Cela fait déjà un bon paquet d’années que la photographie et la BD sont liées, tant ces deux arts peuvent en dire long l’un sur l’autre. Tout le monde a en mémoire Le photographe d’Emmanuel Guibert, Didier Lefèvre et Frédéric Lemercier. Mais plus récemment, le processus s’est intensifié, par une collection comme Magnum Photo, notamment. Mais les autres éditeurs ne sont pas en reste. Cette fois, la Boîte à Bulles nous emmène au Pays des Purs, le Pakistan, dans les traces de la photographe tout risque Sarah Caron, croquée par Hubert Maury alors que l’esprit de Benazir Bhutto, vivante ou morte, est partout.
© Hubert Maury chez La Boîte à Bulles
Résumé de l’éditeur : Le 27 décembre 2007, la ville de Rawalpindi, au Pakistan, est la proie de violentes émeutes, suite à l’assassinat de Benazir Bhutto, principale opposante au régime en place. Dans la foule, Sarah Caron, photographe française, saisit avec son appareil les moindres détails de la scène. Mais très vite, la jeune femme est repérée et se retrouve poursuivie, craignant pour sa vie.
© Hubert Maury chez La Boîte à Bulles
Quand on est photographe française free-lance et adepte des grands-reportages, c’est peu de dire qu’on est soumis au courant d’air imprévisible d’une actualité qui peut changer de direction à tout moment. Et quand le vent souffle vers vous, il vous faut opérer très vite quitte à négliger votre propre sécurité. Le feu de l’action, le feu de l’instant.
© Hubert Maury chez La Boîte à Bulles
Début novembre 2007, Sarah Caron profite d’un moment de tranquillité, dans le jardin de son hôtel de Katmandou. Un moment de battement, de « blues », qui ne durera pas elle le sait. Pourtant, après avoir suivi à la semelle et pendant des semaines les guerriers népalais de l’armée britannique, les Gurkhas, Sarah ne sait vers quelles aventures demain l’emportera. Demain ou… le plus tôt possible, à la quête de l’événement qui aura besoin de son regard photographique, de son déclic. Et cet événement ne se fait pas attendre. Le lendemain, l’état d’urgence est déclaré au Pakistan et Musharraf devient titulaire des pleins pouvoirs. Et forcément l’opposition ne se fait pas attendre, notamment par la voix de Benazir Bhutto, une icône en devenir aux initiales BB.
© Hubert Maury chez La Boîte à Bulles
Réactive, l’info titille la photographe et fait vite son chemin : le Pakistan sera la nouvelle destination de la Française qui se retrouve à l’aéroport sans ses bagages (ça arrive à tout le monde) sauf le plus important, le matos photo. Pas le temps de s’apitoyer, la ville gronde et Sarah est tout de suite dans le bain avec comme mission de pouvoir s’entretenir avec Benazir et de lui tirer le portrait… jusque dans la prison dorée (y’a même du homard ! ) au Musharraf l’a assignée.
© Hubert Maury
Le pays des purs, qui est en réalité emprunté au surnom donné au Pakistan, c’est une Aventure avec un grand A qui se déroule sur seulement quelques semaines, tâtant des extrêmes, entre l’intelligentsia et les Talibans, entre la face publique de Benazir Bhutto et ses aspérités guère reluisantes de femme de pouvoir autrefois corrompue. Il ne faut pas se fier les apparences, encore moins derrière un appareil photo. Le cliché doit être représentatif mais aussi juste et sincère par rapport à la réalité qu’il représente, qui se joue parfois entre le noir et le blanc, dans le gris. D’ailleurs, Hubert Maury (étonnante reconversion pour ce dessinateur qui, dans une première vie, a eu une fructueuse carrière militaire et diplomatique) fait usage de noir et de blanc, deux couleurs qui prennent l’ascendant dans le tumulte de l’attentat qui coûta la vie à Benazir et engendra une grosse frayeur à Sarah, « l’étrangère » pourchassée par une meute hostile. Mais au-delà de cette dichotomie anti-chromatique, Clémentine Louette va aussi chercher des teintes « sable » pour donner du relief à ce qu’il relate et y mettre de l’authenticité, comme sur ces documents un peu jaunis mais révélant une mine de trésor.
© Hubert Maury
Quelque part entre Chaland et la spécialiste du biopic Catel, Hubert Maury réussit là un premier roman graphique qui réussit à trouver un peu d’humour dans les faits dramatique et n’a pas grand-chose à envier à la force de conviction d’un Guy Delisle. Il incarne les choses. Et même dans les moments de relâche, la tension vient toujours récupérer sa part. Et si cette histoire date d’il y a dix ans, par leur intensité mais aussi leur recul, leur science du terrain, la photographe et le dessinateur prouvent que rien de ce qu’ils racontent ne s’est démodé et que des Benazir et des situations de quasi-guerre civile, il y en a eu tant d’autres depuis.
Alexis Seny
Titre : Le pays des purs
Récit complet
D’après l’histoire de Sarah Caron
Adaptation et dessin : Hubert Maury
Bichromie : Clémentine Louette
Genre : Autobiographique, Guerre, Histoire, BD Reportage
Éditeur : La boîte à bulles
Collection : Contre-Coeur
Nbre de pages : 176 (+ 16 pages de dossier photos)
Prix : 25€
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