Nouvelles relatives ŕ la bande-dessinée ou au graphisme
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Viens, viens, joie de vivre, joie de lire.  Ana Ana 17 - Va-t’en, va t’en, chagrin !

 

« - Ana Ana, dis-nous ce qui ne va pas !

-   Une petite fille de ma classe ne veut pas être amie avec moi. Pire : elle me déteste. Elle m’a donné un coup à la récréation.

-   Ce n’est pas grave. Tu auras d’autres amis. Et nous, tes doudous, nous sommes tes amis.

-   Si ! C’est grave. Laissez-moi dormir ! »

 

 

 

 

 

 

 

                Goupille et les autres doudous sont très inquiets. Ana Ana se morfond au fond de son lit. Elle est si triste que rien ne peut la consoler. Tout ça, c’est à cause d’une petite fille de sa classe avec qui elle voudrait jouer et qui, non seulement, ne veut pas être amie avec elle, et qui, en plus, l’a tapée à la récré. Ana Ana semble atteinte d’une maladie qui ne se voit pas et qui s’appelle le chagrin. Les doudous vont devoir tout mettre en œuvre pour lui changer les idées et trouver le « vaccin » contre ce vilain chagrin.

 

 

 

 

© Roques, Dormal - Dargaud

 

 

                D’après Anna Wierzbicka, le chagrin peut être une émotion, un sentiment, ou encore une sensation. Le chagrin est plus « intense » que la tristesse, car il implique un état à long terme. Le chagrin peut exprimer un degré de résignation et se dit être à mi-chemin entre la tristesse et la détresse. Si Goupille est si inquiet pour Ana Ana, c’est que l’état de la petite fille pourrait s’aggraver. Il ne faudrait pas qu’elle tombe dans la dépression.

 

 

 

 

© Roques, Dormal - Dargaud

 

 

                En ces temps difficiles de pandémie, cet album d’Ana Ana, le dix-septième déjà, tombe à pic. Enfermés chez eux, puis libérés mais privés de loisirs, les enfants, comme de nombreux adultes d’ailleurs, ont beaucoup de mal à appréhender cette nouvelle vie. Les interactions sociales réduites impliquent un repli sur soi-même et inévitablement une remise en question. Même si, dans ce petit album, il n’est pas question de coronavirus, on en descelle les traces. Si Ana Ana a du chagrin parce que sa camarade de classe ne veut pas être amie avec elle, ne serait-ce pas un virus qui l’empêche d’avoir des amis ?

 

 

 

 

© Roques, Dormal - Dargaud

 

 

                Au bout de chaque tunnel, il y a la lumière. Les doudous vont s’appliquer, grâce à l’art du théâtre, lui aussi bien malmené cette année, à pousser Ana Ana vers la sortie de ce tunnel. Et pour les lecteurs, petits et grands, au bout de chaque tunnel, il y a un album merveilleux d’Ana Ana de Dominique Roques et Alexis Dormal, les auteurs plus forts que des docteurs.

 

Vive vive Ana Ana !

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

 

 

 

Série : Ana Ana

 

Tome : 17 -  Va-t’en, va t’en, chagrin !

 

Genre : Petit bonheur poétique 

 

Scénario : Dominique Roques 

 

Dessins & Couleurs : Alexis Dormal 

 

Éditeur : Dargaud Jeunesse

 

Nombre de pages : 32 

 

Prix : 7,95 €

 

ISBN : 9782205085372

 



Publié le 14/03/2021.


Source : Bd-best


« Je préférerais pas. »  Bartleby, le scribe

 

«  - Monsieur, il y a un homme devant la porte !

-   Fais-le entrer, Ginger.

-   Un homme « étrange », Monsieur…

-   Bonjour, c’est la ville qui m’envoie.

-   Voilà enfin le renfort que j’ai demandé il y a une semaine !

-   Mes références, Monsieur.

-   Parfait, merci. »

 

 

 

 

 

 

 

L’homme qui vient de se présenter dans cette étude notariale de Wall Street s’appelle Bartleby. Poli, propre sur lui, le jeune homme est recruté pour copier des actes juridiques. Tout se passe très bien jusqu’au moment où le notaire décide de réunir ses employés pour procéder à une relecture des copies afin de s’assurer mot à mot de leur exactitude en les comparant aux orginaux. « Je préférerais ne pas le faire. » répond Bartleby. Va commencer entre le patron et son employé un bras de fer psychologique dans lequel le nouveau venu ne refuse jamais catégoriquement de se plier aux règles, mais préférerait ne pas le faire. Comment le notaire réagira-t-il ?

 

 

 

 

© Munuera - Dargaud

 

 

José-Luis Munuera adapte la nouvelle d’Herman Melville avec talent et émotion. C’est une histoire où il ne se passe rien. C’est une histoire où il ne se dit rien. Et pourtant… Et pourtant… Ce récit fascinant va au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. Il est des face-à-face mythiques en littérature comme au cinéma, que ce soit dans les plus grands westerns ou dans des thrillers tendus : Clarice Starling et Hannibal Lecter, Tom Ripley et Dickie Greenleaf. Celui-ci, entre Bartleby et le notaire narrateur, fait partie des plus grandioses. Au-delà du « combat » entre ces deux hommes, c’est toute la société, avec ses codes du travail, ses relations employeurs/employés qui est remise en cause.

 

 

 

 

© Munuera - Dargaud

 

 

Bartleby est un excellent copiste. Il pense, et il a raison, n’avoir rien à se reprocher dans son travail. Alors, que l’on puisse émettre l’idée qu’il ait éventuellement commis une ou autre erreur de copie à corriger, ça, il ne peut pas l’admettre. Pourquoi ? Est-ce un excès de certitude ou bien la crainte de voir son travail remis en question par une correction ? On ne le sait pas et on ne le saura pas. Bartleby est entrée en profession comme on entre en religion. Il est une fourmi qui est dans sa colonne et qui ne peut pas quitter la route sous peine de voir sa vie bouleversée. Au XIXème siècle, dans sa nouvelle, Herman Melville soulève un problème existentiel qui sera transcendé plus tard par des auteurs comme Eugène Ionesco.

 

 

 

 

© Munuera - Dargaud

 

 

On savait Munuera maître de personnages dynamiques et d’un découpage efficace. Ici, il met une claque à tout ce qu’il a produit avant. C’est presque inconcevable, mais graphiquement, Bartleby, le scribe est cent coudées au-dessus. Le travail des expressions, les décors New-Yorkais, les scènes de rue, c’est un Munuera 2.0 qui passe ici du rang de dessinateur à celui d’artiste. Si le pupitre de Bartleby est devant un mur, celui de l’auteur espagnol a devant lui un horizon prometteur.

 

 

 

 

© Munuera - Dargaud

 

On parle peu du travail d’éditeur. Saluons ici la maquette de Philippe Ghielmetti et Léa Ellinckhuÿsen qui proposent un bel objet. Une belle jaquette recouvre un livre à la couverture et au dos où seules des briques sont dessinées.

 

« Je préfèrerais ne pas le faire. » dit Bartleby. Un qui a eu raison de le faire, c’est bien José-Luis. Bartleby, le scribe est de ses histoires puissantes qui sont difficilement adaptables sous peine de trahir une œuvre intouchable. Munuera s’en sort avec brio en signant l’un des meilleurs albums de l’année. Un chef-d’œuvre.

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

 

 

 

 

One shot : Bartleby, le scribe 

 

Genre : Drame psychologique 

 

Scénario, Dessins & Couleurs : José-Luis Munuera 

 

D’après : Herman Melville 

 

Éditeur : Dargaud

 

Nombre de pages : 72 

 

Prix : 15,99 €

 

ISBN : 9782505086185

 



Publié le 07/03/2021.


Source : Bd-best


Un livre en souscription qui s’annonce passionnant. Le mystère Edgar P. Jacobs

Edgar P. Jacobs, le créateur de Blake et Mortimer est un des maîtres de la bande dessinée belge. Plutôt solitaire (on le surnommait l’Hermite du Bois des Pauvres, en référence au lieu où il habitait), peu de gens ont eu l’occasion de l’approcher. Il a travaillé avec Hergé sur certains albums de Tintin. Cet ouvrage unique permet, à travers de nombreuses photos inédites et documents, de découvrir sa vie et ses projets. C’est une biographie qui s’adresse aussi bien aux passionnés, aux collectionneurs ou à tout curieux de bande dessinée ou de dessin en général.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déjà financé à 75 %, le livre de Jean Knoertzer n’attend plus qu’un dernier coup de pouce pour voir le jour.

 

« Depuis des années, je collectionne les autographes et petits dessins des « grands » de la B.D., récoltés au cours de manifestations diverses : cocktails, expositions, Foire du Livre, etc.
Mon livre d’or était aux trois quarts remplis de beaux souvenirs. Je décide d’écrire à Edgar P. Jacobs, par l’intermédiaire du Lombard, pour lui dire mon admiration pour son œuvre, et lui demander un dessin et un autographe. Je ne doutais de rien ! Ceci se passe en septembre 1981.
Bonheur : le 5 octobre 1981, je reçois une gentille lettre du Bois des Pauvres. C’est déjà quelque chose !
J’ai un ami, Franco Biondi, qui est représentant aux Presses de Belgique, à l’époque. Il connait ma passion pour la B.D. qu’il partage un peu.

 

 

 

 


Le matin du jeudi 10 décembre 1981, il me téléphone pour m’inviter au cocktail donné par les éditions Gallimard, à l’auberge de Boondael à Bruxelles, pour la sortie du livre L’opéra de papier d’Edgar P. Jacobs. C’est une occasion inespérée de voir le maître.
On arrive vers 18 heures. Je suis au vestiaire quand Edgar P. Jacobs arrive. Il met son manteau au vestiaire, et me dit avec un beau sourire : Bonjour cher ami ! Comment vas-tu ? Je réponds gentiment, mais interloqué intérieurement. On ne s’est jamais vu !
Je saurai un peu plus tard dans la soirée, qu’il m’a pris pour un de ses amis, propriétaire du tennis voisin, barbu comme moi, d’où cette charmante confusion.

Franco Biondi me présente à Edgar P. Jacobs. Ce dernier admire une pièce d’or de 50 pesos mexicains que j’ai en pendentif et on parle de choses et d’autres.
On reçoit un cahier de presse avec quatre photos, grand format. Mon épouse va vers Edgar P. Jacobs et lui demande un autographe. Il signe à deux reprises, mais le Directeur de Gallimard fonce sur lui et lui recommande d’arrêter de signer, sinon, dit-il, c’est parti pour cent signatures. Edgar P. Jacobs remet son stylo en poche… mais je l’ai, moi, l’autographe ! Ce sera le seul de la soirée.
Une centaine d’invités sont présents. Tous les grands noms de la B. D. et de l’édition sont là. Des photographes de presse sont parmi la foule et mitraillent tout le monde.

En fin de soirée, je vais chercher dans ma voiture des calendriers publicitaires que j’ai fait imprimer à mon nom, avec le concours des Assurances LE MANS. Ils sont très beaux et représentent des ancêtres en voiture. J’en distribue aux dessinateurs, dont Edgar P. Jacobs, Franquin, entre-autre, l’apprécie beaucoup ! Edgar P. Jacobs garde bien le sien, heureusement et vous allez comprendre pourquoi.
La soirée est très sympathique et s’achève dans la bonne humeur. Sauf au vestiaire, où une dame est partie avec la veste de loup de mon épouse et a laissé la sienne ! Dix jours plus tard, on la retrouvera chez l’épouse d’un dessinateur du Lombard ! Tout s’arrange.

Le 4 Janvier 1982, je reçois un courrier du Bois des Pauvres. Il est 9 heures du matin.
Vous devez savoir qu’Edgar P. Jacobs était très méticuleux pour tout. Il gardait, entre-autre, tout courrier qui lui était adressé et tout était classé. Ayant aussi une très bonne mémoire, il ressort mon calendrier de 1982, voit le nom imprimé, se dit qu’il connait ce nom.»

 

Alors, pour finaliser le projet, rendez-vous sur : https://www.simply-crowd.com/produit/le-mystere-edgar-p-jacobs/

 

Laurent Lafourcade

 

 

 


 



Publié le 02/01/2021.


Source : Bd-best


2020 au pied du sapin. La sélection de l’année par BD-Best.

 

            Comment choisir 10 albums sur une année de lecture de plus de 300 titres ? Forcément, le résultat est subjectif, mais il est là. Choisir, c’est renoncer. Voici donc, sans classement, la sélection des dix albums retenus pour vous et qu’il est encore temps de déposer au pied du sapin.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

La première claque de 2020.

Aldobrando

 

 

Une route semée d’embûches, tel est le concept de la geste d’Aldobrando.

 

Un enfant est confié à un vieux sorcier. Son père le lui abandonne et file vers son destin pour la mort. Le précepteur l’éduque et on le retrouve jeune homme, disciple de son maître. Un jour, à la suite d’une préparation de potion tournant mal, le maître est blessé à l’œil. Pour le guérir, Aldobrando doit lui rapporter de l’herbe du loup. Traversant les forêts, le jeune novice arrivera en ville où un drame vient de se jouer. Le valet du roi a grièvement blessé le fils du roi avant de prendre la fuite, laissant pour mort le petit prince. A la suite d’un quiproquo, Aldobrando est accusé d’avoir pris part au méfait. Mis aux fers, il y rencontre un géant assassin qui va l’entraîner dans son évasion. Aldobrando réussira-t-il à prouver son innocence et à rapporter à son maître cette mystérieuse herbe du loup ?

 

On n’attendait pas Gipi dans une aventure romanesque. L’auteur de Notes pour une histoire de guerre et de La terre des fils signe une œuvre magistrale, formidablement bien construite, une histoire d’amour à grand spectacle où les mots donnent plus de force que les actes. Les personnages sont bien campés, avec une personnalité qui leur est propre : un adolescent sur le chemin de la vie, un monstre qui cache un cœur gros comme ça, une amoureuse improbable prête à braver tous les dangers, un soi-disant seigneur, Messire de pacotille qui se ridiculise pour un monde qui ne veut pas de lui, un roi adipeux et sot qui n’est qu’un porc à balancer, un Sire conspirateur qui ne se doute pas qu’il pourrait tomber dans son propre piège, un vieux sorcier qui, victime avérée, est en fait un philosophe et un père adoptif montrant tout simplement à son « fils » la voie à suivre,…

Le scénariste alterne les scènes sans aucun temps mort. De l’action, des dialogues choisis, le lecteur assiste à un drame théâtral à ciel ouvert dans de multiples décors.

 

Dans un style à la Griffo, Luigi Critone entraîne le lecteur des chemins enneigés à la chambre sobre d’une princesse triste, des geôles humides dans des bas-fonds miteux jusqu’à une clairière idyllique, pour finir dans une arène, fosse dans laquelle le destin de chacun va se jouer.

 

En parallèle à la version classique, les éditions Casterman publient une luxueuse version en tons de gris. Mais il serait regrettable de se priver des couleurs exceptionnelles de Francesco Daniele et Claudia Palescandolo qui sont tout simplement magnifiques. Elles illuminent de manière aquarellée cette histoire flamboyante, démontrant que les coloristes sont bien des auteurs à part entière prenant part intégrante aux œuvres auxquelles ils participent.

 

Une route semée d’embûches, tel est le concept de la geste d’Aldobrando. Un album indispensable, telle est la définition d’Aldobrando.

 

 

One shot : Aldobrando 

Genre : Conte moyenâgeux. 

Dessins : Luigi Critone 

Scénario : Gipi 

Couleurs : Francesco Daniele & Claudia Palescandolo

Traduction de l’italien : Hélène Dauniol-Remaud 

Éditeur : Casterman

Nombre de pages : 204 

Prix : 23 €

ISBN : 9782203166677

 

 

 

 

 

 

 

La conclusion d’une série que l’on n’oubliera jamais.

Irena 5 - La vie, après

 

 

            1983. Après avoir planté un arbre sur la colline de Jérusalem, Irena se rend à Haïfa en voiture. Sur la route, les souvenirs remontent à sa mémoire. Des enfants dont les regards la hantent à la culpabilité de ne pas en avoir fait assez, Irena revient sur des moments de guerre et sur des instants d’après dans une Pologne complexe et dure.

 

            « La vie, après ». Ce titre, coupé par une virgule comme un caillou sur lequel on trébuche sans pour autant tomber, montre combien il a été difficile de se reconstruire après la Seconde Guerre Mondiale. On apprendra que, pour Irena comme pour tant d’autres, ce ne sont pas des jours roses qui ont succédé aux jours noirs, même si le ciel s’était éclairci.

 

            On a tout dit dans ces colonnes sur cette série et ses auteurs. Cet ultime épisode réunit toutes les qualités des précédents : aventure, émotion, tragédie et espoir. Avec la scène des enfants qui racontent leurs cicatrices en dessins, les auteurs poussent le concept consistant à raconter une histoire dramatique avec un graphisme enfantin, dans le sens noble du terme, comme une mise en abime. Quand Irena raconte le destin de Janusz Korczak et de sa « République des enfants », personne ne pourra retenir une larme lors de l’envol du train de Treblinka vers cette étoile qui brille et se reflète dans la mer.

 

            La série se termine sur la rencontre entre Irena et Marek Halter, qui préface ce cinquième volume. Le cinéaste et romancier polonais recueillait des témoignages pour un documentaire de 2h 30 sorti en 1994 intitulé Les Justes.

            Nominée pour le prix Nobel de la paix en 2007, Irena ne l’obtient pas, au profit d’Al Gore, alertant sur l’évolution du climat. Elle mourra l’année suivante. Ce prix, elle le mérite tant qu’il n’est même pas concevable qu’on puisse se demander si seulement elle en aurait été légitime. Alors, si le jury du Nobel est passé à côté, le jury des lecteurs de cette extraordinaire série le lui attribue à l’unanimité.

 

            Parce que c’est une œuvre de mémoire, parce qu’on ne ressort pas indemne de sa lecture, et de par son sujet, son type de narration et son graphisme, Irena, cinq volumes scénarisés par Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël, dessinés par David Evrard et colorisés par Walter, est et restera la plus grande série des années 2010-2020.

 

 

Série : Irena

Tome : 5 - La vie après

Genre : Drame historique 

Scénario : Morvan & Tréfouël 

Dessins : Evrard 

Couleurs : Walter 

Éditeur : Glénat

Nombre de pages : 72 

Prix : 14,95 €

ISBN : 9782344033036 

  

 

 

 

 

 

Un siècle après, comme un écho.

Ils ont tué Léo Frank

 

 

            1915. Enlevé en pleine nuit de la cellule de prison dans laquelle il est détenu, Léo Frank, soupçonné d’avoir violé et assassiné la jeune Mary Phagan, 14 ans, est emmené en pleine forêt pour y être pendu. Ce sont des hommes, des notables, des gens « bien comme il faut », qui ont organisé ce rapt et qui s’érigent en tribunal populaire.

            1982. Alonzo Mann, témoin des événements, reçoit deux journalistes, Jerry Thompson et Robert Sherborne. En 1913, il était garçon de bureau dans une fabrique de crayons, la National Pencil Compagny sur Forsyth street. Celle-là même où travaillait Mary. Il a souvent voulu dire ce qu’il savait, mais personne ne voulait l’écouter. Aujourd’hui, il souhaite que la vérité dans le meurtre de Mary Phagan soit dévoilée. Alors, qui est le coupable ? Leo Frank, patron juif de l’entreprise dans laquelle travaillait la victime ? Ou bien Jim Conley, ouvrier noir qui a découvert son corps ?

 

            Plus qu’un album de bandes dessinées, Ils ont tué Léo Frank est un témoignage journalistique d’une barbarie humaine. Xavier Bétaucourt est allé rechercher les témoignages, réquisitoires et plaidoyers des minutes du procès. Il a épluché les journaux de l’époque afin de rendre au mieux les propos des différents protagonistes de l’affaire.

            Bétaucourt commence par le lynchage, pour revenir au jour du drame, et poursuivre par le procès. Un épilogue dépeignant l’Amérique de Trump montre que le chemin qu’il reste à parcourir pour que les mentalités changent est plus long que celui qui a été fait.

 

            Olivier Perret, après Quelques jours à vivre, collabore pour la deuxième fois avec Xavier Bétaucourt. Dans un sépia début XXème, il illustre l’affaire. Les seules touches de couleurs concernent les scènes de témoignage d’Alonzo Mann. Même le final « trumpien » est retranscrit dans ce sépia angoissant signifiant que certaines mentalités n’ont malheureusement et dramatiquement pas évolué.

 

            Alors qu’il y avait tout pour que l’ensemble soit poussif et ennuyeux tant au niveau scénaristique que graphique, les auteurs ont réalisé un livre passionnant qu’il est impossible de refermer avant de l’avoir terminé et dans lequel un certain suspens est maintenu le plus longtemps possible.

 

            D’Autopsie d’un meurtre à Philapdelphia, de Douze hommes en colère à L’affaire Dominici, les films de procès sont légions. En BD, c’est beaucoup plus rare. Ils ont tué Léo Frank fait figure de réussite et de modèle dans le genre.

 

 

One shot : Ils ont tué Léo Frank 

Genre : Chronique historique 

Scénario : Xavier Bétaucourt 

Dessins & Couleurs : Olivier Perret

Éditeur : Steinkis

Nombre de pages : 102

Prix :  18 €

ISBN : 9782368463734

 

 

 

 

 

 

 

La factrice du souvenir.

Si je reviens un jour… Les lettres retrouvées de Louise Pikovsky

 

 

            Paris, années 80. Madame Malingrey prend le thé avec des anciennes élèves à elle. Elle leur montre les lettres que Louise Pikovsky, une autre de ses élèves de collège, lui a écrite durant l’été 1942, avant d’être déportée pour Drancy avec sa famille, et de ne jamais revenir. Le 22 janvier 1944, Louise écrit sa dernière lettre. Elle et les siens sont tous arrêtés. Elle court confier son cartable à son enseignante avant que la police, qui leur a demandé de se préparer, ne revienne les chercher.

 

            L’histoire est divisée en trois parties. Une introduction montre Madame Malingrey évoquant le souvenir de Louise. Le corps de l’album est consacrée à la vie de Louise et de sa famille de 1942 à 1944. L’épilogue montre comment les lettres ont été retrouvées dans une armoire du lycée.

 

            Paris, XVIème, 2010. au lycée Jean de la Fontaine, les lettres de Louise sont retrouvées dans une vieille armoire. Depuis les années 80 et le cinquantenaire du lycée pendant lequel Madame Malingrey avait fait dont de celles-ci à l’établissement, elles avaient été oubliées. La journaliste de France 24 Stéphanie Trouillard s’en est emparée pour réaliser un webdocumentaire en 2017. On peut le voir sur : http://webdoc.france24.com/si-je-reviens-un-jour-louise-pikovsky/, une forme d’écriture interactive et originale. Aujourd’hui, ce travail est transformé en bande dessinée pour les éditions Les ronds dans l’O dont le travail de mémoire, dans tous les sens du terme est l’un des objectifs.

 

            Thibaut Lambert, après son sensible et drôle L’amour n’a pas d’âge, illustre l’histoire de Louise avec une simplicité cruellement efficace. On ne peut s’empêcher de rapprocher cet ouvrage de l’extraordinaire série Irena chez Glénat, racontant dans un graphisme « enfantin » l’histoire d’Irena Sendlerowa qui sauva plus de 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Les dessins issus de photos sont d’une grande émotion et l’on ne peut s’empêcher d’avoir une larme au coin de l’œil lorsque, une fois la bande dessinée terminée, le visage de Louise ouvre le dossier complémentaire dans lequel les photos des lettres retrouvées sont reproduites.

 

            Louise voulait pouvoir lire, lire en ne s’arrêtant que pour penser à ses lectures. Il ne faut jamais s’arrêter de lire afin que des tragédies comme celles dont elle a été victime ne reviennent jamais. Et lisons, lisons pour Louise les livres qu’elle n’a pas eu le temps de lire...

 

            Si je reviens un jour…. est une œuvre de devoir de mémoire. Elle se lit comme un roman, sauf que tout y est dramatiquement vrai. Cet album devrait être distribué par le Ministère de l’Education Nationale dans tous les collèges de France.

 

 

One shot : Si je reviens un jour... 

Genre : Témoignages historiques 

Scénario : Stéphanie Trouillard 

Dessins & Couleurs : Thibaut Lambert

Éditeur : Des ronds dans l’O

Nombre de pages : 112

Prix :  20 €

ISBN : 9782374180847

 

 

 

 

 

 

 

L’histoire vraie d’une ascension.

Le col de Py - Histoire de vies...

  

 

Chloé vient d’avoir un petit frère : Louis. Une fille, un garçon, comme on dit, c’est le choix du roi. Les parents Camille et Bastien ont tout pour être heureux, les grands-parents ont tout pour être comblés. Mais il y a un mais. Louis souffre d’une malformation cardiaque. Son salut est en haut d’une montagne qu’il faut gravir. Plus haute que toutes les grimpées du Tour de France, plus raide qu’un Everest ou un Annapurna, la route pour sauver Louis est un chemin de croix pour sa famille qui n’en voit pas le bout. Il va falloir se serrer les coudes. Aidés par des proches aimants, les Laporte vont-ils conjurer le sort ?

 

« Certains histoires s'inventent, d'autres se racontent... » Inspiré de sa propre vie, Espé se lance dans l’exercice difficile de la biographie. Même si elle est légèrement romancée, l’histoire de Louis, c’est celle de son fils. Emouvoir sans jamais être larmoyant, le pari était difficile tant on peut rapidement tomber dans le pathos dans ce genre d’exercice. Après Le perroquet sur la schizophrénie de sa mère, Espé poursuit sa catharsis en racontant ce parcours intimiste. Les relations entre Louis et son grand-père sont l’angle principal et le pivot autour duquel tourne le récit. De médecins bienveillants en praticiens maladroits, les Laporte vont parcourir leur chemin de croix.

 

Espé est un auteur caméléon. Dessinateur réaliste sur le succès Château Bordeaux scénarisé par Corbeyran, il adopte un style un brin plus souple dans cette histoire de vie. Est-ce pour « dédramatiser » une histoire dont on ne sait pas si l’issue va être fatale ou pas ? L’auteur ne manque pas en tout cas de nous faire verser une petite larme de tristesse ou d’émotion. Mais quel que soit la méthode qu’il adopte pour dessiner un album, il y a un point commun entre toutes ses productions : Espé est philanthrope et altruiste. Il aime dessiner les sentiments de ses personnages et les fait ricocher dans le cœur ou à la face des lecteurs.

 

 Le col de Py est-il une histoire de vie ? Oui. Le col de Py est-il une histoire de sport ? Oui. Le col de Py est-il une histoire à suspens ? Oui. Le col de Py est-il une histoire d’amour ? Oui. Le col de Py est-il une histoire fantastique ? Oui, tout simplement.

 

 

One shot : Le col de Py - Histoire de vies...

Genre : Histoire de vies 

Scénario & Dessins : Espé

Couleurs : Aretha Battistutta 

Éditeur : Bamboo

Collection : Grand Angle

Nombre de pages : 104 

Prix : 17,90 €

ISBN : 9782818976173

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chemin de la lucidité prend parfois de curieux détours.

Peau d’homme

 

 

            Lorsque sa marraine fait découvrir à Bianca une peau d’homme, celle-ci ne se doutait pas que le cours de sa vie allait s’en trouver bouleversé. Promise à un riche marchand qu’elle ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, la jeune femme ne voit pas son avenir sous un ciel très radieux. Dans l’Italie du Quattrocento, déguisée en homme, Bianca va faire la connaissance de son futur époux, découvrir sa face cachée et en apprendre plus sur les mœurs masculins. Costumée en Lorenzo, elle ouvrira les yeux et ouvrira ceux du monde.

 

            Véritable ode à la liberté sexuelle et volonté d’aide à assumer ses désirs, Peau d’homme est une œuvre majeure mais malheureusement posthume d’Hubert. En transposant près de six cents ans en arrière un problème de société contemporain pas encore complètement résolu, Hubert invite à la réflexion et ouvre les esprits sans pour autant donner de leçon.

            Par l’entremise de sa peau d’homme, Bianca va découvrir que Giovanni, son libertin de futur mari, a un penchant marqué pour la gent masculine. De supposée « victime » en début de récit d’un destin écrit, la belle rousse va passer à un statut de salvatrice. Le chemin est parsemé d’embûches dont la plus difficile à franchir fait partie de sa propre famille. Son frère Angelo prêche la bonne parole de Dieu. Tentatrices, corruptrices et impures fornicatrices sont des créatures sataniques. Hubert en fait le porte-parole de l’intolérance.

 

            Zanzim a la lourde tâche de porter haut le scénario de son camarade trop tôt disparu. Les deux hommes avaient l’habitude de travailler ensemble et c’est d’ailleurs Zanzim qui avait poussé Hubert à traiter de ce sujet délicat. Une fois l’angle trouvé et l’histoire finalisée, le dessinateur s’est lancé dans son enluminure. Entre L’âge d’Or de Pedrosa et Beauté du même Hubert et des Kerascoët, le trait de Zanzim offre une approche magnifique à ce récit sensible. Il multiplie les originalités allant de planches classiques à des découpages éclatés, passant de colorisations classiques à des scènes de bagarres toutes rouges ou à des déambulations en noir et blanc sur lesquelles se détachent en couleurs les personnages principaux de l’instant. Et que dire des crachas infâmes de l’homme d’Eglise dont les paroles s’enflamment comme sur des vitraux.

 

            Tant au point de vue scénaristique, graphique que du message porté, Hubert et Zanzim, sous couvert d’ouverture d’esprit et de tolérance, signent un album marquant de l’année et l’une des plus belles histoires d’amour depuis Sambre.

 

 

One shot : Peau d’homme 

Genre : Tolérance

Scénario : Hubert 

Dessins & Couleurs : Zanzim

Éditeur : Glénat

Collection : 1000 feuilles

Nombre de pages : 160 

Prix : 27 €

ISBN : 9782413000167

 

 

 

 

 

 

 

Avancer, se dépasser et atteindre le cosmos.

Incroyable !

 

 

            Belgique, années 80. Jean-Loup est un petit garçon bourré de tocs. Il rentre tous les jours de l’école en se lançant des défis lui permettant de remporter des points. Très solitaire, l’enfant vit avec son papa. Sans sa maman disparue, il s’est construit un monde imaginaire. Il discute avec un roi des belges et rêve de rencontrer le vrai, en chair et en os. Son loisir favori est de rédiger des fiches sur tous les sujets, quels qu’ils soient. Très doué en éloquence, il adore présenter des exposés. Est-ce que cela va l’amener à se dépasser ?

 

            Sensible, émouvant, drôle, l’histoire de Jean-Loup est l’une de ces petites pépites qui tombent parfois du ciel et sur lesquelles on trébuche parce qu’on n’y avait pas fait attention. Du haut de sa taille d’enfant, Jean-Loup démontre que l’imagination peut déplacer des montagnes et amener à des sommets inaccessibles. C’est en cela que les enfants ont des capacités plus développées que les adultes. Jean-Loup donne envie de ne pas grandir, parce que les enfants sont plus forts.

 

            Avec L’éveil, la réédition des Ombres et cet Incroyable album, Vincent Zabus est l’un des scénaristes phares de l’année 2020. Ses histoires ont la particularité de placer le lecteur dans l’âme de ses personnages. Alors que de nombreux auteurs emmènent leur public jusqu’au bout du monde pour vivre des aventures formidables, Zabus nous invite à un voyage beaucoup plus lointain, au cœur de soi-même.

 

            La couverture d’Hippolyte le confirme : des livres, Jean-Loup… et l’espace. Le dessinateur a légèrement simplifié son trait pour mieux appuyer sur l’importance du voyage spirituel du personnage. L’ambiance crayons de couleurs et les arrière-plans hachurés sécurisent les jeunes lecteurs dans un cocon rassurant, comme la doudoune de Jean-Loup qui le dissimule et le protège à la manière d’une châtaigne dans sa bogue. Sempé et Peynet montrent leurs ombres dans le graphisme plein d’amour d’Hippolyte.

 

            Tirée d’une pièce de théâtre de Vincent Zabus et Bernard Massuir, l’histoire est transposée si naturellement qu’on dirait qu’elle a été conçue pour le neuvième art. Zabus était l’interprète des neuf personnages, trente majorettes et deux milles manifestants de ce récit initiatique sur le sens de la vie, les peaux de banane et les loutres de nos rivières.

 

            Incroyable ! Sans « zabusé », Incroyable est l’un des meilleurs albums de l’année ! Vraiment incroyable !

 

 

One shot : Incroyable ! 

Genre : Conte moderne

Scénario : Vincent Zabus 

Dessins & Couleurs : Hippolyte

Éditeur : Dargaud

Nombre de pages : 200 

Prix : 21 €

ISBN : 9782205079654

 

 

 

 

 

 

 

Un docu-fiction passionnant.

L’étrange cas Barbora S.

 

 

             Andrea est journaliste pour la revue Media. Depuis quelques mois, elle enquête sur l’étrange cas Barbora S. Ses recherches commencent à porter leurs fruits. Une affaire de maltraitance familiale sordide est en train de prendre la dimension d’un complot aux ramifications complexes.

 

            Tout commence à cause d’un babyphone. Un homme surveillant son bébé par caméra s’aperçoit que celle-ci est brouillée par des perturbations. A cause d’interférences de fréquences, il capte les images d’une maison voisine. En découvrant une enfant nue et menottée, il appelle la police qui se rend aussitôt sur place. La mère est arrêtée. L’enfant, Anna, est recueillie mais ne tarde pas à s’évader. On la retrouvera quelques mois plus tard en Norvège sous l’apparence d’un jeune garçon. Il s’agit en fait de Barbora S. et c’est une femme de 33 ans. L’enquête aux sources pédopornographiques et sectaires s’annonce complexe.

 

            Les scénaristes Marek Sindelka et Vojtech Masek ont travaillé six ans et demi pour présenter ce qui s’apparente à un docu-fiction. S’inspirant de faits réels, ils ont créé le personnage d’une journaliste, Andréa, pour s’intéresser au côté médiatique de l’affaire. Toutes les questions n’obtiendront pas de réponses mais « l’équation à mille inconnues » est partiellement résolue, comme ils l’expliquent dans leur préface. Le résultat est addictif, haletant. Ce « cas » est le genre de livre qu’on ne peut pas refermer avant de l’avoir terminé. Le lecteur est tenu en haleine jusqu’à la dernière page, et quand on dit la dernière page, c’est vraiment la dernière page.

 

Déroutant au départ à cause de la distance qu’il impose, le parti pris d’un lettrage informatique se justifie par le traitement journalistique du récit. On est tellement pris par l’histoire qu’on en oublie vite ce qui aurait pu être gênant.

 

            Marek Pokorny est l’un des plus brillants dessinateurs tchèque. Cet album va certainement être pour lui le sésame d’une reconnaissance internationale. Il multiplie les traitements graphiques selon les points de vues ou les flashbacks. Si l’enquête actuelle d’Andréa a un trait réaliste commun mais un peu froid qui correspond bien au ton du récit, les résultats des recherches sur le passé des personnages, et en particulier Anna, se passent d’encrage dans des couleurs directes. Pour le passage d’un style à l’autre, il navigue entre planches classiques avec quelques cases et compositions plus complexes allant jusqu’à 48 cases dont certaines microscopiques. Les pages de cahier d’Anna ont le trait enfantin correspondant à son âge, ou plutôt à l’âge de celle dont elle prend l’identité. Ajoutons à cela des doubles planches aux points de vues originaux et des découpages d’un classicisme inédit (voir la scène des témoignages lors du procès).

 

La couverture démontre elle aussi que Pokorny marche sur les pas d’un Chris Ware. Elle est composée de cases indépendantes dont l’ensemble forme le visage de Barbora : un nœud, des ovnis, des cygnes formant un cœur, une guêpe, une route, un ravin. C’est la première fois que l’on voit une devanture de BD qui a la qualité, l’esthétique et la puissance d’un générique d’une série HBO.

 

            « L’étrange cas Barbora S. » a été élue meilleure bande dessinée 2018 en République Tchèque. C’est la première fois qu’un roman graphique de ce pays est exporté. Et il se pourrait bien que ce soir pour devenir le meilleur album de l’année 2020 chez nous.

 

 

One shot : L’étrange cas Barbora S. 

Genre : Polar docu-fiction 

Scénario : Marek Sindelka & Vojtech Masek 

Dessins & Couleurs : Marek Pokorny

Traduction : Benoît Meunier 

Éditeur : Denoël Graphic

Nombre de pages : 208 

Prix : 23 €

ISBN : 9782207159729

  

 

 

 

 

 


La bête n’est pas morte.

Le Marsupilami - La bête 1

 

 

Port d’Anvers. C’est l’histoire d’une tête de bielle qui a rendu l’âme à 130 miles des côtes du Brésil. La tuile ! Enfin, la tuile, ça sera plutôt les conséquences. Après la réparation des avanies, le navire vient donc de débarquer en Belgique. La halte forcée en haute mer n’a pas vraiment été appréciée par les passagers clandestins du bateau. Certains des animaux de contrebande ont ravagé leurs cages et ont pris le pouvoir dans les bas-fonds du navire. C’est ce que remarque l’armateur qui vient constater les dégâts. Parmi ces bêtes, il y a LA bête !

A l’école, le jeune Amaï est le souffre-douleur de ses petits camarades. Ce n’est pas facile d’être le fils d’un allemand dans la Belgique, quelques années après la guerre. L’enfant vit dans son monde. Au grand désespoir de sa mère, il recueille tous types d’animaux et transforme sa maison en véritable arche de Noë. La rencontre avec la bête va bouleverser sa vie.

 

Frank Pé est l’un des plus formidables dessinateurs animaliers du moment. On le savait depuis Zoo, la trilogie qu’il a signé avec Philippe Bonifay. On s’en doutait déjà bien avant, grâce à Broussaille, mais aussi grâce à un one shot aujourd’hui oublié qui mériterait une remise en avant dans une belle réédition : Comme un animal en cage, l’unique aventure de Vincent Murat, scénarisée par Terence. « La bête » d’aujourd’hui est un étonnant écho à cette œuvre de jeunesse.

 

Des cales sales d’un paquebot de contrebande à une jungle palombienne inextricable, Frank Pé montre un monde plus réaliste que ce que l’on avait pu avoir jusqu’à présent pour le Marsupilami, à part dans quelques histoires courtes des albums dérivés.

 

Zidrou situe le récit en 1955, époque à laquelle Spirou et Fantasio ont ramené l’animal de Palombie. L’introduction est proche de films comme Godzilla, Alien ou Les dents de la mer dans lesquels les monstres se devinent plus qu’ils ne se voient. De part son traitement plus adulte, de part la tension inhérente, « La bête » a tout d’un blockbuster.

 

Le potentiel d’un personnage comme le Marsupilami semble infini. Entre les mains d’artistes comme Frank Pé et Zidrou, son temple est bien gardé. La bête est un des must de cette fin d’année.

 

 

Série : Le Marsupilami - La bête

Tome : 1

Genre : Aventure

Scénario : Zidrou

Dessins & Couleurs: Frank Pé

Éditeur : Dupuis

Nombre de pages : 156 

Prix : 24,95 €

ISBN : 9791034738212

 

 

 

 

 

 

 

C’est sans doute ainsi que naissent les contes.

Castelmaure

 

 

            Par les chemins des campagnes, des villages et des cités, le mythographe recueille les contes et les légendes que l’on veut bien lui narrer. Mais ces histoires sont-elles vraiment imaginaires ? Qu’en est-il de celle de cette sorcière qui vit dans les bois ? Un Roi qui n’arrivait pas à avoir d’enfant avec son épouse est allée la consulter dans sa masure. Une séance de chamanisme plus tard, voici la Reine enceinte. Pas seulement elle, mais aussi toutes les femmes du Royaume. Quel sortilège s’est-il abattu sur la contrée ?

 

            Le problème avec des auteurs comme Lewis Trondheim ou Joann Sfar, c’est qu’ils produisent tellement d’albums qu’il est impossible de tout lire et qu’il est complexe de séparer le bon grain de l’ivraie, si ivraie il y a. Castelmaure n’est pas de l’ivraie, Castelmaure n’est pas du bon grain. Castelmaure est mieux que ça. C’est un nectar. C’est l’un des tous meilleurs albums du stakhanoviste qu’est Trondheim.

 

            Une sorcière gobe des yeux de lapins observée par un enfant inquiétant. Un harangueur de foule invite la populace à admirer un monstre de foire moitié homme moitié femme. Un gentilhomme qui se fait arracher sa bourse par un mendiant devient ivre de violence tel un Dr Jekyll. Une jeune fille entend des voix dans sa tête qui lui ordonnent de tuer tous les hommes qui s’approchent. Une Reine pleure de voir son ventre plat. Tous ces personnages aux destins croisés sont quelques-uns des protagonistes de cette geste d’un Roi qui ne rêvait que de donner un héritier à son Royaume.

 

            Trondheim écrit un conte comme on ne croyait plus pouvoir en lire. Dans un Moyen-Âge tout ce qu’il y a de plus classique, il nous invite au cœur d’un drame familial. Les éléments sont introduits les uns après les autres avant de se mêler ou de se démêler dans une construction scénaristique exemplaire, car au-delà d’être une histoire passionnante Castelmaure peut aussi être un cas d’étude de conception d’un scénario avec un grand S.

 

            Alfred ne se contente pas de dessiner ce conte. Il l’enlumine. Entre des scènes qu’on aurait pu lire dans Messire Guillaume de Matthieu Bonhomme et d’autres plus proches d’une Belle au bois dormant, entre des colorisations dignes de Hubert et des cases grandioses, Alfred garde sa personnalité dans cette histoire dont les personnages sont empreints d’une violente sensibilité.

 

Les contes sont éternels. Les contes sont merveilleux et maléfiques. Les contes sont empiriques. Les contes sont aussi renouvelables. C’est ce que prouvent ici Trondheim et Alfred avec l’un des meilleurs albums de l’année.

 

 

One shot : Castelmaure 

Genre : Conte moyenâgeux 

Scénario : Lewis Trondheim

Dessins : Alfred 

Couleurs : Alfred & Lou 

Éditeur : Delcourt

Collection : Shampooing

Nombre de pages : 144 

Prix : 18,95 €

ISBN : 9782413028901

 

 

 

 


© Uderzo, Goscinny

 

 

 

            En choisir dix, c’est en laisser sur le carreau dix autres qui, à un cheveu près, auraient pu se trouver dans cette sélection. Si le Père Noël est généreux, il peut rajouter à la liste ci-dessus les albums suivants qui font partie des albums indispensables de l’année :

 

 

L’histoire d’un mouchoir rouge : Mary Jane, par Franck Le Gall & Damien Cuvillier, aux éditions Futuropolis

 

Un chef d’œuvre enfin réédité : La grande arnaque, par Carlos Trillo & Domingo Mandrafina, aux éditions iLatina

 

Splendide, magistral, éblouissant, faites votre choix : Stella, par Cyril Bonin, aux éditions Vents d’Ouest

 

Du pur délire. Hilarant avec un H majuscule : Pic Pic, André & leurs amis, par Stéphane Aubier & Vincent Patar, aux éditions Casterman

 

Un ami qui vous veut du bien : Tous les héros s'appellent Phénix, par Jérémie Royer, aux éditions Rue de Sèvres

 

Magique, un merveilleux conte aux influences multiples : Le serment des lampions, par Ryan Andrews, aux éditions Delcourt

 

Une vie dans un cri silencieux : Contes des cœurs perdus 4 - Jeannot, par Loïc Clément & Carole Maurel, aux éditions Delcourt

 

L’aventure d’une vie, so fantastic, so british : Le grand voyage de Rameau, par Phicil, aux éditions Soleil

 

Traquer les bourreaux : Beate et Serge Klarsfeld—Un combat contre l’oubli, par Pascal Bresson & Sylvain Dorange, aux éditions La boîte à bulles

 

De simples professeurs... : Cas d’école, par Remedium, aux éditions Les Equateurs

 

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

© Uderzo, Goscinny



Publié le 16/12/2020.


Source : Bd-best


Traquer les bourreaux.  Beate et Serge Klarsfeld—Un combat contre l’oubli

« - Elle a giflé le chancelier, laissez passer !

- Emmenez-la dans mon bureau, on va l’interroger !

- Je suis une allemande, mariée à Serge Klarsfeld… Je suis révoltée contre l’injustice et l’impunité dont bénéficient d’anciens nazis en Allemagne… Comme Kurt Kiesinger, élu chancelier en 1966… Aujourd’hui, après de multiples échecs, j’ai enfin réussi cette action symbolique. »

 

 

 

 

 

 

 

 

7 novembre 1968, au palais des congrès de Berlin, lors du seizième congrès du CDU, parti conservateur et libéral allemand, Beate Klarsfeld gifle Kurt Kiesinger, chancelier d’Allemagne fédérale. Elle est aussitôt arrêtée et interrogée sur son geste. Son but : révéler le passé nazi de sa cible.

 

 

 

 

© Bresson, Dorange, Klarsfeld - La boîte à bulles

 

 

Quelques années avant, en 1960, sur un quai de métro de la porte de Saint-Cloud, Beate, jeune allemande, a rencontré Serge Klarsfeld, un étudiant qui achève ses études à Sciences-Po. Ils ne se quitteront plus. Ils feront de la traque des anciens nazis le combat de leur vie, un combat contre l’oubli.

 

 

 

 

© Bresson, Dorange, Klarsfeld - La boîte à bulles

 

 

Adapté de l’ouvrage Mémoires, de Serge et Beate Klarsfeld, cet album est lui-même une œuvre de mémoire. On accompagnera les Klarsfeld sur la piste de Maurice Papon, René Bousquet et surtout l’ignoble Klaus Barbie. On apprendra le rôle prépondérant du journaliste Ladislas de Hoyos dans la chute de ce dernier qui le confondra en lui posant une question en français lors d’une interview réalisée en langue allemande.

 

 

 

 

© Bresson, Dorange, Klarsfeld - La boîte à bulles

 

 

Pascal Bresson présente Beate Klarsfeld comme une femme d’un courage extrême, d’une détermination à toute épreuve à la limite de l’inconscience tellement elle a risqué sa vie. Dans une première partie de leur vie, Serge apparaît plus  « administratif ». Il est un enquêteur minutieux, d’un soutien indéfectible pour sa femme sur le terrain. Petit à petit, on le verra prendre les choses en main et passer à l’action, avec, lui aussi, des actes de courage insensés. Il reprendra ses études à 37 ans pour passer son diplôme d’avocat.

 

 

 

 

© Bresson, Dorange, Klarsfeld - La boîte à bulles

 

 

Sylvain Dorange illustre la vie du couple Klarsfeld dans un graphisme semi-réaliste à mi-chemin entre celui de Jean-Michel Beuriot (Amours fragiles) et David Evrard (Irena). Lu justement en parallèle à Irena, racontant la vie d’Irena Sendlerowa qui sauva des milliers d’enfants juifs du ghetto de Varsovie, ce combat contre l’oubli, comme le souligne son titre tout sauf innocent, est à mettre entre les mains, entre autres, de tous les collégiens et lycéens d’Europe et du reste du monde.

 

Témoignage historique, thriller inattendu, Bresson et Dorange signent un album passionnant sur l’histoire d’un couple qui a rendu une justice légitime et un honneur incroyable à l’humanité.

 

 

Voici les deux trailers de l’album, l’un axé sur Beate, le second sur Serge.

 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=Acvss2F6pdo&feature=emb_title

 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=BhKJQ8HYNE8

 

 

 

 

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

 

 

 

One shot : Beate et Serge Klarsfeld—Un combat contre l’oubli 

 

Genre : Témoignage historique

 

Scénario : Pascal Bresson 

 

Dessins & Couleurs : Sylvain Dorange

 

D’après : Les mémoires de Serge et Beate Klarsfeld (éditions Fayard)

 

Éditeur : La boîte à bulles

 

Collection : Hors champ

 

Nombre de pages : 192 

 

Prix : 25 €

 

ISBN : 9782849533680

 



Publié le 11/10/2020.


Source : Bd-best


Comme dans ces merveilleux contes d’antan...  Vagabondage en contrées légendaires 1 - Tracnar & Faribol

« - J’en ai assez, je perds tout le temps.

- Si vous le souhaitez, je peux vous proposer un autre jeu…

- Est-il drôle au moins ?

- Assurément, c’est une expérience unique, vous ne le regretterez pas. Suivez-moi et profitons du calme de la nuit… Voilà l’endroit est idéal.

- J’ai un peu froid, j’aurais dû prendre un manteau.

- Regardez l’immensité du ciel ! N’avez-vous jamais rêvé de prendre votre élan et de vous envoler ?

- C’est un désir commun, il me semble… Qui n’aimerait pas ?

- Ce vœu est accessible grâce à une petite liqueur de ma fabrication. »

 

 

 

 

 

 

 

 

                Perfidy, la nouvelle épouse du Roi, propose une expérience nouvelle à la princesse Félicity. Une potion permet de séparer son corps et son esprit. Ainsi, l’esprit peut folâtrer pendant que le corps se repose. La princesse se laisse tenter, mais son esprit se fait aussitôt capturer par la fourbe Reine. En effet, cette dernière veut écarter celle que le Roi a décidé d’ériger en héritière du Royaume, sa fille. Le plan de Perfidy semblait parfaitement huilé sauf qu’allaient se dresser sur sa route un renard chapardeur et facétieux nommé Faribol et un loup brigand de grands chemins appelé Tracnar.

 

 

 

 

 © Du Peloux - Bamboo

 

 

                On connaissait Benoît du Peloux, spécialiste de la bande dessinée chevaline humoristique, quinze albums de Triple Galop au compteur, de bonne facture, classique et propre. Qui aurait pu imaginer qu’il soit capable d’être l’auteur d’un album comme celui-ci ? Hommage au Roman de Renart, à Grimm, Perrault, Rabelais, Molière et à Disney, ce vagabondage en contrées légendaires résulte de nobles influences imprégnées dans un imaginaire collectif. Depuis la magnifique relecture de Robin des Bois par les studios Disney, le Moyen-Âge est un cadre privilégié pour des récits animaliers. De Macherot à Guarnido, on pensait que tout avait été fait en bande dessinée de ce genre. Du Peloux a osé s’attaquer à ces monuments et s’en sort avec brio.

 

 

 

 

 © Du Peloux - Bamboo

 

 

                L’histoire, somme toute relativement classique, est rondement menée. L’auteur présente son univers, expose l’argument principal de l’intrigue, et ne présente qu’ensuite les deux personnages principaux. Niveau efficacité, le procédé est payant. La narration est fluide, rapide. Il n’y a aucune longueur. Graphiquement, Benoît du Peloux fait encore plus fort. Il s’invente et s’invite en Bruegel l’ancien faisant de l’animalier dans le neuvième art avec des couleurs directes maîtrisées.

 

 

 

 

 © Du Peloux - Bamboo

 

 

                Il y a des albums qui sont attendus, qui sont des merveilles, mais dont on pouvait prédire le succès d’avance. Et puis il y a ceux qu’on n’avait pas vu poindre et qui sont d’excellentes surprises : Tracnar et Faribol se classe dans cette seconde catégorie.

 

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

 

 

Série : Vagabondage en contrées légendaires

 

Tome : 1 - Tracnar & Faribol

 

Genre : Conte médiéval 

 

Scénario, Dessins & Couleurs : Benoît du Peloux

 

Éditeur : Bamboo

 

Nombre de pages : 64

 

Prix : 14,90 €

 

ISBN : 9782413019848

 



Publié le 26/09/2020.


Source : Bd-best


Les Licteurs : une saga sur fond de mythologies

Cette aventure-diptyque est sortie aux Éditions Glénat en Juillet 2020 et j'ai profité de mes derniers jours de congés fin Août  pour la relire. 
Je ne pouvais pas faire une chronique après une première lecture.
Avant de réaliser cette chronique, j'ai dû me replonger dans mes manuels d'histoire afin de replacer certains éléments et événements du monde et de la société Romaine pour mieux apprécier l'excellent  travail d'Olivier RICHARD, le scénariste et surtout du dessinateur Yang WEILIN.

 


 

 

 

 

 

Aussi afin de mieux vous présenter cette superbe saga.
Tout d'abord, un petit rappel historique.

Les Licteurs trouvent leur origine dans la Rome Royale avec une ascendance certifiée par les dernières découvertes en Italie en 2019 sur leur origine Étrusque. Ils possèdent l'Impérium, c'est à dire le pouvoir de contraindre et de punir.

A la fin de la République Romaine, les licteurs sont remplacés dans leur rôle de protection par une garde militaire qui préfigure la garde Prétorienne.
L'action se situe au troisième siècle après JC, soit mille ans après la création de Rome.
C'est là que l'histoire commence.

 

 

 

 

Les Licteurs ne sont pas remplacés ici mais sont devenus la force spéciale armée de Rome. 
L'empereur ambitieux et paranoïaque en place, qui a toutes les apparences d'un Néron, se nomme Héliogabale, empereur qui a bien  existé (vers 203-222 après JC). 
Ce dernier est considéré par le théoricien Antonin Artaud (théoricien et écrivain du début du 20ème siècle) comme un anarchiste couronné et qui a marqué l'Empire romain comme le plus décadent. 
Héliogabale subit une tentative d'assassinat et il ordonne aux Licteurs de partir à la recherche du fauteur de troubles et de ramener les reliques de la secte auquel il appartient : le grand Dieu Pan.  

 

 

 

 

Au fil de cette aventure ésotérique, nous croisons de belles références mythologiques. Tel que l'arbre de Vie des Celtes. L'arbre de vie que les Licteurs décapitent. 
Abattre l'arbre de Vie, c'est abattre Dieu et donc le vaincre.

Nous voyageons,et nous explorons grâce aux Licteurs tant de mondes tel que ceux Jason et les Argonautes.
C'est un récit vraiment haletant. 

Le petit plus que j'aime beaucoup : le Mémento sur la disparition des Oracles par PLUTARQUE (46 à 125 ap JC)

Bravo et encore un grand merci d'avoir sorti en même temps les deux tomes de ce péplum (en tout honneur) qui fourmille d'informations  sur les mondes et mythologies antiques.

Jean Brenot



Série : Les Licteurs

Tome : 1 & 2

Genre : Fantastique, ésotérisme, action et aventures

Scénario : Olivier Richard

Dessins : Yang WeiLin

Éditeur : Glénat

Nombre de pages : 48

Prix : 13.90 €

ISBN :  9782344002285 et 9782344027332



Publié le 18/09/2020.


Source : Bd-best


Nous aimons l’amour et le plaisir, la nature nous a fait ainsi.   Extases T.2 Les montagnes russes

 

 

Il y a des ouvrages dont on ne sort pas indemnes ! Extase en fait partie. Jean-Louis Tripp a choisi de nous ouvrir les portes de son jardin secret. Trente mois après le premier tome d’Extases, l’auteur revient avec la suite de son autobiographie intimiste

 

 

 

 

 

 

 

 

Qui mieux que l’auteur ne peut parler de son autobiographie ?

Extases n’est pas une histoire de cul ! Parlons politique.

De tout temps, l’exercice du pouvoir est passé par le contrôle des corps. Sous des formes dures, violentes, l’esclavage, le massacre, le génocide, mais aussi sous des formes plus subtiles, les interdits, les tabous. Ceci, tu ne peux pas le faire, cela, tu peux, mais tu ne dois pas dire que tu le fais. Ceci, en revanche, est autorisé.

Le patriarcat passe par le contrôle du corps des femmes par les hommes. Les femmes se sont battues et continuent de se battre pour la contraception, l’avortement, contre le viol, l’intimidation, les féminicides… Les combats d’émancipation commencent tous par la récupération de la souveraineté sur son propre corps.

 

 

 

 

 

© JeanLouis Tripp - Casterman

 

 

 

Extases ne raconte pas autre chose qu’un parcours d’émancipation.

C’est l’histoire d’un jeune garçon devenant un jeune homme, puis un homme, qui tente de comprendre qui il est, de définir qui il veut être et de construire son rapport au monde, aux autres, aux femmes en particulier, à la société telle qu’elle est et telle qu’elle évolue, à travers le rapport à son propre corps et à celui des autres.

Le fait est que nous sommes des animaux sexués, et que ce qui nous donne envie de nous reproduire, c’est le plaisir que cela nous procure. Depuis longtemps, l’être humain a cherché les moyens de dissocier ce plaisir des éventuelles conséquences de celui-ci. Le préservatif a été inventé par les anciens Égyptiens et, dans les années 60, la pilule a révolutionné la sexualité. Nous sommes des animaux doués d’une intelligence et d’une conscience qui ont fait de nous des femmes et des hommes capables d’élaborer un discours sur notre propre sexualité : l’érotisme.

 

 

 

 

 

© JeanLouis Tripp - Casterman

 

 

Mais il y a ce contrôle des pouvoirs.

Ce contrôle millénaire qui nous a fait intégrer que les images de l’amour et du sexe seraient choquantes, impudiques, honteuses, sales et dégradantes, ce contrôle qui nous fait pratiquer l’autocensure. On peut montrer des corps mitraillés, éventrés, découpés, massacrés, torturés, suppliciés, hachés menu, mais hors de question de montrer des sexes en action ! Pour cela, il y a la pornographie ne rendant pas compte de la réalité. La pornographie joue avec les interdits dans le but de nous exciter, alors que la suggestion nous est imposée par les diktats de la « morale » politico-religieuse. Lorsque l’on est dans un lit avec une autre personne (et que l’on y est entre adultes désirant ardemment s’abandonner l’un à l’autre, se laisser emporter par les délices que seuls nous permettent l’amour et le sexe), on voit et on fait ces choses qui ne nous sont jamais montrées telles qu’elles sont, telles qu’elles se passent, avec leurs hésitations, leurs élans, leurs moments de grâce ou de doute.

 

 

 

© JeanLouis Tripp - Casterman

 

 

 

 

 

Parler et montrer les choses de la vie et de l’amour, c’est l’option prise par l’auteur.

Il fait une proposition : et si l’on essayait de parler du sexe comme d’une chose naturelle et normale ? Dire que nous avons chacun le droit de choisir ce que nous faisons avec nos corps, car nos corps nous appartiennent à nous et à nous seuls, et que tant que nous somme entre adultes désirants, personne ne devrait avoir à juger de ce qui se passe sous la couette des autres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour terminer, je voudrais partager avec vous les quelques mots que j’ai envoyé à l’auteur lorsque j’ai terminé la lecture de l’ouvrage : « Terminer les 369 pages des montagnes russes et souhaiter avoir immédiatement accès à la suite du récit ! Aucunes échappatoires, ni de faux- semblant et encore moins de porte de derrière pour cette autobiographie traitant d'un sujet restant encore trop tabou dans notre société livrée à une pornographie totalement en dehors de la réalité des choses. Dans ce second tome, on parle d'amour, de sentiments et d'expériences vécues. Merci JeanLouis Tripp de nous ouvrir les portes de ton jardin secret ! »

 

Haubruge Alain

 

 

Série : Extases

 

Titre : T.2 Les montagnes russes

 

Genre : Autobiographie intimiste

 

Scénario : JeanLouis Tripp

 

Dessins : JeanLouis Tripp

 

Éditeur : Casterman

 

Nombre de pages : 369

 

Prix : 27,95 €

 

ISBN : 9782203162242



Publié le 29/02/2020.


Source : Bd-best


Séance de rattrapage. Schizophrènie d’un héros créateur.  Le roi des bourdons

« - Un essaim de bourdons ?

- Exact.

- J’ai bien entendu ? Vous parlez ?

- Ben oui.

- La parole n’est pas l’exclusivité des chat.

- Chut ! Tais-toi, Jacques.

- Nous venons te témoigner notre gratitude pour avoir sauvé notre frère de la noyade, tout à l’heure.

- Hein ? Ah oui ! Dans le seau ? Bah… Ça n’a pas été bien difficile.

- Peut-être… Mais ce genre de geste est rare chez les gens. Il montre que ton esprit est pur.

- Ha ! Ha ! Vous rigolez ? Ça montre surtout que je suis un benêt.

- Non, non, vraiment. En retour, nous tenons à te faire don d’un pouvoir hors du commun.

- Qu’est-ce que vous faites ?

- Mes frères se collent sur toi pour former une combinaison spéciale qui va te permettre de… voler ! »

 

 

 

 

 

 

 

                Zola Vernor est manutentionnaire chez Chatterbooks, un gros éditeur qui a mangé plein de petits. Il rêve de devenir auteur de bandes dessinées mais ses projets sont refusés les uns après les autres. Un beau jour, innocemment, il sauve un bourdon de la noyade. Pour le remercier, sa communauté forme autour de Zola un costume faisant de lui un super-héros et lui permettant de voler. Zola va devenir un observateur de la ville. Entre Superclébard, alter ego canin, idole des foules, et un magnat de la presse cupide et adipeux au propre comme au figuré, Zola suivra sa quête initiatique afin de peut-être devenir quelqu’un. Mais peut-on devenir quelqu’un quand on est encombré de problèmes existentiels ?

 

 

 

 

© De Thuin - Glénat

 

 

                David De Thuin, auteur aussi discret que talentueux, signe un album profond à l’apparence légère. Réflexion fine sur le métier de dessinateur de petits mickeys, Dethuin utilise le personnage de Zola comme une synthèse de tous ces artistes qui peinent à sortir de l’ombre, entre les affres de la création et un milieu éditorial impitoyable.

 

 

 

 

 

© De Thuin - Glénat

 

 

                De Thuin a une biographie disséminée mais conséquente. Arthur Minus, Zizi la chipie, Zélie et compagnie, Les zorilles, Le bois des mystères, Coup de foudre sont l’essentiel de ses séries jeunesse, avec des collaborateurs exceptionnels : Cauvin, Corbeyran, Corcal,… De Thuin a signé de nombreux mini-récits animaliers dans Spirou, ainsi que des récits courts d’un enfant et de son père qui lui raconte des histoires, hommage à tous les papas pour qui raconter des histoires est aussi important que d’avoir quelqu’un pour les écouter. Il tâte également de l’auto-édition, domaine dans lequel est paru en six épisodes Le roi des bourdons, avant que cette sorte de mise en abîme ne rejoigne la collection 1000 feuilles chez Glénat dans laquelle il avait déjà publié La proie, exercice de style sur 1000 pages et 10000 cases, ainsi que le thriller Le corps à l’ombre. Pour l’occasion, De Thuin a réécrit et redessiné son histoire.

 

 

 

 

© De Thuin - Glénat

 

 

                Avec ce Roi des bourdons, nommé parmi les indispensables de l’année au dernier festival d’Angoulême, De Thuin est enfin mis en lumière. Ses personnages animaliers sont les plus percutants de la BD depuis Macherot. Introspection, récit schizophrénique et passionnant, il élève son auteur au rang d’un Lewis Trondheim sous ses meilleurs jours. Une collaboration entre eux deux serait des plus judicieuses.

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

One shot : Le roi des bourdons 

 

Genre : Aventure introspective 

 

Scénario, Dessins & Couleurs : David De Thuin 

 

Éditeur : Glénat

 

Collection : 1001 feuilles

 

Nombre de pages : 120

 

Prix :  19 €

 

ISBN : 9782344028933

 



Publié le 22/02/2020.


Source : Bd-best


Un des mystères les plus énigmatiques de l’histoire moderne ... L’agneau mystique admiré et volé.

 

 

Où se trouve le panneau volé des Juges intègres, qui fait partie de l’Adoration de l’Agneau mystique ? Si cela ne dépendait que de l’évêque de Gand, cette question ferait mieux de rester sans réponse. Les recherches du panneau procurent effectivement un intérêt supplémentaire à la cathédrale de Gand. Entre-temps, beaucoup d’encre a coulé sur le sujet du plus grand vol d’art du XXe siècle. Le vol a été commis en 1934 par un certain Arsène Goedertier, un banquier catholique de Wetteren. “Moi seul sais où se trouve l’Agneau Mystique”, a-t-il confessé dans un dernier soupir sur son lit de mort.

 

 

 

 

 


Nos amis néerlandophones ont fait de 2020 une année dédiée à « Jan van Eyck ». À cette occasion, une exposition (Van Eyck. Une révolution optique) consacrée aux œuvres de ce peintre de la renaissance flamande se tiendra au Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK) jusqu’au 30 avril 2020. Les visiteurs de cette manifestation auront la chance de découvrir les volets extérieurs restaurés du retable de « L’adoration de l’Agneau mystique ». Ces joyaux seront mis en valeur avec la présence d’autres œuvres de ses contemporains les plus talentueux, originaires d’Allemagne, de France, d’Italie et d’Espagne.

 

 

 

 

 

 

Cette opportunité est également saisie par les éditions Casterman en partenariat avec les Éditions Ballon pour nous proposer en illustration l’histoire plus que mouvementée du retable de « L’adoration de l’Agneau mystique ». Dans ce livre, structuré en dix chapitres, le lecteur tel Sherlock Holmes part à la découverte des aventures de cette œuvre à travers les siècles.

 

 

 

 

 

 

© Harry de Paepe – Jan Van der Veken – Casterman - Ballon

 

 

L’ensemble des chapitres ont été scénarisés par Harry de Paepe (professeur d’histoire, journaliste, auteurs de livres, spécialiste de la politique anglaise pour le quotidien doorbreak.be) et illustrés par Jan Van der Veken (artiste et illustrateur gantois s’inscrivant dans le courant graphique « futur rétro », il dessine notamment pour The New Yorker et De Morgen). À cela, il faut ajouter une description détaillée de chacun des panneaux composant le retable et une ligne du temps reprenant les divers déboires connus par l’œuvre.

 

 

 

 

 

 

© Harry de Paepe – Jan Van der Veken – Casterman - Ballon

 

 

 

Certains ont découvert l’existence du retable de Gand grâce au film « Monuments men » réalisé en 2014 par George Clooney. C’est l’histoire de ce groupe créé par le président américain Roosevelt chargé de récupérer les œuvres d’art dérobées par les nazis.

 

 

 

 

 

 


Le retable de Gand, composé de 24 panneaux peints par les frères van Eyck, fut achevé en 1432. Depuis sa conception au quinzième siècle, l’œuvre a vécu de nombreuses aventures : elle est considérée comme « l’œuvre d’art la plus fréquemment volée de l’histoire » ayant fait l’objet de treize vols en six siècles. Elle a survécu à un incendie et à des agressions durant la Furie iconoclaste. Le retable a été démonté et scié, dissimulé et retrouvé. Il a été réparé et repeint à plusieurs reprises. La première restauration a eu lieu en 1550. Au cours de cette période, la peinture a également subi une première transformation. La prédelle, ou soubassement, a été irrémédiablement endommagée lors d’un nettoyage.

Lors de la révolution française, le retable a été transporté en charrette jusqu’à Paris, le sauvant de la folie destructrice. À la chute de Napoléon I, il est remis à la ville de Gand par Louis XVIII, qui s’y était réfugié pendant la période des 100 jours. En 1861, la nudité des sujets des deux panneaux Adam et Eve est jugée choquante dans une cathédrale. Ceux-ci sont vendus à l’État belge et déposés aux Musées royaux des beaux-arts à Bruxelles. En 1917, d’autres panneaux sont emportés par les Allemands. À la fin du premier conflit mondial, l’Allemagne est contrainte de restituer les panneaux volés ainsi que ceux achetés en toute légalité par Frédéric Guillaume III (Art. 237 Traité de Versailles dans le cadre des réparations de guerre afin de compenser les actes de destructions commis lors du conflit). En 1934, deux panneaux du retable furent volés par Arsène Goedertier. L’un d’entre eux fut restitué par le voleur qui mourut avant de confesser la cachette du second, « Les Juges intègres ». À ce jour, il n’a jamais été retrouvé, mais est remplacé par une copie réalisée par Jef Vanderveken. Le retable sera dérobé à Pau par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale et récupéré par les Américains « Monuments Men » à Altaussee en 1945.

 

 

 

 

 

 

 

Le retable est composé de douze panneaux.


Ouvert, il présente :


Panneaux supérieurs


• Adam, le premier homme, avec au-dessus de lui une grisaille représentant le sacrifice de Caïn et Abel.
• Les Anges chanteurs.
• Marie, la Reine du Ciel.
• Le Christ en majesté ou Dieu le Père sur le trône.
• Jean-Baptiste.
• Les Anges musiciens.
• Ève, la première femme, avec au-dessus d’elle une grisaille représentant l’assassinat d’Abel par Caïn.
Panneaux inférieurs
• La copie du panneau volé des Juges intègres.
• Les chevaliers du Christ.
• L’adoration de l’Agneau mystique.
• Les ermites.
• Les pèlerins.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fermé, il présente :


• l’annonce de l’ange Gabriel à Marie, mère de Jésus, qu’elle est enceinte.
• Un commanditaire pieux, Judocus “Joos” Vijd.
• Sa femme, Elisabeth Borluut, tout aussi pieuse.
• Jean-Baptiste.
• Jean l’Évangéliste.
• Les prophètes Zacharie et Michée.
• des Sibylles d’Érythrée et de Cumes.

 

 

 

 

 

 

En conclusion, bien au contraire d’un livre qui pourrait être uniquement consacré à l’œuvre et à ses nombreux détails techniques, scénariste et dessinateur ont réussi le pari de nous faire découvrir l’incroyable parcours du retable depuis sa création jusqu’à notre époque actuelle. Un livre familial à placer dans toutes les mains à partir de 10 ans.

 

 

 

 

 

 

 

Alain Haubruge

 

 

One Shot : L’Agneau Mystique

 

Genre : Historique

 

Scénario : Harry de Paepe

 

Dessins & Couleurs : Jan Van der Veken

 

Éditeur : Casterman

 

Nombre de pages : 112

 

Prix : 19,95 €

 

ISBN : 9782203210141 



Publié le 18/02/2020.


Source : Bd-best


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