C'est une formidable trilogie de guerre que nous propose Casterman par l'entremise de Delbosco, Duhand et Brune. Les auteurs ont en effet repêché une histoire vraie mais néanmoins hallucinante de la Première Guerre Mondiale. Une histoire au déroulement invraisemblable et comme il n'en a court qu'en temps de Guerre, quand tout est joué et qu'il faut tenter l'impossible. Les Poilus d'Alaska, c'est ça, doublé d'un duel emblématique entre deux frères d'arme devenus ennemis. 

"On interdit à Moufflot de se battre, alors Moufflot contre-attaque." Ah qu'il l'a mauvaise, ce vétéran de guerre qu'est le capitaine Moufflot. Abandonné, laissé pour mort en territoire hostile et hivernal, aux portes de Saint-Dié. La nouvelle de cette perte inestimable pour l'armée française, en cet hiver 1914, se chuchote laissant la "veuve" en pleurs. Et l'ancien compagnon de promo, le commissaire Melun, tenu éloigné des champs de bataille, de se frotter les mains. Il va pouvoir renouer avec son premier amour, la jeune veuve Moufflot, et tenter son quart d'heure de gloire en trouvant une solution d'urgence pour pallier à un immense ennemi: pas les Allemands, mais bien un autre plus insidieux, petit et blanc, la neige. Cette satanée neige qui fausse les plans et empêche le déploiement des canons 75 rapides de l'Armée française, ainsi que le ravitaillement des troupes. Mais Melun a la solution, donnée en pots-de-vin et en chantage par un entrepreneur sans vergogne créant des véhicules équipés neige. La candidature bien appuyée par Melun risque bien de passer comme du petit lait.

Mais, c'est sans compter un revenant, un acharné sorti d'Outre-Tombe, le Capitaine Moufflot en personne. Mis à pied pour des raisons de santé, le héros de guerre assoiffé et nourri de patriotisme ne compte pas en rester là. La meilleure solution, c'est lui qui l'a, il en est sûr, et elle se trouve au pays du blizzard et de la neige intemporelle, là où se trouve de véritables héros à quatre pattes capables de tous les exploits: les chiens polaire d'Alaska. L'Alaska, Moufflot la connaît bien, il y a tenté la grande aventure de la ruée de l'Or. Et dans ce territoire consumé par la quête de l'or, les souvenirs reparaissent, avec leur lot de vieilles rancœurs. Et tandis que Louis Moufflot travaille d'arrache-pied pour rendre son projet un rien crédible, sa femme se rapproche dangereusement de Melun, quitte à réveiller un passé désagréable.

Avec deux albums parus, Les Poilus d'Alaska n'a cessé d'être intéressant, page après page. Par un réalisme historique et guerrier contrebalancé par un humour, des personnages bien campés et attachants ainsi qu'une véritable toile d'araignée entrecroisant faits d'armes et des vies profondément dérangées par l'arrivée de la guerre. Sur le fond, l'histoire est incroyable, unique en son genre, et bien loin des images de la guerre contemporaine, à l'époque d'une bravoure presque révolue.

Sur la forme, les scénaristes et documentaristes Michael Delbosco et Daniel Duhand (ils avaient participé au documentaire Nom de code: Poilus d'Alaska) et le dessinateur Félix Brune imposent un style et s'amusent entre séquences désopilantes (celles où intervient le général tyrannique comme on les aime, par exemple), dialogues savoureux et une vision personnelle et salvatrice de l'horreur de la guerre, ne fût-ce que par les tensions et les cauchemars qu'elle nourrit. Avec un formidable travail sur les ambiances accrochées aux différents lieux visités. Voilà de l'aventure, de la vraie, inspirante et courageuse, classée secret défense et remise au goût du jour avec talent. On se réjouit de découvrir le final de cette trilogie plus que sympathique et diablement bien conçue.

 

Titre: Les Poilus d'Alaska 

Tome: 2 - Melun, Printemps 1915

Scénario: Michael Delbosco & Daniel Duhand

Dessin: Félix Brune

Couleurs: Albertine Ralenti

Genre: Aventure, Guerre, Historique

Éditeur: Casterman

Nbre de pages: 54 planches + aperçu du tome 3 et dossier documentaire de 6 pages

Prix: 13,5€

Date de sortie: 13 mai 2015

Site: www.poilusdalaska.com

Premier tome toujours disponible

 

Par Alexis Seny 

Publié le 01/09/2015.