Nouvelles relatives à la bande-dessinée ou au graphisme
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Vie d'un réalisateur-poète.   Tati et le film sans fin

 

"-Alors ?

-Ça fait quinze jours qu'il ne m'a rien dit d'autre que "Bonjour Bonsoir". Mais ça ne m'empêche pas de travailler. J'ai tout ici. Et je sais qu'à un moment, ça lui sera bien utile. On ne peut pas tout avoir en tête, ce n'est pas vrai. A un moment ou à un autre, il faut quelqu'un… pour noter."

 

 

 

 

 


Jacques Tati est un cinéaste qui n'a pas d'agenda, pas de clés. Il ignore l'heure. Alors, il a besoin d'une scripte. C'est ainsi que Sylvette débarque à Saint-Marc-sur-Mer, en été 1951, sur le tournage du film Les vacances de Monsieur Hulot. Tati va lui raconter sa vie, depuis les prémices de sa vocation, en observateur des choses de la vie, lui qui était destiné à devenir encadreur dans l'atelier familial de Monsieur et Madame Tatischeff. Admirateur de Keaton, Lloyd, Linder, Mack Sennett, WC Fields ou autres Laurel & Hardy, il se souvient surtout du méconnu Little Tich et sa danse des grands souliers.

 

© Supiot, Le Gouëfflec - Glénat

 

Tati débutera dans le Music-Hall avec son numéro "Sport muet". Colette, écrivaine mais aussi journaliste, rédigea un article en 1936 qui sera son passeport pour le succès. Tati commencera le cinéma en parallèle sans pour autant penser un jour devenir réalisateur, avant que la guerre ne mette un coup de freins à sa carrière. Mai 1947, le tournage de Jour de fête débute, avec seulement une dizaine de personnes pour tout faire, des comédiens aux techniciens. Puis c'est l'invention de Hulot, sa pipe, son chapeau, sa gabardine et son allure dégingandée. On assiste au tournage de tous ses films, notamment le précurseur Playtime, et jusqu'à son dernier court-métrage Forza Bastia qui sera achevé par sa fille Sophie.

 

© Supiot, Le Gouëfflec - Glénat

 

Depuis Le chanteur sans nom jusqu'à Lino Ventura, en passant par Dominique A et Vince Taylor, on savait Arnaud Le Gouëfflec expert en biographies originales. Avec Tati et le film sans fin, il pousse le curseur encore plus loin avec une immersion dans la vie de l'acteur-réalisateur, mettant en évidence tout ce qu'il y a de plus poétique chez cet homme qui habitait ses films. La dernière scène avant l'épilogue est particulièrement magique et émouvante, tout en donnant son sens au titre de la bande dessinée. On n'attendait pas Olivier Supiot sur un album comme celui-ci. En quelques planches, on se demande qui d'autre aurait pu mieux que lui dessiner cette vie passionnée. De la silhouette de Monsieur Hulot aux buildings de Playtime en passant par les fenêtres de Mon oncle, Supiot ne dessine pas le livre, il le réalise. Il donne à Tati des allures de Tintin, harcelé par deux Dupondt philosophes qui se questionnent et l'interrogent sur sa théorie du cinéma.

 

© Supiot, Le Gouëfflec - Glénat

 

Tait disait : "Un artiste de Music-Hall n'a pas des spectacles… mais un numéro, un seul, qu'il perfectionne tout au long de sa carrière." C'est ce qu'il s'est attaché à faire. A ranger à côté de Jacques Prévert n'est pas un poète, de Cailleaux et Bourhis, paru il y a quelques années chez Aire Libre, Tati et le film sans fin est de ce genre d'albums-biographie permettant de transcender la vie d'un artiste en utilisant toutes les possibilités du média bande dessinée. Remarquable.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Tati et le film sans fin

Genre : Biopic

Scénario : Arnaud Le Gouëfflec

Dessins & Couleurs : Olivier Supiot

Éditeur : Glénat

Collection : 9 ½

ISBN : 9782344042885

Nombre de pages : 136

Prix : 22,50 €

 



Publié le 11/06/2023.


Source : Boulevard BD


Une pour toutes, toutes pour une.   Elles 3 – Plurielle(s)

 

"-Et tu voudrais me faire croire que vous êtes mes cinq autres personnalités ?!

-Plutôt que nous sommes six personnes dans un même corps…

-Ouais, ne te prends pas pour le centre du monde, Blondie.

-Elle ne nous croira pas ici : c'est son monde.

-Nous devons partir… à la recherche de notre meilleur ami qui est coincé dans une forteresse loin d'ici; Et nous avons besoin de toi."

 

 

 

 

 


                Elle, c'est son prénom, est une lycéenne à priori comme les autres. Adolescente en pleine construction, elle a sa petite bande de potes : Otis, garçon mignon et aux idéaux idéaux, Line, la copine rêveuse, Farid, dandy extraverti, et Maëlys, la confidente. Elle est plurielle. Plusieurs personnalités cohabitent en Elle. Ces personnalités prennent vie au travers de ses cinq alter egos qui se manifestent. Blonde maîtrise les situations et fonce comme un bélier. C’est une combattante. Brune, à la fois introvertie et à l’écoute de l’autre, est la timidité incarnée. Verte a du recul. Elle est muette et réfléchit avant d’agir. Violette est une boule d’humour. Rose a une personnalité nuancée, à l’équilibre entre défauts et qualités. Il y a aussi Bleue. Mais avec Bleue, c'est plus compliqué. Bleue prend un malin plaisir à fragiliser Elle en la faisant changer de personnalité à de mauvais moments. Et puis il y a cette voix qui se fait entendre et qui pourrait peut-être unir les différentes Elle(s) en une même harmonie. Mais pour l'atteindre, il va falloir s'entraider et avancer toute(s) ensemble pour passer les épreuves de la vie.

 

© Toussaint, Stokart – Le Lombard


                "Elles" est l'histoire poignante d'une adolescente du XXIème siècle en proie à des tourments causés par un corps et un cœur qui se transforment et une société qui oblige à avancer à un rythme effréné. Kid Toussaint cueille ses lecteurs au plus profond, comme si pour lui ils étaient des let-coeurs, Qu'ils soient adolescents comme Elle et ses amis, ou adultes, Toussaint écrit ses histoires, et en particulier celle-ci, afin que chacun se sente concerné. D'ailleurs, des adultes, dans Elles, il n'y en a pas ou quasiment. On pourrait se demander pourquoi. Serait-ce pour préserver une intimité adolescente ? Pour montrer qu'il n'y a pas de porosité entre les deux mondes ? Rien de tout cela, bien au contraire. C'est plutôt pour déculpabiliser les parents, leur expliquer qu'ils n'y sont pour rien dans les difficultés de leurs enfants qui vivent une époque charnière de leur existence, au gré d'événements ou de rencontres. Il suffit d'être un jour au mauvais endroit pour que la vie bascule.

 

© Toussaint, Stokart – Le Lombard

 

"Entre deux eaux,

Entre deux rivages,

Battue par les flots,

Cherchant mon visage.

Dans cet océan,

Ce ciel sans étoiles,

Un navire sans voile,

Un avion sans ailes,

Ignore laquelle

Appeler maman.

Je suis désolée…"

                Quand on a vécu le drame de la page 61, quand on a lu quasiment le même mot laissé sur une table basse après une tentative avortée, on sait que l'on aura beau avoir déplacé des montagnes, il est des murs qu'on ne peut franchir seul(s). Nul ne connaît la solution pour y arriver. Si seulement les médecins se rendaient compte qu'il y a autant d'urgence à traiter le mal-être des jeunes que les cancers, nombre d'entre eux pourraient être sauvés. Katrina et tant d'autres, trop, ne liront pas cet album parce qu'ils n'ont pas eu le temps d'attendre. Kid Toussaint leur dédie cet album dans lequel il aborde sans tabou la schizophrénie, les troubles borderline, l'hypersensibilité, l'hyperémotivité, les dérives et les dégâts causés par les commentaires sur les réseaux sociaux, ainsi que le suicide. Donnant une force sans commune mesure à ses lecteurs, il leur explique que chacun a le droit et le pouvoir de faire ses choix, en libre arbitre avec soi-même.

 

© Toussaint, Stokart – Le Lombard

 

                Avec poésie et couleurs, couleurs que Katrina aurait tant aimées, Aveline Stokart conclue cette trilogie au fil de laquelle son trait s'est affirmé, a acquis de la souplesse et de l'émotion. Ce troisième tome comporte quelques compositions remarquables comme la chute dans l'océan, les sables mouvants ou toute la scène de la piscine. Stokart a l'avenir, ou plutôt l'Aveline, devant elle. On a déjà hâte de la retrouver sur un autre projet.

                Désormais, Katrina et toutes les jeunes filles qu'elle représente vivent à travers Elle(s). Que Kid Toussaint et Aveline Stokart en soient infiniment remerciés. Parce qu'elle démontre qu'il y a de la lumière au bout des tunnels sombres, si cette histoire permet de sauver ne serait-ce qu'un ou une seule ado, Elle(s) aura atteint son but.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Elles

Tome : 3 - Plurielle(s)

Genre : Emotion

Scénario : Kid Toussaint

Dessins & Couleurs : Aveline Stokart 

Éditeur : Le Lombard

ISBN : 9782808206181

Nombre de pages : 96

Prix : 13,45 €

 

 



Publié le 10/05/2023.


Source : Boulevard BD


A la croisée des regards.  Visages - Ceux que nous sommes 2 – La pratique Andromaque

 

"-Venez, soldat Knielingen ! Je vais vous présenter votre instructeur... Gefreiter McDare ! Votre élève, le soldat Knielingen. Rendez-le opérationnel !

-Ah oui, le tireur repéré par votre Obergefreiter… J'espère qu'il a des aptitudes !"

 

 

 

 

 

 

                Pas-de-Calais, juin 1940. Georg combat sous l'uniforme allemand. Aujourd'hui, il rencontre Sheila McDare. Elle appartient à la Wehrmacht, pas comme ces raclures de la Waffen SS à la botte d'Hitler. Issue de l'IRA, l'armée d'insurrection irlandaise, dont les britanniques sont les ennemis héréditaires, elle va initier Georg au tir au Mauser K98, afin de le préparer à l'opération Seelöwe, plan d'invasion de l'Angleterre depuis la France. S'il fait ses preuves, ils formeront un binôme. Si Georg veut devenir sniper, c'est parce qu'il ne veut plus jamais se battre au corps à corps avec le sale porc de français qui a engrossé sa mère.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Deuxième épisode de la saga familiale Visages, La pratique Andromaque poursuit l'histoire de Louis, Lieselotte et Georg, chacun sur le chemin de sa vie. C'est un grand moment de tension qui ouvre l'album avec le corps à corps en juin 1940 entre Georg et son père Louis. "Je suis Louis", "Ich bin Georg". La rencontre sera furtive, violente, encore plus moralement que physiquement. On découvrira ensuite, avant la der des der, comment d'un côté Louis s'est forgé grâce à l'art, et de l'autre Lieselotte s'est intéressée à la photographie, l'un en France, l'autre en Allemagne. On les suivra ensuite dans leurs vies parallèles, dans l'entre-deux-guerres, ayant chacun à l'esprit leur rencontre passionnée racontée dans le premier tome.

"Faut-il peindre ce qu'il y a sur un visage ? Ce qu'il y a dans un visage ? Ou ce qui se cache derrière un visage ?" Cette citation de Pablo Picasso est inscrite en préambule de l'histoire. Les scénaristes Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa s'emparent de cette problématique pour avancer, ou plutôt faire avancer, leurs personnages dans l'histoire du siècle. La réponse est plus complexe qu'il n'y paraît. En disant cela, Picasso provoque, évidemment. Nathalie et Miceal suivent ses pas. Visages – Ceux que nous sommes démontre que c'est la troisième partie de la citation qui se détache des autres. "Ce qui se cache derrière un visage", c'est l'histoire de chacun, ce que la vie fait de nous. Peindre ce qui se cache derrière un visage, c'est donc montrer une âme. C'est ce à quoi se sont donc attachés les auteurs, car avant d'être un récit de guerres, la série est une aventure de destins, meurtris par la guerre certes, mais avant tout une aventure de destins. Au dessin, Aurélien Morinière s'applique à suivre le principe Picasso. Les premiers et derniers strips de la deuxième planche sont entre autres en cela remarquables qu'on voit plus que les visages de deux hommes, on aperçoit le plus profond de leurs âmes.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Un mot sur le titre, énigmatique et finement choisi : La pratique Andromaque. Louis Kerbraz, le poilu breton, est un artiste. Dans les années 20, il réalise des décors de théâtre. On lui propose de mettre en scène Andromaque de Racine. Il choisit de transposer la tragédie dans un contexte de première guerre mondiale avec des costumes de poilus.

Réalisé par les scénaristes de la série, un cahier documentaire complète l'album. Parmi de nombreux sujets, il y est détaillé l'engagement irlandais pendant la guerre de 14, sujet particulièrement émouvant pour Miceal Beausang-O'Griafa qui a une partie de ses origines en Irlande. On nous emmène dans les vies parisienne et berlinoise des années 20. On apprend que la Wehrmacht et les SS ne menaient pas forcément le même combat. Il y est aussi beaucoup question d'art, des salons autrichiens de Bertha Zuckerandl-Szeps à la cité d'artistes La Ruche à Paris.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Une série d'entretiens avec les auteurs est disponible sur la chaîne YouTube Boulevard BD. Histoire de guerres, histoire des arts, mais avant tout histoire de personnes, avec un type de narration inédit, osé et efficace, Visages – Ceux que nous sommes est LA série événement de cette année.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Visages - Ceux que nous sommes

Tome : 2 – La pratique Andromaque

Genre : Histoire

Scénario : Nathalie Ponsard-Gutknecht & Miceal Beausang-O'Griafa

Dessins & Couleurs : Aurélien Morinière 

Éditeur : Glénat

ISBN : 9782344032886

Nombre de pages : 64

Prix : 14,95 €

 



Publié le 03/05/2023.


Source : Boulevard BD


La mort vous va si bien.  Les vies de Charlie

 

« - Charlie, Recycle & Ternel, vous mourez, nous recyclons, j’écoute ? Oui… Oui, tout à fait, madame. Nous recyclons les défunts. Le plus souvent, nous le transformons en compost pour y planter un arbre… ou un bonsaï si vous êtes en appartement… Voilà… Quelque chose de symbolique pour donner une seconde vie à votre mari. Comment s’appelait-il ? »

 

 

 

 

 


Charlie, jeune trentenaire citadin, travaille chez Recycle & Ternel. « Vous mourrez, nous recyclons ! » Toute la journée, derrière son téléphone, l’employé explique aux clients endeuillés la meilleure possibilité pour recycler le cadavre de leur proche qui vient de les quitter. Madame Wilmart, sa chef de service, a l’habitude de lui amener des dossiers difficiles pour des clients qui ont du mal à faire leur deuil et qui demanderaient à Charlie tout son savoir-faire et toute son empathie. Un jour, Charlie reçoit le coup de fil d’un père veuf et de son fils. Ce dernier n’a pas besoin de savoir ce que va devenir le corps de sa maman. Ce qui l’importe, c’est ce qu’il va advenir de son âme. A son grand désespoir, Charlie n’a pas la réponse. L’employé est désemparé mais il va tout faire pour la trouver.

 

© Toussaint, Guarino - Dupuis

 

Il y a des histoires à suspens et des comédies drôles. Il y a des aventures exotiques et des drames contemporains. Il y a une foultitude de genres en bande dessinée, dont les récits d’émotion. Parmi ces derniers, certains sont tout aussi émouvant qu’ils sont des fell good stories. Les vies de Charlie entre clairement dans cette catégorie. Kid Toussaint a déjà prouvé ce qu’il était capable de faire dans le domaine de l’émotion avec Elles, où il frappait les esprits. Avec ce one shot, il frappe les cœurs. Nul ne peut rester insensible à cette fable sur le devenir des âmes. Le scénariste apporte au héros et aux lecteurs une réponse, avec philosophie et sensibilité.

 

© Toussaint, Guarino - Dupuis

 

Aurélie Guarino porte ce récit avec toute la grâce de son trait. La dessinatrice est dans la catégorie d’un Michel Colline, d’un Hippolyte ou d’une Valérie Vernay. La symbiose avec Kid Toussaint est incroyable. Dans cette histoire, il fallait dessiner des sentiments, des émotions, des âmes. Tout cela transparaît comme par magie. Il est des fusions inexplicables qui marchent plus que l’on ne pourrait imaginer. Peut-être est-ce à cause de la sensibilité du sujet, le résultat est en tous cas incroyable.

 

© Toussaint, Guarino - Dupuis

 

Ces vies de Charlie ne peuvent à présent qu’influer sur les nôtres. Rien ne se finit, surtout pas les histoires comme celle-ci. Merveilleux.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Les vies de Charlie

Genre : Emotion

Scénario : Kid Toussaint

Dessins & Couleurs : Aurélie Guarino

Éditeur : Dupuis

ISBN : 9791034761234

Nombre de pages : 128

Prix : 26 €

 


 



Publié le 30/04/2023.


Source : Boulevard BD


Voyage au bout de l'enfer. Ginette Kolinka Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau

 

"-Qu'est-ce que… Que se passe-t-il ?

-On vient chercher les juifs.

-Les juifs…? Ah ça non monsieur ! Nous ne sommes pas juifs ! Nous sommes orthodoxes ! Vous faites erreur ! Regardez, mon père a un certificat, il peut vous le montrer !

-Vous avez été dénoncés comme juifs!"

 

 

 

 

 


En rentrant chez elle ce jour de 1944, Ginette Cherkasky ne savait pas qu'elle allait faire un voyage qui allait bouleverser sa vie. Alors qu'ils avaient fui Paris pour se rendre en zone libre à Avignon sous un faux nom, les Cherkasky sont rattrapés par leurs origines. Ils sont juifs. Ils ont été dénoncés. En ce début d'après-midi, par chance, si on peut appeler ça comme ça, toute la famille n'est pas à l'appartement. Seuls s'y trouvent son père, son petit-frère, son neveu et elle, Ginette, 19 ans, qui arrive sur les lieux en pleine rafle. Ses sœurs et sa mère ne sont pas présentes et échappent à l'arrestation. Parqués pire que du bétail dans un train pour l'Allemagne, les voici partis, direction le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau. Pour bon nombre de voyageurs, il n'y aura pas de retour.

 

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

 

Le nom Kolinka vous dit peut-être quelque chose. Richard Kolinka était l'un des quatre membres du groupe de rock Téléphone. Ce que l'on sait moins, ou que l'on savait moins, c'est que sa mère Ginette est une rescapée de l'enfer. Elle l'a longtemps enfoui en elle, par résilience certainement, jusqu'au jour où elle a été convaincue qu'il fallait qu'elle témoigne. Commença alors un périple dans les collèges et les lycées afin de raconter, raconter l'horreur, exposer l'enfer, pour ne pas oublier, pour faire que l'Histoire ne se répète pas. Son histoire à elle, elle l'a subie. Elle a reçu les coups terribles des tortionnaires sur son corps. Elle a senti les odeurs pestilentielles des cadavres. Ginette Cherkasky, matricule 78599, a été déporté de mars 1944 à juin 1945 et en est revenue décharnée, détruite physiquement et moralement, mais vivante. Quand on pense que son cauchemar a débuté cinq mois seulement avant la libération de Paris, et qu'il a continué pendant encore dix mois après, c'est à peine croyable.

 

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

 

Ginette est aujourd'hui l'une des dernières survivantes de la Shoah. Lorsqu'Aurore D'Hondt l'entend témoigner devant sa promotion de l'ISEN, une école d'ingénierie du numérique, elle a le même âge que Ginette lors de son arrestation. En parallèle à ses études, l'autrice décide de raconter en images, avec son accord, la vie de la rescapée. Dans un graphisme à la Marjane Satrapi, Aurore D'Hondt a tenu à rester la plus fidèle possible à la vie de Ginette. Les personnages sont dans un trait rond, presqu'enfantin, comme ceux de David Evrard sur Irena et Simone. On ressent toute la naïveté de Ginette qui se transforme en dureté au fur et à mesure qu'elle se construit une carapace indispensable à sa survie. L'album est traité dans un noir et blanc plus noir que blanc dans les chapitres allant de la déportation jusqu'au retour des camps. La dessinatrice arrache des larmes, des larmes de faux espoir quand le wagon s'ouvre et que les martyrs sentent le vent frais, des larmes d'une émotion incroyable lorsque Ginette serre sa mère dans ses bras à son retour à Paris.

 

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

 

On aurait aimé ne jamais avoir eu à lire des livres comme celui-ci. Ça aurait voulu dire que rien de cela n'était arrivé. Mais, pour paraphraser Ginette Kolinka, "Voilà où mène la haine !". Aurore D'Hondt apporte sa pierre à l'édifice du devoir de mémoire avec un album bouleversant, tant sur le fond que dans la forme.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Ginette Kolinka Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau

Genre : Biopic

Scénario & Dessin : Aurore D'Hondt

Éditeur : Des ronds dans l'O

ISBN : 9782374181325

Nombre de pages : 240

Prix : 25 €

 


 



Publié le 12/04/2023.


Source : Boulevard BD


Le temps des fables existe encore. Armelle & Mirko 1 – L'étincelle

 

"-Armelle ! Réveille-toi !

-Grandes sœurs ? C'est vous ?

-Ha ha ha ha ha ha

-Thérèse ? Sylvie ? Sortez-moi de là, j'ai peur !"

 

 

 

 

 

 

                Armelle est une tortue froussarde. Depuis que, petite, ses sœurs l'ont enfermée sous un seau pendant qu'elle faisait la sieste, elle a peur du noir. Les heures sombres sont pour elles cruelles. Armelle souffre d'achluophobie. Elle a une peur panique de se retrouver privée de lumière. Elle est peureuse et peu heureuse. Elle lutte pour ne pas s'endormir. Chaque bruit de la forêt est un cauchemar qui fait un nœud dans ses entrailles. Et le jour, elle s'ennuie, quelque soit la saison. En plus de ça, lorsqu'elle a une frayeur, elle ne peut même pas se recroqueviller dans sa carapace puisqu'il y fait tout noir. Un beau jour pourtant, Armelle va rencontrer Mirko, un petit être volant et fort élégant, avec de belles antennes courbées qui font le tour de nos cœurs, une tête rouge prompte à chasser les idées noires, de longues ailes pour les courtes distances, et portant sur son dos l'instrument de la mélodie du bonheur. Mirko réussira-t-il à apaiser les souffrances d'Armelle ?

 

© Clément, Montel, Arnal - Delcourt

 

                On avait l'habitude de voir Loïc Clément écrire pour Anne Montel. Les complices se sont ici associés pour offrir une magnifique histoire aux pinceaux merveilleux de Julien Arnal. Les auteurs du temps des mitaines lui ont concocté une fable, pas aux accents politiques comme celles de La Fontaine, mais emplie d'émotion, une histoire qui aurait très bien pu intégrer la collection des Complaintes des cœurs brisés, scénarisées par le même Loïc Clément. Deux êtres qui auraient pu ne jamais se rencontrer vont nouer une amitié à l'abri de toutes épreuves. Chaque planche de Julien Arnal est un petit tableau. De saison en saison, il nous invite dans une forêt aux milles couleurs du temps. Et lorsque vous aurez terminé l'histoire, regardez en détail les pages de garde, différentes au début et à la fin. Ne les détaillez pas avant. Vous comprendrez pourquoi.

 

© Clément, Montel, Arnal - Delcourt

 

                En filigrane de cette fable bucolique, les auteurs traitent d'un sujet complexe, qui touche de plus en plus de monde, de plus en plus de jeunes, avec des éléments déclencheurs qui peuvent être divers et variés. Ce mot est un gros mot, un mot que l'on n'ose pas prononcer mais qui doit l'être car il n'y a aucune raison de s'en cacher, et il n'y a pas à en avoir honte. Ce mot qui touche Armelle parce qu'il ne se voit pas et que c'est pour cela que souvent il n'est pas compris par les autres, ce mot, ce mal des maux, c'est la dépression. Alors que de nombreux médecins sont infoutus de soigner ce cancer de l'âme, Loïc Clément et Anne Montel apportent un formidable message d'espoir, une lumière vers la guérison, une étincelle. Si vous avez donc chez vous une tortue comme Armelle, lisez avec elle cette histoire, et faites-lui comprendre qu'il faut être patiente et attendre l'arrivée de Mirko, parce qu'il y a toujours un Mirko qui va venir, c'est forcé, c'est comme ça. Ça peut prendre du temps mais il va arriver.

 

© Clément, Montel, Arnal - Delcourt

 

                Je n'ai plus de tortue chez moi parce que je n'ai pas eu ce livre entre les mains assez tôt. Alors n'attendez pas. Pour ceux non concernés par le sujet sous-jacent, ce conte est à mettre entre toutes les mains, dès le plus jeune âge. Le talent des grands auteurs est de proposer différents niveaux de lecture et c'est le cas ici. Armelle et Mirko est d'une beauté sublime qui aide à faire briller les étoiles, sur la Terre comme au ciel.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Armelle & Mirko

Tome : 1 – L'étincelle

Genre : Fable poétique

Scénario : Loïc Clément & Anne Montel

Dessins & Couleurs : Julien Arnal

Éditeur : Delcourt

ISBN : 9782413045045

Nombre de pages : 32

Prix : 15,95 €


 

 



Publié le 30/03/2023.


Source : Boulevard BD


Une maîtresse pas comme les autres. Mademoiselle Sophie, ou la fable du lion et de l'hippopotame

 

"-Hé hé !

-Je crois que le cours est pas près de commencer les gars.

-Hi hi.

-Hé patate !

-Bouboule !

-Grosse vache !

-T'aurais pas des punaises ? Pour mettre sur sa chaise…

-Qu'elle éclate !"

 

 

 

 

 


Romain, 11 ans, bientôt 12, ne supporte plus que ses camarades de classe se moquent de la maîtresse. Mademoiselle Sophie a toujours été grosse, mais depuis les vacances, en quinze jours, elle a énormément pris. Elle s'essouffle en montant les escaliers et doit subir les lazzis et quolibets des élèves qui se cachent à peine pour se moquer d'elle. Elle est si gentille. Jamais elle ne crie sur quelqu'un qui ne comprend pas. Elle aime tous les élèves. Elle a toujours pris la défense des opprimés. Aujourd'hui, elle a besoin de Romain. Le garçon voudrait bien, tel un super héros, rabattre le caquet des méchants, mais la dure réalité le rappelle à l'ordre. Romain se confie à sa grande sœur. Pourquoi Mademoiselle Sophie s'enferme à clef le midi dans sa classe ? Romain va n'avoir désormais qu'un seul but : découvrir les nuances derrière les apparences. Il veut comprendre qui elle est vraiment et savoir ce qui lui arrive.

 

© Hippolyte, Zabus - Delcourt

 

La fable du lion et de l'hippopotame, c'est l'histoire d'un petit garçon qui devient adolescent et d'une dame obèse, mal dans sa peau, mal dans son âme, parce que son corps est devenu un fardeau. La fable du lion et de l'hippopotame, c'est l'histoire d'un petit garçon qui met un pied, puis l'autre, dans un monde d'adulte et qui essaye de comprendre comment ça se passe chez eux. La fable du lion et de l'hippopotame, c'est une histoire d'amour, ou plutôt d'amours, avec un "s" : l'amour que l'on croît impossible parce qu'on ne se voit pas comme les autres nous voient, l'amour que l'on voit passer devant soi sans qu'il ne s'arrête et qui se met en place entre deux personnes, mais pas pour soi, l'amour d'un élève pour sa maîtresse envers qui il est si reconnaissant qu'il est hors de question pour lui qu'il la laisse se détruire.

 

© Hippolyte, Zabus - Delcourt

 

Vincent Zabus est le Ionesco de la bande dessinée. Passionné de théâtre, le scénariste livre une histoire qui n'aurait peut-être pas existé sous cette forme si Rhinocéros n'était pas passé par là. Zabus ne pousse pas l'absurde aussi loin que le maître du genre mais joue comme lui avec ce parallèle entre l'espèce humaine et le monde animal. Romain préfèrerait rester petit à jamais, ce serait rassurant, rassurant et terriblement ennuyeux. C'est impossible. Le lionceau doit laisser sa crinière pousser pour devenir un lion. Rhinocéros était une satire sur la montée des totalitarismes et les dangers du conformisme avec la perte de la pensée individuelle. Les élèves de la classe de Mademoiselle Sophie ressemblent à cette meute qui avance d'un même pas et s'entraîne dans une méchanceté dangereuse car globale.

Après Les ombres et Incroyable !, Hippolyte retrouve son complice Zabus pour un conte merveilleux, qui arrache des larmes, ouvre les cœurs et réchauffe les âmes. Hippolyte ne met que les traits nécessaires à l'émotion dans un graphisme à la Sempé qui aurait rencontré Quentin Blake.

 

© Hippolyte, Zabus - Delcourt

 

La Fontaine a écrit les plus belles fables. Il en manquait une, celle d'un lion et d'un hippopotame. Zabus et Hippolyte l'ont rédigé et dessiné, avec la même force et la même grâce que leur prédécesseur. Indispensable.

 

Laurent Lafourcade

 


 

One shot : Mademoiselle Sophie, ou la fable du lion et de l'hippopotame

Genre : Emotion

Scénario : Vincent Zabus

Dessins & Couleurs : Hippolyte

Éditeur : Dargaud

ISBN : 9782205089851

Nombre de pages : 168

Prix : 23 €


 

 

 



Publié le 16/03/2023.


Source : Boulevard BD


Visages - Ceux que nous sommes 1 – Derrière les signes ennemis

 

"-Ben moi, mon père, c'était un héros de guerre !

-Le mien, il a tué au moins 1000 français !

-Ben le mien, il est même pas mort… Et il va bientôt venir me chercher avec ma mère !

(…)

-Bonjour, ma sœur… Pourquoi personne ne veut me parler ?"

 

 

 

 

 

 

1927. Dans un orphelinat catholique du Sud de l'Allemagne, Georg, un jeune garçon est bien esseulé. Personne ne veut lui parler, aucun de ses camarades. Lorsqu'il en demande la raison à une religieuse de l'institution, il n'a pour réponse qu'une gifle et une insulte : "Bastard !!!". La nuit suivante, il entre par effraction dans le bureau où sont rangés les dossiers de chacun des orphelins pour consulter le sien. Il en a la confirmation. Il est un bâtard, comme on le disait vulgairement. Son père est français, sa mère est allemande. Il subtilise un médaillon dans lequel il y a une photo de chacun d'entre eux. Il n'a pas l'intention d'attendre qu'ils viennent le chercher. Georg s'enfuit. Il compte les retrouver. Dans quelques années, il sera sur le front. Lors de la guerre précédente, ce sont ses parents qui y étaient, lui, poilu dans l'armée française, elle, infirmière allemande. Comment se sont-ils rencontrés ? Comment est née leur histoire d'amour ?

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

"L'Histoire est le visage de l'aventure humaine." Si tout un chacun tente d'écrire l'histoire de sa vie, le XXème siècle l'a fait à la place de millions d'hommes et de femmes. De 1900 à 1954, les auteurs de la série concept Visages - Ceux que nous sommes racontent sur trois générations la destinée de cinq membres d'une même famille. Les scénaristes Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa ne choisissent pas une narration linéaire mais passent d'une époque à l'autre sans jamais perdre le lecteur. On commence en 1927, on poursuit en 1940, on continue en 1914 pour aller jusqu'en 1918. Les auteurs nous plongent au cœur de la Grande Guerre avec pour toile de fond l'histoire d'amour entre Lieselotte Ruf et Louis Kerbraz.

Toutes les histoires sont des histoires d'amour, même les histoires de guerre. Visages-Ceux que nous sommes, c'est tout cela tout en allant bien plus loin. Une citation de Gauguin, titre de l'un de ses tableaux les plus fameux, l'annonce en préambule : "D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?". Georg cherche ses origines, qui il est et la façon dont il peut, dont il doit prendre en mains son destin avec le poids de sa généalogie. Mais si c'est bien lui qui lance la saga, ce sont bel et bien ses parents qui sont au cœur de ce premier épisode. Leur rencontre était si improbable qu'elle s'est produite. Et, comme pour faire un pied de nez à Gauguin, c'est l'art qui les réunit. Si elle est photographe, lui est un dessinateur mais aussi un artisan qui transforme les douilles en bijoux. Les auteurs posent également la question de la croyance et de la religion, sans en parler, en organisant la rencontre entre Lieselotte et Louis dans une église à moitié détruite. Quand l'on fait face à un drame, les rapports avec le divin s'en trouvent bouleversés, dans un sens comme dans l'autre.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Le dessinateur Aurélien Morinière n'avait rien publié depuis près de trois ans avec le thriller L'homme bouc. Et pour cause. Il était occupé sur cette nouvelle série dont les quatre volumes sont annoncés pour cette année. Il fallait donc prendre un peu d'avance. Morinière dépeint la violence des sentiments avec force et celle de la guerre avec une cruauté froide. Il démontre que quelque soit leur camp les soldats n'avaient pas d'autre choix que de tuer, soit pour survivre, soit parce qu'ils étaient emportés par la meute. Ses grandes cases sont majestueuses, que ce soit ces soldats marchant dans la forêt des Ardennes, ou bien le lieu de culte dans lequel se fait la rencontre qui scellera le destin du futur Georg.

Réalisé par les scénaristes de la série, un cahier documentaire complète l'album. Il y est question du Hartmannswillerkopf, éperon rocheux sur lequel ont péri ou ont été blessés 30000 soldats, de la Prusse, de l'Allemagne, de Versailles et de son traité, du vote des femmes en Allemagne, dès 1919, de l'artisanat des tranchées, dont il est fortement question dans l'album. On y parle également de la bataille de l'Yser, de celle de Dixmude et du 87ème régiment de fusiliers marins bretons. Tout cela serait incomplet sans l'exposition Visages. ceux que nous sommes au Goethe-Institut de Paris jusqu'au 11 mars. Au cours d’un parcours pensé pour les scolaires et pour le tout public, les visiteurs et visiteuses découvriront la saga tourmentée de cette famille déchirée sur trois générations. Sur un fond historique authentique, de 1900 à 1954, ils suivront la destinée de ces quatre personnages de nationalités et de générations différentes. Des visites pour groupes scolaires, de durées flexibles, sont également possibles. L'exposition voyagera ensuite dans les différents Goethe-Instituts de France.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Le vingtième siècle est certainement l'un des plus sombres de l'Histoire de l'humanité. "D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?". Accompagnons Georg pour trouver la réponse à ces questions. Si tant est qu'il y en ait une.

 

Laurent Lafourcade


Série : Visages - Ceux que nous sommes

Tome : 1 – Derrière les signes ennemis

Genre : Histoire

Scénario : Nathalie Ponsard-Gutknecht & Miceal Beausang-O'Griafa

Dessins & Couleurs : Aurélien Morinière 

Éditeur : Glénat

ISBN : 9782344022924

Nombre de pages : 56

 



Publié le 23/02/2023.


Source : Boulevard BD


Brancusi contre Etats-Unis Qu'est-ce qui est

 

"-Mon cher Duchamp, vous direz à Monsieur Brancusi que la Brummer Gallery est réellement très honoré d'exposer ses œuvres l'hiver prochain. Comment est-ce que vous voyez les choses ?

-Selon les plans de Brancusi, il serait possible d'installer 42 sculptures, 27 dessins et une peinture.

-Mmmh.

-Je m'occuperai de faire venir par bateau les œuvres qui sont encore en Europe."

 

 

 

 

 


1926, le sculpteur Constantin Brancusi s'apprête à exposer ses œuvres pour la première fois aux Etats-Unis. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur du monde. Marcel Duchamp en personne s'occupe de la logistique. Parmi ces œuvres, se trouve l'oiseau, une sculpture en bronze. Mais le zèle des douaniers va faire que tout ne va pas se passer comme prévu. Les agents saisissent l'objet effilé d'1m40 de haut sous prétexte que pour eux il ne s'agit pas d'une œuvre d'art mais d'un objet manufacturé. Il va donc falloir appliquer les droits de douane correspondant à 40 % de la valeur de l'objet, soit 4000 $ de l'époque. Brancusi et Duchamp protestent, ainsi qu'Edward Steichen, photographe américain à qui est destinée l'œuvre après l'exposition. Le sculpteur d'origine roumaine décide d'intenter un procès contre l'état américain afin de réhabiliter son art.

 

© Nebbache - Dargaud


L'objet en bronze désigné l'"oiseau" est-il ou pas une statue originale ? Les avocats de la défense devront démontrer à la cour qu'il s'agit d'une fonte originale produite par un sculpteur professionnel. Le procès va se transformer en joute ubuesque sur l'art. A propos d'une sculpture, quel est le lien entre son titre et sa forme ? Cet oiseau serait-il considéré autrement si on voyait sur lui des plumes ou une tête de volatile ? A partir de combien de copies une œuvre est-elle considérée comme une production industrielle et non plus comme une œuvre d'art ? L'artiste a-t-il effectivement tout réalisé de ses propres mains sans utiliser de polisseur ou autre outil industriel ? Pour Duchamp, le débat ne va pas dans le bon sens. Peu importe qu'il s'agisse ou pas d'un oiseau. Si les premiers peintres se sont attachés à la nature, les suivants n'ont pas été arrêtés dans leurs volontés de se diversifier. Ils sont libres. "La valeur réaliste d'une œuvre est indépendante de toute qualité imitative." C'est cela qui doit être prouvé. Pendant que les avocats s'affrontent sur le sujet, en Europe, Brancusi doute de son art.

 

© Nebbache - Dargaud


Après avoir travaillé dans l'illustration et la littérature jeunesse, Arnaud Nebbache publie sa première bande dessinée et en tant que coup d'essai réalise un coup de maître aussi bien scénaristique que graphique. Quoi de plus compliqué que de parler d'un art dans un autre art comme moyen d'expression ? Quoi de plus ennuyeux que les histoires de procès, joutes oratoires auxquelles le dessin n'aurait rien à apporter ? Nebbache se sort de toutes les chausse-trappes possibles et imaginables dans lesquels il aurait pu tomber. Dans un style graphique en aplats de couleurs, sans contours, avec peu de tons, il alterne les scènes au tribunal avec celles de Brancusi face à ses œuvres ou en proie à ses doutes. Les dialogues subtils, précis et argumentées offrent une appréhension de l'art de toute beauté.

 

© Nebbache - Dargaud


Il y a un an, Abdel de Bruxelles signait le merveilleux Tanger sous la pluie racontant le séjour du peintre Henri Matisse au Maroc. C'était l'un des premiers chocs de l'année 2022. Les éditions Dargaud rééditent l'exploit avec Brancusi contre Etats-Unis qui devient à son tour le premier choc de l'année 2023. Sublime.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Brancusi contre Etats-Unis

Genre : Biographie

Scénario, Dessins & Couleurs : Arnaud Nebbache

Éditeur : Dargaud

ISBN : 9782205202342

Nombre de pages : 128

Prix : 23 €

 

 



Publié le 22/02/2023.


Source : Boulevard BD


Il est encore possible d’inventer des tragédies antiques.  Kleos, celui qui rêvait de gloire 1 – Livre I

 

« - Regardez-les, ces hommes de guerre ! Ils paradent avec leurs casques à aigrette, mais ils sont incapables de défendre leur cité.

-   Assez ! Pas de querelles ! Toi, le fils du pêcheur, que veux-tu ?

-   Ce que je veux ? Ce que je veux ?!? Je veux faire ce que n’importe quel guerrier ferait… Trouver le repaire de ces bâtards et brûler leur vaisseau ! »

 

 

 

 

 

 

 

 499 avant Jésus-Christ, une petite île grecque est pillée par des pirates, la détroussant de toutes ses richesses. Sur cette île, habite Philoklès. Le jeune homme n’accepte pas de rester les bras ballants à regarder faire les différentes expéditions barbares qui débarquent. Le fils du pêcheur veut retrouver les assaillants et brûler leur navire. Soit il y parvient et revient avec la volonté de créer une coalition permettant de lutter contre les pillards, soit il mourra au combat. Philoklès ne compte pas passer sa vie à raccommoder des filets. Il embarque donc à bord d’un frêle esquif, seul. Son père lui conseille quand même de faire un petit crochet pour consulter Tirésias, l’oracle, qui va lui indiquer une action à accomplir pour réussir dans sa mission.

 

 

 

 

© Eacersali, Latapy, Causse - Bamboo

 

 

Alors que Serge Le Tendre et Frédéric Peynet adaptent les classiques de la mythologie méditerranéenne, Mark Eacersall et Serge Latapy imaginent l’épopée d’un nouveau héros. Kleos signifie gloire en grec. Philoklès est un nouvel Ulysse. Il quitte son père, son métier, son île pour que son peuple ne vive plus dans la fatalité d’invasions incessantes. Chacun dans leurs catégories, on attendait Mark Eacersall et Amélie Causse au tournant. Le premier sort du scénario impeccable de Tananarive dessiné par Sylvain Vallée. La seconde revient de l’adaptation parfaite de La commode aux tiroirs de couleurs d’Olivia Ruiz. Associés au journaliste spécialiste d’histoire ancienne et de civilisation grecque Latapy, ils transforment leurs essais dans ce coup de maître.

 

 

 

 

© Eacersali, Latapy, Causse - Bamboo

 

 

Après le renouveau ces dernières années des contes médiévaux, voici la résurrection des tragédies antiques. Le scénario monte en pression, rien n’étant épargné à ce brave et intrépide pêcheur. Acteur d’une époque où la violence ne fait pas de cadeau – d’ailleurs y a-t-il des époques où elle en fait ? -, Philoklès est au cœur de luttes de classes, de tromperies sexuelles, de tueries et de viols. Tout est montré, de manière « souple » certes, mais rien n’est édulcoré. Les dessins et couleurs immergent dans l’ambiance avec quelques images sublimes comme lorsque le héros rêve de l’éclat de sa gloire ou quand il vogue en pleine tempête.

 

 

 

 

© Eacersali, Latapy, Causse - Bamboo

 

 

Philoklès atteindra-t-il « kleos aphtiton », la gloire éternelle ? Plus que quelques mois à attendre pour le savoir dans la fin de ce diptyque, avant tout hommage à l’Illiade et l’Odyssée d’Homère.

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

 

 


 

Série : Kleos, celui qui rêvait de gloire

 

Tome : 1 – Livre I

 

Genre : Tragédie antique 

 

Scénario : Mark Eacersall & Serge Latapy 

 

Dessins & Couleurs : Amélie Causse 

 

Éditeur : Bamboo

 

Collection : Grand Angle 

 

Nombre de pages : 64 

 

Prix : 16,90 €

 

ISBN : 9782818979198

 



Publié le 11/01/2023.


Source : Boulevard BD


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