Entre une histoire d’amour ou d’amitié, Pierre Alary ne choisit pas et réussit les deux, de classe en claques, de Conan le Cimmérien à Sorj Chalandon
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Entre une histoire d’amour ou d’amitié, Pierre Alary ne choisit pas et réussit les deux, de classe en claques, de Conan le Cimmérien à Sorj Chalandon

 Au fil des livres d’une bibliographie, il arrive que certains auteurs fassent des grands écarts, d’une décennie à l’autre, changeant de styles et de ton, donnant libre cours à d’autres aspirations. En l’espace de quatre mois, c’est le formidable Pierre Alary qui a fait sa gymnastique graphique et narrative, poussant de son trait de maître Mon Traître de Sorj Chalandon et, il y a quelques jours, l’indéboulonnable Conan, back to basics vous verrez, de Robert E. Howard. Entre intimisme et récit extraverti, deux facettes d’un auteur qui n’a pas fini de nous épater.

 

 

 

 

 

 

 

 

© Pierre Alary chez Rue de Sèvres

 

Mon traître, ce z(h)éros ?

 

Résumé de l’éditeur : Antoine, luthier parisien se prend d’amour pour l’Irlande. Fasciné par sa culture, ses paysages et par la chaleur des gens, le jeune français rencontre Jim et Cathy qui deviendront des amis précieux. Tous font partie du mouvement républicain irlandais, et mènent des actions pour le compte de l’IRA . Un soir à Belfast, il fait la connaissance du charismatique Tyrone Meehan, responsable de l’IRA, vétéran de tous les combats contre la puissance britannique. Antoine ne tarde pas à embrasser la cause de ce peuple. Captivé, le jeune Français trouve en Tyrone un mentor, un ami très cher, presque un père. Puis un traître… « Mon traître », comme l’appelle Antoine, pour désigner cet homme qui fut en réalité, vingt-cinq ans durant, un agent agissant pour le compte des Anglais. Il les avait tous trahis, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis et lui, chaque matin, chaque soir…

 

 

 

 

© Pierre Alary chez Rue de Sèvres

 

Mon dieu qu’on les aime, ces récits qui écorchent l’humain et sa propension à être fidèle ou, justement, à trahir et à jouer trouble-jeu, avant que le masque tombe. On les aime tant ils nous rappellent qu’aimer est parfois compliqué et qu’il y a des ravins dans lesquels il n’y a pas que les malins qui tombent. Parce que la vie est faite de choix, des bons mais aussi des mauvais. Comment ne pas se remémorer L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, toujours aussi glaçant dans le souvenir que l’on en a et qu’on entretient.

 

 

 

 

© Pierre Alary chez Rue de Sèvres

 

Un autre récit surfant sur ce thème, décidément vaste de la trahison et de la double-vie, est celui de Sorj Chalandon qui trouve aujourd’hui une autre vie dans le roman graphique qu’en a tiré Pierre Alary. Dans la pluie qui déforme les reflets et rend imprécis les visages, la couverture, sobre et pourtant tellement éloquente, de ce nouvel album du papa de Silas Corey en dit déjà long sur ce qu’on va trouver dans ces pages qui mêlent l’Histoire et les histoires qui lient les humains pour, ensuite, parfois, nouer les gorges.

 

 

 

 

© Pierre Alary chez Rue de Sèvres

 

Loin de la frénésie qu’on lui connaît en d’autres lieux (comme d’Argos aux côtés de Kush, étrennée par un Cimmérien dont on n’a pas oublié le nom, vous le verrez), Pierre Alary joue de tact et de discernement pour mener à bien cette histoire chapitrée (des actes courts mais intenses) qui sonne la fin d’une époque, celle de l’insouciance et de la naïveté. Évitant de prononcer les couleurs pour mieux nous embarquer dans le passé cher aux cartes postales délavées, Alary courbe le temps pour amener cette histoire à nous, comme si elle n’avait pas pris une ride, malgré les combats qui se sont éteints depuis. Comme si elle était universelle ? Forcément, puisqu’elle nous questionne aussi sur le rapport que nous avons à nos amis et les positions que nous adopterions si, un jour, un couac mettait à mal la confiance qu’on pensait mutuelle.

 

 

 

 

© Pierre Alary chez Rue de Sèvres

 

Antoine, c’est un peu nous, c’est lui qui va véhiculer notre regard sur les événements qui se jouent en ces temps troublés, entre France et Irlande. Mais, cela dit, Tyrone, il est aussi un peu nous. On peut s’y projeter… tout comme s’y projette Antoine… et Pierre Alary, avec. On sent à chaque image, dans le cadrage (un travelling de BD somptueux et tellement émouvant, au moment crucial de cette histoire) et le choix des ambiances, à quel point notre auteur a été chamboulé par ce récit qui parle (ou ne parle pas, parfois, quitte à mentir) d’homme à homme. Qui pardonne aussi. Qui aime, par-dessus tout.

 

 

 

 

© Pierre Alary chez Rue de Sèvres

 

Sorj Chalandon est sous le feu des projecteurs avec un autre album qui vient de sortir « Profession du père » avec Sébastien Gnaedig. Une interview est à retrouver chez nos amis d’AGE-BD

 

Alexis Seny

 

Titre : Mon traître

Récit complet

D’après le roman de Sorj Chalandon chez Grasset

Scénario, dessin et couleurs : Pierre Alary

Genre : Drame, Histoire

Éditeur : Rue de Sèvres

Nbre de pages : 144

Prix : 20€



Publié le 08/05/2018.


Source : Bd-best

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