« - Le chauffeur vous fait savoir que la voiture est prête. Mademoiselle Billie s’est échappée, mais on l’a retrouvée. Elle a caché une autre clef du parc.
- Ça fait combien ?
- Dix-sept clefs.
- Dix-sept ?
- Dix-sept cette année. Le président de la copropriété, Monsieur Towsend, dit que son chien en a déterré six. Il veut interdire le parc à Mademoiselle Billie.
- Qu’il lui interdise ce qu’il veut et bientôt, sous la pelouse, le chien déterrera les ossements de son maître. Pourquoi elle ne me parle pas, Brett ? Pourquoi elle ne me répond pas ? »
© De Fombelle, Cailleaux - Gallimard
Pourquoi dit-on que les matins sont petits ? Qu’est-ce qui relie une danseuse de l’Opéra de Paris à un caïd de la pègre ?
La consolation. Tous, ils cherchent la consolation…jusqu’à dans la compagnie des abeilles. Il parait que des gens remplissent leurs plaies de miel pour qu’elles se referment.
Cette femme sur un toit de New-York, qui observe cet homme dans son appartement, cet homme, truand notoire, qui semble avoir des difficultés à se comprendre avec sa fille, Foster, allergique aux abeilles, et puis les flics qui courent, qui courent, qui observent et qui courent… En 1954, à New-York, tous cherchent la consolation.
© De Fombelle, Cailleaux - Gallimard
Le scénario de Gramercy Park est un coup de maître. Le romancier Timothée de Fombelle a conçu son récit comme un jeu d’échecs. Les pions sont placés un par un sans que l’on comprenne la stratégie du maître de jeu. Puis ils sont déplacés dans un apparent méli-mélo sans liens cohérents. Mais, lorsque le dernier fil est tissé, tout s’assemble et le lecteur est bluffé. Gramercy Park est une histoire maligne et complexe, demande une certaine attention et un effort de synthèse au lecteur. Le jeu en vaut la chandelle.
Le trait crayon de Christian Cailleaux flotte sur les toits de la ville. Il est contemplatif et délicat, à la fois discret et inquisiteur. Des rues new-yorkaises à la coupole de l’opéra de Paris, des guirlandes de fenêtres qui brillent comme des lucioles à la grille d’un parc aussi simple que complexe, Cailleaux est un décorateur de première. Il y a autant d’âme dans ses monuments, ses objets, que dans les personnages. Ceux-ci, visages impassibles ou sévères, transfigurent leurs émotions avec force et, encore une fois, apparente simplicité. Mais la complexité n’est-elle pas dans la simplicité ? On ressent tout le travail de l’auteur sous-jacent à cette transposition impeccable des sentiments.
Il ne manque plus que James Stewart observant les gens depuis son appartement de Grennwich Village dans Fenêtre sur cour.
Consolation, allègement, apaisement, cicatrisation, compensation, contentement, revanche, satisfaction, soulagement.
Laurent Lafourcade
One shot : Gramercy Park
Genre : Polar
Scénario : De Fombelle
Dessins & Couleurs : Cailleaux
Éditeur : Gallimard
Nombre de pages : 98
Prix : 20 €
©BD-Best v3.5 / 2024 |