« - Isabelle Samain, ma puce, mon oiseau des îles, mon lapin, ma libellule, ma gazelle, ma gerboise, ma loutre… De tout temps et sous toutes les latitudes les amoureux à leur amour ont donné des petits noms, souvent des termes d’animaux considérés comme mignons ou gracieux, mieux encore des petits noms de petits animaux. Mon chaton, ma chatonne, mon ourson, mon oursonne. Mon oisillon, mon oisillonne. Résolument on a évité mon chiot, ma chiotte. Pour des raisons culturelles, mais inexpliquées, on a préféré ma coccinelle à mon charançon, mon dauphin à mon phoque, mon puceron à mon phylloxéra des vignes. »
Le jeune François a douze ans. Il est amoureux. Très fleur bleu, il aime Isabelle Samain. Il dort Isabelle Samain, il mange Isabelle Samain, il respire Isabelle Samain, il vit Isabelle Samain. Mais Isabelle Samain ne le sait pas.
Isabelle Samain est dans le même collège que François, dans la même classe. Elle a une beauté incomparable, une grâce inouïe, une intelligence indépassable. François rêve de toucher ses seins, de plonger dans ses yeux verts, d’effleurer sa bouche rosée. Il voudrait serrer ses doigts graciles et caresser ses cheveux longs. Tel un fétichiste, François collectionne des morceaux d’Isabelle Samain : une mèche de cheveux trouvée dans les dents d’un peigne oublié, une photo de classe ou autre socquette blanche égarée. Mais François n’ose pas l’aborder tellement il l’aime.
François Morel adapte le petit roman qu’il a publié l’année dernière aux éditions du Sonneur. Avec sa sensibilité, sa délicatesse et son humour, le comédien raconte ses amours naissantes. Chimère ou réalité ? C’est clair, Isabelle Samain existe bel et bien. Mais n’est-ce pas François qui la pense irréelle ? Alors, c’est la peur de conclure, la chasse aux fragrances, les « je ne suis pas assez bien pour elle » ou les « elle est trop bien pour moi ». Morel fait d’un roman d’amour une BD d’amour. Adorable.
François Rabaté adapte l’inadaptable. Histoire de sentiments, quoi mieux que des mots, qui plus est ceux d’un artiste de la trempe de François Morel, pouvaient la traduire ? Il fallait un poète comme Rabaté pour y arriver. Il fait de François un grand adolescent dégingandé. Il introduit ses sentiments par la figuration de trois alter ego, le bleu, le rouge et le jaune, qui lui servent de consciences et de béquilles, traduisent les entrelacs de ses états d’âme. François réussira-t-il à s’en débarrasser et à assumer ses desiderata ?
La couverture montre un personnage prêt à enfreindre les lois pour aimer. Il barbouille un mur où il est clairement indiqué qu’il est défendu d’afficher (ses sentiments). François y peint le titre dans des couleurs dégoulinantes, prêt à tomber, comme s’il était déterminé à avancer coûte que coûte, au gré des papillons qu’il a dans le cœur, même si ça devait le faire chuter.
Avec ses pages de garde bleues à la manière de la première version des pages de garde de Tintin, avec sa quatrième de couverture (dans les deux cas, le François Morel adolescent y joue tous les rôles), l’album revendique son côté madeleine de Proust. Rajoutons-y une planche de carte géographique semblable à la page d’introduction des Astérix et le clou est enfoncé.
Bien sûr, la Isabelle Samain de ce livre n’est pas que celle de François Morel. C’est celle de tout le monde. Tout ceux qui ont été, qui sont ou qui seront amoureux, ont eu, ont ou auront une Isabelle Samain dans leur vie.
Un dernier régal avant de quitter Isabelle Samain et de la retrouver dans ce tendre album, écoutez François Morel interpréter un extrait de son texte :
Laurent Lafourcade
One shot : C’est aujourd’hui que je vous aime
Genre : Histoire d’amour
Scénario : Morel & Rabaté
Dessins & Couleurs : Rabaté
Éditeur : Les arènes BD
Nombre de pages : 72
Prix : 18 €
ISBN : 9782711200092
©BD-Best v3.5 / 2024 |