Benoit Feroumont: « Faire tomber Spirou de sa Lune et l’amener dans le monde d’aujourd’hui »
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Benoit Feroumont: « Faire tomber Spirou de sa Lune et l’amener dans le monde d’aujourd’hui »

Il est l’or, mon seignor, c’est l’été (ça ne se voit pas?), l’heure d’une nouvelle aventure pour Spirou, décapante et originale. Alors que la série régulière continue à un rythme soutenu (la preuve ici, avec en prime le retour du Marsupilami), la série « dérivée » « Le Spirou de… » fête déjà ses 10 ans après avoir emmené le célèbre Groom dans des albums singuliers et des styles graphiques complètement différents et parfois osés. Preuve en est avec le neuvième opus, Fantasio se marie, où Benoît Feroumont prend un plaisir fou à propulser le héros de 78 ans dans la modernité de notre Bruxelles chérie et à l’esprit vaudevillesque, dans un monde de femmes et lorgnant de manière jubilatoire sur l’univers du Diable s’habille en Prada. Et si Benoit Feroumont a l’habitude de se dessiner en Grizzly, force est de constater que le créateur du Royaume est super-sympa, passionné et passionnant. Voilà son interview.

Bonjour Benoît, était-ce votre idée de faire un Spirou ou est-on venu vous chercher?

Non, c’est une proposition de Serge Honorez et Benoît Fripiat qui me l’ont proposé, il y a quatre ans. Ils m’ont dit: tu sais, tu peux réfléchir à un Spirou. Moi, jusque là, je me disais « oh non, pas moi »! Mais ils ont posé une graine dans mon cerveau. Je ne suis pas arrivé une semaine plus tard avec une idée. Non, ça a pris du temps, j’y ai réfléchi puis j’ai travaillé avec des amis scénaristes. Je voulais mettre Spirou en face de femmes. Et Stéphane et Guillaume Malandrin (réalisateurs, dernièrement, de l’excellent Je suis mort mais j’ai des amis) avaient une idée brillante, géniale, et ils ont écrit une première version du scénario. Un délire total avec un côté spectaculaire, des avions et tout ce qui s’ensuit. Le hic étant que je ne me sentais pas de faire ça, je voulais quelque chose de plus intime. Ce qu’ils me proposaient était mondial. On s’est arrêtés là avec les frères Malandrin, je n’avais pas envie de travailler sur des versions et des versions pour, au final, dénaturer leur idée. Ils l’ont compris et ont été très classes malgré la frustration que ce projet sabordé pouvait leur amener. Je ne pouvais que les remercier, ils ont été bons copains, l’impulsion est venue d’eux.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - recherches tete spirou

 

© Benoît Feroumont

 

 

Et voilà comment Spirou s’est retrouvé dans un monde de femmes!

Comme je voulais quelque chose de plus intime, je suis parti de ce Spirou que j’avais envie de mettre en face de femmes. Et plus particulièrement de Seccotine qui lui demanderait: « J’ai envie de vivre une aventure avec toi!« . Rien d’érotique derrière ça, juste une envie de prendre la place de Fantasio. Et j’ai conçu un scénario autour de ça. Fantasio va se fiancer et quitter la maison. Spirou va perdre son acolyte.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Fantasio-clothilde et sa mere

© Benoît Feroumont

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - faire-part mariage

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

Or la plupart des héros, comme Batman ou Zorro, ont toujours un acolyte, et Spirou va le trouver en Seccotine. J’ai construit mon scénario autour de ça, avec mes propres contraintes: que des femmes autour de Spirou. Des femmes indépendantes financièrement et qui ne parlent pas de mecs. Je ne voulais pas paraître sexiste aux yeux des féministes. C’est un Spirou qui se passe à notre époque et en plein Bruxelles. Ces contraintes constituaient en fait toute une série de pièges que je me posais et que je devais déjouer. J’ai emballé tout ça dans une histoire assez classique finalement: des bijoux dérobés par une voleuse (qui se révélera être des voleuses) et Spirou qui part à leurs trousses. J’y ai greffé, par étapes, toute une série de rencontres, d’aventures.

 

 

Un test de couleurs. (© Benoît Feroumont)

 

Un test de couleurs. (© Dupuis, Benoît Feroumont)

 

 

Bruxelles est presque un personnage principal de cette histoire. Vous jouez au greeter (terme identifiant les habitants locaux qui font visiter leur ville aux touristes) de luxe, non?

C’est marrant que vous disiez ça, parce que sans connaître ce terme, c’est un truc que j’adore faire avec ma femme. Quand on reçoit des amis, qu’ils soient Liégeois ou Français, on adore leur faire découvrir un petit parcours dans la ville. Du Palais à la Galerie Ravenstein en passant par les restaurants pittoresques.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - documentation bruxelles

 

Des recherches de lieux bruxellois. (© Benoît Feroumont)

 

 

À la base, je ne suis pas Bruxellois, je proviens de Marche-en-Famenne. Et je n’aimais pas trop Bruxelles. Cette ville me faisait peur. Trop grande. J’y ai quand même posé mes valises et j’ai commencé à l’aimer. Je trouvais que Spirou dans Bruxelles, ça fonctionnait vraiment bien. J’avais envie de dessiner la ville, Bruxelles qui est aussi intéressante que bizarre. Il y a des folies architecturales quand vous y prêtez attention. Des bâtiments mis l’un à côté de l’autre, sans rien avoir en commun.C’est incroyable. Puis, c’est pratique, pour dessiner quelque chose, je n’avais qu’à sortir de chez moi, j’avais ma documentation à portée de main. Je connaissais, j’ai dessiné des endroits que je connais fort bien.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Planche 6

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

Vous avez redécouvert la ville, en quelque sorte?

Non, mais je me suis baladé dedans, c’est vrai. C’était amusant et j’ai découvert certaines choses. Par exemple la Gare Centrale, où j’ai fait un reportage-photo. D’ailleurs, j’ai été embêté par des gardiens qui se demandaient un peu ce que je faisais là. Ils me voyaient prendre toute une série de photos. C’était avant les attentats, bien sûr. Et je leur ai expliqué que j’étais auteur de bd, que c’était pour un Spirou… Ils m’ont laissé tranquille.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Bruxelles Central

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Bruxelles militaire

 

© Benoît Feroumont

 

 

Ouf ils ne vous ont pas embarqué. Alors, ce Spirou, en farfouillant sur le net, on voit que certains lecteurs ne sont pas tendres avec vous. 

Oui, je les appelle les grincheux mais je les comprends aussi. Ce Spirou reste celui que je lisais quand j’étais petit. Je pense que chaque lecteur garde comme référence l’image du héros qu’il a connu dans son enfance. C’est obligatoire, que ce soit celui de Tome et Janry, celui de Morvan et Munuera ou celui de Franquin. Et certains fans sont devenus des gardiens du temple, des adorateurs de leur Spirou. Certains sont d’ailleurs surpris du trait que je donne à Spirou, ils ne le reconnaissent pas parce qu’ils sont trop accrochés à celui de Franquin ou d’un autre. Ils s’attendent à ce que quelqu’un refasse le Spirou qu’ils aiment. C’est très compréhensible.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Spirou et Anne du Royaume

 

© Benoît Feroumont

 

 

Ce Spirou, vous lui donnez un passé (un grand-père collabo et profiteur) jusqu’ici insoupçonné. Et à l’heure où les Américains n’ont aucun souci à changer les versions et à faire des reboots de leurs super-héros, on constate quand même que c’est plus difficile à accepter dans le monde franco-belge, non?

Je suis surpris. Pour la petite histoire, j’ai mis sur internet la couverture de cet album, du moins celle que je pensais définitive. Et j’ai vu apparaître des commentaires d’une violence incroyable. Pour ma santé mentale, j’ai alors évité les forums. Je ne suis pas trop au courant de ce qui a pu se dire. Mais c’est difficile à éviter. Il y a beaucoup de grincheux, très actifs, n’hésitant pas à prendre la parole pour défendre leur Spirou, encore une fois.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Couverture provisoire

 

La couverture provisoire (© Benoît Feroumont)

 

 

Alors oui, j’ai inventé un passé à Spirou. Mais c’est tout ce qu’il y a de plus normal. Ça n’existait pas et les Américains font ça tout le temps. Alors, je n’ai pas fait ça tout seul, j’ai demandé l’autorisation de l’éditeur. Il n’y a vu aucun souci. D’autant plus qu’il n’y a aucune malice, j’ai fait cela avec beaucoup de respect. Je mets même en valeur le héros, Spirou. On peut relire tous les Spirou avec la lecture que j’en ai faite, avec cette invention différente, cela prend une valeur spirituelle. Si vous relisez le Spirou de Rob-Vel après mon album, vous verrez que ça pose des questions supplémentaires et qu’il n’y a pas d’accroc.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - fuite

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

La face noire de son histoire familiale, ça lui donne un trauma, une valeur morale qui va l’obliger à faire un choix qui sera celui de l’aventure et d’aider les autres, de rattraper quelque chose. Ça densifie le personnage. Mais si certains lecteurs prennent ça comme un manque de respect, je ne peux rien faire. Mais qu’ils sachent que j’ai tâché de faire ça avec beaucoup de respect à l’égard du héros mais aussi de tous ceux qui sont passés avant moi. Je ne me suis pas amusé à tout relire, mais il n’y a pas d’incohérence avec les albums précédents.

Mais c’est vrai que Spirou fait partie de cette bande dessinée franco-belge où l’on a pris l’habitude des héros ancestraux, asexués et sur qui le temps n’a aucune emprise. 

L’idée était justement de le faire arriver dans notre modernité! Vous vous souvenez de la série Mad Men? Les premières images de cette série mettaient en valeur des publicitaires des années 60 fumant toute la journée, buvant plus que de raison et s’adressant à leurs secrétaires comme à des sous-merdes. C’était choquant et cela nous renvoyait à notre époque où, jamais plus, on ne fume ou ne boit au bureau. Ni ne traite les femmes de cette manière, enfin j’espère.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - clothilde_enpied

 

© Benoît Feroumont

 

 

Et comme je voyais Spirou à la manière d’un boy-scout des années 60, issu de la même époque misogyne que les Mad Men, je voulais le faire tomber de la Lune et l’amener dans le monde de maintenant. Il est un peu vintage, il ouvre la porte aux femmes mais est aussi habitué à ce qu’on parle aux femmes de cette manière. Aujourd’hui, les femmes sont indépendantes. Cela a beaucoup changé depuis 50 ans, il y a eu beaucoup de progrès, même s’il reste encore du chemin à parcourir. Progressons seulement, encore! Et Spirou, pour qui ce n’est pas acquis, doit participer à cet état d’esprit.

D’ailleurs, dans Fantasio se marie, les hommes ont intérêt à bien se tenir car les femmes mènent cet album par le bout du nez!

Ah oui, j’adore ça. Je fais ça dans toutes mes histoires. Regardez le Royaume. D’ailleurs, ça devient tellement flagrant que je vais commencer à faire attention. Je fais toujours des histoires dans lesquelles les hommes sont de parfaits idiots et les femmes, intelligentes. C’est un ressort dramatique assez rigolo. Mais je vais peut-être faire attention, pour avancer couvert un peu plus!

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Gaffe Royaume

 

Dans le Royaume, c’est pareil! (© Benoît Feroumont)

 

 

Vous reliez donc ce Spirou à l’une des pages les plus noires de notre histoire récente en abordant les nazis, la collaboration et la spoliation des biens des Juifs et des autres.

Oui, il y a assez bien de gens qui se sont servis, profitant ainsi de la guerre pour faire fluctuer leurs petites affaires. J’ai hésité à le faire, il y avait des pièges. Quand on ouvre le bouquin, on tombe directement pendant la guerre 40-45. Et je voulais absolument éviter la comparaison avec le Spirou de Yann et Schwartz ou même avec celui d’Emile Bravo. Je voulais éviter l’effet « oh, encore un truc qui se passe pendant la guerre. Je voulais juste, en cinq planches, poser une situation très claire et faisant appel à la connaissance des lecteurs sans être un cliché. Je voulais que ce flash-back reste en tête durant toute la durée de l’album et crée ainsi une émotion. C’est en tout cas ce que j’ai essayé de faire: créer une émotion finale de cette spoliation, cette injustice que Spirou, malgré lui, aide à réparer.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Planche 5

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

Puis, il y a cette incursion dans le fantastique. Ce n’est pas la première fois dans Spirou, mais quand même.

En effet, je suis un peu hors-style. C’est du fantastique pour du fantastique là où, en général, l’aspect fantastique se cache derrière l’habit des pseudo-scientifiques que sont Champignac et Zorglub. On dit que ce sont des scientifiques mais, en vérité, ce sont des magiciens! C’est vrai qu’il y a peut-être une erreur de style dans mon choix. J’aurais peut-être dû donner une explication plus logique.

Mais non, jouons à fond la carte du « Spirou par… »!

C’est vrai que j’aime bien doter mes histoires de petites choses magiques. C’est un truc qui me posait problème mais que j’ai appris à gérer. C’est toujours chouette d’en utiliser. Mais il y a des règles, il faut être parcimonieux. Je voulais éviter à tout prix ce que décrivait un copain dessinateur par la formule « Et maintenant… c’est magique« . Quand tout se résout par la magie, ça ne me va pas, je pense qu’il faut limiter l’effet magique.

Puis, il y a cet esprit vaudeville, un peu théâtral.

J’aime ça! Dans Le Royaume, je fais pareil. Comme dans Gisèle et Béatrice avec ce côté « claquement de portes ». J’ai beaucoup lu les Feydeau. Et récemment, j’ai mis la main sur une intégrale de Feydeau et j’adore ça. Récemment, j’entendais un écrivain dire que pour faire travailler l’imagination, il faut lire du théâtre. Et en effet, c’est très amusant à lire. On fait les voix dans sa tête, on imagine l’espace. C’est une grande source d’inspiration.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Spirou_crayon_09

 

© Benoît Feroumont

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Planche 9

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

La mode aussi non?

Je m’explique ça parce que, tout un temps, j’ai travaillé pour Fluide.G, une version de Fluide Glacial fait par et pour les filles. J’adorais y faire des illustrations. C’était très féminin, avec des parodies de mode. Ça s’est arrêté faute de succès. Et j’ai un peu repris tout l’univers que j’avais créé pour ce magazine, à la Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue en Amérique. Enfin, je me suis surtout inspiré du Diable s’habille en Prada qui était une parodie inspirée d’Anna Wintour, sorte de démon zonant dans le monde de la mode. J’aime aussi ce que fait le Petit Journal qui s’est toujours moqué de la Fashion Week. C’est rigolo.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - petite tenue

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

Et s’il y a bien un univers ultra-féminin, c’est la mode. Il faut voir les coulisses des défilés de mode. C’est incroyablement sensuel comme lieu de travail. Je m’en suis beaucoup servi pour décrire un type comme Spirou au milieu de cette explosion. Et c’est très marrant et agréable de plonger Spirou dans ce milieu de nanas, en plus filiformes et censées être les parangons de la beauté actuelle.

Comme à la Gare Centrale, vous y avez fait un reportage-photo?

J’ai essayé d’entrer dans les coulisses du défilé de La Cambre grâce à une amie qui avait été mannequin. Elle a donné beaucoup d’elle-même, sans succès. Difficile de faire rentrer un homme comme moi dans un milieu de filles à moitié nues. Tout d’un coup j’ai réalisé à quel point ma présence pouvait créer le malaise. Même, elle, seule avec un appareil photo, elle n’a pas réussi à convaincre les responsables du défilé. Ils étaient mal à l’aise, et je pouvais le comprendre. Bon, finalement j’ai trouvé ce que je voulais sur internet. Mais j’aurais bien aimé avoir mon matériel, à moi.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Recherches_Spirou_2

 

© Benoît Feroumont

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - defile de mode

 

© Dupuis, Benoît Feroumont

 

 

Au fond, quel rapport entretenez-vous à Spirou? 

Chez mes parents, on était abonnés à Tintin. Mais mes grands-parents avaient des recueils de Spirou. Et je passais mes étés d’enfant – c’était le paradis pour moi – à lire Spirou chez mes grands-parents et Tintin chez mes parents. Ces recueils étaient relativement vieux et on se les partageait avec mes frères et soeurs. Mon rapport à ce héros est donc assez nostalgique.

Des trois ou quatre albums que mes grands-parents possédaient, je préférais sans aucun doute Le prisonnier du Bouddha. Je ne suis pas collectionneur, je ne connais pas tout Spirou, mais Le prisonnier du Bouddha, je le connais par coeur. Mais, en y repensant, j’aimais aussi beaucoup Les voleurs du Marsupilami, avec le match de foot, le cirque, cette scène où Spirou et Fantasio dansent.

 

 

Spirou - Franquin - Les Voleurs du Marsupilami

 

© Dupuis, Franquin

 

 

C’est Franquin, votre référence?

Bien sûr, je l’admire. Après, je trouve qu’on le déifie un peu de trop. Le côté « dieu vivant », très peu pour moi, ça ma saoule et je trouve ça injuste pour des Peyo, Roba, Jidéhem, Tillieux. Bref, tous ces gens qui, à l’époque, étaient investis dans Le journal de Spirou. Je sais que c’était un type adorable, tous les gens qui l’ont rencontré me le disent. Mais je trouve too much ce qu’on en fait pour le moment.

Mon préféré de l’époque, c’est Peyo, pour sa narrativité, sa capacité à raconter parfaitement une histoire. Puis, Franquin est pour moi une très mauvaise source d’inspiration. Il était tellement génial que, quand on cherche à lui prendre quelque chose, ça reste du Franquin! Je préfère m’inspirer d’Hergé. Il a trouvé des styles qu’on peut prendre, qu’on peut « voler ». D’ailleurs, il a fait école, on reconnaît des styles personnels qui découlent de ce que faisait Hergé. Avec Franquin, c’est beaucoup plus compliqué!

Quel auteur préférez-vous, alors, pour Spirou?

Je regrette que Giraud n’aie jamais dessiné Spirou. Je l’admirais, c’était un dessinateur réaliste fabuleux mais il était également très bon en humour. Malheureusement, je trouve qu’il n’a pas fait assez d’humoristique.

Spirou, finalement, vous disiez qu’il n’est pas si facile à aborder!

Non, en effet. Avec Le Royaume, j’ai un public familial, généralement féminin. Les albums rentrent dans la famille, chacun le lit à tour de rôle et puis, un enfant le prend et dit: ça, c’est à moi. Généralement une fille.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Le royaume

 

Le Royaume sur l’affiche du dernier festival d’Anzin St Aubin (© Benoît Feroumont)

 

 

Avec Spirou, pour le coup, j’ai des collectionneurs rabiques qui adorent Spirou et collectionnent tout Spirou. Ils sont parfois très exigeants avec leurs demandes. Mais tant mieux, c’est un tout autre public. Finalement, ce sont des gens assez curieux qui aiment ce nouveau Fantasio, des gens prêts à se laisser surprendre. J’ai fait de mon mieux, cela reste une proposition et je ne suis pas là pour révolutionner le monde.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - dedicace

 

© Benoît Feroumont

 

 

Et graphiquement?

Il y a eu énormément de travail. Ce boulot, c’est la quadrature du cercle. C’est un univers humoristique, semi-réaliste, mais il ne faut pas verser dans trop de réalisme sans non plus aller vers trop de cartoon, au risque de perdre ce sentiment de réalité. Il faut être soi-même tout en étant au service de quelque chose qui nous dépasse. C’est comme la radio, il faut chercher un moment, de fréquence en fréquence, pour trouver la plus juste, celle qui donnera le meilleur son. Avec le risque que, à un moment où on est en train de s’emballer, le son redevienne mauvais. C’est parfois un peu difficile, j’ai eu du mal, mais bon gré mal gré, j’y suis arrivé.

Fantasio était facile à dessiner, Spirou et Seccotine moins. Je ne me suis pas inquiété de savoir si Seccotine ressemblait, je voulais la faire comme j’en avais envie. Spirou, par contre, n’a pas beaucoup d’aspérités sur son visage. Un oeil mal placé et il devient laid. C’est un personnage assez difficile à tenir en main.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Rercherches_design_Fantasio

© Benoît Feroumont

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Rercherches_design_Seccotine

© Benoît Feroumont

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Rercherches_design_Spirou

 

© Benoît Feroumont

 

 

Cela vous a pris du temps, il y a eu des moments de doute?

En fait, c’était très amusant mais ça représentait une masse de travail énorme. Je suis passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. J’ai commencé sur papier, j’ai cherché. Je me suis demandé ce que je faisais dans cette galère. Posez la question au dessinateur actuel de Spirou, Yoann, il vous répondra comme moi: on programme un mois de travail sur telle séquence, au final ça en prend deux sans avoir la possibilité de comprendre pourquoi! C’est très bizarre.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - fin album

 

© Benoît Feroumont

 

 

J’ai cravaché avec plaisir et difficultés mais j’ai été soutenu par quelques artistes que je remercie dans mon ouvrage qui ont été des impulsions à certains moments. Les frères Malandrin, Sarah Marchand, la chanteuse de jazz Lisa Rosillo, la comédienne et metteuse en scène Geneviève Damas.

À la fin, Champignac apparaît en détresse et aux prises avec une espèce d’Octopus et des yeux bizarres. Clin d’oeil ou l’aventure continue et c’est reparti pour un tour?

Je me suis fait un petit plaisir. Je sais que la fin relance une aventure et que le lecteur peut être frustré de se demander ce qu’il se passe sans avoir la réponse. Mais allez, Champignac, je devais quand même le dessiner dans une case! Et ça colle plutôt bien avec le fait que je voulais démontrer que Spirou était désormais convaincu que Seccotine était une bonne partenaire. Je me suis dit que Fantasio pouvait encore rester un peu de temps dans son marasme amoureux pour laisser les deux autres relancer l’aventure.

 

 

Spirou - Fantasio se marie - Benoit Feroumont - Seccotine

 

© Benoît Feroumont

 

 

Quels sont vos projets du coup? Du cinéma, non? (NDLR: on vous a mis les précédents films de Benoît en fin d’articles, bande de petits chanceux)

Oui, je vais faire un court-métrage qui me tiendra en haleine jusque novembre. Puis un Royaume. Après quoi, je vais revenir à un album érotico-comique-social. Enfin, je ne sais pas trop comment définir ça. Mais c’est la formule que j’ai découverte avec Gisèle et Béatrice. Des histoires d’amour érotiques, où les gens s’embrassent et font l’amour mais avec une dose de social et, surtout, d’humour.

On vous fait confiance! Un tout grand merci Benoît! On peut donc vous retrouver sur Facebook (avec la page Le Royaume) mais aussi sur votre blog où il vous arrive de vous mettre en scène dans des petites histoires inspirées de la vie réelle. Puis, pour un peu plus d’érotisme, il y a votre compte Instagram et la page Facebook Gracy Gimp. Et, enfin, vous serez en dédicaces ce 21 juin à 18h à la librairie Filigranes.

 

Propos receuillis par Alexis Seny



Publié le 22/06/2016.


Source : Bd-best

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