Hugues Barthe: « Ce qui m’intéressait, c’était ce qu’il se passe quand il ne se passe rien »
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Hugues Barthe: « Ce qui m’intéressait, c’était ce qu’il se passe quand il ne se passe rien »
À l’heure où l’on parle de zone rurale délaissée, de périphérie urbaine à l’abandon, de vote FN en constante augmentation dans nos campagnes, rencontre avec Hugues Barthe, originaire et échappé d’un petit village du Doubs. Rencontre avec un auteur qui a vécu une enfance et une adolescence dures à l’ombre d’un père envahissant et alcoolique. Une figure bien montrée dans « l’été 79 » (éd. NIL, 2011). Où quand l’art et la BD transcendent les traumas familiaux pour créer une oeuvre très personnelle et originale.


Hugues Barthe - Nil - L'été 79
Bonjour Hugues, la BD balisée « LGBT » (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) existe-t-elle vraiment?
Si la BD LGBT consiste à faire des histoires d’homos pour les homos, cela ne m’intéresse pas. Lorsqu’on écrit un livre pour défendre une cause, la cause prend le pas sur tout le reste, mes ambitions sont différentes.

Êtes-vous déjà allé au festival LGBT de Paris?

Non, je n’y suis jamais allé. Je n’ai pas été invité, sans doute parce que mes derniers livres ne traitent pas de thèmes LGBT. Mais si l’on m’invite pour un prochain livre, je serais ravi d’y aller.


De par votre BD « L’été 79 », on se rend compte que les moeurs ou la vie sociale n’avaient pas vraiment évolué en cette fin des années 1970 surtout dans les petites communes rurales du Doubs…

Je ne pense pas que les petites communes du Doubs soient plus arriérées que d’autres villages de campagne, en France ou ailleurs. J’ai surtout voulu décrire un village où on s’ennuie, où chacun s’observe derrière les fenêtres, où on boit beaucoup et où on trouve presque normal qu’un mari batte sa femme. C’était très banal à l’époque. Les mentalités ont évolué parce que depuis quelques années,  les médias se sont mis à parler de la violence conjugale.

 


Hugues Barthe - Nuit

 

 

Dans votre ouvrage, vous ne dessinez pas ce père violent. Cela rend encore plus fort l’identification au héros, non?

Il n’est en effet pas du tout représenté dans ma bande dessinée mais on le sent, on le devine, on l’entend, on voit une main, un pied. J’ai fait ce choix pour rendre ce personnage plus inquiétant, un peu à la manière d’un film d’horreur où on ne voit du monstre que les griffes. Je voulais faire ressentir au lecteur l’inquiétude du personnage de l’adolescent, moi-même, donc.

Ce qui est douloureux dans votre cas, c’est que toute votre famille dépendait de ce père et que la tension sociale existait aussi quand il n’était pas présent (Moment d’attente et de solitude notamment).

Oui, ce qui m’intéressait, c’était ce qu’il se passe quand il ne se passe rien. La peur est constamment présente dans cette famille, même lorsque le père n’est pas là. On ne sait jamais quand il va rentrer et dans quel état.
L’été 79 n’est pas forcément « aimable », ce qui est normal après tout, un choix voulu?

C’est le thème traité qui impose un ton et une forme différente pour chaque projet. Il n’était pas possible de faire un livre aimable avec un tel sujet. Je serais passé à côté. Il ne fallait pas édulcorer ni taire certains détails quand je pensais qu’ils étaient utiles pour le récit. Mon projet était de dénoncer le silence qui régnait à l’époque autour du drame de ma mère, il fallait donc bien briser ce silence.

Hugues Barthe - Soir
Avez-vous des retours douloureux de lecteurs qui ont vécu des histoires familiales fortes?

Oui, deux de mes livres ont suscité de nombreux retours, Dans la peau d’un jeune homo et L’été 79. Mes lecteurs se sont reconnus dans ces deux bandes dessinées, très différentes. L’été 79 a touché surtout les femmes.

Dans un entretien, un journaliste déclarait que votre BD lui faisait penser à « l’ascension du haut mal » de David B. (avec des inventions graphiques fortes à chaque case) mais votre BD à la fois réaliste et abstraite me fait penser aussi à des auteurs BD US comme Daniel Clowes, Charles Burns ou Adrian Tomine, êtes-vous d’accord avec ça? Dans la description réaliste et peu glorieuse de la classe moyenne notamment… 

Je suis heureux de votre remarque. En effet, si je ne renie pas l’influence de David B. dont j’admire le travail graphique, mon goût me porte bien davantage vers les auteurs que vous citez, vous tombez juste. J’ajouterais Chris Ware qui est l’auteur que j’aime par dessus tout.

 


Hugues Barthe - Hachette - Dans la peau d'un jeune homo

 

 

De par votre histoire personnelle, peut-on dire que l’art et la BD vous ont sauvé?

Oui, je le pense.

Pour échapper à la pesanteur sociale de ces petites communes, une seule solution, fuir géographiquement…???

C’est ce que j’ai fait. Mais j’ai fui surtout la campagne pour la ville. Je suis un citadin dans l’âme.
Vous avez votre propre site, toujours utile afin de faire connaître son travail?

Oui. J’essaie de l’actualiser régulièrement.

Vos prochains projets BD?

Deux livres sont quasiment prêts mais ils ne sortiront qu’en septembre 2016, tous les deux en même temps. L’un deux est une collaboration avec dessinateur bisontin (de Besançon) Maxime Peroz, une histoire d’amour érotique au Vietnam entre un français et une japonaise. L’autre livre raconte l’histoire d’un jeune homme pauvre qui entre dans une famille de petits bourgeois. Bref, le parcours d’un transfuge de classe.

 

 

On a hâte de lire ça, merci beaucoup Hugues!

 


octobre2015

 

 

Propos recueillis par Dominique Vergnes



Publié le 17/12/2015.


Source : Bd-best

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