Entretien avec Stéphane LOUIS (Escobar)
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Entretien avec Stéphane LOUIS (Escobar)

“Le dessin n'est pas un choix, c'est mon rêve de gosse”

Tessa agent intergalactique, Kookaburra Universe, 42 agents intergalactiques, Khaal chroniques d'un empereur galactique, Sept clones... C'était, jusqu'il y a peu, dans les coursives de vaisseaux spatiaux ou sur des planètes aussi hostiles que méconnues que l'on croisait (Stéphane) Louis en tant qu'auteur complet, scénariste ou dessinateur. Avec l'Esprit de la Forêt et l'Esprit de la Cité, les deux tomes qui composent le diptyque des aventures d'Escobar (le Lombard) et pour lesquels il signe dessin et scénario -Véra Daviet, son épouse, assurant les couleurs- Stéphane Louis a entamé un retour sur terre qui n'a en rien nui à son sens du spectaculaire. On a profité de cette escale terrestre (mais extra) pour lui poser quelques questions.



 

 

-Bonjour Louis, on vous connaissait essentiellement dans la science-fiction, qu'est-ce qui vous a amené à "Escobar" et à son univers ?


Bonjour. Et bien oui, je n'avais, jusque là, dessiné que de la SF. C'est, il est vrai, mon univers de prédiléction. Mais j'ai grandis avec le goût des civilisations perdues, et celle des Mayas en particulier. Ces vieux temples, c'est fascinant. Indiana Jones, Tomb Raider, et bien sûr, le dessin animé "les mystérieuses cités d'or" n'y sont pas étrangers non plus.

- Choisir le nom d'Escobar -qui fut un baron de la drogue colombien- pour votre héros, qui fait face aux narcos, entre autres, n'était-ce pas un risque ?


Si. Un gros. Si je devais refaire ce choix, je pense que je le ferais à nouveau, même si j'aurais plus facilement conscience du côté casse-gueule. Mais c'est un prénom que je trouve très beau.

- Le choix d'un univers et de périodes historiques précises a-t-il entraîné des contraintes différentes par rapport à vos autres séries ?


Non, parce qu'en même temps, je me suis laissé porté par mes envies, et donc, rien n'a été un fardeau à porter.

- Vous nous offrez des albums "à grand spectacle" grâce à votre dessin : angles, perspectives, cadrages, attitudes des personnages...  Est-ce votre manière "naturelle" de dessiner ou une véritable recherche d'en mettre "plein la vue" au lecteur ?


Houlà, merci beaucoup pour le compliment. Et bien, pour répondre à votre question double, je dirais: les deux! En effet, je dessine naturellement comme cela, parce que j'aime les divertissements à grand spectacle. Quel qu'en soit le support. Cinéma, livres, BDs, et jeux vidéos. Alors comme je suis aussi le premier spectateur de mes créations... Autant me donner le plus de frissons possible ! Et c'est aussi vrai que je construis mes histoires comme des films, parce que je pense mes scènes en séquences de mouvements, et pas simplement en cases. Mes influences cinématographiques sont très fortes, ca doit être pour cela que ça se ressent dans mon travail, je pense. J'ai toujours été fasciné par les auteurs de BD qui arrivaient à donner une impression de vitesse, de mouvement, dans leur travail. Comme Otomo, sur Akira, ou, bien sûr, Olivier Vatine.

 

 

 

 

- Pour moi, les Che-e sont les véritables vedettes de l'Esprit de la Cité, vous les rendez formidablement vivants, comment les avez-vous créés ? Vous êtes-vous inspiré d'animaux existant ?


A la base, il y a bien sûr le Jaguar, qui est un des animaux emblématiques de la culture Maya, mais je voulais quelque chose de plus "large" que la seule culture maya. J'ai donc opté pour des "lycanthropes". En fait, si j'avais pu continuer la série, on aurait vite compris que Gardiens et Incarnés étaient là depuis bien bien longtemps, et étaient respectivement la source de nombres de légendes. principalement celle des garous, pour les gardiens, et celle des vampires, pour les incarnés. Mais là aussi, je voulais que l'on en arrive à cette déduction, in fine. On ne part pas du loup-garou, ni du vampire, mais qu'on puisse se dire : mince ! alors, dans cet univers là, ce sont les gardiens et les incarnés qui ont dû donner naissance à ces légendes !? Vous voyez?

- Près des remerciements, vous rappelez le message "écologique" d'Escobar. S'agit-il d'une véritable préoccupation pour vous ?


Tout à fait. Une obsession, même. Et pourtant, je m'inclus dans les destinataires du message, car je ne donne pas de leçons à d'autres qu'à moi même. C'est plus un pense bête pour moi qui ai tendance à surconsommer, et à beaucoup gaspiller. J'aimerais être le gardien, mais l'incarné est bien présent en moi.

- Vous précisez que la légende des Gardiens et des Incarnés est totalement imaginaire... Or certains lecteurs semblent y avoir cru...


Ca, c'est le plus beau des compliments! En effet, j'ai eu pas mal de questions sur le sujet. Ou trouver les livres qui en parlaient, etc. Des gens qui s'étonnaient de ne pas voir d'infos sur les gardiens et les incarnés sur Google. Alors, je ne suis pas Dan Brown. Je n'ai pas eu envie de faire une fausse "vraie légende". C'est une fausse légende, créée de toutes pièces, et il n'y a pas à s'inventer des recherches dessus; Ha ha ha. Mais qui sait, malgré ce que je dis, peut être que dans quelques temps, certains prendront cette légende pour argent comptant. Les légendes et les mythes sont souvent nés d'histoires de conteurs...

- A côté de la lutte entre Escobar et Rosario, entre Gardiens et Incarnés, il y a une belle série de personnages secondaires qui apportent au récit une bonne dose d'humour...et de séduisantes rondeurs quand il s'agit de personnages féminins...


Oui, c'est important aussi. Ce sont les seconds couteaux qui donnent de la vie, et de l'épaisseur au héros. En s'y opposant, ou en s'en rapprochant. C'est un bon moyen de montrer qui il est, ce qu'il est. Au même titre qu'il faut un méchant charismatique, les personnages secondaires sont les éléments auquel le héros se frotte, et se confronte. Faites-les sans relief, et le héros n'en sera que plus fade. J'aime bien aussi la notion que les seuls héros n'aient pas la vedette. Tout un chacun est le héros de sa propre vie. Tout le monde a son aventure à mener, et son moment de gloire et de bravoure. Si vous regardez ces personnages secondaires, tous, à un moment donné, sauvent les autres. Täk, Ehawee, Carmen, Hijo, et même Pépé...

 

 

 

- Pour Escobar, vous signez dessin et scénario. Pour d'autres séries vous êtes dessinateur ou scénariste. S'agit-il d'un choix ? Qu'est-ce qui vous conduit à choisir tel ou tel aspect du métier ?


Le dessin n'est pas un choix, c'est mon rêve de gosse. C'est plus un besoin, une nécéssité, une évidence, pour moi. Le scénario, c'est une envie de longue date, presqu'aussi vieille que le dessin, mais larvée. Je ne savais pas si j'en serais capable. Au bout de trois "Tessa", j'ai eu envie d'essayer, et avec l'accord de Nicolas Mitric, j'ai fait "42" tome1. Et puis, ensuite, le fait de scénariser pour quelqu'un d'autre est venu par pur hasard, avec Arnaud Boudoiron, qui se retrouvait orhelin de scénariste pour son tome 2 de sa série Husk. Et depuis, j'aime les deux casquettes pour des raisons différentes, mais je m'éclate dans les deux. Le dessin aura toujours ma préférence, bien sûr, mais le scénar est presque à égalité aujourd'hui.

- Vous évoquez l'écologie avec Escobar, vous avez signé le scénario de "7 clones", à mon sens un véritable défi et un modèle d'originalité. Là aussi, le clonage est une problématique qui revient régulièrement dans l'actualité...


Merci! Que dire de Sept si ce n'est que déjà, je remercie David Chauvel et Thierry Mornet pour m'avoir donné cette chance, et Stéphane de Caneva, et Serial Color pour l'avoir mis en images. Sept Clones, donc... En fait, soyons francs, ici, le "problème" du clonage n'était pas ma préocupation première. Non. Une autre de mes obsessions est la conscience. La personnalité. Qui sommes-nous? qu'est-ce qui nous définit? Notre corps, notre conscience, notre éducation, notre culture, etc etc... A quel moment pouvons-nous nous dire : je suis, j'existe. C'était déjà cela dans Husk tome 2. Alors ici, les sept clones fonctionnent comme un seul corps, non physique. Et bien que clonés, ce qui les différencie, c'est leur vécu, leur apprentissage, et tout ce qu'ils sont devenus, au delà de leur patrimoine génétique commun. Ce sont de vrais personnages différents les uns des autres, alors qu'ils auraient dû être, selon leurs concepteurs, de simples répliques les uns des autres. Je pourrais parler de cela pendant des heures. Sept clones est mon scénar le plus en "mille feuilles". Je l'ai construit par couches, par strates de compréhension, pour que les lecteurs puissent y revenir, et y voir d'autres aspects. Du plus basique, à savoir la grande aventure de SF, au plus intime, le soi, la conscience, l'âme. C'est un peu un test d'histoire métaphysique, initiatique, vous voyez? J'ai peur ici de refroidir ceux qui ne l'auraient pas encore lu! ha ha ha...

- Vous êtes un auteur prolifique, votre épouse est votre (serial) coloriste... Vous parvenez à penser, parler et vivre autre chose que "BD" à la maison ?

Question indiscrète mon ami! Ha ha ha je plaisante ! Oui, encore heureux! En fait, bien sûr, cela occupe beaucoup de temps dans notre journée, mais nous cloisonnons. La journée de travail est suivie d'une période ou chacun vaque à ses occupations, et ensuite, c'est la période de vie de couple, où on décompresse.

 

 

 

 

- Escobar a initialement été présenté comme un diptyque, or la fin de l'Esprit de la Cité a des allures de nouveau départ et on sent que vous n'avez pas exploré complètement cet univers...  Peut-on espérer une suite ?


Comme je vous l'ai dit, j'ai construit un univers global, où je voyais beaucoup de choses pour la suite, même si il a toujours été question d'un diptyque, avec une fin ouverte. J'ai deux autres diptyques de prêts, mais il y a peu de chances qu'ils voient le jour, car l'étiquette "dessinateur de SF, et à minette", doit être pour le moment trop bien collée à ma peau. Peu importe, les critiques ont été très bonnes, et l'accueil de ceux qui l'ont lu aussi, même si ils n'ont pas été assez nombreux. Malheureusement...

 

 

 

 

Une page inédite de "Miss Deeplane"

 

- Avez-vous d'autres projets ? Lesquels ?


Oui, beaucoup, beaucoup de projets! Déjà, de finir "Tessa, agent intergalactique", avec le tome 7. Ainsi se refermera une superbe aventure avec mes comparses et amis, Nicolas Mitric et Sébastien Lamirand. Mais ensuite, nous devons encore, au moins faire un album ensemble, qui sera, si le Dieu Soleil le veut: Kookaburra tome 8. Le dernier de la série mère. Didier Crisse à avalisé le projet. En effet, Nicolas est très absorbé par sa nouvelle série (que je recommande chaudement) "Ultime Voyage en Alchimie", aux éditions Glénat. Mais ce n'est pas tout. Je finis aussi au tome 2, au scénar, "Khaal, Chroniques d'un Empereur Galactique", dessién et mis en couleurs par le phénoménal Valentin Sécher. Deux tomes, au lieu de trois, mais l'option était prévue de longue date, au cas où... Et donc, ce n'est pas une fin raccourcie, mais une fin propre, et ouverte. Un vrai diptyque, quoi. Je dois également terminer "42" aux éditions Clair de Lune, avec Julien Motteler aux dessins. J'ai commencé un autre diptyque, dans la collection "1800", de Jean Luc Istin, déssinée par Thomas Verguet et Bastien Orenge, qui ont fait "Magellan", pour Glénat. Il sera mis en couleurs par Serial Color. Le sujet est savoureux, et proposé par Guy Delcourt : Edgar Allan Poe. Attendez-vous à du sombre, du glauque, et du dérangeant... Je ferai aussi, au Lombard, un diptyque aux dessins, scénario d'Olivier Péru. Je suis en train de monter plusieurs projets, comme scénariste, non signés, mais l'actu la plus brûlante, pour moi est ma prochaine série, qui sera l'après-Tessa.  Le retour de mon premier personnage publié, en presse, dont j'ai acquis les droits complets, et pour qui j'ai fait une aventure sur mesure: "Miss Deeplane". Ce sera aux éditions Clair de Lune. De la grande aventure contemporaine, mais fantastique, Comics, et comique. Mais pas que, vous vous en doutez, maintenant que vous savez qu'il vous souvent lire entre les lignes, avec moi, hé hé hé...!


Propos recueillis par Pierre Burssens

 

 

 

Images © Louis-Le Lombard 2012

Photo © J J Procureur 2012

Interview © Burssens-Graphivore 2012





Publié le 07/11/2012.


Source : Graphivore

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