« - Ça ne va pas, Gabin ? Qu’est-ce qui se passe ?
- Ben, notre nouvelle vie, c’est beaucoup de changements… Moi, j’aimais bien celle d’avant, on avait nos habitudes…
- Oui, je comprends…
- Notre routine, le soir, on se couchait pour huit heures et demie, tu nous lisais une histoire, puis je t’entendais parler dans le salon, ça me berçait… Avec le nouvel appartement et l’arrivée de Nicolas et des filles, c’est plus pareil, tout est chamboulé.
- Tu sais, ok, il y a du changement, mais ça ne nous empêchera pas de garder nos petites habitudes… Je peux te lire notre livre fétiche, si tu veux, il est dans ce carton…
- Oh oui, cool !
- HE ! Le dernier film de super-héros en Blu-ray et des bonbecs maintenant dans le salon ! Y en a que ça intéresse ?
- Et nos petites habitudes ?
- Je vois pas de quoi tu parles, m’man ! »
Quand beau-papa vient proposer une soirée home-ciné à la place de la tendre lecture du soir avec maman, Gabin n’hésite pas une seconde, au grand désespoir de sa mère. Recomposer une famille, ce n’est pas seulement vivre tous ensemble dans un même lieu, appartement ou maison, c’est aussi apprendre à « composer » les uns avec les autres.
© Sti, Armelle – Bamboo
Nicolas et Sophie ont chacun deux enfants. Manon et Sarah sont la lycéenne et la collégienne de Nicolas. Gabin et Emma sont les écoliers de Sophie. Dans ce petit monde, chacun a son petit caractère, pour le meilleur et pour le rire. Il suffit qu’un seul des enfants n’arrive pas à s’endormir pour que la famille se retrouve à six dans le lit. Et quand, comme ici, il y a des enfants des deux côtés, les mettre en compétition dans les tâches ménagères est le meilleur moyen pour arriver à ses fins.
La garde alternée une semaine sur deux, c’est long. Mais c’est laquelle des semaines la plus longue ? Celle où l’on se languit de ses enfants, ou bien celle où ils mettent le bazar à la maison ? La composition des repas, notamment, est un réel casse-tête. Mais parfois, on a prévu compliqué alors qu’il suffisait de faire simple.
© Sti, Armelle – Bamboo
L’album de Sti et Armelle respire, ou plutôt transpire, le vécu. Sti raconte sa façon de vivre. Nicolas lui ressemble d’ailleurs physiquement un petit peu. On n’est pas loin de l’autofiction. Pour la dessinatrice Armelle, la situation est un brin différente. Son compagnon a des enfants. Elle doit donc se positionner pour intégrer une famille. Les auteurs jouent la carte de l’humour dans des situations parfois compliquées dont ils se moquent avec tendresse ou dont ils s’amusent avec recul. Ils ne cherchent en aucun cas à être moralisateurs ni à imposer une recette pour vivre en harmonie dans une telle famille. Chacun doit trouver sa solution. Si les auteurs cherchaient à démontrer quelque chose, c’est que cette solution se trouve plus facilement avec le sourire.
© Sti, Armelle – Bamboo
Le titre de la série est trop long. « Famille recomposée » aurait été amplement explicite et suffisant. Mais s’il y a quelque chose que l’on souhaite long à la série, c’est sa durée de vie. Elle ne s’adresse pas seulement aux familles concernées. Tout le monde y trouvera son compte. C’est drôle, c’est frais, c’est dans l’air du temps.
Laurent Lafourcade
Série : Photo de famille recomposée
Tome : 1
Genre : Humour familial
Scénario : Sti
Dessins & Couleurs : Armelle
Éditeur : Bamboo
Nombre de pages : 48
Prix : 10,95 €
ISBN : 9782818975503
« - Tu sens ?
- Une présence ?
- Oui, on est suivis. Mais curieusement, ils restent à distance… Pourtant, ils ont dû remarquer les traces qu’on laisse délibérément depuis trois jours.
- Ils ne nous pourchassent peut-être pas ?
- Difficile à dire.
- Attendons encore un peu, on verra bien. S’ils en ont après nous, comme d’habitude...
- Je leur réglerai leur compte. »
Mis à mort par la maison royale, les démons Sonju et Mujika ont survécu dans le plus grand secret. Ils sont les seuls de leur race pouvant survivre sans devoir manger d’humains. En pleine forêt, ils sont retrouvés par Don et Gilda. Alors que le plan de Norman est d’exterminer toute la famille royale pendant la cérémonie de Tifari, Emma et se amis s’opposent à cette décision radicale. Nous sommes le 7 novembre 2047. Norman est déjà en route pour la capitale. Sera-t-il arrêté à temps avant le génocide ? Si les nobles se font tuer, c’est tout le système politique des démons qui va s’écrouler et avec lui les possibilités de négociation.
© Shirai, Demizu – Kazé
Kaiu Shirai accélère le rythme. Pas une seconde de répit dans ce dix-septième volume de TPN. Emma et ses camarades n’ont pas le temps de souffler. Une course contre la montre est engagée contre Norman, qui n’est pourtant pas un ennemi mais qui a une vision particulière pour se sortir de l’emprise des démons. Accords et désaccords. Amis et ennemis. Enfants et démons. Même si le meilleur arc narratif reste le premier, dans l’orphelinat de Gracefield House, surprenant parce qu’on ne savait absolument pas dans quelle aventure on allait être embarqué, cet arc amenant vers le dénouement n’en reste pas moins empli de tensions. La série s’est a chevée au vingtième tome au Japon. Il n’en reste plus que trois chez nous après celui-ci.
© Shirai, Demizu – Kazé
Posuka Demizu fait le grand écart entre les doux et émouvants visages des enfants parfois terrorisés mais qui ne comptent pas baisser les bras et les horribles démons sans yeux et d’une cruauté impassible. Et lorsque le démon Geelan attaque, Demizu ne lésine pas dans le trash avec têtes coupées et corps mutilés. C’est supportable dans le genre manga, en noir et blanc dans une lecture rapide au rythme de l’action. Ça le serait certainement moins dans le franco-belge.
© Shirai, Demizu – Kazé
Bien que pas tout à fait à jour, le site consacré à la série est bien fichu : http://minisites.kaze.fr/the-promised-neverland/index.html.
La galaxie The promised neverland ne s’arrête pas au seul manga, loin de là. Après la série anime, un film live est prêt à sortir sur grand écran.
Laurent Lafourcade
Série : The promised neverland
Tome : 17 - La bataille de la capitale
Genre : Survival
Scénario : Kaiu Shirai
Dessins: Posuka Demizu
Éditeur : Kazé
Nombre de pages : 192
Prix : 6,89 €
ISBN : 9782820338679
« - T’as pas l’air dans ton bol !
- J’ai fait un drôle de cauchemar…
- Quel cauchemar ?
- J’ai rêvé que maman et Jean-Robert me mordaient dans mon lit et qu’ensuite, j’avais moi aussi envie de mordre… mordre… mordre…
- Allez, c’est tip top l’antilope tout ça. Mais on est en r’tard pour l’école !
- Et ce soir, c’est Halloweeeeen ! »
Aujourd’hui, c’est Halloween ! La fête des sorcières, des monstres et des morts-vivants. Ce matin n’est pas comme les autres chez Pélagie, la souris. Sa mère et son beau-père ne sont toujours pas levés. Il faut accompagner les petits à l’école et l’un d’eux a fait un cauchemar. Mais était-ce réellement un cauchemar ?
© Montel, Clément – Dargaud
La nuit dernière, Pélagie a été témoin de l’arrivée d’une mystérieuse « météorite » colorée en pleine forêt, amenant quelqu’un qu’elle connaît bien… Mais est-ce vraiment lui ? Pélagie n’a pas été la seule observatrice du phénomène. Arthur et Kitsu étaient aussi pas loin. Ils ont vu la traînée lumineuse dans le ciel qui a précédé le grand Boum. Ils amènent le professeur sur place pour qu’il analyse le cratère.
Loïc Clément sème la panique dans la vallée des Mitaines. Après l’enquête policière du premier tome La peau de l’ours, puis l’histoire plus sentimentale du deuxième épisode Cœur de renard, il verse dans l’horreur avec une histoire de zombies dans laquelle il ne manque que Sibylline. Le grand Raymond Macherot n’aurait pas renié ce scénario horrifiquement déjanté comme il en a écrit en fin de carrière. Clin d’œil également à Hergé, Tintin et à L’étoile mystérieuse en particulier avec ce corbeau prédicateur qui fait penser à Philippulus le prophète.
© Montel, Clément – Dargaud
Le scénariste sait parler aux enfants d’aujourd’hui avec également des références contemporaines. Stranger things fait partie de la liste, mais également Walking Dead, inaccessible pour les plus jeunes, mais dont ils peuvent avoir leur version grâce à cette nuit des croque-souris.
Anne Montel prend un réel plaisir à animer ces animaux contaminés. C’est drôle et effrayant à la fois. Il faut aussi regarder ses décors en arrière-plans. On ne les remarque presque pas, mais les maisons sont faites de cafetières et de briques de lait, de bocaux et de fioles. Enfin, l’OVNI traversant le ciel montre tout son magnifique talent de coloriste.
© Montel, Clément – Dargaud
Après la réédition des deux premiers tomes, c’est le premier épisode totalement inédit publié chez Dargaud. En parallèle, Le mystère de la chambre morne sort chez Little Urban, roman illlustré se déroulant trente ans plus tôt dans le même univers. La vallée des mitaines n’a pas fini de nous raconter de belles histoires.
Laurent Lafourcade
Série : Le temps des mitaines
Tome : 3 - La nuit des croque-souris
Genre : Aventure animalière
Scénario : Loïc Clément
Dessins & Couleurs : Anne Montel
Éditeur : Dargaud
Nombre de pages : 80
Prix : 14,50 €
ISBN : 9782205083064
« - Maximus ! Je t’ai cherché partout. Quelle fournaise, je transpire comme Mae West dans une chambrée de bidasses.
- On m’a dit d’aller au plateau 7.
- Plateau 16. Les gens d’Hollywood ne savent pas compter en dessous d’un million.
- C’est quoi, ici ?
- Une des plus grosses usines à rêves. Tous les gosses de ce pays vendraient leurs petites cuisses roses pour travailler là… La majorité ira s’échouer sur les trottoirs sans même franchir le portail. Mais toi, tu as le ticket gagnant.
- Comment ça ?
- Quelque chose qui marche quand on ne le sait pas.
- Vous me prenez pour un demeuré ? C’est pas parce que j’ai pas de parents que je suis un cake. J’ai un cerveau, j’ai lu des livres et je le sens pas votre truc…
- Mon truc, c’est un raccourci. Je t’évite un itinéraire long, humiliant et sale. A Hollywood, tout est possible, le pire comme le meilleur. Si tu t’accroches, tu peux accéder au sommet. »
Hollywood, 1936. Maximus Wyld, de son vrai nom Maximus Ohanzee Wildhorse, souhaite devenir comédien. Métis issu de familles noire, chinoise et amérindienne, son charisme va lui ouvrir les portes du cinéma. Bien avant que Sidney Poitier ne vienne dîner, avant que Harry Belafonte ne triomphe dans la comédie musicale JohnMurray Anderson’s Almanac, également avant que Yul Brynner ne devienne le roi de Deborah Kerr, Wyld accèdera au rang de star. Pourtant, aucun générique ne mentionne son nom.
© Micol, Hui Phang – Futuropolis
Loo Hui Phang et Hugues Micol visitent la grande fabrique du rêve hollywoodien à travers le destin romancé d’un acteur imaginaire. Comme immergés dans un vrai film du vrai cinéma, on marche sur un fil tout au long de l’album, ne sachant jamais si ce que l’on nous raconte tient du mythe ou de la réalité. Syndrome de Münchhausen cinématographique ? Carrière effacée ? On ne sait pas s’il faut y croire. On aimerait que tout soit vrai. Mais tout n’est pas si faux que ça.
La scénariste Loo Hui Phang imagine la biographie d’un personnage étant le combiné de plusieurs acteurs ayant fatalement existé. Maximus Wyld synthétise une catégorie de gens qui ont fait l’histoire du cinéma. On y croise entre autres des pontes de l’industrie comme le producteur David Selznick, des stars de l’époque comme l’actrice Vivien Leigh. L’ambiance semble bien plus réaliste que dans la série sophistiquée de Ryan Murphy, au charme certes esthétique mais au scénario poussif.
© Micol, Hui Phang – Futuropolis
On apprend comment cinéma et ségrégation ont été deux éléments constitutifs de l’Amérique. On découvre qu’il y a eu des films produits, réalisés et interprétés par des noirs pour un public noir : les race movies. Entre 1915 et 1950, cinq cents films de ce type ont été produits. Seule une centaine existent encore de nos jours.
Après l’exceptionnel Saint-Rose - A la recherche du dessin ultime, le nom moins exceptionnel Hugues Micol passe d’un délire aventureux à une fausse réalité, ou une vraie fiction, dans un noir et blanc oscillant entre la caricature et un réalisme immergeant dans l’époque. C’est parfois volontairement froid comme un roman-photo, c’est surtout impitoyable comme le fonctionnement du système Hollywoodland.
© Micol, Hui Phang – Futuropolis
Après l’excellent Hollywood menteur de Luz paru chez le même éditeur et racontant le tournage du film Les désaxés avec Marilyn Monroe, Clark Gable et Montgomery Clift, Black-out montre un autre pan de l’usine à rêves.
« Hollywood est une fiction. Il se nourrit d’histoires, fabrique des héros, les célèbre et les brûle. » Maximus Wyld entre en scène. Silence, on tourne !
Laurent Lafourcade
One shot : Black-out
Genre : Fiction cinématographico-historique
Scénario : Loo Hui Phang
Dessins : Hugues Micol
Éditeur : Futuropolis
Nombre de pages : 200
Prix : 28 €
ISBN : 9782754828048
Il est une histoire très ancienne que l’on raconte les soirs où la lune devient rouge.
Jadis, la lune s’ouvrit comme un œuf et toutes les terreurs nocturnes en sortirent. Elles descendirent sur la Terre en grandes hordes, et il semblait alors impossible de les arrêter.
Voyant cela, les loups désignèrent le plus puissant d’entre eux pour les combattre : un loup noir comme la nuit, féroce et implacable. Il bondit jusqu’à la lune et parvint à contenir en son sein les terreurs les plus redoutables, les obligeant à battre en retraite et à retourner à leur torpeur.
Ceci est l’histoire du loup gardien des terreurs de la lune. Un jour où il était descendu sur Terre pour se désaltérer, il aperçut une louve blanche qui l’observait. Effrayée par une ombre, la demoiselle s’enfuit. Le loup décida de la retrouver pour l’aider. Il fallait faire vite avant que les terreurs qu’il contenait sur la lune ne se réveillent.
© Wehrhahne, Smicht - Bang Ediciones
Pamela Wehrhahne écrit un conte dans la plus pure tradition populaire, réunissant les poncifs et les thèmes mythiques inhérents au genre. Avec le loup, on apprendra à se méfier des apparences. L’union fera la force. On domptera ses peurs. On verra que le monde manichéen, avec un côté tout blanc et un autre tout noir, n’est en fait qu’utopie, et que c’est peut-être mieux comme ça pour pouvoir faire face à toutes les situations.
© Wehrhahne, Smicht - Bang Ediciones
Les dessins de Hernan Smicht sont somptueux. Trois tons : noir, blanc, rouge. Les sommets de ce triangle colorimétrique sont les pivots d’un équilibre graphique merveilleux. Les yeux vides des animaux contribuent au mystère. Les ombres et lumières sous un ciel nocturne lumineux sont magiques.
© Wehrhahne, Smicht - Bang Ediciones
Le loup dans la lune n’est pas une bande dessinée mais un album illustré. La frontière entre les genres est de plus en plus ténue. Certaines BD sont des suites illustrées de cases. Cet art n’est-il d’ailleurs pas né comme ça ? Certains livres jeunesse sont emplis de dialogues. On ne pouvait passer à côté de l’empreinte de ce loup dont le graphisme est à tomber.
Le loup est dans le lune. Il nous protège. Nous pouvons lire sur nos deux oreilles.
Laurent Lafourcade
One shot : Le loup dans la lune
Genre : Conte animalier
Textes : Pamela Wehrhahne
Dessins : Hernan Smicht
Traduction : Léa Jaillard
Éditeur : Bang Ediciones
Nombre de pages : 56
Prix : 15 €
ISBN : 9788418101267
« - Arrête, Fantasio ! Tu sais bien qu’on ne peut pas sortir.
- M’en fous !
- A l’heure qu’il est, l’hôtel est cerné…
- Pourquoi tu prends cette voix stupide ?
- C’est pas moi, idiot, c’est la télé… Viens voir.
- Les accès sont coupés dans un rayon de plusieurs kilomètres. Le Pacific Palace est prêt à accueillir le président Korda en toute tranquillité. »
Devant les grilles du Pacific Palace, hôtel de luxe dans lequel Spirou et Fantasio sont tous les deux grooms, cette peste de Seccotine est en duplex pour la chaîne de télévision pour laquelle elle travaille. Le parc de l’hôtel cache un imposant dispositif de sécurité avec gendarmes et tireurs d’élite. Iliex Korda, un dictateur en fuite et sa fille Elena vont investir les lieux. Ne sont plus présents à l’intérieur que quelques membres du personnel triés sur le volet. Inutile de préciser que le séjour ne va pas être de tout repos.
© Durieux - Dupuis
C’est au tour de Christian Durieux de proposer sa version de Spirou. L’auteur sait aussi bien s’adresser aux enfants (Oscar) qu’aux adultes (Des gens honnêtes). Alors, il ne devrait pas avoir de problèmes avec le tout public. Pourtant, il est très rare qu’il ait été auteur complet dessin-scénario-couleur. Ça ne lui est arrivé que deux fois : avec Le pont en 2007, ainsi que le somptueux Un enchantement, en 2011, tous deux parus chez Futuropolis. Durieux remet Spirou au cœur de son métier. Il travaille comme groom. Ce n’est plus au Moustic Hôtel mais au Pacific Palace, et Fantasio exerce la même profession que lui.
© Durieux - Dupuis
La première version du scénario traîne depuis vingt-cinq ans dans les tiroirs de son auteur, jusqu’au jour où il a l’idée de faire de Spirou le personnage principal de l’aventure. L’introduction de Fantasio en qualité de second groom lui permet d’apporter un équilibre humoristique. Au départ, Spip et Zantafio étaient de la partie, mais, comme on dit au cinéma, ils ont été coupés au montage. Le président Korda est inspiré à la fois de Nicolae Ceausescu, dictateur roumain déchu en 1989, et de Jean-Claude Duvalier, Bébé Doc, tyran haïtien. Celui-ci était venu se réfugier dans un hôtel en France après sa chute en 1986. Enfin, avec Elena, Durieux ajoute la dose de romantisme nécessaire à tout bon récit.
© Durieux - Dupuis
L’hôtel lui-même apparaît comme un personnage de l’histoire. Il est un mix de l’hôtel Art nouveau bruxellois Métropole, du Ritz, du Crillon et d’un hôtel croate de Zagreb. Leurs murs sont témoins de tout ce qu’ils ont vu, leurs couloirs résonnent des pas de tous ceux qui les ont fréquenté.
Au cinéma, Wes Anderson nous avait embarqué dans son Grand Budapest Hôtel. En bande dessinée, Christian Durieux nous invite au Pacific Palace. La classe ! Ça, c’est Palace !
Laurent Lafourcade
One shot : Spirou - Pacific Palace
Genre : Aventure
Scénario, Dessins & Couleurs: Christian Durieux
Éditeur : Dupuis
Nombre de pages : 80
Prix : 16,50 €
ISBN : 9791034732692
« - Habla inglès ? Je suis américain.
- Sans déc’ ?
- Le petit somalien. Personne ne lui ouvrait la porte.
- En Espagne, tout le monde est persuadé que ce sont des étrangers qui nous ont apporté ce truc, là.
- Alors… Pourquoi vous m’avez aidé ?
- Tu as quelque chose dont j’ai besoin.
- Qu’est-ce que… ?
- Moi, c’est Claudia. Et toi ?
- Jeff. Je m’appelle Jeff.
- Alors, accroche-toi, Jeff. Je n’habite pas loin. »
Dans une Barcelone envahie par les zombies, Jeff tente de sauver un jeune somalien aux prises avec les morts-vivants. Il ne parviendra pas à l’extraire des mâchoires mortelles et devra lui-même son salut à Claudia, jolie catalane, qui cherche à fuir la ville. Ensemble, réussiront-ils à regagner un monde meilleur ? Si tant est qu’il existe…
© Vaughan, Martin, Rathburn, Kirkman – Delcourt
L’étranger est le premier spin off de Walking Dead. Robert Kirkman a laissé son stylo à Brian Vaughan et Charlie Adlard a prêté ses feutres à Marcos Martin. Seul Cliff Rathburn, avec ses niveaux de gris, fait le pont entre la série mère et ce one shot. La série principale terminée, on pensait avoir fait le tour de ce monde apocalyptique. Les auteurs démontrent ici le contraire. Dans le plus grand respect de l’œuvre originelle, ils proposent un récit rapide au final percutant.
Graphiquement, Vaughan marche sur les pas de son prédecesseur mais apporte plus d’humanité aux personnages dans un monde où il n’y en a plus beaucoup. Claudia est plus jolie et sensuelle que toutes les filles de Charlie Adlard. Mais peut-être est-ce là le charme ibérique. Question décors, les scènes sous-marines sont remarquables. Question couleurs, les touches de rouge sang font un effet bœuf.
© Vaughan, Martin, Rathburn, Kirkman – Delcourt
En bonus à cet opus, un fascicule complémentaire offre un chapitre supplémentaire à la saga. Avec Le retour de Negan, sur les vingt-six planches d’un comics, les auteurs d’origine racontent la rencontre de Negan avec une jeune fille prénommée Lucy. Lucy… Lucile…comme le nom de la batte de Negan, son seul véritable amour. Les similitudes ne vont pas laisser le grand dur indifférent. Tout les ingrédients d’un nouveau départ sont réunis. On sent Kirkman démangé. Le scénariste n’a pas du tout l’air décidé à abandonner son univers. L’avenir le dira.
© Vaughan, Martin, Rathburn, Kirkman – Delcourt
Alors que l’on pensait la page tournée, L’étranger et Le retour de Negan offrent un double rebond original à une saga majeure des années 2010 qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
Laurent Lafourcade
Série : Walking Dead
Tome : L’étranger + Fascicule : Le retour de Negan
Genre : Zombies
Scénario : Brian K.Vaughan
Dessins : Marcos Martin
Niveaux de gris : Cliff Rathburn
Une série créée par : Robert Kirkman
Éditeur : Delcourt
Nombre de pages : 72
Prix : 13,50 €
ISBN : 9782413039594
« - Quel plaisir de vous voir !
- Le plaisir est partagé.
- Auriez-vous, par hasard, des lames de rasoir ?
- Pas une.
- Qu’avez-vous pensé de la dernière pendaison des prisonniers ?
- Je la regarderai sur le télécran. Vous êtes toujours sur une nouvelle version du dictionnaire ?
- Plus que jamais. J’en suis aux adjectifs. Cette onzième édition est la plus complète. Nous n’inventons pas de nouveaux mots… Nous en détruisons chaque jour. »
1984, à Londres, Winston Smith révise l’Histoire. Il travaille pour le Parti au pouvoir et est chargé de réécrire tout ce qui doit être oublié. Il réinvente un passé exempt de toute trace pouvant froisser le gouvernement ou donner des idées de rébellion. Il créé même des morts, jamais des vivants. Un de ses camarades, lui, est chargé d’appauvrir le vocabulaire afin de restreindre la capacité des cerveaux. Ainsi, pourquoi donc utiliser le mot « mauvais » si « inbon » suffit à comprendre le contraire, comme « plusbon » pourrait remplacer « meilleur » ?
© Derrien, Torregrossa - Soleil
Comme des dizaines d’employés, Winston fait partie de la sous-section du commissariat des archives pour satisfaire le Parti. Ses moindres pas, ses moindres gestes sont épiés. Le comportement de la population entière est dicté par Big Brother. Un beau jour, si tant est qu’il reste des beaux jours, il rencontre Julia, une jeune femme qui lui avoue discrètement son amour. Mais dans cette société dictatoriale, a-t-on encore le droit d’aimer ?
Jean-Christophe Derrien relève la lourde tâche d’adapter le roman de George Orwell paru en 1949. Ce grand classique de la littérature anglaise apporte une vision pessimiste, glaçante et réaliste d’un futur édicté par une gouvernance autoritaire. Le scénariste préserve l’angoisse des mots d’Orwell. La tension est bien présente et croît tout au long de l’album. Il est juste un peu dommage qu’il n’ait pas assumé à fond la carte de l’adaptation en BD et trop de passages sont commentés par Winston alors que plus de dialogues auraient permis d’en faire une vraie bande dessinée. On est parfois à la frontière entre la BD et le texte illustré. Mais c’est peut-être un parti pris qui refroidit l’ambiance comme il le faut.
© Derrien, Torregrossa - Soleil
Rémi Torregrossa adopte un trait frigorifiant au service de l’histoire. La colorisation en niveaux de gris donne une atmosphère de fin du monde. Mais quand l’amour ou l’espoir pointent leur nez, des touches de couleurs apparaissent. Rarement gris et couleurs auront été autant des acteurs de la narration, et ce, jusqu’à la dernière case.
L’adaptation de 1984 en bande dessinée est au cœur d’une bataille éditoriale sans précédent puisque le même jour paraissent une version par Xavier Coste chez Sarbacane et une autre signée Titeux de la Croix et Amazing Ameziane aux éditions du Rocher, sans compter celle de Fido Nesti publiée chez Grasset en novembre dernier.
© Derrien, Torregrossa - Soleil
En ces temps compliqués de pandémie mondiale, 1984 résonne d’une façon particulière. A l’heure où des théories complotistes apparaissent, cet album n’est certainement pas le meilleur moyen pour se changer les idées. Il pose cependant les bases d’une réflexion politique à mener et donne envie de relire V pour Vendetta.
Laurent Lafourcade
One shot : 1984
Genre : Anticipation
Scénario : Jean-Christophe Derrien
Dessins & Couleurs : Rémi Torregrossa
D’après : Georges Orwell
Éditeur : Soleil
Nombre de pages : 120
Prix : 17,95 €
ISBN : 9782302080355
Souvenirs du Pacific Palace. Un épilogue inédit.
Pour un premier numéro de l’année, le cadeau est somptueux. Le court récit rebondissant sur le final de Pacific Palace est émouvant. On y voit Spirou encore plus amoureux que jamais.
Il n’y a pas que lui qui est amoureux. Il y a aussi Cédric. Mais quand le gamin s’apercevra que ce n’est pas Che, qui a le bon rôle dans le spectacle de l’école, il va péter un câble.
Enfin, les abonnés feront des heureux avec les personnes à qui ils enverront la bidonnante carte de vœux des cavaliers de l’apocadispe.
Spirou, ami, partout, toujours.
© Libon – Dupuis
Histoires à suivre :
Champignac : Le patient A
Louca : Foutu pour foutu
Télémaque : L’impossible retour
Récits complets :
Cédric : Pacific Palace
Spirou : Le grain de sable
Gags (strips, 1/2, 1 et 2 planches) :
Aliens exploreurs
Capitaine Anchois
Comme des bêtes
Dad
Des gens et inversement (La pause-cartoon)
Edito (L’)
Elliot au collège
Fifiches du professeur (Les) (La pause-cartoon)
Game over
Kid Paddle
Kermesse existentielle (La pause-cartoon)
Passe-moi l’ciel
Spoirou & Fantasperge (Marges de Sti)
Strip dont vous êtes la star (Le)
Tash & Trash (La pause-cartoon)
Rubriques :
Coin des lecteurs (Le) : Batem
En direct du futur : Dénouement pour Lya (Cunha & Carbone)
Jeux : Les ruines du Pacific Palace (Joan)
Leçon de BD (La) : Dab’s
Supplément abonnés :
Carte de vœux : Les cavaliers de l’apocadispe
En kiosques et librairies le 6 janvier 2021.
2,70 €
Laurent Lafourcade
« - Monsieur, vous n’avez pas le droit d’être là et je suis sûre que vous le savez.
- Oui, mais j’espérais rencontrer le jeune Rose…
- N’insistez pas, vous ne rencontrerez personne de cette manière. Vous êtes un habitué, maintenant, je me trompe ? Vous connaissez donc les règles. Pas de client dans les loges. C’est extrêmement flatteur de votre part, mais je le répète, Rose ne recevra personne.
- Soit, je m’avoue vaincu. Vous le tiendrez au courant de mes tentatives ?
- Peut-être. »
Années 20, dans un cabaret parisien, un jeune homme danse tous les soirs. Il est le seul garçon de l’établissement. Fils de la patronne des lieux, la scène est sa vie. En ce lieu, chaque artiste a un nom de fleur. Celui de cet éphèbe est Rose. Subjugué par les talents du danseur, Aimé, habitué du cabaret, souhaite le rencontrer. L’homme travaille dans l’édition. Il va prendre Rose sous sa coupe et l’ouvrir au monde.
© Geniller - Delcourt
Près de deux ans après l’émouvant Les fleurs de grand-frère, Gaëlle Geniller revient avec un récit tout aussi beau, tout aussi fort. On ne saurait dire si ce jardin Paris est une histoire d’amour ou une histoire d’amitié. C’est certainement les deux à la fois. Tout au long de l’histoire l’autrice marche sur un fil, non pas parce qu’elle n’ose pas franchir le mur de l’interdit, mais parce qu’elle se positionne à l’époque du récit, dans des années 20 où les hommes sortaient avec des femmes et il ne pouvait pas en être autrement. Ses personnages sont pour certains d’une sensibilité étonnante, pour d’autres d’une réalité maupassantienne, l’un n’étant pas incompatible avec l’autre.
© Geniller - Delcourt
Geniller pose la question du genre au cœur de son histoire avec une finesse, une délicatesse, une discrétion et un respect comme on n’en n’avait jamais lu. Si depuis cent ans, les mentalités ont fortement évolué, la société est encore loin d’une évidence quant à l’acceptation d’amours naturelles entre des êtres, quels qu’ils soient. La force de Geniller est aussi de traiter Le jardin, Paris sans jamais parler de sexe. Alors qu’elle aurait facilement pu tomber dans cette facilité, elle préfère proposer une histoire d’innocence.
© Geniller - Delcourt
Graphiquement, la dessinatrice, issue de l’animation, fait danser son trait comme son personnage dans une fresque florale merveilleuse. Quand les raies de lumière traversent le rideau des coulisses jusqu’au devant de la scène, Geniller fait entrer le lecteur sur scène avec l’artiste. Certaines passages parviennent à suspendre le temps dans un silence musical magique. On a la sensation d’évoluer avec Rose, d’être concentré sur les gestes gracieux et d’entendre de façon sourde les notes du pianiste réservées aux spectateurs.
© Geniller - Delcourt
Avec Le jardin, Paris, les éditions Delcourt frappent un grand coup tant scénaristique que graphique augurant d’une année BD 2021 exceptionnelle. Suspendant le temps pour l’amour de l’art de la danse et du spectacle, le jardin de Gaëlle Geniller est de ceux dans lesquels on souhaiterait rester enfermé.
Laurent Lafourcade
One shot : Le jardin, Paris
Genre : Romantique
Scénario, Dessins & Couleurs: Gaëlle Geniller
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Nombre de pages : 224
Prix : 25,50 €
ISBN : 9782413022534
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©BD-Best v3.5 / 2021 | ![]() |
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