"-J'accueille enfin chez moi un petit hamster tout mignon ! Je vais pouvoir l'observer tous les jours ! Il ne se montre pas… Il faut attendre qu'il prenne ses marques. C'est long ! Mais ce sont des animaux farouches. On n'a pas le choix…"
Quand on accueille un petit hamster comme Ham, tout mignon, chez soi, il ne faut pas s'attendre à une révolution les premiers jours. Au début, la bête se planque. Il va lui falloir dix jours environ pour qu'il pointe son museau. On peut alors l'observer tenir sa nourriture entre des deux pattes, entre les quatorze heures de dodo quotidiennes qu'il se paye. Les hamsters sont des animaux très propres. Ils ne prennent pas de bain et pourtant ils sentent bon. Il est tellement souple qu'il peut se laver partout. Si on lui donne des friandises qu'il n'aime pas, il le fera savoir en la bazardant ou en la recouvrant de paille et en tambourinant pour montrer son drôle de petit caractère. Il est même capable de faire pipi dessus.
© 2023 Kadokawa corporation, Tokyo
© 2024 Bamboo édition
Les graines de tournesol, c'est bon ça, jusqu'à se fourrer tout entier dans le paquet. Le riz aussi, c'est délicieux, à s'en remplir les bajoues. Gare aux mille-pattes qui s'aventureraient trop près, les hamsters se nourrissent aussi d'insectes, enfin, surtout les sauvages. Ham aime bien se promener et si le téléphone vibre, c'est si rigolo de se mettre dessus. Quand on le caresse, le hamster pas le téléphone, c'est une vraie petite chaufferette. Il soigne aussi les insomnies. Entendre sa roue une nuit où l'on n'arrive pas à dormir parce qu'on a regardé un film d'horreur, c'est rassurant. En effet, c'est dans l'obscurité que la bestiole fait son sport quotidien. Qu'est-ce qu'il peut bien s'imaginer en galopant comme un mustang sauvage ?
© 2023 Kadokawa corporation, Tokyo
© 2024 Bamboo édition
Le nettoyage de sa cage peut le mettre très en colère. Il va croire qu'on lui détruit tout et peut se montrer agressif et mordre. C'est comme l'été, la chaleur le rend mal à l'aise. Ham a les yeux extrêmement expressifs. Qu'il ait sommeil, qu'il soit content, qu'il se régale ou qu'il soit terrorisé, tout passe par le regard. Le mangaka Hamuhamu s'est inspiré de deux hamsters qui ont partagé sa vie pour écrire ce manga composé d'instants de vie : Perle, tout d'abord, buté mais attachant, puis Sable, qui mangeait de tout et détestait les balades. Les séquences sont un brin répétitives, mais éducatives, et tellement feel-good que ça fait du bien.
© 2023 Kadokawa corporation, Tokyo
© 2024 Bamboo édition
Hamster et boules de gomme est de ces mangas kawaï comme Hachi & Maruru, chats des rues ou La gameuse et son chat. Il rappellera aux jeunes adultes Hamtaro, petits hamsters, grandes aventures, grand succès mondial au début des années 2000. Impossible de ne pas tomber sous le charme de Ham.
Laurent Lafourcade
One shot : Hamster et boule de gomme
Genre : Kawaï
Scénario & Dessins : Hamuhamu
Éditeur : Bamboo
Collection : Doki Doki
ISBN : 9782818997697
Nombre de pages : 130
Prix : 7,95 €
"-Je cherche la monture de mes rêves…
-Je suis une monture de rêve !...
-Qu'est-ce que tu sais faire ?
-Je sais compter jusqu'à quatre.
-Pas terrible, moi je compte jusqu'à dix…
-Oui mais moi je n'ai que quatre sabots ! A part ça, j'ai une éducation littéraire assez poussée…
-…Tes conditions ?
-Une mangeoire pleine deux fois par jour…
-Ça va de soi…"
Le jour où Horace s'est fait embaucher comme monture de rêve, ses exigences ne se sont pas faites attendre. Dur en affaire, le bestiau. La liste est longue et se termine par un jour de repos hebdomadaire. C'est pour ça que quand le cow-boy d'Horace cherche à travailler au Pony Express, lorsqu'il s'agit de négocier le salaire, c'est le cheval qui prend les choses en main… et ainsi embaucher du personnel. Il faut dire que Horace est un brin roublard, un poil flemmard, mais relativement ingénieux. Lorsque le cow-boy est défié à la pêche par un indien, le visage pâle sera amené à la victoire par sa bête. Tous les poncifs de l'Ouest passent à la moulinette Poirier: bisons, pétrole, duels (au soleil de préférence), shérifs et hors-la-loi, indiens et tuniques bleues.
© Poirier – Revival
Dans la série de Poirier, on se demande qui de l'homme ou du cheval est le maître de l'autre. Horace s'anthorpomorphisme au fil des planches. Pas question pour lui d'avoir une selle sur le dos. Il lui arrive même parfois de chevaucher son cow-boy bêta. Si graphiquement Poirier est souvent comparé à Jacovitti, lui s'en moque en se revendiquant du Caravage et de Vermeer. Est-ce si ridicule que ça ? Pas tellement quand on parle de volume et d'équilibre. Chez Poirier, il n'y a pas que les êtres vivants qui le soient. La moindre baraque, le moindre rocher semblent respirer. Il y a quelque chose de magique. Dans Horace, Poirier joue avec tous les codes du western cinéma, du générique aux cadrages. L'auteur fait aussi du Ionesco, nous emmenant parfois dans du théâtre de l'absurde, les personnages interrogeant leur condition de héros de papier,
© Poirier – Revival
Comme Supermatou, Horace a fait les beaux-jours de Pif Gadget dans les années 70. Hormis un album publié aux éditions du Kangourou en 1975 et une intégrale pirate, la série n'avait jamais eu l'honneur d'une édition chronologique. On apprend dans la préface que Poirier avait déjà créé en 1963 un cheval commentant les actions de son humain, le cow-boy Joë Bridgers, pour l'éphémère magazine Pschitt Junior. Autre incursion dans le western avec Jacques Lob au scénario pour les aventures de Cactus-Papa, un ex-shérif ami d'un indien qui vivent dans le désert, pour le magazine Record. C'est en Juin 1970 que Horace débarque sous forme de gags dans les pages de Pif Gadget. Moins d'un an après, il passe en récits complets avant d'avoir sa première couverture dès février 1972, présentant le mythique gadget de la semaine : un "pop-colt".
© Poirier – Revival
Les éditions Revival devraient être sanctifiées. On attend les tomes 2 de Supermatou et de Horace cheval de l'Ouest, et après ça, de quoi pourrions-nous rêver ?
Laurent Lafourcade
Série : Horace cheval de l'Ouest
Tome : Intégrale 1
Genre : Western humoristique
Scénario & Dessins : Jean-Claude Poirier
Couleurs : Bilitis Poirier et son équipe
Éditeur : Revival
ISBN : 9791096119790
Nombre de pages : 264
Prix : 39 €
"-Zôjirô, tu as dit que j'étais votre compagnon de route.
-Bien sûr, ici, nous sommes tous au service des arts vivants… N'est-ce pas ? Mais nous seuls survivrons. Tu ne me vaincras pas. Si tu ne veux pas essuyer la honte, retourne sur ta montagne, petit singe."
-Ha ha ha ha !
-C'est ça ! Espèce de singe !
-Rentre dans ta campagne !
-Je… Je suis Oniyasha, acteur de Sarugaku de la compagnoe Kanze de Yamato ! Je Relève solennellement le défi !"
Japon, XIVème siècle. Oniyasha, acteur de Sarugaku de la compagnie Kanze de Yamato, relève le défi de danse lancé par Zôjirô, de la compagnie Shinza, qui le prend pour un singe. Il est monté sur la grande scène d'Imakumano. Alors, il peut être en capacité d'affronter le comédien. Si ce dernier sait comment Oniyasha danse, lui, aimerait bien voir son adversaire danser. Perdre serait synonyme de honte pour la compagnie Kanze. Dégouté par le comportement de Zôjirô, Kogane, qui semble en avoir souffert, ne veux plus danser. Il dit avoir eu à faire à des sauvages. Il donne cependant à Oniyasha un moyen d'observer son ennemi en cachette. C'est là qu'il se rend compte qu'il s'est fait dérober sa chorégraphie.
© 2022 Kazuto Mihara. All rights reserved.
© Vega Dupuis
Pendant ce temps, le seigneur Yoshimitsu fait placarder une annonce : le thème du tournoi de danse du 1er août entre la compagnie Shinza et la compagnie Kanze sera la danse du lion. Nous sommes le 25 juillet 1375. C'est dans sept jours. Il n'y a pas de temps à perdre. Le thème est confortable pour Zôjirô, beaucoup moins pour Oniyasha qui n'a jamais pratiqué cette danse. C'est là que l'inimaginable se produit. L'ennemi lui propose de la lui apprendre. Ce serait dommage qu'il gâche tout avec un numéro maladroit. Oniyasha est trop fier pour accepter et refuse la proposition. La danse du lion emprunte la force spirituelle d'un animal pour chasser les mauvais esprits et laisser place au bonheur. C'est seul qu'il ira chercher cette puissance.
© 2022 Kazuto Mihara. All rights reserved.
© Vega Dupuis
Pour ce troisième épisode de The world is dancing, série qui immerge aux sources de la création du théâtre Nô, le mangaka Kazuto Mihara met à l'honneur les animaux. C'est par l'observation qu'Oniyasha va apprendre. Le mangaka offre des planches félines magnifiques, où l'on passe de case en case avec la délicatesse des coussinets d'un chat. Oniyasha ira même jusqu'à observer un félin folklorique. En postface, Katsuyuki Shimizu revient sur Zeami, fondateur du théâtre nô tel qu'inscrit dans les livres scolaires. Les documents historiques le décrivent comme un joli garçon lunaire et attachant, de petit gabarit et qui créait des rythmes avec ses propres gestes grâce à son entraînement artistique. L'acteur de théâtre nô Kôhei Kawaguchi, figure incontournable de la scène contemporaine, supervise l'écriture de Mihara. Il raconte son art en deuxième partie de postface, avec notamment un focus sur les masques.
© 2022 Kazuto Mihara. All rights reserved.
© Vega Dupuis
Contemplation, Délicatesse, harmonie, l'art du manga et l'art de la danse théâtralisée se croisent dans "The world is dancing".
Laurent Lafourcade
Série : The world is dancing
Tome : 3
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Kazuto Mihara
Éditeur : Vega – Dupuis
ISBN : 9782379504549
Nombre de pages : 192
Prix : 11 €
"-Je sais qu'elle est là. Je peux sentir sa présence. Pas moyen d'y échapper. Une fois qu'elle t'a attrapé, tu es fichu ! Suave-toi, Garfield ! La revoici ! Tu devras te battre pour m'avoir. Arrrgh !
-Victime d'une attaque de sieste."
La bouffe, la sieste, la télé, voici la trinité de Garfield. La compilation ne déroge pas à la règle. Côté bouffe, lorsque Garfield engloutit une pomme, il ressort un trognon, lorsqu'il gobe un poisson, il ressort les arrêtes et quand il avale un donut, il recrache le trou. La nourriture, c'est la vie. Comme de la purée de pommes de terre, elle est pleine de grumeaux, surtout dans la tête d'Odie. Comme un soda à la cerise quand tu trouves les fruits, la vie n'a plus de goût quand le pétillant est parti. La vie est comme une dinde. Tu peux la trancher dans n'importe quel sens, c'est toujours une dinde. Si Garfield cherche la signification de la vie, Jon, son maître, l'a peut-être déjà trouvée avec ses chaussons lapin, les pieds sur la table.
© Davis – Presses aventures
© PAWNS
Côté sieste, Garfield peut se poser n'importe où, dans son lit, sur une table ou sur le fauteuil de Jon. Le fauteuil, tiens, quel terrain de jeux avec son repose-pieds éjecteur d'Odie et son dossier éjecteur de chat. Le canapé, lui, va plutôt servir à regarder la télévision. Un débat sur l'intelligence du chien et du chat va même mettre Odie et Garfield d'accord. A part ça, comme tous les chats, le plus flemmard de tous adore les sacs en papier, mais le seul chien du monde qui les aime aussi habite la même maison. Y a-t-il de la place pour deux ?
© Davis – Presses aventures
© PAWNS
Comme chaque opus Garfield poids lourd, les strips et planches dominicales sont intercalées avec des citations, devinettes et aphorismes du chat. Justement, savez-vous ce qu'est un poids lourd ? Un haricot qui a trop mangé. Pourquoi Garfield aime-t-il regarder le Super Bowl ? Parce qu'un super bol, c'est mieux qu'un bol tout court ! Pourquoi Garfield garde-t-il si bien les secrets ? Il ne crache jamais le morceau !
© Davis – Presses aventures
© PAWNS
Mais quel est donc le secret de la longévité de Garfield ? Depuis 1978, le chat perd ses poils et vide ses gamelles sans interruption et sans lassitude pour le lecteur qui, inévitablement, doit se reconnaître dans la bestiole, encore plus que dans son humain. Avec Charles Schultz et quelques autres génies du genre, Jim Davis a trouvé la recette magique du strip intemporel.
Laurent Lafourcade
Série : Garfield
Tome : Poids lourd 23
Genre : Humour félin
Scénario & Dessins : Jim Davis
Éditeur : Presses aventure
Nombre de pages : 256
Prix : 14,90 €
"-A l’usine ?! Une émeute !?
-Oui. Une bagarre a dégénéré. Toute la production est à l’arrêt.
-Ooooh ! J’espère que ce ne sont pas des robots qui…
-Si. Enfin non… C’est compliqué. Ecoute, je n’ai pas le temps de t’expliquer. Tout ce que je te demande, c’est que Naiad ne sorte pas de la maison !"
Dans une usine, un ouvrier, Pat, dit Le Rouquin, a refusé d’obéir aux ordres d’un robot qui voulait que le rythme de la chaîne de production ne faiblisse pas. Entraîné par la réflexion d’une collègue qui lui reprochait de se laisser commander, il massacre le robot à coups de clef à molette. Le patron de cette usine est dépêché sur les lieux pour gérer la crise. Avant cela, il demande à Marceau, un petit robot domestique, d’empêcher sa fille Naiad, dont il s’occupe, de quitter la maison pour qu’elle reste à l’abri. Échappant à la vigilance de son gardien, Naiad s’infiltre dans l’usine et assiste en cachette à une nouvelle rixe. La cohabitation entre les races semble bien complexe. Là où les choses vont se complexifier, c’est lorsque Naiad va inviter à la maison le robot limier qui a empêché de commettre un nouveau drame. Ce n’est pas tout à fait du goût de son père.
© Munuera, Sedyas, BeKa - Dupuis
Troisième acte de la série d’anthologie des BeKa et de Munuera, Sans penser à demain est le nouvel épisode des Cœurs de ferraille. Naiad, environ dix-sept ans, a jusqu’à présent vécu dans l’opulence et l’ignorance d’un monde d’adultes dont elle n’a jamais eu à se préoccuper. Elle va non seulement prendre conscience de la réalité, mais, oh malheur, tomber amoureuse d’un robot limier, qui ne sont pas les robots d’ordinaire les plus sympathiques. Dans cet univers steampunk à l’époque de la Sécession, bien qu’étant dans le Nord des Etats-Unis, le racisme est latent. Ici, c’est entre humains et robots, ou même entre robots entre eux. Le décor industriel ancre le récit dans une ambiance ouvrière. On pense bien sûr à la Révolution industrielle qui a vu quelques riches patrons s’engraisser pendant que trimaient pour eux des centaines d’ouvriers, s’épuisant à ramener un maigre salaire pour nourrir leurs familles.
© Munuera, Sedyas, BeKa - Dupuis
Dans notre XXIème siècle anxiogène, Les cœurs de ferraille ramènent à la fois aux vraies valeurs et aux sources des soucis technologiques actuels. L’industrialisation est la base de la technologie qui a entraîné vers notre monde présent où chacun est isolé les yeux rivés sur son écran. Si les BeKa analysent la situation jusqu’à son paroxysme dans A-Lan, sur dessins de Thomas Labourot, avec Les cœurs de ferraille, accompagnés au scénario par le dessinateur de l'histoire, ils humanisent les robots pour en faire, non pas des substituts de l’homme, mais une communauté parallèle, presque comme une race à part entière. Dans la série, il est question de rivalités (entre hommes et machines), de tolérance, de racisme. Naiad est une représentation de l’adolescente qui ne rêve que d’harmonie. Sera-t-elle plus tard dans la désillusion et la fatalité ? Elle symbolise en tous cas toute la force de l’adolescence qui croît en un monde meilleur. Et il faut y croire. Sinon, à quoi bon continuer d’avancer ? José-Luis Munuera met tant d’émotion dans les visages sans pupilles des robots que ça semble incroyable. Ce n’est pas parce qu’on est prolifique qu’on ne fait pas partie des meilleurs dessinateurs du monde. Ce n’est pas parce que Les cœurs de ferraille est une série qu’elle n’a pas la puissance des one shot.
© Munuera, Sedyas, BeKa - Dupuis
Hymne à la tolérance, Les cœurs de ferraille est une série exceptionnelle. Dessinée par un auteur remarquable, elle est l’œuvre majeure du couple BeKa qui signent avec ce troisième volume l’un des meilleurs albums de l’année. Ne passez pas à côté.
Laurent Lafourcade
Série : Les cœurs de ferraille
Tome : 3 - Sans penser à demain
Genre : Aventure
Scénario : BeKa & José-Luis Munuera
Dessins : José-Luis Munuera
Couleurs : Sedyas
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504966
Nombre de pages : 72
Prix : 14,50 €
"-Qui va me lire la phrase ? Toi, Frédéric ? Frédéric ? On t'écoute !"
Frédéric Bihel revient avec sa mère dans le village de son enfance. Ensemble, ils redécouvrent Château-Chervix dans le Limousin. Après deux bières au Café de la Tour, le bar-supérette-relais postal, ils arpentent les rues du village, appareils photographiques en mains. La Mairie, la première école et sa petite cour, les lieux font émerger les souvenirs. Ça y est. Nous sommes au début des années 70. Frédéric a six ans. C'est sa première année d'école. Ils viennent d'emménager dans le hameau voisin. Un petit fourgon fait le ramassage scolaire. C'est le temps de l'apprentissage de la lecture, les aventures avec Michel, le meilleur copain. Avant de savoir complètement lire, il regarde les albums de Mickey à travers les siècles et les magazines Pif Gadget.
© Bihel - Futuropolis
A l'école, ce ne seront pas que des bons souvenirs avec le bégaiement et les moqueries des camarades. Plus tard, les parents se séparent. Frédéric emménage en ville avec maman dans un appartement. Un jour, au lieu d'aller à l'école, il monte au grenier. Il y retournera plusieurs fois. Il y retrouvera une petite fille, quelques années de moins que lui, à qui il fera des dessins, le bateau d'Ulysse et autres extraits du livre d'Homère qui le passionne. Il va lui offrir une boîte, une boîte de crayons de couleurs.
© Bihel - Futuropolis
Dans un dessin crayonné en niveaux de gris, Bihel choisit quelques éléments à mettre en couleurs comme le bus de ramassage scolaire, la voiture de son père ou le pull de la petite fille, les illustrés, un bateau en plastique, une gomme et les crayons de couleurs. On comprend au fil de l'histoire que c'est tout ce qui a pour lui valeur d'émotion, en rapport avec des blessures ou ce qui a aidé à une certaine résilience. Après le cœur de l'album, deux très courts chapitres et un épilogue concluent l'histoire. L'antépénultième partie est toute en couleurs. Impossible d'expliquer pourquoi sans déflorer le propos, mais c'est là que l'ensemble du traitement graphique de l'album prend tout son sens.
© Bihel - Futuropolis
Après l'excellent A la recherche de l'homme sauvage, hommage appuyé à Tintin au Tibet, Frédéric Bihel poursuit le virage intime de sa biographie. Les crayons est son album le plus personnel et le plus marquant, le plus abouti aussi, celui avec lequel il passe du statut d'auteur de bandes dessinées à celui d'artiste.
"J'ai commencé tôt la nostalgie.", chantait Barbara dans Mendelson, en 1983. Frédéric Bihel nous invite dans la sienne en signant le plus vibrant hommage qu'il pouvait faire à un membre de sa famille. Emouvant.
Laurent Lafourcade
One shot : Les crayons
Genre : Emotion
Scénario, Dessin & Couleurs : Frédéric Bihel
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754834711
Nombre de pages : 120
Prix : 23 €
"-Un cercle d'amateurs de cannabis ?
-Ouais, on appelle ça "un fleuriste". C'est là où nous allons. Parle moins fort.
-Des amateurs de cannabis… ?!
-Le chanvre cloné que tu fais pousser va nous permettre de récolter un paquet d'épis qui auront tous la même qualité. C'est "une bonne herbe". Maintenant, reste à savoir ce qu'est "une excellente herbe". C'est ce qu'on va leur demander."
Morio et Kagayama rejoignent un cercle d'amateurs de cannabis, un groupe de testeurs en quelques sortes. Le but est de créer un cannabis haut de gamme en croisant des plants cultivés à partir de certaines graines. Tels de fins gastronomes, ils analysent les effets que procure la drogue. Pour l'un d'entre eux, si le goût est primordial, le plus important est l'extase qui découle de la fumette et la teneur en THC est un point crucial. Les ressentis peuvent varier d'une personne à l'autre en raison de toutes les substances chimiques contenues dans la plante. Pour un autre, pas la peine de se lancer dans des justificatifs scientifiques, pourvu qu'on ait la cervelle défoncée, qu'on soit complétement déchiré et propulsé dans la stratosphère en moins de deux. Morio va ainsi développer des plants d'une qualité exceptionnelle qui vont susciter la convoitise de toute la mafia du coin.
© 2022 by Yuto Inai / Coamix
© Inai – Kana 2024
Dès ce deuxième tome, la série passe à la vitesse supérieure. En voulant financer les conséquences de l'accident de circulation de sa femme, le fleuriste à la main verte, si verte qu'elle en serait presque dorée, a mis les mains dans un engrenage bien dangereux. A la proposition d'un sacré lascar, il s'est vu invité à produire des plants de cannabis pour de grosses sommes d'argent. Aujourd'hui, ce fameux lascar, Kagayama, se voit rattrapé par une autre bande de mafieux à qui il a voulu la mettre à l'envers, comme on dit. Morio va-t-il échapper à la vengeance et la revanche de la concurrence ? Va-t-il pouvoir continuer ses activités illicites ? En tous cas, en face, ils ont l'air très très énervés.
© 2022 by Yuto Inai / Coamix
© Inai – Kana 2024
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le mangaka Yûto Inai ne perd pas de temps. A la manière de Naoki Yamakawa et Masashi Asaki dans My home hero, il place son héros dans un engrenage d'où il semble impossible de sortir. Alors que Tetsuo Tosu a tué un yakuza pour sauver sa fille dans My home hero, et se retrouve avec la bande de la victime à ses trousses, Morio Chitô, dans Tokyo Cannabis, se trouve dans une situation financière qui l'oblige à continuer ses activités illicites sans être repéré par ses adversaires. Dans les deux situations, ces héros, qui n'étaient en aucun cas destinés à l'être, défient l'impossible, à savoir des organisations criminelles impitoyables. Pour en rester sur Tokyo Cannabis, Yûto Inai montre la violence sans émotion des barons de la drogue, tant et si bien qu'on aurait presque pitié pour les bandits qui sont eux-mêmes martyrisés. Le cliffhanger final sonne comme un défi. Pas question d'en dire plus pour maintenir un suspens qui monte crescendo.
© 2022 by Yuto Inai / Coamix
© Inai – Kana 2024
Rares sont les séries qui démarrent ainsi sur les chapeaux de roues. Tokyo Cannabis est un exemple de construction narrative addictive. Planant.
Laurent Lafourcade
Série : Tokyo Cannabis
Tome : 2
Genre : Shonen
Scénario & Dessins : Yûto Inai
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505122760
Nombre de pages : 160
Prix : 7,70 €
"-Maman, qu'est-ce qu'on a fait de mal ?...
-Tu n'as rien fait de mal, Chaïm… Tiens-moi fort la main. Je suis là.
-Adieu Salomea…
-Adieu Szymon. S'il vous plaît, commencez par mon fils… Je ne veux pas qu'il me voie…
-Comme tu veux."
1942, près de Lublin, en Pologne, des soldats allemands ayant envahi le pays raflent la population juive. Les hommes sont déportés dans des camps de travail. Les femmes, les enfants et les vieux sont priés de se déshabiller et de descendre dans une tranchée creusée en pleine forêt par les nazis. Ils y sont abattus comme du bétail avant d'être recouverts de terre. Une horreur innommable. Aujourd'hui, des témoins racontent les massacres qu'ils ont vus, comme Maria, quatre-vingts ans, dix ans à l'époque, qui a vu tant de personnes abattues sous ses yeux. Passé sous silence dans les programmes scolaires, c'est l'histoire de la Shoah par balles. Ce livre en est le témoignage.
© Saint-Dizier, Girard – Editions du Rocher
En 2022 et 2023, des étudiants d'Albi et leurs professeurs sont partis en Pologne. Grâce à l'association Yahad-In Unum, ils ont rencontré des témoins de la Shoah par balles et des historiens. C'est de ces rencontres que découlent les faits relatés dans cet album. Les étudiants travaillent sur l'héritage historique européen et la réflexion citoyenne à travers l'étude de cet événement tragique à l'Est de l'Europe. La Shoah par balles est beaucoup moins connue que les chambres à gaz et les fours crématoires. Elle a pourtant fait deux millions de victimes. Malgré le temps qui a passé et le poids des années, les derniers témoins racontent l'indicible.
© Saint-Dizier, Girard – Editions du Rocher
Pierre-Roland Saint-Dizier et Christophe Girard apportent un livre-témoignage choc, indispensable œuvre de mémoire. La nature ayant repris ses droits, il ne reste plus que les récits des survivants pour raconter ce qu'ils ont vu. Il n'y a pas d'archives. Il était urgent de recueillir les témoignages avec la question cruciale : Quelle valeur donner au témoignage d'un enfant 80 ans après les faits ? Pour être le plus objectif possible, le journaliste raconteur remonte aux origines de l'invasion de la Pologne par le troisième Reich. Les 10 % de la population juive polonaise se sont trouvés au cœur de la politique exterminatrice nazie. En fin d'album, un cahier pédagogique concrétise encore plus le drame. Les travaux de l'association Yahad-In Unum, organisme de recherche et d'enseignement des génocides et des crimes de masse, et ceux des étudiants chercheurs sont illustrés par les photos de vestiges et des témoins âgés dont les rides sont creusées par le cauchemar.
© Saint-Dizier, Girard – Editions du Rocher
"Il a vu les nazis, le massacre des juifs, les balles dans la nuque à bout portant, les enfants traînés comme des chiens, la fosse commune se remplir, la terre bouger au-dessus des cadavres." Cette phrase glaçante résume le propos. "Je n'ai pas oublié…" Histoires de la Shoah par balles est à ranger à côté d'œuvres majeures comme Maus ou Visages-Ceux que nous sommes.
Laurent Lafourcade
One shot : "Je n'ai pas oublié…" Histoires de la Shoah par balles
Genre : Histoire
Scénario : Pierre-Roland Saint-Dizier
Dessins & Couleurs : Christophe Girard
Éditeur : Editions du Rocher
ISBN : 9782268109558
Nombre de pages : 150
Prix : 19,90 €
"-Je vois que Monsieur n'est pas un grand bavard. Tu veux bien me donner ton nom, au moins ? Notre rencontre est sans doute un signe du destin. Je te ferai l'honneur de le retenir.
-Akira.
-Enchantée. Moi, c'est Nelia. Je me souviendrai de ton nom jusqu'à la fin de tes jours. Profites-en, ça ne devrait pas durer plus d'une trentaine de secondes."
Est-ce le dernier combat pour Akira ? Face à Nelia, guerrière aguerrie aux lames composées de métal liquide, le chasseur de reliques semble en bien mauvaise posture. Sa combinaison a perdu une partie de ses fonctions. Alpha, son ange gardien, tente de la piloter malgré tout, mais pour pouvoir y arriver, il va falloir gagner du temps, chose que Nelia n'est pas du tout disposée à laisser. Sans spoiler le récit, Akira va se sortir de ce mauvais pas, Nelia aussi, mais pas dans le même état. Si Akira, pris pour un pilleur de reliques, va être arrêté par les forces de défense de la cité de Kugamayama, Nelia est interrogée par un certain Yanagisawa qui cherche à en savoir plus sur le fameux Caïn, qui serait à la tête d'un groupuscule nationaliste de voleurs de reliques.
© Kirihito Ayamura 2022 © Nahuse 2022
© 2024, Editions Dupuis, pour l’édition française
Episode de transition pour Akira qui va se trouver proposer une nouvelle mission alors qu'il sort juste d'une passe bien complexe à gérer. Si les combats sont bien mis en scène, l'intrigue avance à petits pas. Comme on l'a dit dans la chronique du tome précédent, on aimerait à présent que l'intrigue se recentre sur les reliques, pour que les lecteurs en aient une vision plus concrète.
© Kirihito Ayamura 2022 © Nahuse 2022
© 2024, Editions Dupuis, pour l’édition française
C'est avec une certaine virtuosité que Kirihito Ayamura met en scène le face-à-face ouvrant le volume. Il serait presque musical, chorégraphié par un metteur en scène de spectacle. Plus loin, le mangaka montre qu'il est capable de passer d'une tendresse presque érotique à un massacre virtuel, mais massacre quand même.
Une adaptation anime a été annoncée. Rappelons qu'à l'origine Rebuild World est un web novel écrit par Nafuse en 2017. Le roman a après été adapté en light-novel, illustré par Gin. Il est prépublié dans le Dengeki Bunko de ASCII Media Works. 11 tomes sont déjà parus au Japon.
© Kirihito Ayamura 2022 © Nahuse 2022
© 2024, Editions Dupuis, pour l’édition française
Sans révolutionner le genre, Rebuild the world est une valeur sûre du paysage shonen du moment. Divertissant.
Laurent Lafourcade
Série : Rebuild the world
Tome : 8
Genre : Shonen Survival
Roman d’origine : Nahuse
Dessins : Kirihito Ayamura
Design des personnages : Gin
Design de l’univers : Yish
Design des machines : Cell
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379503665
Nombre de pages : 178
Prix : 8,35 €
"-S… Sam ?!!
-Bula, mon pote ! Ça veut dire bonjour en fidjien !
-Mais… Mais qu'est-ce que tu fous là ?
-Je voulais te voir avant Biarritz !
-Merde, j'arrive pas à le croire !
-Direct les câlins ? T'as pas baisé depuis longtemps, toi ! Moi aussi j'suis content de te voir, petit frère."
Vincent, la trentaine, a tout pour être heureux. Il s'apprête à acheter un appartement en plein Paris avec sa compagne. Il bosse dans une start-up dans la billetterie avec son beau-père qui est prêt à leur prêter de l'argent. Bref, l'avenir s'annonce radieux. Pourtant, l'homme est empreint de mélancolie. Il aurait préféré s'installer à Biarritz, où il a grandi avec son frère Samuel, parti aux îles Fidji. Vincent est nerveux, impulsif. Il va même passer une nuit en garde à vue après avoir balancé une bouteille sur une voiture de flics. Il est sous anti-dépresseur. Il a changé, mais sa chérie n'a pas l'intention de le laisser tomber. Ce ne sera pas réciproque, parce qu'au retour de Sam, il va tout plaquer pour faire avec lui un road trip jusqu'à Biarritz.
© Cano, Goux, Pinchuk – Delcourt
Si vous voulez lire une histoire qui ne ressemble en rien à tout ce que vous avez pu ingurgiter jusqu'à présent, cet album est fait pour vous. Fidji est avant tout une histoire de fraternité. Deux frères se retrouvent après un an de séparation où tous leurs codes ont été déstructurés. On ne peut pas dire que leur route sera semée d'embûches, puisque ce sont eux qui les mettront. Entre intrusion illicite, rapine de commerce et rencontres opportunes, Sam et Vincent vont se retrouver, se chercher,… Iront-ils jusqu'à se perdre ? Les auteurs, en tous cas, n'aident pas les lecteurs à s'y retrouver. Mais tout ça est parfaitement conscient.
© Cano, Goux, Pinchuk – Delcourt
Jean-Luc Cano prend le prétexte d'un road trip pour un récit d'introspection au plus profond des âmes tourmentées de deux frères. Le scénariste malin n'indique jamais au lecteur vers où l'intrigue va les mener. On s'attend à un récit psychologique. On attend la problématique. On cherche le thriller. Il ne vient vraiment jamais. A quoi bon les Fidji ? A quoi bon Biarritz ? Simplement parce que l'un est de l'autre côté de l'océan de l'autre ? Cano, lui, sait très bien ce qu'il fait. Bien futé celui qui le devinera avant la fin, poignante à arracher des larmes. C'est dans la dernière scène que le lecteur peut ajouter la pièce qui tient l'ensemble du récit et comprendre tout ce qu'il s'est passé jusque-là. Une mise en scène incroyable.
Bien loin des Nains des Guerres d'Arran, Pierre-Denis Goux s'empare de ces destins singuliers, cachant dans les regards les secrets, les angoisses, les joies et les doutes de la fratrie et des personnages qui gravitent autour, comme des dommages ou des sauvetages collatéraux. Le découpage, avec de nombreuses grandes cases, des planches muettes, donne un rythme singulier. L'album doit également beaucoup aux couleurs de Julia Pinchuk qui ouvre et clôt le récit avec un coucher de soleil qui en dit très long. Chaque scène est habillée d'un ton qui marque le moment. C'est dans les livres comme celui-ci que ceux qui douteraient encore peuvent s'assurer qu'une ou un coloriste est un auteur au même titre que les autres.
© Cano, Goux, Pinchuk – Delcourt
Fidji est de ces albums où l'on n'est plus tout à fait le même après les avoir lus. Il démontre que la fraternité est plus importante que toute liberté et toute égalité. Encore plus poignant qu'on ne s'attend pas du tout au final.
Laurent Lafourcade
"Puisqu’on ne sera toujours
Que la moitié d'un tout
Puisqu'on ne sera jamais
Que la moitié de nous
Mon frère....
Bien sûr que rien ne pourra jamais nous l'enlever
Bien plus que tout ce que la vie peut nous accorder
L'amour sera toujours cette moitié de nous qui reste à faire
Mon frère ..."
(extrait de la chanson Mon frère, dans Les 10 commandements)
One shot : Fidji
Genre : Emotion
Scénario : Jean-Luc Cano
Dessins : Pierre-Denis Goux
Couleurs : Julia Pinchuk
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
ISBN : 9782413085409
Nombre de pages : 160
Prix : 22,95 €
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