Il y a quelques jours à peine, l’énième édition de Top Chef livrait son grand verdict. Vous êtes restés sur votre faim ? Pas de souci, ne rangez ni les assiettes, ni les couverts, accrochez-vous bien à votre table, car c’est le grand frisson que nous offrent Brian Wood, Danijel Zezelj et Dave Stewart en revêtant leurs toques de maître pour imaginer ce que sera la télé-réalité culinaire d’un futur plus que proche. Ou quand le petit écran se détraque et que l’audience et la recherche du buzz ne font plus bonne pitance.
© Wood/Zezelj
Résumé de l’éditeur : Dans un monde où les inégalités ont achevé de fracturer la société en deux, puissants comme laissés pour compte se réunissent autour d’un programme de télé-réalité culinaire : Starve. Créé par le célèbre chef Gavin Cruikshank, Starve met en scène une série de défis tous plus obscènes les uns que les autres, de la préparation du dernier espadon pêché en mer à l’accommodation de la viande de chien pour la table des plus riches. En exil choisi depuis plusieurs années, le chef Gavin décide de revenir mettre de l’ordre dans son émission en enseigner à l’élite une leçon qu’elle n’est pas prête d’oublier.
© Wood/Zezelj
De longues années sont passées depuis que Gavin Cruikshank a claqué la porte de sa cuisine et de son foyer pour aller respirer l’air d’ailleurs. Pourtant, aujourd’hui, qui pourrait dire pourquoi le ténor d’art de l’assiette, celui qui aurait pu être à la tête d’un empire gigantesque s’il n’avait été une tête brûlée incontrôlable, revient ? Pour montrer qu’il est toujours l’incontestable maître de la gastronomie pour les riches et forcément impayable ? Pour renouer avec sa fille et enfin consumer le divorce avec son (ex-)femme ? Pour retrouver la sensation d’un Manhattan qui ne fait plus vraiment rêver ?
© Wood/Zezelj
En tout cas, Gavin doit reprendre du collier, avant tout, pour s’immerger une nouvelle et dernière fois dans la fosse aux lions qu’est Starve, un combat des chefs où la différence ne se joue plus uniquement dans l’assiette mais aussi dans les poings et les pires trahisons. Mais bon, Gavin devait une saison à la chaîne, reine des audiences grâce à cette arène. Mais jusqu’où un spectacle sans limite comme celui-là peut-il aller ?
© Wood/Zezelj/Stewart chez Image Comics
Starve aurait pu être un versant gore aux émissions « éminemment sympathiques » que nous proposent les chaînes de télé quelles qu’elles soient, un album forcément corrosif mais plus divertissant qu’autre chose. Pourtant, ce que nous lâchent ici Brian Wood, Danijel Zezelj et Dave Stewart, c’est une bombe qui éclabousse tout et tous sur son passage. Des magnats des médias au petit spectateur devant son tout petit écran, des cuisines étoilées au boui boui des quartiers malfamés. Une attaque bien affinée contre cette industrie du spectacle télévisuel. Mais pas que.
© Wood/Zezelj
Car Starve, c’est avant tout l’histoire d’un revenant, pas forcément attachant. Gavin, un homme qui, s’il a disparu des écrans et des radars, n’est pas complètement mort et a encore quelque pas à faire pour tomber au plus profond. Un mec gangrené par ses défauts, qui peut replonger à tous moments, mais qui nourrit, plus fort que tout, l’envie de faire tomber l’engrenage infernal de ce menu télévisé. Un père aussi qui, piètre guide qu’il est, fera tout pour renouer avec sa fille et l’entraîner loin des pas chaotiques qu’il a pu faire, quelques années auparavant.
© Wood/Zezelj
Ce personnage, on le verrait bien incarné par Johnny Depp mais ne nous y trompons pas ces plats prestigieux servis sur les ondes ne sont pas que du cinéma, il y a là une réalité inquiétante que déchirent avec brio le trio Wood-Zezelj-Stewart. Un pavé de grande et belle facture face à la dictature du petit écran.
Alexis Seny
Titre : Starve
Sous-titre : Cuisine & Dépendance
Récit complet
Scénario : Brian Wood
Dessin : Danijel Zezelj (Facebook)
Couleurs : Dave Stewart
Traduction : Benjamin Rivière
Genre : Thriller, Anticipation
Éditeur : Urban Comics
Collection : Urban Indies
Nbre de pages : 256
Prix : 22,5€
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