« - J’y ai encore réfléchi. Je crois qu’il faut que j’aille leur parler. Je dois tirer cette histoire au clair.
- Tu ne vas pas recommencer avec ça, si ?
- J’y pense tout le temps, tu sais ? Ça m’obsède. J’ai besoin de savoir, d’en avoir le cœur net.
- Alors, fais quelque chose, que veux-tu que je te dise ? Mieux vaut agir que continuer à te torturer comme ça. Tu sais que tes parents risquent de très mal le prendre ? Tu te sens prêt ?
- Vous savez qu’on ne fait le test que lorsqu’on a de sérieux doutes. Est-ce que c’est votre cas ?
- Je crois. Il y a des choses qui ne vont pas. Je ne ressemble pas du tout à mes parents. »
Mario, la vingtaine, a des doutes sur ses origines. Il se rend donc Plaza de Mayor pour rencontrer les abuelas, les grands-mères, qui aident les enfants adoptés à retrouver leurs origines. Mais ces bambins argentins se sont retrouvés dans cette situation de façon atypique. Entre 1976 et 1983, la dictature argentine les a arrachés à leurs familles opposantes pour les confier à des gens plus dociles. Mario entraîne son copain Santiago dans sa quête. Les deux jeunes hommes vont passer des tests ADN, première étape de la recherche. Mais tout ne va pas se passer comme prévu.
© Goust, Matz – Rue de Sèvres
Matz aborde un sujet peu connu des lecteurs européens. Il présente un témoignage argentin historique, montrant ainsi les affres silencieuses de la dictature. Les conséquences de ce scandale sont ressenties des années plus tard par ces jeunes en quête de leur véritable identité. Le scénariste pénètre au cœur des âmes et présente les différents cas de figures qui peuvent se présenter pour tous ceux qui veulent savoir. Sans concession, il n’épargne rien à ses personnages. L’avenir et les réponses, ou pas, ne sont pas toujours simples. Il peut arriver à certains de rester encore dans le tunnel de l’inconnu, voire pire, de ne pas réussir à en sortir.
© Goust, Matz – Rue de Sèvres
Le trait de Mayalen Goust, c’est la délicatesse même. Dans des couleurs pastels, elle cherche à aider Mario, Santiago ou encore Victoria. Son dessin les porte dans leur quête. Disposées en aplats pour les personnages en général, les couleurs se muent en hachures pour des décors tranchants, symbolisant le fouillis du monde dans lequel ils réalisent n’être que des marionnettes.
Rarement symbiose n’a été autant ressentie entre des auteurs et les acteurs de leur récit que dans ces Vies volées. C’est un peu comme si Matz et Mayalen Goust avaient tout fait pour offrir le meilleur destin à tous, mais que malheureusement ils n’y étaient pas arrivés…tout simplement parce que l’on peut raconter l’Histoire mais pas la détourner de son cours.
Laurent Lafourcade
One shot : Vies volées, Buenos Aires Place de Mai
Genre : Chronique historique contemporaine
Scénario : Matz
Dessins & Couleurs : Goust
Éditeur : Rue de Sèvres
Nombre de pages : 80
Prix : 15 €
ISBN : 9782369813958
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