Rencontre avec Simon Van Liemt pour le renouveau de Ric Hochet
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Rencontre avec Simon Van Liemt pour le renouveau  de Ric Hochet

En rentrant un soir chez lui, Ric Hochet est surpris par un homme embusqué qui l'abat sans sommation. Cet homme, c'est le Caméléon. Il vient de consacrer les deux années qui ont suivi son évasion à se métamorphoser en Ric Hochet : chirurgie esthétique, sport intensif, entraînement à la conduite,... Le lendemain, c'est à un Ric Hochet aux réactions très surprenantes qu'auront affaire Bourdon, Nadine... Mais aussi les criminels.

Rip Ric. Rassure-nous tout de suite, Ric Hochet est-il vraiment mort ?

Je ne peux pas le dire. Il faudra lire la bande dessinée pour savoir ce qu’il en est. C’est un titre accrocheur. On espère que les gens vont se poser cette question-là et voudront connaître la réponse.

Connaissais-tu Zidrou ou bien est-ce Le Lombard qui vous a mis en relation ?

J'appréciais le travail de Benoît Zidrou et j'avais ouïe dire qu'il appréciait le mien.
Suite à la fin de ma première série Poker, je l’ai contacté. Il m'a dit ne pas avoir beaucoup d'espace de travail actuellement, mais qu’il avait pour mission de faire un Ric Hochet. Il n'avait pas de dessinateur et il m'a proposé de le faire.

Etais-tu un fidèle lecteur du Ric Hochet de Tibet et Duchâteau ?

Non, je ne connaissais pas bien la série. Je la connaissais de nom évidemment, mais n’en avais jamais lu tout simplement parce qu’il n’y en avait pas chez moi. Ce n’est pas une série vers laquelle j’ai eu l’occasion de me tourner. J’ai eu la chance de la découvrir, malheureusement sur le tard, mais c’est une belle découverte.
J'ai lu les quatre premiers volumes de l'intégrale, pour la simple raison que notre épisode se situe aux alentours du troisième tome de cette intégrale.
L'album se déroule durant les années 60. C'était la période que je devais relire essentiellement pour me fondre dans l'univers de Ric Hochet.

Tu as goûté à la sorcellerie avec Incantations, au thriller avec Poker, te voilà aux commandes d’un des plus grands classiques de la BD franco-belge. Comment ressent-on cet honneur ? Y a-t-il un poids ou une pression particulière ?

C'est porteur, parce que c'est intéressant de travailler sur une BD qui fait partie du patrimoine franco-belge, qui est vraiment emblématique de la BD belge classique. Mais en même temps, c’est très intéressant parce que l'on sent d'autres influences dans le travail de Tibet et de Duchâteau. Je pourrais plus difficilement parler de celui de Duchâteau car je ne suis pas scénariste. Je sais que Tibet s’intéressait à ce qui se passait outre-Atlantique. Il avait un œil sur les dessinateurs classiques américains des années 40, 50, 60. Il était au fait de cette autre frange de la bande dessinée qui, pour moi, a beaucoup de sens. Le travail des noirs et les tentatives de mises en scène de la série ont d’autres influences que la BD franco-belge qui était d’ailleurs encore très jeune à l’époque. Je pense que la BD réaliste américaine a eu une influence sur le travail de Tibet, ce que m’a confirmé Nicole Tibet. Il en parlait avec beaucoup d’intérêt. Pour moi qui suis une certaine trajectoire depuis un moment, travailler sur une BD plus classique a été l’occasion de me tourner vers d’autres classiques essentiellement américains parce que c’est ça qui me touche le plus, ou plutôt parce que la BD américaine correspond plus à la culture de ma jeunesse, le comics. Le problème du comics est que les gens le voient comme un style uniquement tourné vers le dynamisme, mais il y a aussi énormément d’auteurs aux styles divers.

 

 

 

 

 

Comme Will Eisner par exemple…

Oui, ou Alex Toth, Milton Caniff,... Même dans les auteurs de comics, si on regarde le Spiderman d’un Gil Kane, c’est très sage. Il y a quand même le vocabulaire dynamique de Spiderman, mais quand on lit Peter Parker, c’est de la BD très classique et en même temps très juste dans les noirs, dans les intentions, dans la simplicité du trait,… C’est une belle économie de moyens, une intelligence narrative et graphique qu’on retrouve rarement. C’est cette simplicité, cette qualité dans le classicisme, avec une virtuosité et une créativité très particulière aussi, qui est formidable. Le lecteur franco-belge n’a pas tellement accès à tout ce classicisme américain qui le séduirait et l’intéresserait tout autant. Tibet était intéressé à l’époque. Mais aujourd’hui l’édition franco-belge ne propose pas tellement de rétrospectives,… Il y a peut-être un problème de communication entre ces deux genres.

On a l’impression que le manga a plus pénétré le marché que le comics.

Le comics a eu sa période, qui s’est un peu éteinte. Mais qui s’est éteinte aussi aux États-Unis. Par contre, je n’ai jamais vu un bouquin de Milton Caniff traîner où que ce soit alors que c’est un maître. De même pour Alex Toth. Alex Raymond aussi a eu une certaine influence sur beaucoup de dessinateurs des années 50, mais ensuite, cet échange s’est un peu éteint. Par exemple, dans Chevalier Ardent de Craenhals, on sent l’influence des classiques américains.
L’influence est là chez les artistes, tout du moins chez les dessinateurs, contrairement aux lecteurs qui sont moins portés vers les lectures classiques américaines.

Revenons à Ric Hochet. As-tu souffert pour t’approprier le personnage ou cela a-t-il été relativement facile ?

A la base, il y a eu beaucoup d'hésitations sur la direction à prendre. Ensuite, on a décidé avec Benoît Zidrou et Le Lombard qu'il serait plus sage de faire un compromis entre un personnage un petit peu à ma main et le trait de Tibet. J'ai pu prendre quelques libertés, mais évidemment quand on prend quelques libertés, il faut un petit temps pour que la main se fasse. Ce n’est pas venu tout de suite.

Il était un temps question qu’Olivier Wozniak fasse cette reprise. Est-ce que plusieurs équipes ont proposé des projets de relance ?

Ça ne s’est pas passé comme ça. C’est bien de le clarifier. En fait, le Lombard avait deux projets Ric Hochet, et ils ont décidé de n'en sortir qu'un car la maison tente de restreindre le nombre de sorties. Il y avait le nôtre d’une part, et d’autre part, un album dessiné par Olivier Wozniak et scénarisé par Jean-Christophe Derrien et qui graphiquement et scénaristiquement se rapprochait plus d’un album classique de la série.

Cet album est-il un one-shot ou le début d’une série ?

Il y a plusieurs épisodes que l'on devrait réaliser Benoît et moi. J’ai commencé à travailler sur l’album suivant. On en fera a priori au moins trois, tout en sachant que ce sont des « Vu par… ». Il y a donc une marge de liberté.

Les albums dans lequel apparaît le Caméléon ont-ils été tes albums de chevet ?

C'est particulier. On ne voit jamais le caméléon sous son véritable aspect dans notre album, vu qu'il prend l'apparence de Ric Hochet. C’est ce personnage que l’on suit dans l’aventure. Ce Ric est un « Vu par… », donc est un petit peu décalé dans le sens où, au lieu de suivre principalement Ric Hochet, Bourdon ou Nadine, c’est le Caméléon que l’on suit. Il est pris dans une aventure qui met à partie les autres protagonistes de la série.

As-tu collaboré au scénario de Zidrou ? Avez-vous discuté ensemble des orientations ?

Non, Zidrou avait déjà bien avancé le scénario avant que je le contacte. C'est un scénario particulier. On s'écarte du chemin classique qu'empruntait Duchâteau. La différence est que là, on s'attache à un personnage secondaire, qui devient le personnage principal, ce qui permet de transgresser certaines règles immuables de la série. Ça permet de prendre beaucoup de libertés par rapport à la série mère tout en mettant en valeur, en pointant le doigt, sur tous les gimmicks de la série classique. Les lecteurs habitués de la série trouveront plein de petits repères au fil de l’histoire, plein de petits clins d’œil réjouissants.

 

 

 

 

La couverture est très efficace. Comme souvent dans la série, elle présente Ric dans une situation de danger. Comment est venue cette idée de couverture ? Y a-t-il eu plusieurs projets ?

J’ai dessiné différentes versions de cette couverture, avec des variations autour du thème des deux Ric qui s’affrontent. Une autre piste était intéressante, je m’en suis servi pour la couverture du numéro 50 du magazine l’Immanquable. Elle représente Ric Caméléon de ¾ dos, mains dans les poches, la tête tournée vers le lecteur, un petit caméléon reprenant les motifs de la veste de Ric posé sur son épaule et qui nous regarde la gueule grande ouverte d’un air de défi.

Signé Caméléon, L’ombre de Caméléon, Ric s’est trouvé plusieurs fois confronté à cet ennemi. Cet album est-il la suite directe du quatrième album de Ric Hochet ?

Pour les lecteurs qui auraient besoin d’une petite révision, on peut conseiller de relire les 3, 4 premiers volumes de l'intégrale de Ric Hochet. La lecture de notre album n'en serait que plus riche. C’est aussi très intéressant car on voit qu’à l’époque les auteurs évoluent encore beaucoup et Ric Hochet subit pas mal de transformations aussi. Chaque lecteur a une idée bien à lui de l’apparence de Ric Hochet, le personnage ayant beaucoup évolué au fil du temps. Cette évolution est intéressante à observer tant dans le travail de Tibet que dans celui de Duchâteau.

La couverture est très efficace. Comme souvent dans la série, elle présente Ric dans une situation de danger. Comment est venue cette idée de couverture ? Y a-t-il eu plusieurs projets ?

J’ai dessiné différentes versions de cette couverture, avec des variations autour du thème des deux Ric qui s’affrontent. Une autre piste était intéressante, je m’en suis servi pour la couverture du numéro 50 du magazine l’Immanquable. Elle représente Ric Caméléon de ¾ dos, mains dans les poches, la tête tournée vers le lecteur, un petit caméléon reprenant les motifs de la veste de Ric posé sur son épaule et qui nous regarde la gueule grande ouverte d’un air de défi.

Grâce à la chirurgie, Caméléon est devenu la réplique exacte de son vieil ennemi : Ric Hochet. En prenant sa place, il va bouleverser son univers. Dans le film Volte-Face de John Woo, John Travolta et Nicolas Cage goûtaient déjà au changement de visage. Ce film fait-il partie de tes références ou de ta culture ?

Je l'ai vu à l'époque et je dois dire que j'avais était assez déçu. Le cinéma de John Woo fonctionne très bien avec des acteurs asiatiques. Le côté surjoué aux Etats-Unis est un peu gênant. Travolta n’était pas convaincant.

Un des personnages les plus intéressants de la série est le troublant et troublé inspecteur Ledru. Le retrouve-t-on dans cet épisode ?

Oui, il est là. Il fait partie des protagonistes. Il est terre-à-terre. Par rapport à Ric Hochet et Bourdon, il manque un peu de fantaisie, mais ça n'en reste pas moins quelqu'un sur qui l'on peut compter et qui est solide. C'est un bon référent pour les autres personnages qui ont peut-être un peu plus de doutes. Ric Hochet est assez solide mais il a quand même ses petites failles en lui de temps en temps. J’ai l’impression que Ledru est infaillible. Il a un esprit très premier degré. J’aime beaucoup ce personnage.

L’album est prépublié dans L’immanquable. Est-ce que ça te rassure ou est-ce que ça te met une pression supplémentaire ?

Oui, ça met une pression supplémentaire. Je suis très content d'être prépublié dans L’immanquable. Ça fait très plaisir de se retrouver au premier plan. En fait la première partie de l'album pour moi, c'est la plus hésitante, ce qui est logique. Le premier tiers du récit montre mes premières armes sur la série. Mais je sais que les lecteurs classiques de Ric Hochet auront besoin de lire l'intégralité du récit pour se faire une vraie idée sur le potentiel de l'album et de notre travail commun.
On peut quand même le lire par épisodes mais ça donne une idée tronquée de l’intention même que l’on a sur cet album. Un découpage comme ça n’est pas suffisant pour rentrer dans le vif du sujet. Le premier épisode prépublié s’arrête au moment où l’on rentre dans le cœur de l’histoire.

André-Paul Duchâteau a-t-il suivi de près le projet ?

On a sa bénédiction, ce qui est vraiment très sympa de sa part. C'est un homme adorable, charmant. Il aime beaucoup sa série. Il a observé attentivement notre travail. Il est à l'écoute, il prend le temps. Il n’a pas été dur avec nous. Il nous a laissé un peu faire à notre guise. Il a d’abord lu le scénario d’un coup ce qui lui a donné une idée de la structure de l’album. Mon dessin, lui, a évolué au fil du temps. Autant André-Paul Duchâteau que Nicole Tibet ont été très compréhensifs face aux difficultés que j’ai pu rencontrer. Ils m’ont donné des conseils de temps en temps. Malheureusement, Duchâteau n’ayant pas internet, on a pu plus difficilement communiquer. La sortie de l’album aura lieu le mois de son quatre-vingt-dixième anniversaire, si je ne me trompe pas. Ça va donc être très particulier.

Vu qu’il était un scénariste prolifique, on peut supposer que Duchâteau a des synopsis d’avance. Si c’était le cas, pourraient-ils être utilisés ?

Certainement, mais je ne connais pas sa méthode de travail. On s’est rencontré une fois lors d’un repas avec l’équipe du Lombard, Nicole Tibet et Benoît Zidrou. J’ai pu apprécier la personne. On a pu connaître sa personnalité et son point de vue lors de l’avancée de l’album, mais nous n’avons jamais parlé de la façon dont il fonctionnait lui.

Considères-tu cette reprise de Ric Hochet comme une étape dans ta carrière ? As-tu déjà d’autres projets prévus pour après ?

Evidemment, comme tout le monde, on a des petites envies.
Pour l'instant, j'essaie de tourner mon esprit vers Ric Hochet et de faire du mieux que je peux, de laisser le moins d’énergie pour d’autres projets. C’est déjà extrêmement exigeant. Tibet travaillait avec des dessinateurs qui s'occupaient de la partie décors et ce n'est pas mon cas. La charge de travail est conséquente. D'autant plus que Tibet dessinait les années 60 durant les années 60, ce qui n'est pas mon cas. Je dois donc me documenter régulièrement. C’est un sacré challenge. Les lecteurs ne le verront d’ailleurs pas forcément et c’est tant mieux ; ça voudra dire que ce n’est pas trop laborieux. De mon côté, il y a beaucoup de travail d’avant la mise au trait.

Merci beaucoup, Simon.

Avec joie !

 

Propos recueillis par Laurent Lafourcade

 

Images et photos © Le Lombard 2015

Interview © BD Best 2015



Publié le 06/04/2015.


Source : Bd-best

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