Nouvelles relatives ŕ la bande-dessinée ou au graphisme
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Le club des Cinq a la trouille.   Le collège noir

 

"-Extinction des feux ! Les filles, retournez dans votre chambre.

-Non ! On veut dormir tous ensemble encore ce soir !

-Je vous avais dit que c'était exceptionnel !

-On n'est plus des gamins, Lena. Tranquille.

-C'st bien ça qui me fait peur… Pfff… Faites ce que vous voulez. Mais je vous préviens, si j'entends un autre bruit que vos ronflements, vous giclez chacun dans votre dortoir avec une tarte. Bonne nuit !"

 

 

 

 


Alors que tous les collégiens du monde passent leurs vacances chez eux, un petit groupe de gamins du Cantal reste dans leur établissement pour tout l'été. Ulysse, Ouss, Krum, Mei et Step n'ont pas des parents qui ont la possibilité de les récupérer. Il y a aussi Jonas, qui habite seul avec son père dans une ferme non loin du collège qui vient passer les après-midis avec eux. Ils sont sous la responsabilité de Lena, jeune adulte chargée de les surveiller à l'internat. Bâtiment vétuste, le collège perdu dans les montagnes tapissées de forêts sauvages et de vallées obscures semble avoir été là depuis des centaines d'années. La journée, Lena leur laisse quartier libre, tant qu'ils lui foutent la paix, mais à 18 h, couvre-feu. Filles et garçons, chacun dans leurs chambre et dodo.

© Malassagne – Bande d'ados

Il y a quelques jours, Jonas est mort noyé dans un marais des profondeurs de la forêt, appelé par une voix qui semblait être celle de sa mère. Une nuit, le fantôme de Jonas est venu voir une dernière fois ses camarades avant de s'envoler dans une lueur par la fenêtre du dortoir. Les enfants le suivent, pénètrent dans la forêt et se trouvent face à une espèce de croque-mitaine, voleur d'âmes qui vient de capturer celle de Jonas. Ils parviennent à la libérer. Le monstre les poursuit avant d'abandonner la partie. Il les maudit et leur annonce que les ténèbres les traqueront, toutes les nuits jusqu'à leur mort. Ils devront rembourser de leurs propres âmes celle qu'ils viennent de sauver.

© Malassagne – Bande d'ados

Le livre de la lune, le livre de la pierre et Le livre de l'hiver sont les trois parties du Collège noir parues entre 2016 et 2019 et réunies ici en intégrale. Ulysse Malassagne, auteur complet, y raconte son enfance composée d'aventures tellement étranges et terrifiantes qu'il n'avait jusqu'à présent jamais osé les mettre en bande dessinée. Il se remémore aujourd'hui sa jeunesse au collège, puisant dans sa mémoire les souvenirs qu'il a pu conserver sans sombrer dans la folie. On y croirait presque. Dans un graphisme apparenté à celui de Boulet, Malassagne oppose des personnages aux carrures South Park à de terrifiants monstres type gravures Yo-Kaï. Il y a aussi une petite ambiance studios Ghibli. Le scénario ne laisse pas de temps mort. Certaines scènes, comme celles du barrage, foutent vraiment la trouille. La fin est particulièrement réussie. La post-conclusion brouille un peu plus les pistes entre l'imaginaire et la réalité.

© Malassagne – Bande d'ados

Mais quelle bonne idée qu'ont eu les éditions Milan de sortir cette intégrale quelques semaines avant Halloween. L'histoire est également disponible en dessin animé sur ADN depuis le 31 octobre. Le collège noir est une petite pépite, le genre d'histoires qu'on lit quand on a envie de prendre plaisir à se faire peur.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Le collège noir

Genre : Aventure fantastique

Scénario, Dessins & Couleurs : Ulysse Malassagne

Éditeur : Bayard

Collection : Bande d'ados

ISBN : 9782408048594

Nombre de pages : 248

Prix : 19,90 €

 



Publié le 08/11/2023.


Source : Boulevard BD


Le grand retour.   Tintin Le journal des jeunes de 7 à 77 ans Numéro spécial 77 ans

 

"-Nous y sommes enfin, mon bon Minimum !

-Snirfl ! Fichu rhube ! Non ! Baudit rhube !

-Mon pauvre ami !... Dis donc, il a l'air joli, ce village !

-Joli ?!... Chlorophylle, je te rappelle que le plus important est de trouver à banger !

-Ne sois pas si ronchon ! On m'a dit que c'était l'abondance, là-bas ! D'ailleurs, nous y sommes ! C'est à cette adresse que ça se passe !

-Peuh ! Il n'y a rien dans ce potager ! Pas même des légumes d'hiver !

-C'est que le trésor se trouve à l'intérieur. Passons par la grange !"

 

 

 

 

 


                Chlorophylle et Minimum sont à la recherche d'un précieux trésor qui leur permettrait de se sustenter. Mais qu'est-ce donc ? On le découvrira en relisant l'hommage de la série mythique de Raymond Macherot signé Ers et Dugomier et qui fit pendant des années les beaux jours du Journal Tintin. Comme Chlorophylle, de nombreux héros emblématiques de l'hebdomadaire sont de retour sous la plume et le crayon de leurs admirateurs pour la plupart ou de leurs auteurs d'origine pour quelques-uns d'entre eux dans ce numéro spécial de 400 pages pour fêter les 77 ans du lancement du journal et des éditions du Lombard.

 

© Le Lombard / Moulinsart

 

                Michel Vaillant participe à une course de Formule 1 en 1980, écrite par son scénariste actuel Denis Lapière et dessinée par Vincent Dutreuil. Dimitri Armand rejoue à nouveau avec un Bob Morane qu'on lui a injustement retiré. Hermann retrouve Comanche, Cosey Jonathan, Crisse Nahomi et Derib Buddy Longway. Grâce à Boucq, Jérôme Moucherot rencontre Modeste et Pompon, Ric Hochet, Bernard Prince, Thorgal et Séraphin Lampion. Rousseau est de nouveau à la reprise de Vasco et Rodrigue à celle de Cubitus. Certains auteurs créent la surprise comme Clarke avec Simon du Fleuve, Turk, Falzar et Zidrou avec un Luc Orient décalé ou encore Aurélie Guarino et Kid Toussaint avec une émouvante Prudence Petitpas.

Quelques héros sont servis plusieurs fois comme Bob et Bobette, Ric Hochet, Thorgal, Blake et Mortimer, … D'autres sont injustement oubliés comme Chick Bill, Jari, Ian Kalédine, Capitaine Sabre, Barelli, Martin Milan, Rataplan, Strapontin, Taka Takata, Victor Sackville et d'autres, heureusement rassemblés dans un trombinoscope final. Il est vrai qu'il n'était pas possible de faire de la place pour tous, mais limiter les hommages à un par série aurait permis d'en accueillir certain d'entre eux. Ceci dit, quand on se demande qu'est-ce qu'il aurait fallu supprimer pour leur faire de la place, il est impossible de choisir.

 

© Le Lombard / Moulinsart

 

                Quatre articles éditoriaux agrémentent l'ouvrage pour en faire une vraie revue. Daniel Couvreur ouvre le bal, positionnant Tintin comme le plus grand influenceur de la bande dessinée contemporaine parce que "Le monde de Tintin s'enrichit du temps qui passe." Des personnalités du cinéma, de la littérature, de la chanson ou autres arts présentent leurs cases fétiches. Si Patrice Leconte s'arrête sur la momie de Rascar Capac entrant par la fenêtre, Eric Fottorino est subjugué par l'ultime vignette de Tintin au Tibet. Cédric Klapish, lui, a été marqué par Tintin accroché au mur d'un building de Chicago, pendant que Richard Gotainer se marre des cheveux longs et colorés des Dupondt dans la fusée.

                Jérôme Dupuis (tiens, Dupuis pour Le Lombard, c'est rigolo) s'attache au volet de l'histoire du journal, avec ses hauts et ses bas. Anne-Claire Norot parle du rôle des femmes, qu'elles soient autrices ou héroïnes avec notamment des interviews d'Alix Garin, trop jeune pour avoir participé au journal, et de Magda, qui y publia avec Lamquet les aventures de Gilles Roux et Marie Meuse, une des premières séries ouvertement écologiques. Enfin, dans Tintin ou la multiplication des genres, Julien Bisson revient sur les genres narratifs qui se côtoyaient dans l'hebdomadaire : l'aventure avec Corentin ou Dan Cooper, l'histoire avec Le chevalier blanc, la science-fiction avec Rork, le western sérieux comme dans Comanche ou humoristique comme dans Chick Bill, l'un des héros à la carrière la plus longue dans le journal, tout comme Ric Hochet dans le polar. C'est l'occasion pour rendre hommage à Tibet, un des auteurs majeurs et dont on parle trop peu.  

 

© Le Lombard / Moulinsart

 

                En coédition avec les éditions Moulinsart, Le Lombard offre déjà le plus beau des cadeaux de Noël qui soit. Cet imposant journal, ce pavé, est une somme d'humour et d'émotion. Il ferait même parfois verser des petites larmes de souvenirs. Reviens toutes les semaines, journal Tintin ! On va bien s'occuper de toi. Tout le monde t'attend impatiemment.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Tintin Le journal des jeunes de 7 à 77 ans

Genre : Multi-genres

Scénario, Dessins & Couleurs : Collectif

Éditeur : Le Lombard / Moulinsart

ISBN : 9782808210218

Nombre de pages : 296

Prix : 29,90 €

 

 



Publié le 02/10/2023.


Source : Boulevard BD


New-York Eighties.   Soda - Le pasteur sanglant

 

"-Vous arrivez trop tard pour les derniers sacrements, pasteur.

-Il est nouveau, lui !

-Alors, qu’est-ce qu’on a ?

-Femme blanche, la soixantaine, probablement prostituée. Elle semble avoir été étranglée. C’est l’épicier qui l’a trouvée en sortant les poubelles."

 

 

 

 

 


                New-York, années 80. Comme tous les matins, Soda quitte son appartement et sa mère en habit de pasteur pour se rendre sur son lieu de travail. Pour ne pas l’inquiéter, il ne lui a jamais dit qu’il était flic. Comme tous les matins, il se change dans l’ascenseur qui le conduit au rez-de-chaussée. La Caporal Linda Tchaïkowsky l’attend dans leur véhicule de fonction. Aujourd’hui, le dispatcher les envoie vers une impasse pisseuse avant le premier doughnut. La journée va être longue. Pour la troisième fois en un mois, une femme est retrouvée morte étranglée, avec une page de calendrier agrafée sur la tempe. Mais celle-ci n’est pas encore décédée. Elle se réveille en sursaut et reconnaît en Soda son agresseur. Le flic aurait-il franchi la frontière du crime ?

 

© Gazzotti, Bocquet, Usagi - Dupuis

 

                Neuf ans que Soda avait disparu des radars. Depuis 2014 et Résurrection, dessiné par Dan sur un scénario de Tome, on attend la suite de ce diptyque post-11 septembre. Mais ce n’est pas cette histoire tant attendue qu’on lit aujourd’hui. Entretemps, Tome est décédé en laissant l’histoire inachevée. Suite à blocage des ayants droits, Dan n’a pas pu poursuivre dans la foulée. La situation est débloquée. Il lui reste une dizaine de planches à terminer pour ce qui sera le tome 14. Parallèlement, Gazzotti reprend le personnage qu’il avait abandonné en 2005. Rappelons que le premier dessinateur fut Luc Warnant. Le dessinateur de Seuls replace le récit à l’époque de ses origines, à savoir les années 80. Les pistes ne sont ainsi pas brouillées avec la version de Dan.

 

© Gazzotti, Bocquet, Usagi - Dupuis

 

                Quel plaisir de retrouver ce classique du polar noir à la sauce franco-belge. Tchaîkowski, la coéquipière dont tout le monde rêverait, Pronzoni, le supérieur au visage anguleux, Bab’s et sa gourmandise légendaire, Mary, la maman naïve et son chat Goliath, ils sont tous là. Gazzotti les retrouve comme s’il les avait quittés hier. On sait que sa collaboration avec Tome n’a pas été un long fleuve tranquille. Et pour ce retour aux sources, le scénario a été confié à Olivier Bocquet, scénariste de l’excellente série Frnck, entre autres, et du récent Plus dangereux métier du monde. La fusion entre le dessinateur et son scénariste est parfaite. On ressent le plaisir qu’ils ont eu à travailler ensemble. Si l’un dessine son co-auteur en tant que dessinateur, pour un portrait-robot, l’autre demande à son collaborateur de représenter quatorze flics dans un ascenseur. Bocquet concocte un thriller psychologique dans lequel il pousse Soda dans ses retranchements. Evidemment, on se doute que le pasteur-flic n’est pas l’auteur des crimes dont on l’accuse. Mais Soda est tourmenté. Ce n’est pas le psychologue de la brigade qui dira le contraire. Le patient ne se rappelle même plus qu’il le voit tous les quinze jours. Et puis, il s’énerve même devant sa mère. Très vite, le traqueur va devenir traqué. Il va lui falloir prouver son innocence.

 

© Gazzotti, Bocquet, Usagi - Dupuis

 

                Espérons que ce retour de Soda ne soit pas éphémère. La bande dessinée a besoin de séries comme celle-ci. Parce qu’il y a aussi des héros éternels qui ne sont pas si anciens que ça.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Soda

Tome : Le pasteur sanglant

Genre : Thriller/Polar

Scénario : Olivier Bocquet

Dessins : Bruno Gazzotti

Couleurs : Usagi

Éditeur : Dupuis

ISBN : 97910347

Nombre de pages : 6

Prix : 12,95 €

 

 



Publié le 09/07/2023.


Source : Boulevard BD


Vie d'un réalisateur-poète.   Tati et le film sans fin

 

"-Alors ?

-Ça fait quinze jours qu'il ne m'a rien dit d'autre que "Bonjour Bonsoir". Mais ça ne m'empêche pas de travailler. J'ai tout ici. Et je sais qu'à un moment, ça lui sera bien utile. On ne peut pas tout avoir en tête, ce n'est pas vrai. A un moment ou à un autre, il faut quelqu'un… pour noter."

 

 

 

 

 


Jacques Tati est un cinéaste qui n'a pas d'agenda, pas de clés. Il ignore l'heure. Alors, il a besoin d'une scripte. C'est ainsi que Sylvette débarque à Saint-Marc-sur-Mer, en été 1951, sur le tournage du film Les vacances de Monsieur Hulot. Tati va lui raconter sa vie, depuis les prémices de sa vocation, en observateur des choses de la vie, lui qui était destiné à devenir encadreur dans l'atelier familial de Monsieur et Madame Tatischeff. Admirateur de Keaton, Lloyd, Linder, Mack Sennett, WC Fields ou autres Laurel & Hardy, il se souvient surtout du méconnu Little Tich et sa danse des grands souliers.

 

© Supiot, Le Gouëfflec - Glénat

 

Tati débutera dans le Music-Hall avec son numéro "Sport muet". Colette, écrivaine mais aussi journaliste, rédigea un article en 1936 qui sera son passeport pour le succès. Tati commencera le cinéma en parallèle sans pour autant penser un jour devenir réalisateur, avant que la guerre ne mette un coup de freins à sa carrière. Mai 1947, le tournage de Jour de fête débute, avec seulement une dizaine de personnes pour tout faire, des comédiens aux techniciens. Puis c'est l'invention de Hulot, sa pipe, son chapeau, sa gabardine et son allure dégingandée. On assiste au tournage de tous ses films, notamment le précurseur Playtime, et jusqu'à son dernier court-métrage Forza Bastia qui sera achevé par sa fille Sophie.

 

© Supiot, Le Gouëfflec - Glénat

 

Depuis Le chanteur sans nom jusqu'à Lino Ventura, en passant par Dominique A et Vince Taylor, on savait Arnaud Le Gouëfflec expert en biographies originales. Avec Tati et le film sans fin, il pousse le curseur encore plus loin avec une immersion dans la vie de l'acteur-réalisateur, mettant en évidence tout ce qu'il y a de plus poétique chez cet homme qui habitait ses films. La dernière scène avant l'épilogue est particulièrement magique et émouvante, tout en donnant son sens au titre de la bande dessinée. On n'attendait pas Olivier Supiot sur un album comme celui-ci. En quelques planches, on se demande qui d'autre aurait pu mieux que lui dessiner cette vie passionnée. De la silhouette de Monsieur Hulot aux buildings de Playtime en passant par les fenêtres de Mon oncle, Supiot ne dessine pas le livre, il le réalise. Il donne à Tati des allures de Tintin, harcelé par deux Dupondt philosophes qui se questionnent et l'interrogent sur sa théorie du cinéma.

 

© Supiot, Le Gouëfflec - Glénat

 

Tait disait : "Un artiste de Music-Hall n'a pas des spectacles… mais un numéro, un seul, qu'il perfectionne tout au long de sa carrière." C'est ce qu'il s'est attaché à faire. A ranger à côté de Jacques Prévert n'est pas un poète, de Cailleaux et Bourhis, paru il y a quelques années chez Aire Libre, Tati et le film sans fin est de ce genre d'albums-biographie permettant de transcender la vie d'un artiste en utilisant toutes les possibilités du média bande dessinée. Remarquable.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Tati et le film sans fin

Genre : Biopic

Scénario : Arnaud Le Gouëfflec

Dessins & Couleurs : Olivier Supiot

Éditeur : Glénat

Collection : 9 ½

ISBN : 9782344042885

Nombre de pages : 136

Prix : 22,50 €

 



Publié le 11/06/2023.


Source : Boulevard BD


Une pour toutes, toutes pour une.   Elles 3 – Plurielle(s)

 

"-Et tu voudrais me faire croire que vous êtes mes cinq autres personnalités ?!

-Plutôt que nous sommes six personnes dans un même corps…

-Ouais, ne te prends pas pour le centre du monde, Blondie.

-Elle ne nous croira pas ici : c'est son monde.

-Nous devons partir… à la recherche de notre meilleur ami qui est coincé dans une forteresse loin d'ici; Et nous avons besoin de toi."

 

 

 

 

 


                Elle, c'est son prénom, est une lycéenne à priori comme les autres. Adolescente en pleine construction, elle a sa petite bande de potes : Otis, garçon mignon et aux idéaux idéaux, Line, la copine rêveuse, Farid, dandy extraverti, et Maëlys, la confidente. Elle est plurielle. Plusieurs personnalités cohabitent en Elle. Ces personnalités prennent vie au travers de ses cinq alter egos qui se manifestent. Blonde maîtrise les situations et fonce comme un bélier. C’est une combattante. Brune, à la fois introvertie et à l’écoute de l’autre, est la timidité incarnée. Verte a du recul. Elle est muette et réfléchit avant d’agir. Violette est une boule d’humour. Rose a une personnalité nuancée, à l’équilibre entre défauts et qualités. Il y a aussi Bleue. Mais avec Bleue, c'est plus compliqué. Bleue prend un malin plaisir à fragiliser Elle en la faisant changer de personnalité à de mauvais moments. Et puis il y a cette voix qui se fait entendre et qui pourrait peut-être unir les différentes Elle(s) en une même harmonie. Mais pour l'atteindre, il va falloir s'entraider et avancer toute(s) ensemble pour passer les épreuves de la vie.

 

© Toussaint, Stokart – Le Lombard


                "Elles" est l'histoire poignante d'une adolescente du XXIème siècle en proie à des tourments causés par un corps et un cœur qui se transforment et une société qui oblige à avancer à un rythme effréné. Kid Toussaint cueille ses lecteurs au plus profond, comme si pour lui ils étaient des let-coeurs, Qu'ils soient adolescents comme Elle et ses amis, ou adultes, Toussaint écrit ses histoires, et en particulier celle-ci, afin que chacun se sente concerné. D'ailleurs, des adultes, dans Elles, il n'y en a pas ou quasiment. On pourrait se demander pourquoi. Serait-ce pour préserver une intimité adolescente ? Pour montrer qu'il n'y a pas de porosité entre les deux mondes ? Rien de tout cela, bien au contraire. C'est plutôt pour déculpabiliser les parents, leur expliquer qu'ils n'y sont pour rien dans les difficultés de leurs enfants qui vivent une époque charnière de leur existence, au gré d'événements ou de rencontres. Il suffit d'être un jour au mauvais endroit pour que la vie bascule.

 

© Toussaint, Stokart – Le Lombard

 

"Entre deux eaux,

Entre deux rivages,

Battue par les flots,

Cherchant mon visage.

Dans cet océan,

Ce ciel sans étoiles,

Un navire sans voile,

Un avion sans ailes,

Ignore laquelle

Appeler maman.

Je suis désolée…"

                Quand on a vécu le drame de la page 61, quand on a lu quasiment le même mot laissé sur une table basse après une tentative avortée, on sait que l'on aura beau avoir déplacé des montagnes, il est des murs qu'on ne peut franchir seul(s). Nul ne connaît la solution pour y arriver. Si seulement les médecins se rendaient compte qu'il y a autant d'urgence à traiter le mal-être des jeunes que les cancers, nombre d'entre eux pourraient être sauvés. Katrina et tant d'autres, trop, ne liront pas cet album parce qu'ils n'ont pas eu le temps d'attendre. Kid Toussaint leur dédie cet album dans lequel il aborde sans tabou la schizophrénie, les troubles borderline, l'hypersensibilité, l'hyperémotivité, les dérives et les dégâts causés par les commentaires sur les réseaux sociaux, ainsi que le suicide. Donnant une force sans commune mesure à ses lecteurs, il leur explique que chacun a le droit et le pouvoir de faire ses choix, en libre arbitre avec soi-même.

 

© Toussaint, Stokart – Le Lombard

 

                Avec poésie et couleurs, couleurs que Katrina aurait tant aimées, Aveline Stokart conclue cette trilogie au fil de laquelle son trait s'est affirmé, a acquis de la souplesse et de l'émotion. Ce troisième tome comporte quelques compositions remarquables comme la chute dans l'océan, les sables mouvants ou toute la scène de la piscine. Stokart a l'avenir, ou plutôt l'Aveline, devant elle. On a déjà hâte de la retrouver sur un autre projet.

                Désormais, Katrina et toutes les jeunes filles qu'elle représente vivent à travers Elle(s). Que Kid Toussaint et Aveline Stokart en soient infiniment remerciés. Parce qu'elle démontre qu'il y a de la lumière au bout des tunnels sombres, si cette histoire permet de sauver ne serait-ce qu'un ou une seule ado, Elle(s) aura atteint son but.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Elles

Tome : 3 - Plurielle(s)

Genre : Emotion

Scénario : Kid Toussaint

Dessins & Couleurs : Aveline Stokart 

Éditeur : Le Lombard

ISBN : 9782808206181

Nombre de pages : 96

Prix : 13,45 €

 

 



Publié le 10/05/2023.


Source : Boulevard BD


A la croisée des regards.  Visages - Ceux que nous sommes 2 – La pratique Andromaque

 

"-Venez, soldat Knielingen ! Je vais vous présenter votre instructeur... Gefreiter McDare ! Votre élève, le soldat Knielingen. Rendez-le opérationnel !

-Ah oui, le tireur repéré par votre Obergefreiter… J'espère qu'il a des aptitudes !"

 

 

 

 

 

 

                Pas-de-Calais, juin 1940. Georg combat sous l'uniforme allemand. Aujourd'hui, il rencontre Sheila McDare. Elle appartient à la Wehrmacht, pas comme ces raclures de la Waffen SS à la botte d'Hitler. Issue de l'IRA, l'armée d'insurrection irlandaise, dont les britanniques sont les ennemis héréditaires, elle va initier Georg au tir au Mauser K98, afin de le préparer à l'opération Seelöwe, plan d'invasion de l'Angleterre depuis la France. S'il fait ses preuves, ils formeront un binôme. Si Georg veut devenir sniper, c'est parce qu'il ne veut plus jamais se battre au corps à corps avec le sale porc de français qui a engrossé sa mère.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Deuxième épisode de la saga familiale Visages, La pratique Andromaque poursuit l'histoire de Louis, Lieselotte et Georg, chacun sur le chemin de sa vie. C'est un grand moment de tension qui ouvre l'album avec le corps à corps en juin 1940 entre Georg et son père Louis. "Je suis Louis", "Ich bin Georg". La rencontre sera furtive, violente, encore plus moralement que physiquement. On découvrira ensuite, avant la der des der, comment d'un côté Louis s'est forgé grâce à l'art, et de l'autre Lieselotte s'est intéressée à la photographie, l'un en France, l'autre en Allemagne. On les suivra ensuite dans leurs vies parallèles, dans l'entre-deux-guerres, ayant chacun à l'esprit leur rencontre passionnée racontée dans le premier tome.

"Faut-il peindre ce qu'il y a sur un visage ? Ce qu'il y a dans un visage ? Ou ce qui se cache derrière un visage ?" Cette citation de Pablo Picasso est inscrite en préambule de l'histoire. Les scénaristes Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O'Griafa s'emparent de cette problématique pour avancer, ou plutôt faire avancer, leurs personnages dans l'histoire du siècle. La réponse est plus complexe qu'il n'y paraît. En disant cela, Picasso provoque, évidemment. Nathalie et Miceal suivent ses pas. Visages – Ceux que nous sommes démontre que c'est la troisième partie de la citation qui se détache des autres. "Ce qui se cache derrière un visage", c'est l'histoire de chacun, ce que la vie fait de nous. Peindre ce qui se cache derrière un visage, c'est donc montrer une âme. C'est ce à quoi se sont donc attachés les auteurs, car avant d'être un récit de guerres, la série est une aventure de destins, meurtris par la guerre certes, mais avant tout une aventure de destins. Au dessin, Aurélien Morinière s'applique à suivre le principe Picasso. Les premiers et derniers strips de la deuxième planche sont entre autres en cela remarquables qu'on voit plus que les visages de deux hommes, on aperçoit le plus profond de leurs âmes.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Un mot sur le titre, énigmatique et finement choisi : La pratique Andromaque. Louis Kerbraz, le poilu breton, est un artiste. Dans les années 20, il réalise des décors de théâtre. On lui propose de mettre en scène Andromaque de Racine. Il choisit de transposer la tragédie dans un contexte de première guerre mondiale avec des costumes de poilus.

Réalisé par les scénaristes de la série, un cahier documentaire complète l'album. Parmi de nombreux sujets, il y est détaillé l'engagement irlandais pendant la guerre de 14, sujet particulièrement émouvant pour Miceal Beausang-O'Griafa qui a une partie de ses origines en Irlande. On nous emmène dans les vies parisienne et berlinoise des années 20. On apprend que la Wehrmacht et les SS ne menaient pas forcément le même combat. Il y est aussi beaucoup question d'art, des salons autrichiens de Bertha Zuckerandl-Szeps à la cité d'artistes La Ruche à Paris.

 

© Ponsard-Gutknecht, Beausang-O'Griafa, Morinière - Glénat

 

Une série d'entretiens avec les auteurs est disponible sur la chaîne YouTube Boulevard BD. Histoire de guerres, histoire des arts, mais avant tout histoire de personnes, avec un type de narration inédit, osé et efficace, Visages – Ceux que nous sommes est LA série événement de cette année.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Visages - Ceux que nous sommes

Tome : 2 – La pratique Andromaque

Genre : Histoire

Scénario : Nathalie Ponsard-Gutknecht & Miceal Beausang-O'Griafa

Dessins & Couleurs : Aurélien Morinière 

Éditeur : Glénat

ISBN : 9782344032886

Nombre de pages : 64

Prix : 14,95 €

 



Publié le 03/05/2023.


Source : Boulevard BD


La mort vous va si bien.  Les vies de Charlie

 

« - Charlie, Recycle & Ternel, vous mourez, nous recyclons, j’écoute ? Oui… Oui, tout à fait, madame. Nous recyclons les défunts. Le plus souvent, nous le transformons en compost pour y planter un arbre… ou un bonsaï si vous êtes en appartement… Voilà… Quelque chose de symbolique pour donner une seconde vie à votre mari. Comment s’appelait-il ? »

 

 

 

 

 


Charlie, jeune trentenaire citadin, travaille chez Recycle & Ternel. « Vous mourrez, nous recyclons ! » Toute la journée, derrière son téléphone, l’employé explique aux clients endeuillés la meilleure possibilité pour recycler le cadavre de leur proche qui vient de les quitter. Madame Wilmart, sa chef de service, a l’habitude de lui amener des dossiers difficiles pour des clients qui ont du mal à faire leur deuil et qui demanderaient à Charlie tout son savoir-faire et toute son empathie. Un jour, Charlie reçoit le coup de fil d’un père veuf et de son fils. Ce dernier n’a pas besoin de savoir ce que va devenir le corps de sa maman. Ce qui l’importe, c’est ce qu’il va advenir de son âme. A son grand désespoir, Charlie n’a pas la réponse. L’employé est désemparé mais il va tout faire pour la trouver.

 

© Toussaint, Guarino - Dupuis

 

Il y a des histoires à suspens et des comédies drôles. Il y a des aventures exotiques et des drames contemporains. Il y a une foultitude de genres en bande dessinée, dont les récits d’émotion. Parmi ces derniers, certains sont tout aussi émouvant qu’ils sont des fell good stories. Les vies de Charlie entre clairement dans cette catégorie. Kid Toussaint a déjà prouvé ce qu’il était capable de faire dans le domaine de l’émotion avec Elles, où il frappait les esprits. Avec ce one shot, il frappe les cœurs. Nul ne peut rester insensible à cette fable sur le devenir des âmes. Le scénariste apporte au héros et aux lecteurs une réponse, avec philosophie et sensibilité.

 

© Toussaint, Guarino - Dupuis

 

Aurélie Guarino porte ce récit avec toute la grâce de son trait. La dessinatrice est dans la catégorie d’un Michel Colline, d’un Hippolyte ou d’une Valérie Vernay. La symbiose avec Kid Toussaint est incroyable. Dans cette histoire, il fallait dessiner des sentiments, des émotions, des âmes. Tout cela transparaît comme par magie. Il est des fusions inexplicables qui marchent plus que l’on ne pourrait imaginer. Peut-être est-ce à cause de la sensibilité du sujet, le résultat est en tous cas incroyable.

 

© Toussaint, Guarino - Dupuis

 

Ces vies de Charlie ne peuvent à présent qu’influer sur les nôtres. Rien ne se finit, surtout pas les histoires comme celle-ci. Merveilleux.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Les vies de Charlie

Genre : Emotion

Scénario : Kid Toussaint

Dessins & Couleurs : Aurélie Guarino

Éditeur : Dupuis

ISBN : 9791034761234

Nombre de pages : 128

Prix : 26 €

 


 



Publié le 30/04/2023.


Source : Boulevard BD


Voyage au bout de l'enfer. Ginette Kolinka Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau

 

"-Qu'est-ce que… Que se passe-t-il ?

-On vient chercher les juifs.

-Les juifs…? Ah ça non monsieur ! Nous ne sommes pas juifs ! Nous sommes orthodoxes ! Vous faites erreur ! Regardez, mon père a un certificat, il peut vous le montrer !

-Vous avez été dénoncés comme juifs!"

 

 

 

 

 


En rentrant chez elle ce jour de 1944, Ginette Cherkasky ne savait pas qu'elle allait faire un voyage qui allait bouleverser sa vie. Alors qu'ils avaient fui Paris pour se rendre en zone libre à Avignon sous un faux nom, les Cherkasky sont rattrapés par leurs origines. Ils sont juifs. Ils ont été dénoncés. En ce début d'après-midi, par chance, si on peut appeler ça comme ça, toute la famille n'est pas à l'appartement. Seuls s'y trouvent son père, son petit-frère, son neveu et elle, Ginette, 19 ans, qui arrive sur les lieux en pleine rafle. Ses sœurs et sa mère ne sont pas présentes et échappent à l'arrestation. Parqués pire que du bétail dans un train pour l'Allemagne, les voici partis, direction le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau. Pour bon nombre de voyageurs, il n'y aura pas de retour.

 

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

 

Le nom Kolinka vous dit peut-être quelque chose. Richard Kolinka était l'un des quatre membres du groupe de rock Téléphone. Ce que l'on sait moins, ou que l'on savait moins, c'est que sa mère Ginette est une rescapée de l'enfer. Elle l'a longtemps enfoui en elle, par résilience certainement, jusqu'au jour où elle a été convaincue qu'il fallait qu'elle témoigne. Commença alors un périple dans les collèges et les lycées afin de raconter, raconter l'horreur, exposer l'enfer, pour ne pas oublier, pour faire que l'Histoire ne se répète pas. Son histoire à elle, elle l'a subie. Elle a reçu les coups terribles des tortionnaires sur son corps. Elle a senti les odeurs pestilentielles des cadavres. Ginette Cherkasky, matricule 78599, a été déporté de mars 1944 à juin 1945 et en est revenue décharnée, détruite physiquement et moralement, mais vivante. Quand on pense que son cauchemar a débuté cinq mois seulement avant la libération de Paris, et qu'il a continué pendant encore dix mois après, c'est à peine croyable.

 

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

 

Ginette est aujourd'hui l'une des dernières survivantes de la Shoah. Lorsqu'Aurore D'Hondt l'entend témoigner devant sa promotion de l'ISEN, une école d'ingénierie du numérique, elle a le même âge que Ginette lors de son arrestation. En parallèle à ses études, l'autrice décide de raconter en images, avec son accord, la vie de la rescapée. Dans un graphisme à la Marjane Satrapi, Aurore D'Hondt a tenu à rester la plus fidèle possible à la vie de Ginette. Les personnages sont dans un trait rond, presqu'enfantin, comme ceux de David Evrard sur Irena et Simone. On ressent toute la naïveté de Ginette qui se transforme en dureté au fur et à mesure qu'elle se construit une carapace indispensable à sa survie. L'album est traité dans un noir et blanc plus noir que blanc dans les chapitres allant de la déportation jusqu'au retour des camps. La dessinatrice arrache des larmes, des larmes de faux espoir quand le wagon s'ouvre et que les martyrs sentent le vent frais, des larmes d'une émotion incroyable lorsque Ginette serre sa mère dans ses bras à son retour à Paris.

 

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

 

On aurait aimé ne jamais avoir eu à lire des livres comme celui-ci. Ça aurait voulu dire que rien de cela n'était arrivé. Mais, pour paraphraser Ginette Kolinka, "Voilà où mène la haine !". Aurore D'Hondt apporte sa pierre à l'édifice du devoir de mémoire avec un album bouleversant, tant sur le fond que dans la forme.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Ginette Kolinka Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau

Genre : Biopic

Scénario & Dessin : Aurore D'Hondt

Éditeur : Des ronds dans l'O

ISBN : 9782374181325

Nombre de pages : 240

Prix : 25 €

 


 



Publié le 12/04/2023.


Source : Boulevard BD


Le temps des fables existe encore. Armelle & Mirko 1 – L'étincelle

 

"-Armelle ! Réveille-toi !

-Grandes sœurs ? C'est vous ?

-Ha ha ha ha ha ha

-Thérèse ? Sylvie ? Sortez-moi de là, j'ai peur !"

 

 

 

 

 

 

                Armelle est une tortue froussarde. Depuis que, petite, ses sœurs l'ont enfermée sous un seau pendant qu'elle faisait la sieste, elle a peur du noir. Les heures sombres sont pour elles cruelles. Armelle souffre d'achluophobie. Elle a une peur panique de se retrouver privée de lumière. Elle est peureuse et peu heureuse. Elle lutte pour ne pas s'endormir. Chaque bruit de la forêt est un cauchemar qui fait un nœud dans ses entrailles. Et le jour, elle s'ennuie, quelque soit la saison. En plus de ça, lorsqu'elle a une frayeur, elle ne peut même pas se recroqueviller dans sa carapace puisqu'il y fait tout noir. Un beau jour pourtant, Armelle va rencontrer Mirko, un petit être volant et fort élégant, avec de belles antennes courbées qui font le tour de nos cœurs, une tête rouge prompte à chasser les idées noires, de longues ailes pour les courtes distances, et portant sur son dos l'instrument de la mélodie du bonheur. Mirko réussira-t-il à apaiser les souffrances d'Armelle ?

 

© Clément, Montel, Arnal - Delcourt

 

                On avait l'habitude de voir Loïc Clément écrire pour Anne Montel. Les complices se sont ici associés pour offrir une magnifique histoire aux pinceaux merveilleux de Julien Arnal. Les auteurs du temps des mitaines lui ont concocté une fable, pas aux accents politiques comme celles de La Fontaine, mais emplie d'émotion, une histoire qui aurait très bien pu intégrer la collection des Complaintes des cœurs brisés, scénarisées par le même Loïc Clément. Deux êtres qui auraient pu ne jamais se rencontrer vont nouer une amitié à l'abri de toutes épreuves. Chaque planche de Julien Arnal est un petit tableau. De saison en saison, il nous invite dans une forêt aux milles couleurs du temps. Et lorsque vous aurez terminé l'histoire, regardez en détail les pages de garde, différentes au début et à la fin. Ne les détaillez pas avant. Vous comprendrez pourquoi.

 

© Clément, Montel, Arnal - Delcourt

 

                En filigrane de cette fable bucolique, les auteurs traitent d'un sujet complexe, qui touche de plus en plus de monde, de plus en plus de jeunes, avec des éléments déclencheurs qui peuvent être divers et variés. Ce mot est un gros mot, un mot que l'on n'ose pas prononcer mais qui doit l'être car il n'y a aucune raison de s'en cacher, et il n'y a pas à en avoir honte. Ce mot qui touche Armelle parce qu'il ne se voit pas et que c'est pour cela que souvent il n'est pas compris par les autres, ce mot, ce mal des maux, c'est la dépression. Alors que de nombreux médecins sont infoutus de soigner ce cancer de l'âme, Loïc Clément et Anne Montel apportent un formidable message d'espoir, une lumière vers la guérison, une étincelle. Si vous avez donc chez vous une tortue comme Armelle, lisez avec elle cette histoire, et faites-lui comprendre qu'il faut être patiente et attendre l'arrivée de Mirko, parce qu'il y a toujours un Mirko qui va venir, c'est forcé, c'est comme ça. Ça peut prendre du temps mais il va arriver.

 

© Clément, Montel, Arnal - Delcourt

 

                Je n'ai plus de tortue chez moi parce que je n'ai pas eu ce livre entre les mains assez tôt. Alors n'attendez pas. Pour ceux non concernés par le sujet sous-jacent, ce conte est à mettre entre toutes les mains, dès le plus jeune âge. Le talent des grands auteurs est de proposer différents niveaux de lecture et c'est le cas ici. Armelle et Mirko est d'une beauté sublime qui aide à faire briller les étoiles, sur la Terre comme au ciel.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Armelle & Mirko

Tome : 1 – L'étincelle

Genre : Fable poétique

Scénario : Loïc Clément & Anne Montel

Dessins & Couleurs : Julien Arnal

Éditeur : Delcourt

ISBN : 9782413045045

Nombre de pages : 32

Prix : 15,95 €


 

 



Publié le 30/03/2023.


Source : Boulevard BD


Une maîtresse pas comme les autres. Mademoiselle Sophie, ou la fable du lion et de l'hippopotame

 

"-Hé hé !

-Je crois que le cours est pas près de commencer les gars.

-Hi hi.

-Hé patate !

-Bouboule !

-Grosse vache !

-T'aurais pas des punaises ? Pour mettre sur sa chaise…

-Qu'elle éclate !"

 

 

 

 

 


Romain, 11 ans, bientôt 12, ne supporte plus que ses camarades de classe se moquent de la maîtresse. Mademoiselle Sophie a toujours été grosse, mais depuis les vacances, en quinze jours, elle a énormément pris. Elle s'essouffle en montant les escaliers et doit subir les lazzis et quolibets des élèves qui se cachent à peine pour se moquer d'elle. Elle est si gentille. Jamais elle ne crie sur quelqu'un qui ne comprend pas. Elle aime tous les élèves. Elle a toujours pris la défense des opprimés. Aujourd'hui, elle a besoin de Romain. Le garçon voudrait bien, tel un super héros, rabattre le caquet des méchants, mais la dure réalité le rappelle à l'ordre. Romain se confie à sa grande sœur. Pourquoi Mademoiselle Sophie s'enferme à clef le midi dans sa classe ? Romain va n'avoir désormais qu'un seul but : découvrir les nuances derrière les apparences. Il veut comprendre qui elle est vraiment et savoir ce qui lui arrive.

 

© Hippolyte, Zabus - Delcourt

 

La fable du lion et de l'hippopotame, c'est l'histoire d'un petit garçon qui devient adolescent et d'une dame obèse, mal dans sa peau, mal dans son âme, parce que son corps est devenu un fardeau. La fable du lion et de l'hippopotame, c'est l'histoire d'un petit garçon qui met un pied, puis l'autre, dans un monde d'adulte et qui essaye de comprendre comment ça se passe chez eux. La fable du lion et de l'hippopotame, c'est une histoire d'amour, ou plutôt d'amours, avec un "s" : l'amour que l'on croît impossible parce qu'on ne se voit pas comme les autres nous voient, l'amour que l'on voit passer devant soi sans qu'il ne s'arrête et qui se met en place entre deux personnes, mais pas pour soi, l'amour d'un élève pour sa maîtresse envers qui il est si reconnaissant qu'il est hors de question pour lui qu'il la laisse se détruire.

 

© Hippolyte, Zabus - Delcourt

 

Vincent Zabus est le Ionesco de la bande dessinée. Passionné de théâtre, le scénariste livre une histoire qui n'aurait peut-être pas existé sous cette forme si Rhinocéros n'était pas passé par là. Zabus ne pousse pas l'absurde aussi loin que le maître du genre mais joue comme lui avec ce parallèle entre l'espèce humaine et le monde animal. Romain préfèrerait rester petit à jamais, ce serait rassurant, rassurant et terriblement ennuyeux. C'est impossible. Le lionceau doit laisser sa crinière pousser pour devenir un lion. Rhinocéros était une satire sur la montée des totalitarismes et les dangers du conformisme avec la perte de la pensée individuelle. Les élèves de la classe de Mademoiselle Sophie ressemblent à cette meute qui avance d'un même pas et s'entraîne dans une méchanceté dangereuse car globale.

Après Les ombres et Incroyable !, Hippolyte retrouve son complice Zabus pour un conte merveilleux, qui arrache des larmes, ouvre les cœurs et réchauffe les âmes. Hippolyte ne met que les traits nécessaires à l'émotion dans un graphisme à la Sempé qui aurait rencontré Quentin Blake.

 

© Hippolyte, Zabus - Delcourt

 

La Fontaine a écrit les plus belles fables. Il en manquait une, celle d'un lion et d'un hippopotame. Zabus et Hippolyte l'ont rédigé et dessiné, avec la même force et la même grâce que leur prédécesseur. Indispensable.

 

Laurent Lafourcade

 


 

One shot : Mademoiselle Sophie, ou la fable du lion et de l'hippopotame

Genre : Emotion

Scénario : Vincent Zabus

Dessins & Couleurs : Hippolyte

Éditeur : Dargaud

ISBN : 9782205089851

Nombre de pages : 168

Prix : 23 €


 

 

 



Publié le 16/03/2023.


Source : Boulevard BD


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