Munuera s’en prend à Zorglub, un méchant qui ne l’est pas vraiment et ne se rend pas compte de la frontière entre le bien et le mal
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Munuera s’en prend à Zorglub, un méchant qui ne l’est pas vraiment et ne se rend pas compte de la frontière entre le bien et le mal

Ils ne sont plus rares les méchants réhabilités en héros que ce soit au cinéma, en BD, et j’en passe. Le tour est venu pour le plus grand TNAHCÉM que la Terre ait connu de montrer un peu plus son vrai visage de… père. Éh oui, au-delà de son emploi de tyran à temps-plein, Zorglub a une vie de famille et une fille volcanique et speedée (normal, elle a du sang espagnol) : Zandra. Presque dix ans après l’arrêt de son Spirou (avec Morvan), Jose Luis Munuera revient de plein fouet dans l’univers (parallèle) du groom avec plein de bonnes idées et un vrai microcosme foisonnant pour faire évoluer Zorglub et ses créations. Qui a dit que les spin-off étaient vains ? Certainement pas ce sympathique et créatif Espagnol. 


Bonjour José Luis, vous nous revenez dans l’univers de Spirou par une porte dérobée en prêtant vie à Zorglub dans une série à part entière.

 

 

 

 

Oui, c’est projet que j’ai proposé à Dupuis. C’est un personnage tellement fascinant et contradictoire, tellement humain aussi tout en cherchant à être une vedette. L’éditeur a trouvé ça génial, j’étais parvenu à trouver un système où Zorglub et son environnement fonctionnaient.

Un système dans lequel Zorglub a une fille, Zandra !

Oui, je me suis inspiré de ma relation avec ma fille. Elle est plus grande que Zandra, elle part l’année prochaine. J’ai eu une sorte d’épiphanie, ça a pris tout seul, tout est venu et ne m’a pas lâché, comme un petit chien qui s’accroche à vos jambes.

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Il en avait déjà une dans la série animée.

On m’en a fait part mais je ne l’ai pas vue, j’avoue un manque de culture à ce niveau-là. Mais il m’importait de faire quelque chose qui soit à moi, d’y mettre ma touche.

Zorglub, un personnage qui vous fascine ?

C’est peut-être le plus intéressant du répertoire fourni de Spirou. Par sa nature, c’est un méchant qui ne l’est pas vraiment. Il essaie d’être reconnu pour ce qu’il fait mais il ne se rend pas compte d’où est la frontière entre le bien et le mal. Il n’a pas de morale, il ne connaît pas la différence. Après, c’est une figure tout à fait théâtrale, délirante. J’ai connu Zorglub pour la première fois grâce à Franquin, j’en suis tombé instantanément amoureux. Aujourd’hui, je ne regrette pas cette aventure, je suis content de faire vivre Zorglub. En plus, j’ai 45 ans, soit l’âge de Zorglub, c’était le bon moment.

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Un moment où les héros sont parfois des… méchants : Gru de Moi, moche et méchant; Maléfique; Choc…

Il y a une telle offre au niveau de la télé, du cinéma, des comédies musicales ou des bandes dessinées, alors pourquoi se contenter de héros « clean »?

Zorglub est reconnaissable et il a plus d’une facette. Il m’importait de voir comment il allait réagir face à quelque chose qui le dépasserait. Il est mégalo mais aussi très métaphorique. Il véhicule une sorte d’image très visuelle de la création qui devient hors-de-contrôle. Dans ce premier tome, on n’est pas si loin de Pinocchio. Et on peut allègrement voir Fredorg, le majordome robotisé qui suit Zandra partout, comme une sorte de Jiminy Cricket.

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Justement Pinocchio, parlons-en !

C’est un de mes classiques. Il me parle par sa métaphore. Sur les créateurs mais aussi dans la sublimation de la paternité, dans ce fait d’être dans un entre-deux, devant un être qui est à nous et pas à nous, en même temps. C’est un sujet fascinant.

Vous détruisez Bruxelles, quand même. Vous ne l’aimez pas à ce point, cette ville ?

C’était avant tout une manière de montrer à quel point Zorglub peut être gaffeur. Il détruit un patrimoine inestimable, la Grand-Place par exemple, mais ce n’est pas sa volonté, il veut juste récupérer sa fugueuse de fille.

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Bruxelles, j’adore. C’est pour moi un parc à thèmes de la BD avec tous ces murs décorés, ces librairies et ce côté aussi festif que je le suis dans ma tête.

Après ce clin d’oeil, c’est vers d’autres latitudes que vous nous emmenez, dans une île exotique où se cache la base de Zorglub. Imprenable… quoique !

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

Afin de créer ce microcosme, je me suis documenté sur l’architecture, sur ce qu’on trouvait dans les années 70’s. Il y a aussi un côté de James Bond, la cave secrète du Docteur No. Cette partie-là fut très technique mais aussi cool à étudier. J’ai du faire un plan pour me représenter dans l’espace et que le lecteur puisse ce faire également. Il fallait que cette base englobe une résidence, un espace habitable mais aussi un véritable arsenal scientifique. J’ai voulu customiser les pièces et leur atmosphère afin qu’elles fassent écho à la personnalité des héros. La chambre de Zandra représentant l’adolescence, par exemple.

Et forcément des convoitises.

Oui avec un primo-méchant qui, au contraire de Zorglub, a fort bien conscience de ce qui est moral ou amoral. Il cherche Zorglub pour sa capacité destructrice.

 

 

 

 

© Munuera

 

Étonnamment, vous ouvrez votre album avec un dialogue de nos deux jeunes héros sur la folie des spin-off. « Pourquoi toujours exploiter les sujets du passé au lieu de produire des films avec des idées originales ??! Ils ne se gênent pas ! Tout ce qu’ils font, c’est réutiliser des personnages connus et aimés du public et les revendre sous un nouveau costume. C’est du recyclage, du marketing. » Pas forcément positif.

C’est un contrat de lecture passé avec le lecteur dès la première page. « Si tu veux venir, me suivre, on va bien rigoler ». Je voulais donner au lecteur la certitude qu’il n’allait pas être trompé. En sachant qu’il peut passer son chemin.

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Quels sont les spin-off auxquels vous avez le mieux goûté ?

Les plus réussis sont ceux qui trouvent un moteur, une ambition, une personnalité dans un univers pourtant pré-établi avec un angle, un point de vue. Le Choc de Desberg et Maltaite est superbe. Tout comme le Spiderman de Sam Raimi qui rebossait sérieusement la mythologie du super-héros. Dans son genre, le premier Iron Man de Jon Favrau était intéressant. Notamment grâce à Robert Downey Junior qui apportait la distance et un cynisme bienvenus.

Il y a aussi eu pas mal de one-shot autour d’un personnage que vous connaissez bien, Spirou !

J’ai beaucoup aimé ce qu’un Bravo ou un Feroumont en a fait. Mais, ce sont souvent les plus contestés. Peut-être parce qu’on y sent toute la personnalité de ces auteurs qui prennent le risque d’aller trop loin tout en faisant que cela soit intéressant pour le lecteur de voir jusqu’où ça peut aller. C’est plus pointu.

 

 

 

 

© Feroumont chez Dupuis

 

Certains les considèrent, comme votre Zorglub, comme une hérésie.

J’ai du respect pour les lecteurs-collectionneurs, ils font partie du monde de la BD. Certains croient tout comprendre. Et aujourd’hui, nous sommes dans un univers où chacun peut hyper-communiquer et dire ce qu’il veut. Dommage car en même temps, tout le monde n’est pas sur ces réseaux et sur les forums ou sur Facebook, ce sont toujours les 30-40 mêmes personnes.

 

 

 

 

© Morvan/Munuera/Sedyas dans le Journal de Spirou 3914 « 75 ans »

 

Mais entre nous, à l’époque où nous avons fait avec Jean-David Morvan et nos partis-pris, on a bien rigolé. Mais je pense néanmoins que je suis beaucoup plus mature aujourd’hui, ce qu’il faut pour s’attaquer à un Zorglub.

 

 

 

 

Step by step © Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Vous n’abandonnez pas Les Campbell pour autant.

Je vais refermer le cycle, l’histoire avec un cinquième album. J’ai envie de proposer une expérience de lecture qui en vaille la peine.

 

 

 

 

© Munuera

 

Après c’est fini ?

Un bon pirate ne ferme jamais la porte !

 

 

 

 

© Munuera

 

 

Par ailleurs, vous êtes désormais fidèle du Journal de Spirou. Zorglub n’y a bien sûr pas dérogé.

Oui, c’est déjà un plaisir de recevoir le journal, un des seuls qui existent encore. C’est aussi un honneur d’y être publié, c’est encourageant. D’autant plus qu’il y a un renouvellement, des jeunes et moins jeunes qui arrivent avec des propositions. Comme Imbattable de Pascal Jousselin. Je trouve Le journal de Spirou équilibré et qui vise assez justement une cible pourtant vaste.

 

 

 

 

© Munuera/Sedyas chez Dupuis

 

Et l’Espagne, d’où vous nous venez ?

C’est un tout petit marché, pointu mais créatif et très ouvert. Des talents sortent de partout, avec l’espoir de gagner leur vie alors que le monde de la BD est plus que dur. C’est vraiment un rêve entrepris par des passionnés, des fous, des crétins comme moi.

Après, sans la chance, rien n’est possible. Il faut être comme Forrest Gump, aux bons moments, aux bons endroits. Moi, dans les années 90, c’est ce qui m’est arrivé. De Grenade, je suis monté à Barcelone pour montrer mes travaux. Je me suis vite rendu compte que nous ne parlions pas la même langue (rires). Alors, tant qu’à faire, je n’avais rien à perdre à monter jusqu’en France et Angoulême.Et là, j’ai rencontré Joann Sfar. Lui qui était pétri de talent m’a suivi, j’en suis respectueux. Il y a eu des rencontres, des projets, j’étais open total. Je le suis encore. J’ai beau être dessinateur professionnel, je ne suis pas loin d’avoir huit ans dans ma tête.

 

 

 

 

Autoportrait © Munuera

 

Et justement quitte à être comme un gosse dans un magasin de jouets… Si, comme Zorglub, vous pouviez inventer une machine révolutionnaire, que choisiriez-vous ?

Une machine à dessiner avec un bouton pour éviter de suer !  Ça n’arrivera jamais… heureusement !

Merci beaucoup Jose Luis et au plaisir de découvrir la suite que vous réservez à ce personnage mythique du EMEIVUEN TRA !

 

Propos recueillis par Alexis Seny



Publié le 04/09/2017.


Source : Bd-best

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