Avec Benjamin et Benjamine, les explosifs Goscinny et Uderzo fignolaient la grammaire et la recette de leur chef d’oeuvre
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Avec Benjamin et Benjamine, les explosifs Goscinny et Uderzo fignolaient la grammaire et la recette de leur chef d’oeuvre

C’est le Jour J, le nouvel album d’Astérix, celui qui l’entraînera dans un périple Transitalique, est sorti. Les médias nous en parlent depuis des mois, vous n’allez quand même pas me dire que vous ne tiendrez pas un jour de plus ? Si ? Bon, soyons francs, on ne peut rien pour vous, on ne l’a pas encore lu… Par contre si vous voulez patienter et passer après le rush sachez que, de derrière les fagots, les Éditions Albert René viennent de sortir, dans leur format si reconnaissable, l’intégrale de Benjamin et Benjamine. Un chaînon manquant (deux albums seulement avaient été publiés dans les années 90) mais désormais ressoudé, dans l’ère Goscinny-Uderzo, entre Luc Junior et celui qui allait définitivement leur donner leurs lettres de noblesses, le valeureux petit Gaulois dont tout le monde connait désormais le nom. Pourtant, couple de BD comme l’était Modeste et Pompon et comme le sont toujours Bob et Bobette (même à l’ombre d’eux-mêmes), Benjamin et Benjamin possédait déjà l’ADN et la marque de fabrique des deux auteurs et légendes du Neuvième Art.

 

 

 

 

 

 

La toute première planche, inédite © Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Résumé de l’éditeur : Ils sont fous, ces héros ! Un fer à repasser volant, un conflit survolté entre les redoutables « Boudtchous » et les redoutés « Bobohs », des billets de banque qui tombent du ciel… Chaque jour amène son lot d’aventures incroyables au duo constitué par Benjamin et Benjamine !

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Ils ont beau ne rien demander à personne, dès qu’il y a un petit souffle d’aventure, ils s’y engouffrent, Benjamin et Benjamine. Et comme le hasard et la (mal) chance (qu’ils font de toute façon toujours tourner à leur avantage) leur filent des coups de pouces, il ne faut pas s’étonner que le duo se retrouve toujours dans des péripéties abracadabrantes. Benjamin, Benjamine. Au-delà de l’accord des noms, voilà un couple qui s’est bien trouvé, toujours à se relancer mutuellement pour le meilleur et pour le… rire.

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Il faut dire que leurs deux papas n’ont pas ménagé les intrigues souvent explosives: les bousculant pour qu’ils soient le couple royal des Boudtchous (cette secte qui attribue à ces « merveilles » un hochet de majesté et croule sous les richesses malgré le conflit insoluble qui les oppose aux Bobohs), leur faisant gagner le gros lot (empoisonné qui les transformera en véritable héros du Far West moderne ou les faisant devenir les assistants d’un savant fou mais néanmoins adorable qui se voit pousser des ailes. Voilà le menu consistant des trois aventures (plus une courte dans  laquelle les deux héros sont enrôlés à l’insu de leur plein gré pour prendre un vol avec un colis… piégé) de longue haleine que nos nouveaux-anciens amis vivront entre 1957 et 1959.

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo avant restauration

 

Deux années bien chargées, donc, pendant lesquelles René Goscinny et Albert Uderzo ébranleront de rire et de frénésie un peu plus un monde de la BD qui n’a pu se passer de leurs histoires et de leur héritage. Pourtant, cinq ans après leur première collaboration, Goscinny et Uderzo sont encore des jeunes loups, brillants mais élaborant toujours plus la grammaire impossible à enrayer qui allait faire d’eux des légendes.

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Pour moi, Benjamin et Clémentine, c’est un peu le Spirou, le Benoît Brisefer de nos deux as du Neuvième Art. Il y a cette même modernité de la fin des 50’s, ce charme vintage des villes épanouissantes et tranquilles, cette envie de progrès (technologiques notamment) aussi tout en restant simple, direct et efficace, sans chercher la sophistication ni la complexification du propos. Notez quand même, que les histoires racontées par notre duo magique n’ont pas réussi à devenir désuètes et restent quand on y pense d’une certaine actualité. Ces récits sont inébranlables et intemporels.

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Mais c’est vrai qu’en ce temps-là, « la BD, c’est pour les enfants » disent la majorité des grands. Et ça s’en ressent dans Benjamin et Clémentine. Le ton reste bon enfant, nos deux auteurs restent des gamins et ne pensent pas forcément aux adultes qui s’en accommodent pourtant (il suffit de voir les BD’s puérils qui sortent de nos jours et dans lesquelles les parents n’ont pas intérêt à mettre les pieds sous peine de s’en mordre les doigts). Benjamin et Benjamine, c’est du tout public, comme Astérix mais sans avoir trouvé la force de parler d’une part aux grands et d’autre part aux têtes blondes. Ça allait venir.

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Pas de quoi bouder notre plaisir pour autant : Goscinny est déjà aiguisé, Uderzo fulgurant et le cocktail qu’ils concoctent est rocambolesque à souhait, complètement voué à l’humour et à l’aventure, au comique de situation et de répétition ainsi qu’aux personnages plus attachants les uns que les autres et délirant. De ce représentant en cravates reconvertis en garde du corps débonnaire en passant par l’Inspecteur Potiron très collant, puis un précurseur de Kiçàh (le fakir de Rahazade) et des colères monumentales (mais vite passées, on vous rassure) qui ne font qu’augurer les célèbres désaccords nez-contre-nez entre Astérix et Obélix. Tout l’ADN de ce qu’il se passera quelques mois plus tard (et les années qui suivront) est là, peut être encore éparpillé mais empli d’une belle énergie prête à tout emporter de la morosité pour la sacrifier au roi rire haut en couleurs… restaurées, qui plus est.

 

 

 

 

D’une version à l’autre © Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Mais puisqu’il y a un avant et un après Benjamin et Benjamine, il serait dommage d’oublier que cette intégrale est aussi composée d’une trentaine de pages d’introduction bien documentée sur le contexte de la naissance de ce joli couple de héros de BD. Puis, en fin d’ouvrage, quand il y en a plus, il y en a encore, et deux courtes séries du tandem inépuisable prolongent le plaisir.

 

 

 

 

© Goscinny/Uderzo aux Éditions Albert-René

 

Poussin et Poussif qui voit un pauvre chien devoir veiller sur un bébé qui ne tient pas en place (le chien a l’air d’être plus grand qu’Idéfix, la filiation est de mise d’autant plus avec ce gamin qui, balancé dans une autre époque, pourrait très bien être… « le fils d’Astérix) et la famille Moutonet-Cokalane, véritable product-placement pour Pétrole-Hahn mais pas galvaudé pour autant. Des chouettes bonus pour un album patrimonial incontournable.

 

Alexis Seny

 

Titre : Benjamin et Benjamine

Intégrale

Scénario : René Goscinny

Dessin et couleurs : Albert Uderzo

Genre : Aventure, Humour

Éditeur : Albert-René

Nbre de pages : 224

Prix : 20,5€



Publié le 19/10/2017.


Source : Bd-best

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