèle un sens inné du polar et un graphisme très singulier et inédit.

 

 

 

© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec

 

 

© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec

 

Trou de mémoire, la fuite en arrière et… en avant

Dans Trou de mémoire, c’est avec Roger Seiter que Pascal Regnauld développe (ou en tout cas dévoile) un peu plus toute l’étendue de son art. Trou de mémoire, c’est un polar vieille école dans l’Amérique mal élevée et revanchard des années 60. Les familles mafieuses aiment à se faire la guerre et les tueurs à gage se vendent au plus offrant. Et c’est sur une scène de crime, aux côtés d’une jolie fille raide morte et baignant dans le sang qui s’écoule de sa tête éraflée par une balle indécise que notre homme se réveille. Sur un ponton de San Francisco.

Notre homme? On peut avoir un nom, quand même? Ce sera plus facile pour suivre cette histoire, non? Oui, sauf que notre homme bien sapé a un gros problème: lui-même ne sait plus ce qu’il fait là, le pourquoi. Plus inquiétant, si la balle qui l’a heurtée ne laissera au pire qu’une petite cicatrice, elle semble avoir fait plus de dégât à l’intérieur: cet inconnu ne sait plus qui il est.
© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec
© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec

Est-il l’assassin ou la victime? Pas le temps de se le demander, il faut fuir sans avoir idée d’un quelconque refuge. Enfin, il y a bien ce carton d’hôtel dans sa poche. Le temps de remettre le peu d’idées en place dans le taxi qui l’emmène et voilà que ce type tout perdu n’a pas le temps de souffler: il comprend qu’il trempe dans quelque chose de louche, de noir et que, peut-être, dans la pénombre de ce climat post-Kennedy, quelqu’un veut lui faire… la peau.

 

 

 

© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec

 

 

© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec

 

Trou de mémoire, ce n’est ni Memento ni Jason Bourne, c’est une atmosphère à part et un style qui ne doit rien à personne. Se servant de l’amnésie du personnage principal pour faire naviguer le lecteur (j’allais dire le spectateur, on est si proche de cinéma dans cette oeuvre) dans le flou, Roger Seiter se joue des apparences pour tirer le meilleur des faux-semblants et nous tenir en haleine jusqu’aux dernières cases de ce diptyque, bien construit. Deux albums qui ont chacun leurs propres questions et leur rythme. Tout s’accélère de plus en plus jusqu’au final sans-issue.
 

 

 

 

© Seiter/Regnauld chez Les Éditions du Long Bec

 

 

© Regnauld

 

Et en Pascal Regnauld, Roger Seiter a trouvé le bon allié pour développer un style unique et indescriptible et dont, de surcroît, il s’était bien garder de nous faire part. Dans ce décor monochrome d’où jaillit le rouge sang, dans ce sépia qui vieillit bureaux et chambres d’hôtel, c’est toute une époque révolue qui nous tend les bras. Une époque imprévisible et où décidément tout peut se passer. Pas si loin de Frank Miller ou de Brüno (en plus appliqué dans les détails), le trait de Regnauld est vif, précis, invente sa propre grammaire dans des décors réalistes et avec des personnages caricaturaux. Des vraies gueules, quoi! Le spectacle est intense et tellement divertissant, explosant tous les quotas fixés. Une révélation, incontestablement.

 

Alexis Seny

 

Titre: Trou de Mémoire

Tome: 2 – Combien de temps un homme peut-il survivre sans respirer?

Scénario: Roger Seiter

Dessin et couleurs: Pascal Regnauld

Genre: Polar, Thriller

Éditeur: Les éditions du Long Bec

Nbre de pages: 56

Prix: 15,50€

 



Publié le 18/11/2016.


Source : Bd-best

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