Nouvelles relatives ŕ la bande-dessinée ou au graphisme
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L'esprit des lois.   Bobigny 1972 / Dans les couloirs du conseil constitutionnel

 

"-Laisse-moi entrer, Marie-Claire… Que je te voie. Savoir si je dois t'amener chez le Docteur. Chérie, que se passe-t-il ? Pourquoi tu pleures ? Ce n'est pas grave, voyons… Des coliques… Marie-Claire…. Marie-Claire. Tu dois me raconter ce qui s'est passé. Et tu dois me dire quand cela est arrivé."

 

 

 

 

 


1971. Marie-Claire a 15 ans. Elle n'a pas fait l'amour. Il l'a forcée. Il l'a forcée. Elle est enceinte. Il l'a forcée... Il l'a forcée… Marie-Claire ne veut pas de cet enfant. Sa mère l'accompagne dans sa démarche. Comme des milliers de femmes, elle va aller voir une faiseuse d'anges… pour avorter. Début 1972, sur dénonciation du violeur, Marie-Claire et Michèle, sa mère, sont arrêtées et interrogées par la police. "Quiconque par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de procurer l'avortement d'une femme enceinte ou supposée enceinte, qu'elle y ait consenti ou non, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, et d'une amende de 1800 F à 100 000 F…" Les deux femmes sont libérées en attendant le procès. Quelques mois plus tôt, 343 femmes ont lancé un appel réclamant l'avortement libre. Parmi elles, la célèbre avocate Gisèle Halimi. Michèle Chevalier décide d'aller la rencontrer pour qu'elle défende sa fille, mais elle n'a pas d'argent pour la payer. Pour Halimi, il n'y a pas de problème d'argent. Il n'y aura pas de frais si la famille la laisse agir. L'affaire sera médiatisée afin de pousser l'état à changer la loi. La société patriarcale est-elle prête à faire évoluer sa mentalité ?

 

© Maurel, Bardiaux-Vaïente - Glénat

 

Les allées du tribunal de Bobigny laissent place à celles d'une institution. Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel, deux autrices nous prennent par la main pour visiter les lieux et comprendre le rôle de l'instance de la rue de Montpensier. Avant 1958, le régime politique de la France était marqué par la toute-puissance de la loi. Si celle-ci était en contradiction avec la constitution, on modifiait cette dernière, ce qui fragilisait le régime. A l'avènement de la Vème République, tout va changer grâce à la création du Conseil Constitutionnel, premier organe qui va contrôler la constitutionnalité. Le premier président en est Léon Noël. Il est composé de neuf membres, renouvelables par tiers tous les trois ans, ainsi que des anciens présidents de la République qui en sont membres de droit. Peu y siègeront, en particulier pour préserver la neutralité de l'institution. Chaque citoyen peut saisir le Conseil Constitutionnel pour une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil veille également au bon déroulement des élections.

 

© Gally, Bardiaux-Vaïente - Glénat

 

Marie Bardiaux-Vaïente scénarise deux récits de lois. Avec Bobigny 1972, c'est tout le parcours du combattant pour l'IVG qui est raconté à travers une histoire basée sur des faits réels, le procès de Marie-Claire Chevalier. La loi Veil est en ligne de mire, mais avant d'en arriver là, il aura fallu tout le talent et la puissance d'une Gisèle Halimi, avocate qui réussit à embarquer l'opinion publique. Carole Maurel met en scène cet événement avec une pudeur incroyable. Son graphisme réunit les genres et transpire d'émotion. Pour rester dans la militance, Carole Maurel, futur Grand Prix d'Angoulême ! Marie Bardiaux-Vaïente montre à toutes les femmes du XXIème siècle qui l'ignoraient qu'il aura fallu se battre il y a cinquante ans pour qu'elles connaissent enfin la justice de leur liberté. Quand un bouquin comme ça sort dès janvier, on peut dire aux autres qu'ils n'ont plus qu'à repousser leurs sorties en 2025 s'ils veulent être élus meilleur album de l'année.

 

© Maurel, Bardiaux-Vaïente - Glénat

 

Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel se range dans la catégorie des BD reportages, même si le livre se lit avec la même aisance qu'une fiction. La scénariste se met en scène aux côtés de sa dessinatrice Gally. On les voit dès la couverture, Marie toute guillerette à l'idée de rentrer dans l'immeuble de la Rue de Montpensier, Véro, traînant des pieds, se demandant dans quoi elle s'est embarquée. C'est instructif. C'est parfois drôle, contre toute attente. Le graphisme tout public contrebalance avec la solennité des lieux, permettant de mieux s'y faufiler. On comprend enfin l'utilité et l'indispensabilité du Conseil. Comme un trait d'union entre les deux albums, l'ombre de Simone Veil veille sur les autrices. Elle a été membre du Conseil Constitutionnel de 1998 à 2007.

 

© Gally, Bardiaux-Vaïente - Glénat


Bobigny 1972 et Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel racontent des pans de la politique de la Vème République. Chacun dans son style explique comment les mentalités ont évolué dans le sens de la fraternité (et de la sororité), de la liberté et surtout surtout de l'égalité. Au-delà de ça, en 2024, les femmes prennent enfin le pouvoir dans le milieu de la bande dessinée et c'est tant mieux.

 

Laurent Lafourcade

 

 


One shot : Bobigny 1972

Genre : Histoire

Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente

Dessins & Couleurs : Carole Maurel

Éditeur : Glénat

ISBN : 978234405

Nombre de pages : 164

Prix : 22 €

 


 

One shot : Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel

Genre : Reportage

Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente

Dessins & Couleurs : Gally

Éditeur : Glénat

ISBN : 978234405

 



Publié le 27/02/2024.


Source : Boulevard BD


Nous sommes ce dont on hérite.   Visages - Ceux que nous sommes 4 – Soleil Cou Coupé

 

"-Sheila, ça te tente une promenade ? Tu n'es pas trop fatiguée ?

-Volontiers, Papa ! Je ne me lasse pas du paysage ! Quand j'étais sur le front, je ne réalisais pas à quel point mon homeland me manquait… Maman va chaque jour un peu mieux.

-Notre Maureen est si heureuse que tu attendes un enfant. Elle s'accroche à ça. Puisque ce Georg va épouser ma fille, ce serait bien qu'il épouse notre cause.

-Ce sera son choix.

-Dire que c'est le fils de Louis !"

 

 

 

 

 


                1943, à Berlin, Georg apprend que sa mère Lieselotte est à Dachau. Enquêtant sur les camps de la mort, elle s'y est trouvée prisonnière. 1944, à Paris, Louis, directeur de cabaret, tente d'extirper son amour de ce mauvais pas. Quant à Sheila, l'amour de Georg, enceinte, elle vient de regagner l'Irlande en urgence. Sa mère est malade. Transférée à Mauthausen, Lieselotte retrouve l'ignoble docteur Mühle, auprès duquel elle a travaillé lors de la guerre de 14 et qui pratique des expériences chirurgicales sur de pauvres victimes déportées. Alors qu'en Irlande, la résistance de l'IRA contre les "brits" s'organise, sur le continent, les nazis voient arriver les premiers véhicules américains. Louis, Lieselotte, Georg et Sheila se retrouveront-ils tous ensemble ? Leurs destins se lieront-ils à nouveau ?

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

                Mais quelle claque ! Ce quatrième et ultime tome de Visages Ceux que nous sommes montre à ceux qui en doutaient encore que cette série porte un message qui ne peut qu'inviter à la réflexion. Elle montre que la vie est un fléau, fléau dans le sens tragédie à cause des guerres comme celles qui ont fait du XXème siècle une époque tout aussi barbare qu'un Moyen-Âge sauvage, et fléau dans le sens aiguille d'une balance, la balance de la vie sur laquelle chacun est en équilibre et doit faire des choix pour la faire pencher d'un côté ou de l'autre. La question philosophique soulevée par la série est la suivante : Dans quelle mesure peut-on soi-même choisir le côté duquel mettre le poids dans la balance de sa vie, et par ricochet dans celle du monde ? Et si l'on va plus loin : L'Histoire, avec majuscule, nous emprisonne-t-elle dans notre histoire personnelle ? Dans un final poignant à arracher des larmes à la fois d'émotion, de fatalité et d'espoir, les auteurs apportent une réponse. Visages est le genre d'histoires grâce auxquelles on n'est plus vraiment le même après l'avoir lue.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Ce dernier tome fait référence au dernier vers du poème Zone de Guillaume Appolinaire : Soleil cou coupé, expression qui sera popularisée par Aimé Césaire. «Soleil cou coupé» est une exclamation elliptique qui sonne le glas du monde nouveau, décapité et d'avance perdu. Alors, avance-t-on inéluctablement vers une fin dramatique ? Qui lira saura. La cité de l'immigration, au Palais de la Porte Dorée, était autrefois le Musée des arts africains et océaniens. C'était le Musée préféré de nombreux artistes peintres et écrivains comme Picasso ou Appolinaire. C'est la fin d'un monde, mais pas forcément dénuée d'espoir parce que ça peut être également un renouveau. Ecrits en 1913, les 155 vers de Zone résonnent comme une métaphore de la saga Visages, de son début – "À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine" – à sa conclusion – "Tu es seul Le matin va venir Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie Tu marches vers Auteuil Tu veux aller chez toi à pied Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances Adieu Adieu Soleil cou coupé". Relue à la lumière du soleil qui éclaire le monde et d'Appolinaire qui en dégage l'essence, Visages Ceux que nous sommes prend tout son sens.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Inutile de revenir sur le talent des auteurs. La série aura permis de révéler les véritables "visages" du dessinateur Aurélien Morinière, définitivement entré dans la cour des grands dessinateurs réalistes, et du duo de scénaristes Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa qui ont ici démontré toute la puissance que la bande dessinée peut apporter à l'Histoire. Une série d'entretiens avec les auteurs est disponible sur la chaîne YouTube Boulevard BD. Histoire de guerres, histoire des arts, mais avant tout histoire de personnes, avec un type de narration inédit, osé et efficace, Visages – Ceux que nous sommes se clôt avec maestria. Sublime.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Visages - Ceux que nous sommes

Tome : 4 – Soleil cou coupé

Genre : Histoire

Scénario : Nathalie Ponsard-Gutknecht & Miceal Beausang-O'Griafa

Dessins & Couleurs : Aurélien Morinière 

Éditeur : Glénat

ISBN : 9782344032909

Nombre de pages : 64

Prix : 15,50 €

 



Publié le 14/02/2024.


Source : Boulevard BD


Quatre destins croisés.   Chassé-croisé au Val Doré

 

"-On arrive quand ? On arrive quand ? On arrive quand ?

-Voilà, Victor, nous sommes arrivés dans notre maison."

 

 

 

 

 


                Victor et ses parents viennent d'arriver dans leur nouvelle maison. C'est une splendide bâtisse victorienne, en pleine campagne. Le gamin harcèle ses parents pour avoir un chien, sauf qu'ils vont lui offrir… un chat, et qu'il n'en voulait pas. C'est bien plus utile pour attraper les souris. Ça ne va pas l'empêcher de jouer avec lui dehors. C'est là qu'ils vont être poursuivis par un chien qui n'a pas l'air des plus aimables. "Le garçon qui ne voulait pas de chat" est le premier des quatre petits albums qui composent le coffret Chassé-croisé au Val Doré.


© Trondheim, Garcia Sanchez, Moral - Dupuis

 

                Dans "Une vie de chien", on découvre comment un chiot a été adopté par un papa et ses deux filles jumelles Lou et Marion. Il sera leur compagnon de jeux à toutes les deux jusqu'à ce que l'une d'elles, Lou, soit mortellement mordue par un serpent. C'est elle que l'on retrouvera dans la troisième partie "La petite fille fantôme", dans sa condition d'ectoplasme, cherchant à envoyer des signes à son père et à sa sœur, discutant avec les animaux et voltigeant dans l'univers. Le quatrième livre, "Un président pas comme les autres", raconte le destin d'un homme qui, comme le titre l'indique, devient président de la République, sauf que Président, ce n'est pas tout à fait le rôle que l'on croit.


© Trondheim, Garcia Sanchez, Moral - Dupuis

 

                Quadrilogie sur la solitude, Chassé-croisé au Val Doré est la nouvelle prouesse scénaristique de Lewis Trondheim. Il y est question de la solitude d'un petit garçon, seul môme avec ses parents, celle d'un chien qui a perdu une maîtresse, celle d'un fantôme qui regarde ceux qui sont restés, et, plus étonnant, celle d'un président isolé par le pouvoir et découvrant sa véritable fonction. Toutes ces histoires se croisent et s'imbriquent, des scènes trouvant des échos ou un autre point de vue d'un album sur l'autre. Elles peuvent se lire dans n'importe quel ordre et il est merveilleux de revenir sur les premières une fois que l'on a tout lu.


© Trondheim, Garcia Sanchez, Moral - Dupuis

                Vingt ans après Les trois chemins et sa suite sous les mers, Trondheim retrouve son complice espagnol Sergio Garcia Sanchez pour cette aventure atypique. Les auteurs n'ont d'ailleurs pas pu s'empêcher de faire un clin d'œil aux Trois chemins dans une double planche du "garçon qui ne voulait pas de chat".

                La maquette est (presque) formidable. Les albums carrés sont réunis dans un joli coffret. Lorsque l'on accole les quatre livres, la maison se reconstitue. Dommage que les raccords ne tombent pas en face. Ça entache légèrement le travail de maquettiste de Léa Ellinckhuÿsen.

 


© Trondheim, Garcia Sanchez, Moral - Dupuis

                "Mon rêve serait de redevenir enfant dans la maison à la campagne avec mes parents." dit le président à Victor. Grâce à ces auteurs, avec des livres comme ça, le lecteur le redevient. N'est-ce pas ça le plus merveilleux ?

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Chassé-croisé au Val Doré

Genre : Aventures fantastiques

Scénario : Lewis Trondheim

Dessins : Sergio Garcia Sanchez

Couleurs : Lola Moral

Éditeur : Dupuis

ISBN : 9782808503990

Nombre de pages : coffret 4 tomes de 32 pages

Prix : 29,90 €


 



Publié le 07/01/2024.


Source : Boulevard BD


Marathon 1904.    La course du siècle

 

"-On fait démarrer le marathon en début d'après-midi !

-Aux heures les plus chaudes ? Brillante idée !

-On devrait facilement atteindre les 32 degrés !

-Et un 30 août, le taux d'humidité sera certainement très élevé !"

 

 

 

 

 


                30 août 1904, Saint-Louis, Etats-Unis. Le marathon des Jeux Olympiques va se tenir. Ils sont trente-deux coureurs sur la ligne de départ. Il y a des sportifs, des iconoclastes, des participants auxquels on ne s'attendait pas. Tous ont pour point commun d'être des coureurs invétérés. Les américains ont une revanche à prendre. Quelques années plus tôt, à Paris, la France a gagné deux fois plus de médailles que les Etats-Unis. Pour eux, ces maudits européens ont triché. Cette fois, l'Amérique a bien l'intention d'organiser des jeux modernes avec des infrastructures innovantes et des épreuves taillées sur mesure pour des surhommes qui se surpasseront et atteindront des sommets, bref, pour les jeunes sportifs américains.

© Munuera, Kid Toussaint, Sedyas - Le Lombard

                Parmi les inscrits, on trouve Andarin Carvajal, l'homme qui voulait faire la sieste, facteur à Cuba. Il y a Thomas Hicks, l'homme qui ne voulait plus être deuxième, compétiteur jusqu'au bout des ongles. Sont également au départ Len Taunyane et Jan Mashiani, deux afro-américains qui combattaient l'un contre l'autre lors de la seconde guerre des Boers en 1901 dans le Transvaal. Frederick Lorz, quant à lui, est un coureur… de jupons, habitué à échapper aux maris jaloux. Il y a même un français, Albert Corey, qui n'a rien à faire là vu que la France n'a pas envoyé de délégation. Ils diront donc qu'il est américain. La course va délibérément démarrer sous une chaleur écrasante. Les organisateurs en ont fait un laboratoire à taille humaine pour tester sur les engagés les effets de la déshydratation sur des sportifs de différentes "races". Les athlètes n'étaient rien moins que des cobayes. Terrain vallonné et poussiéreux, un seul point de ravitaillement en eau, dopage organisé : la course du siècle restera dans les annales.

© Munuera, Kid Toussaint, Sedyas - Le Lombard

                Kid Toussaint écrit une BD presque-reportage qui a tout d'une comédie dramatique. Il la met en scène avec l'efficacité qu'on lui connaît. Cette course hallucinante a bel et bien eu lieu, tellement improbable qu'il était impossible de l'inventer. Elle restera mythique non seulement pour ses conditions d'organisation, mais également pour les personnalités de quelques-uns de ses participants. En fin d'album, un cahier documentaire ancre le récit dans son contexte historique. Le marathon le plus dangereux de l'histoire s'est tenu là, à Saint-Louis et dans ses alentours, sur les rives du Mississippi. Qui de mieux qu'un dessinateur au trait hyper-dynamique pour mettre en scène une telle compétition ? José-Luis Munuera était l'homme providentiel pour la dessiner dans la poussière des couleurs impeccables de Sedyas.

© Munuera, Kid Toussaint, Sedyas - Le Lombard

                La course du siècle est l'un des événements de cette fin d'année, un album surprenant, étonnant, et pourtant basé sur des faits incroyablement réels. Bref, un indispensable. S'il vous reste une idée de cadeau à trouver, elle est là !

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : La course du siècle

Genre : Comédie dramatique

Dessins : José-Luis Munuera

Scénario : Kid Toussaint

Couleurs : Sedyas

Éditeur : Le Lombard

ISBN : 9782808205825

Nombre de pages : 96

 



Publié le 23/12/2023.


Source : Boulevard BD


No life is no life, la la la lala !   Dark Quentin

 

"-Mon dieu. On t'entend dans toute la maison. Tu me fais mourir de honte. Chantal vient de me demander ce que tu faisais dans la vie… Je lui dis quoi moi ? "Mon fils jour aux meuporg toute la journée" ? Et c'est quoi toutes ces bouteilles ?

-Maman… Mon casque est cassé… Tu peux me prêter 20 euros ? Je te les rendrai…

-C'est la dernière fois."

 

 

 


La mère de Quentin vient de monter à l'étage après avoir entendu un barouf d'enfer. Elle retrouve son fils dans sa chambre, par terre, les fesses à l'air. Les yeux défoncés par des heures, des jours et des nuits d'ordinateur, le jeune homme, d'une vingtaine d'années, se plaint que son casque est cassé. Elle lui donne les 20 euros qu'il demande, mais ça sera la dernière fois… Entre jeux de guerre en ligne et vidéos pornos, Quentin est un "no life". Sa vie est exclusivement numérique. Comme Quentin a mal aux dents, il carbure au Tramadol, un antalgique qui lui calme la douleur et dont les substances opiacées agissent sur le cerveau. S'il a si mal aux dents, c'est certainement à cause de ses canines de vampire. Aujourd'hui, il va affronter le monde extérieur car il lui faut remplacer son PC. Il n'a pas froid. Il n'a pas peur. Le Tramadol lui donne des ailes. Jusqu'à présent, il a parcouru plus de distance dans les mondes virtuels que dans la vraie vie. La sortie risque d'être une aventure.

© Matao - 6 pieds sous terre

Après avoir tenté de voler un modèle d'expo et gerbé dans le magasin, Quentin échappe aux flics grâce à Issa, un employé qui refuse de nettoyer. Le responsable les jette tous les deux de la boutique. Issa comprend rapidement que le geek qu'il vient de rencontrer est un peu particulier, tout comme lui. Il l'amène dans un château, au beau milieu de la ville, demeure dont Quentin ignorait totalement l'existence. N'y vivent que des vampires et une goule qui semble gérer la maison. Le lieu a été fondé par son maître, l'éminent Michel qui n'est pas sans rapport avec Quentin, et qui a construit une étrange machine fonctionnant au sang de vampire.

© Matao - 6 pieds sous terre

Pour son premier album, Matao écrit une aventure psychédélique que n'aurait pas renié un Alejandro Jodorowski, un délire vampirique renvoyant en seconde ligne les récits classiques du genre. Matao met en scène un "no life", ces individus externes au monde réel, préférant la virtualité électronique des ordinateurs et du web. Quentin en est arrivé à tel point de dépendance qu'il a basculé dans un monde dont on se demande sans cesse dans quelle réalité ou irréalité il se trouve. Ce qui lui arrive est-il concret ou est-on avec lui sous la dépendance de substances ? On se pose sans cesse la question avant que le final sans équivoque nous amène à la vérité. C'est scénaristiquement très finement joué. Il faut dire que côté récit mais dans un tout autre genre Matao a de qui tenir puisqu'il est le fils de l'écrivain Yann Queffeléc, goncourisé pour Les noces barbares en 1985.

© Matao - 6 pieds sous terre

Dans un graphisme voisin de l'underground, tout en niveaux de gris, Matao navigue entre une réalité à fuir et un fantastique assumé. C'est une histoire de vampires sans rouge, mais on a l'impression d'en être imprégné. Matao a inventé le gris-rouge. Ajoutons que Matao a de qui tenir puisqu'il est le fils du peintre Yann Queffélec, excellant dans les gris et dont des oeuvres participent au final, accentuant le fond du récit.

Histoire sur la réalité virtuelle, histoire de vampires, histoire sur les rapports familiaux, Dark Quentin éclaire le récit de genre par le biais d'un angle inédit. Qui plus est, c'est drôle, c'est inquiétant, c'est émouvant. Matao arrive dans le paysage BD et, même si les vampires n'ont pas de reflet, ne risque pas de passer inaperçu.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Dark Quentin

Genre : Aventure fantastique

Scénario & Dessins : Matao

Éditeur : 6 pieds sous terre

Collection : Monotrème

ISBN : 9782352121817

Nombre de pages : 160

Prix : 22 €

 



Publié le 26/11/2023.


Source : Boulevard BD


Quand Pierre Alary s'attaque Ă 

 

 

 

1861, avril … les Etats-Unis s’apprêtent à connaître leur plus sanglant conflit intérieur : la Guerre de Sécession ! Nord contre Sud, industriels contre haute société terrienne.

L’état de Géorgie est dans le camp sudiste avec ses grandes plantations, leurs esclaves, leurs riches propriétaires … Et avec eux, leur mode de vie, leur classe bourgeoise, leurs bals, …

 

 

 

 

 

Atlanta, plantation « Tara » du clan O’Hara, Scarlett, jeune fille en fleur de 16 ans, capricieuse, têtue, au caractère bien trempé, est complètement abattue. Le monde vient de s’écrouler autour d’elle ! Non pas à cause du conflit qui s’annonce ! Non ! La raison en est bien plus grave à ses yeux. L’homme qu’elle aime en secret et dont elle est convaincue que ses sentiments sont réciproques, Ashley Wilkes va annoncer ses fiançailles.

Mais elle n’est pas l’heureuse élue ! Car cette dernière s’appelle Mélanie Hamilton et le lendemain, ce sera officiel ! Leur union était décidée depuis longtemps.

 

Pour le père de Scarlett, le drame n’est pas si important. Il ne considère pas Ashley comme le gendre idéal. Sa fille pourrait trouver mieux. De plus, pourquoi s’empresser pour un premier amour alors que le Sud est rempli en prétendants intéressants. Nombreux d’entre eux seront d’ailleurs présents le lendemain à la réception que les Wilkes donnent dans leur élégante propriété des « Douze Chênes » !

 

Le frère lui-même de l’heureuse élue, Charles Hamilton, lui fait à cette occasion une cour plus qu’assidue ! Mais aucun ne semble attirer Scarlett …

Aucun sauf peut-être cet homme arrogant, cynique, sûr de lui, plus âgé qu’elle, sans foi ni loi, immoral pour nombre des invités, Rhett Butler  …

Bien que Sudiste, son opinion sur la situation politique va à l’encontre de l’avis général. Pour lui, le Sud court à sa perte en allant à la confrontation avec le Nord.

 

Bref, ne serait-ce pas ce triste portrait qui le rend si terriblement séduisant pour la jeune fille ?

 

 

 

© Pierre Alary – Rue de Sèvres 2023

 

Et la guerre éclate … Ashley avance son mariage avant de partir combattre. Folle de jalousie, Scarlett se venge en acceptant finalement d’épouser Charles Hamilton, qu’elle n’aime pas et qui doit également rejoindre les rangs des armées sudistes!

 

Mais la guerre ne va cesser de rabattre les cartes dans ce jeu de sentiments, d’intrigues et de relations contrariées. Le destin de chacun ne faisant que s’entrechoquer avec celui des autres protagonistes en fonction des événements.

 

 

© Pierre Alary – Rue de Sèvres 2023

 

Margaret Mitchell avait alors écrit un chef-d’œuvre. Publié en 1936, il entrera dans la légende avec la remarquable adaptation cinématographique, 3 ans plus tard, d’« Autant en emporte le vent » par Victor Fleming ! Dans les rôles principaux, une Vivien Leigh et un Clark Gable magistraux ! L’Académie ne s’y trompera pas : 8 Oscar ! Hollywood vient de consacrer un Monument du 7e Art, né du 5e Art, … et ce pour des décennies !

 

 

© Pierre Alary – Rue de Sèvres 2023

 

Alors que penser de Pierre Alary lorsqu’il décide de s’attaquer à un tel roman pour l’adapter au 9e Art ?

 

Et surtout quelle idée en cette époque de wokisme abrutissant d’oser rendre hommage à un roman dans le collimateur d’une certaine « intelligentsia » bien-pensante ? Car oui, il s’agit d’un roman mettant en avant le contexte social de l’époque : l’esclavagisme !

 

Pierre Alary n’en est d’ailleurs pas à son premier coup. Il s’était déjà penché sur des héros littéraires tels « Don Vega », « Moby Dick » ou dans un autre genre, « Conan le Cimmérien ».

 

Dialogues et textes percutants, dessin soigneux, exaltant les sentiments des personnages et les ambiances du Sud grâce à une mise en couleur flamboyante, Pierre Alary réussit à magnifier le texte original sans en faire un simple copier-coller dans ses phylactères.

 

S’appropriant l’œuvre, à la fois littéraire que cinématographique, il la transpose de façon personnelle mais fidèle. Dès les premières planches, le lecteur est dans l’ambiance : tout sera entre ombre et lumière !

 

 

© Pierre Alary – Rue de Sèvres 2023

 

Cerise sur le gâteau … le livre en lui-même est superbe. Belle couverture, tranche toilée, reliure soignée, papier de qualité, l’objet est à la hauteur du récit.

 

Ce premier opus s’arrêtant alors que la guerre est finie. Scarlet retourne à Tara pour tenter de la sauver. Mais la situation financière de la plantation est catastrophique … Pour trouver de l’argent, elle s’apprête à transformer un rideau en robe afin de se rendre à Atlanta pour …

 

Après avoir échoué dans sa quête au bonheur, réussira-t-elle celle de l’argent ? Wait and see …

 

« J’ai compris que l’argent est ce qu’il y a de plus important au monde, et je suis bien décidé à ne plus jamais en manquer … »

 

Maintenant, il faudra attendre le tome 2 afin de pouvoir apprécier dans sa globalité cette nouvelle adaptation d’un roman exceptionnel.

 

Sans hésiter, un de nos coup de cœur 2023 !!!

Pour les amateurs BD et de cinéma qui ne l’auraient pas encore dans leur bibliothèque, il est évident que ce superbe album méritera largement sa place sous le sapin.

 

 

Thierry Ligot

 

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Titre : Gone With The Wind, tome 1

Scénario / dessin : Pierre Alary

Editeur : Rue de Sèvres

Parution : 5 avril 2023

Page : 150

Format : 24 x 32,1 cm

ISBN : 9782810202195

Prix : 25 €



Publié le 14/11/2023.


Source : Bd-best


Renaud, ou le parcours d'un loubard gâté !

Renaud, le bon pote, le gavroche au bandana rouge, le frérot de banlieue, le canard noir de la bonne conscience … Chanteur populaire ou plutôt chanteur du peuple … qui ne connaît pas au moyen une de ses chansons ?

 

Entre révolte et ballade du cœur, ces dernières jalonnent nos vies depuis plus de 50 ans !

 

Chanteur engagé, hors cadre, porte-parole d’une jeunesse de banlieue, ses coups de gueule sont aussi célèbres que ses déclarations d’amour en chanson.

 

 

 

 

 

Mais comment résumer en 300 pages le parcours aussi unique, exceptionnel du mec en blouson de cuir - santiag, à la guitare, à la parole facile, directe et souvent dérangeante ? L’homme qui a le cœur dans les tripes et les tripes dans le cœur !

Le chanteur qui offrira son talent, ses paroles et sa voix

 

Voici « Docteur Renaud, Mister Renard » ! De gavroche à loubard …

 

 

 

 

© Gaston – Dicale – Delcourt 2023

 

Tel est le défi auquel s’est attaqué Bertrand Dicale, journaliste spécialisé dans la chanson française. Confiant le crayon à Alain Gaston Remy, ils pondent un roman-graphique à l’image de leur idole. Vrai, brut, sans concession ! Pourtant, nous sentons bien au fur et à mesure des pages, leur admiration pour cet artiste à fleur de peau.

 

Et pour être au plus près de lui, ils lui demanderont, et obtiendront, son aval avant et pendant son écriture et sa réalisation. Une carte blanche de la part de Renaud, c’est la certitude de prendre un risque énorme. Vont-ils être à la hauteur du personnage, de sa vie, de sa personnalité ?

 

 

 

 

© Gaston – Dicale – Delcourt 2023

 

 

Première fois que Renaud voit sa vie décortiquée et exposée ainsi dans le 9e Art, lui grand connaisseur-collectionneur de BD prenait également un risque ! Se voir mis à nu sans aucune censure …

Mais n’est-il pas « interdit d’interdire » ?

 

Le résultat est largement à la hauteur des espérances de chacun. Hommage mais surtout regard objectif, tendre et dur à la fois, sur ce parcours hors-norme … de son enfance à aujourd’hui, débuts, lutte, Mai ’68, envolée, succès, coups de gueule, chutes, angoisses, déprimes et rechutes, … Un portrait qui invite ses fans à voir plus loin que simplement le Renaud sous les projecteurs. Une plongée dans son intimité qui éclaire de nombreuses zones d’ombre, révélatrice d’un homme entier, vivant et « Toujours vivant, rassurez-vous … » !

 

Par ailleurs, des « fan-zones » entrecoupant les différentes étapes de la vie de Renaud, offrent la possibilité à Alain Gaston Remy de dire combien, dans sa propre vie et celles des fans de son idole, ce dernier a marqué, façonné, influencé les générations qu’il a traversées.

 

Grandeur et décadence … mais Phénix à chaque fois !

 

 

 

© Gaston – Dicale – Delcourt 2023

 

Quant au dessin, simple, vivant, décontracté, il fait corps avec le ton de la narration. Soigneux dans les détails de costumes, de scènes, … Gaston ne laisse rien au hasard pour emporter le lecteur dans l’univers et l’atmosphère de Renaud. Par conséquent, un visuel attachant et n’écrasant pas la narration.

 

Alors que le chanteur revient, enfin ou encore, sur scène, sa résurrection sera-t-elle la bonne ?

 

Donc, une actualité chaude pour Renaud Séchan, né à Paris un jour de 1952, une BD et une nouvelle tournée « Dans mes cordes » démarrée récemment …

 

Croisons les doigts que ce énième retour soit le bon !

 

 

Un roman-graphique, une biographie passionnante de celui qui est né sous le signe de l’Hexagone !

Et je ne sais pourquoi, mais à sa lecture, comme une envie de réécouter en fonds … « Dans mon HLM », « Laisse béton », « Hexagone », « Mistral gagnant », « Dès que le vent soufflera », « Ma gonzesse », « Morgane de toi », « La ballade nord-irlandaise », « Blanche », « Manhattan-Kaboul », … sans oublier « Toujours debout » !

 

Une superbe idée de cadeau sous le sapin … si vous réussissez à attendre jusque là !

 

 

 

 

 

 

 

 

© Gaston – Dicale – Delcourt 2023

 

 

"Ecrire et faire vivre les mots

Sur la feuille et son blanc manteau

Ça vous rend libre comme l'oiseau

Ça vous libère de tous les maux

 

C'est un don du ciel, une grâce

Qui rend la vie moins dégueulasse."

Renaud Séchan

 

 

Thierry Ligot

 

 ________________________________________________________________________

 

Titre : Renaud, Né sous le signe de l’Hexagone

Scénario : Bertrand Dicale

Dessin : Alain Gaston Remy, dit Gaston

Editeur : Delcourt

Collection : Encrages

Sortie : 25/10/2023

Page : 312

Format : 26,2 x 20,3 x 3 cm

Poids : 1.186 gr

ISBN : 9-782413-042570

Prix : 29,95 €



Publié le 11/11/2023.


Source : Bd-best


Le club des Cinq a la trouille.   Le collège noir

 

"-Extinction des feux ! Les filles, retournez dans votre chambre.

-Non ! On veut dormir tous ensemble encore ce soir !

-Je vous avais dit que c'était exceptionnel !

-On n'est plus des gamins, Lena. Tranquille.

-C'st bien ça qui me fait peur… Pfff… Faites ce que vous voulez. Mais je vous préviens, si j'entends un autre bruit que vos ronflements, vous giclez chacun dans votre dortoir avec une tarte. Bonne nuit !"

 

 

 

 


Alors que tous les collégiens du monde passent leurs vacances chez eux, un petit groupe de gamins du Cantal reste dans leur établissement pour tout l'été. Ulysse, Ouss, Krum, Mei et Step n'ont pas des parents qui ont la possibilité de les récupérer. Il y a aussi Jonas, qui habite seul avec son père dans une ferme non loin du collège qui vient passer les après-midis avec eux. Ils sont sous la responsabilité de Lena, jeune adulte chargée de les surveiller à l'internat. Bâtiment vétuste, le collège perdu dans les montagnes tapissées de forêts sauvages et de vallées obscures semble avoir été là depuis des centaines d'années. La journée, Lena leur laisse quartier libre, tant qu'ils lui foutent la paix, mais à 18 h, couvre-feu. Filles et garçons, chacun dans leurs chambre et dodo.

© Malassagne – Bande d'ados

Il y a quelques jours, Jonas est mort noyé dans un marais des profondeurs de la forêt, appelé par une voix qui semblait être celle de sa mère. Une nuit, le fantôme de Jonas est venu voir une dernière fois ses camarades avant de s'envoler dans une lueur par la fenêtre du dortoir. Les enfants le suivent, pénètrent dans la forêt et se trouvent face à une espèce de croque-mitaine, voleur d'âmes qui vient de capturer celle de Jonas. Ils parviennent à la libérer. Le monstre les poursuit avant d'abandonner la partie. Il les maudit et leur annonce que les ténèbres les traqueront, toutes les nuits jusqu'à leur mort. Ils devront rembourser de leurs propres âmes celle qu'ils viennent de sauver.

© Malassagne – Bande d'ados

Le livre de la lune, le livre de la pierre et Le livre de l'hiver sont les trois parties du Collège noir parues entre 2016 et 2019 et réunies ici en intégrale. Ulysse Malassagne, auteur complet, y raconte son enfance composée d'aventures tellement étranges et terrifiantes qu'il n'avait jusqu'à présent jamais osé les mettre en bande dessinée. Il se remémore aujourd'hui sa jeunesse au collège, puisant dans sa mémoire les souvenirs qu'il a pu conserver sans sombrer dans la folie. On y croirait presque. Dans un graphisme apparenté à celui de Boulet, Malassagne oppose des personnages aux carrures South Park à de terrifiants monstres type gravures Yo-Kaï. Il y a aussi une petite ambiance studios Ghibli. Le scénario ne laisse pas de temps mort. Certaines scènes, comme celles du barrage, foutent vraiment la trouille. La fin est particulièrement réussie. La post-conclusion brouille un peu plus les pistes entre l'imaginaire et la réalité.

© Malassagne – Bande d'ados

Mais quelle bonne idée qu'ont eu les éditions Milan de sortir cette intégrale quelques semaines avant Halloween. L'histoire est également disponible en dessin animé sur ADN depuis le 31 octobre. Le collège noir est une petite pépite, le genre d'histoires qu'on lit quand on a envie de prendre plaisir à se faire peur.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Le collège noir

Genre : Aventure fantastique

Scénario, Dessins & Couleurs : Ulysse Malassagne

Éditeur : Bayard

Collection : Bande d'ados

ISBN : 9782408048594

Nombre de pages : 248

Prix : 19,90 €

 



Publié le 08/11/2023.


Source : Boulevard BD


Le grand retour.   Tintin Le journal des jeunes de 7 à 77 ans Numéro spécial 77 ans

 

"-Nous y sommes enfin, mon bon Minimum !

-Snirfl ! Fichu rhube ! Non ! Baudit rhube !

-Mon pauvre ami !... Dis donc, il a l'air joli, ce village !

-Joli ?!... Chlorophylle, je te rappelle que le plus important est de trouver à banger !

-Ne sois pas si ronchon ! On m'a dit que c'était l'abondance, là-bas ! D'ailleurs, nous y sommes ! C'est à cette adresse que ça se passe !

-Peuh ! Il n'y a rien dans ce potager ! Pas même des légumes d'hiver !

-C'est que le trésor se trouve à l'intérieur. Passons par la grange !"

 

 

 

 

 


                Chlorophylle et Minimum sont à la recherche d'un précieux trésor qui leur permettrait de se sustenter. Mais qu'est-ce donc ? On le découvrira en relisant l'hommage de la série mythique de Raymond Macherot signé Ers et Dugomier et qui fit pendant des années les beaux jours du Journal Tintin. Comme Chlorophylle, de nombreux héros emblématiques de l'hebdomadaire sont de retour sous la plume et le crayon de leurs admirateurs pour la plupart ou de leurs auteurs d'origine pour quelques-uns d'entre eux dans ce numéro spécial de 400 pages pour fêter les 77 ans du lancement du journal et des éditions du Lombard.

 

© Le Lombard / Moulinsart

 

                Michel Vaillant participe à une course de Formule 1 en 1980, écrite par son scénariste actuel Denis Lapière et dessinée par Vincent Dutreuil. Dimitri Armand rejoue à nouveau avec un Bob Morane qu'on lui a injustement retiré. Hermann retrouve Comanche, Cosey Jonathan, Crisse Nahomi et Derib Buddy Longway. Grâce à Boucq, Jérôme Moucherot rencontre Modeste et Pompon, Ric Hochet, Bernard Prince, Thorgal et Séraphin Lampion. Rousseau est de nouveau à la reprise de Vasco et Rodrigue à celle de Cubitus. Certains auteurs créent la surprise comme Clarke avec Simon du Fleuve, Turk, Falzar et Zidrou avec un Luc Orient décalé ou encore Aurélie Guarino et Kid Toussaint avec une émouvante Prudence Petitpas.

Quelques héros sont servis plusieurs fois comme Bob et Bobette, Ric Hochet, Thorgal, Blake et Mortimer, … D'autres sont injustement oubliés comme Chick Bill, Jari, Ian Kalédine, Capitaine Sabre, Barelli, Martin Milan, Rataplan, Strapontin, Taka Takata, Victor Sackville et d'autres, heureusement rassemblés dans un trombinoscope final. Il est vrai qu'il n'était pas possible de faire de la place pour tous, mais limiter les hommages à un par série aurait permis d'en accueillir certain d'entre eux. Ceci dit, quand on se demande qu'est-ce qu'il aurait fallu supprimer pour leur faire de la place, il est impossible de choisir.

 

© Le Lombard / Moulinsart

 

                Quatre articles éditoriaux agrémentent l'ouvrage pour en faire une vraie revue. Daniel Couvreur ouvre le bal, positionnant Tintin comme le plus grand influenceur de la bande dessinée contemporaine parce que "Le monde de Tintin s'enrichit du temps qui passe." Des personnalités du cinéma, de la littérature, de la chanson ou autres arts présentent leurs cases fétiches. Si Patrice Leconte s'arrête sur la momie de Rascar Capac entrant par la fenêtre, Eric Fottorino est subjugué par l'ultime vignette de Tintin au Tibet. Cédric Klapish, lui, a été marqué par Tintin accroché au mur d'un building de Chicago, pendant que Richard Gotainer se marre des cheveux longs et colorés des Dupondt dans la fusée.

                Jérôme Dupuis (tiens, Dupuis pour Le Lombard, c'est rigolo) s'attache au volet de l'histoire du journal, avec ses hauts et ses bas. Anne-Claire Norot parle du rôle des femmes, qu'elles soient autrices ou héroïnes avec notamment des interviews d'Alix Garin, trop jeune pour avoir participé au journal, et de Magda, qui y publia avec Lamquet les aventures de Gilles Roux et Marie Meuse, une des premières séries ouvertement écologiques. Enfin, dans Tintin ou la multiplication des genres, Julien Bisson revient sur les genres narratifs qui se côtoyaient dans l'hebdomadaire : l'aventure avec Corentin ou Dan Cooper, l'histoire avec Le chevalier blanc, la science-fiction avec Rork, le western sérieux comme dans Comanche ou humoristique comme dans Chick Bill, l'un des héros à la carrière la plus longue dans le journal, tout comme Ric Hochet dans le polar. C'est l'occasion pour rendre hommage à Tibet, un des auteurs majeurs et dont on parle trop peu.  

 

© Le Lombard / Moulinsart

 

                En coédition avec les éditions Moulinsart, Le Lombard offre déjà le plus beau des cadeaux de Noël qui soit. Cet imposant journal, ce pavé, est une somme d'humour et d'émotion. Il ferait même parfois verser des petites larmes de souvenirs. Reviens toutes les semaines, journal Tintin ! On va bien s'occuper de toi. Tout le monde t'attend impatiemment.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Tintin Le journal des jeunes de 7 à 77 ans

Genre : Multi-genres

Scénario, Dessins & Couleurs : Collectif

Éditeur : Le Lombard / Moulinsart

ISBN : 9782808210218

Nombre de pages : 296

Prix : 29,90 €

 

 



Publié le 02/10/2023.


Source : Boulevard BD


New-York Eighties.   Soda - Le pasteur sanglant

 

"-Vous arrivez trop tard pour les derniers sacrements, pasteur.

-Il est nouveau, lui !

-Alors, qu’est-ce qu’on a ?

-Femme blanche, la soixantaine, probablement prostituée. Elle semble avoir été étranglée. C’est l’épicier qui l’a trouvée en sortant les poubelles."

 

 

 

 

 


                New-York, années 80. Comme tous les matins, Soda quitte son appartement et sa mère en habit de pasteur pour se rendre sur son lieu de travail. Pour ne pas l’inquiéter, il ne lui a jamais dit qu’il était flic. Comme tous les matins, il se change dans l’ascenseur qui le conduit au rez-de-chaussée. La Caporal Linda Tchaïkowsky l’attend dans leur véhicule de fonction. Aujourd’hui, le dispatcher les envoie vers une impasse pisseuse avant le premier doughnut. La journée va être longue. Pour la troisième fois en un mois, une femme est retrouvée morte étranglée, avec une page de calendrier agrafée sur la tempe. Mais celle-ci n’est pas encore décédée. Elle se réveille en sursaut et reconnaît en Soda son agresseur. Le flic aurait-il franchi la frontière du crime ?

 

© Gazzotti, Bocquet, Usagi - Dupuis

 

                Neuf ans que Soda avait disparu des radars. Depuis 2014 et Résurrection, dessiné par Dan sur un scénario de Tome, on attend la suite de ce diptyque post-11 septembre. Mais ce n’est pas cette histoire tant attendue qu’on lit aujourd’hui. Entretemps, Tome est décédé en laissant l’histoire inachevée. Suite à blocage des ayants droits, Dan n’a pas pu poursuivre dans la foulée. La situation est débloquée. Il lui reste une dizaine de planches à terminer pour ce qui sera le tome 14. Parallèlement, Gazzotti reprend le personnage qu’il avait abandonné en 2005. Rappelons que le premier dessinateur fut Luc Warnant. Le dessinateur de Seuls replace le récit à l’époque de ses origines, à savoir les années 80. Les pistes ne sont ainsi pas brouillées avec la version de Dan.

 

© Gazzotti, Bocquet, Usagi - Dupuis

 

                Quel plaisir de retrouver ce classique du polar noir à la sauce franco-belge. Tchaîkowski, la coéquipière dont tout le monde rêverait, Pronzoni, le supérieur au visage anguleux, Bab’s et sa gourmandise légendaire, Mary, la maman naïve et son chat Goliath, ils sont tous là. Gazzotti les retrouve comme s’il les avait quittés hier. On sait que sa collaboration avec Tome n’a pas été un long fleuve tranquille. Et pour ce retour aux sources, le scénario a été confié à Olivier Bocquet, scénariste de l’excellente série Frnck, entre autres, et du récent Plus dangereux métier du monde. La fusion entre le dessinateur et son scénariste est parfaite. On ressent le plaisir qu’ils ont eu à travailler ensemble. Si l’un dessine son co-auteur en tant que dessinateur, pour un portrait-robot, l’autre demande à son collaborateur de représenter quatorze flics dans un ascenseur. Bocquet concocte un thriller psychologique dans lequel il pousse Soda dans ses retranchements. Evidemment, on se doute que le pasteur-flic n’est pas l’auteur des crimes dont on l’accuse. Mais Soda est tourmenté. Ce n’est pas le psychologue de la brigade qui dira le contraire. Le patient ne se rappelle même plus qu’il le voit tous les quinze jours. Et puis, il s’énerve même devant sa mère. Très vite, le traqueur va devenir traqué. Il va lui falloir prouver son innocence.

 

© Gazzotti, Bocquet, Usagi - Dupuis

 

                Espérons que ce retour de Soda ne soit pas éphémère. La bande dessinée a besoin de séries comme celle-ci. Parce qu’il y a aussi des héros éternels qui ne sont pas si anciens que ça.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Soda

Tome : Le pasteur sanglant

Genre : Thriller/Polar

Scénario : Olivier Bocquet

Dessins : Bruno Gazzotti

Couleurs : Usagi

Éditeur : Dupuis

ISBN : 97910347

Nombre de pages : 6

Prix : 12,95 €

 

 



Publié le 09/07/2023.


Source : Boulevard BD


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