L'indivision sort ce jeudi chez Futuropolis. Écrit par Zidrou (tenez-vous bien, on en parlera encore et encore avant la fin de septembre) et dessiné par Benoît Springer, cette nouvelle collaboration nous emmène entre un frère et sa sœur qui se déchirent mais s'aiment aussi, dans le sens brutal, celui d'une relation honnie, contre-nature,... incestueuse. Choc et nécessaire. 

"Dans le mot Je t'aime, Tandem, Autant de M, parfois ça brille comme un diadème". Les mots de Vanessa descendent la falaise quasi déserte. Deux amoureux se retrouvent. Ou peut-être est-ce un frère et une sœur? Qu'importe, ils se retrouvent, ils s'embrassent, s’enlacent. Puis se rejettent, s'expulsent, avec violence, à deux pas du vide, à quelques mètres du fracas des vagues sur les rochers tranchants. Dans les flots, le flou.

Ça fait des années que cela dure, et malgré l'exil de Martin, et la fondation d'une famille pour Virginie, rien n'a changé. Le frère, éternel célibataire, et la sœur, mère rangée, se vouent toujours un amour fascinant, aussi étrange qu'indomptable. Avec des hauts et des bas, des remous de souffrances inassouvies. D'anniversaires en réunions de famille, les tentations sont les mêmes, y résister, au craquer, sur tel lit, dans l'abri de jardin alors que le compagnon trompé ne s'imagine pas la concurrence d'un amant aussi... familier.

Virginie mène sa barque tant bien que mal, vétérinaire enthousiaste et volontaire; tandis que Martin, quand sa compagnie maritime ne l'emmène pas à des milles et des milles, s'enferme entre ses quatre murs, ne trouve le réconfort chez aucune autre femme, envahi d'un désespoir insidieux. Et alors que l'espace se craquelle, que les déchirements redoublent autour de l'avenir de cette vieille et grande bicoque, héritage d'un père disparu, il faudra bien que de gré ou de force, intervienne l'indivision.

De cette si luxuriante première case, dans une des extrémités du Pas-de-Calais, du haut de cette fantastique falaise, rien ne laisse présager des tourments et de l'histoire remuante que ce one-shot va nous amener. Pourtant, tout est dans le titre, l'Indivision, et quand on veut la séparer celle-là, mieux vaut se lever tôt et mettre ses œillères pour ne pas voir le drame arriver. Et il a sans doute fallu un peu de courage aux deux téméraires complices pour se lancer dans cette aventure qu'il faut bien cadrer et encore mieux traiter. Pour ne pas prêter le flanc aux critiques de sortie dans pareil dossier peu courant et - il faut bien l'avouer - "tabou" pour d'aucuns. Enfin, "tabou", tout peut être dit, mais avec la manière.

Et, incontestablement, dans la plume de Zidrou, la manière y est, avec tact et ce qu'il faut de profondeur. Le dessin de Benoît Springer n'est pas en reste, proposant ce qu'il faut d'amour pour ses personnages tourmentés mais n'hésitant pas le cru de certaines scènes et cadrages pour mieux mettre le lecteur en position de voyeur. Du voyeurisme loin d'être gratuit et décomplexant, mais permettant mieux de comprendre cette position d'adultère et incestueuse sans la juger mais sans non plus en faire l'apologie. Juste en témoins d'une relation qui aurait pu être comme les autres mais dont le destin a forgé dans l’innommable social. C'est osé, mais ça touche au cœur, ça met mal à l'aise sans dégoûter. L'indivision déchire autant qu'elle soulage, elle ouvre des portes, le débat aussi. Prenant autant que brillant.

PS: Notons que, si nous reparlerons de Zidrou avec une rentrée dense pour l'auteur de Ducobu, nous risquons bien aussi de reparler bientôt de Benoît Springer dont un futur projet, L'ivresse, vient de trouver son financement sur Ulule. Bravo à lui.

 

Titre: L'indivision

Scénariste: Zidrou

Dessinateur: Benoît Springer (également sur son site www.benoitspringer.com)

Couleurs: Séverine Lambour

One Shot

Genre: Drame

Éditeur: Futuropolis

Nbre de page: 64

Prix: 15€

Date de sortie: le 20/08/2015

 

Par Alexis Seny

 

Publié le 01/09/2015.