L’adoption et Les beaux étés 3 : Zidrou, de voyages en cheminements, déjoue les attentes et les apparences
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L’adoption et Les beaux étés 3 : Zidrou, de voyages en cheminements, déjoue les attentes et les apparences

Sacré Zidrou, non content d’être partout (encore cet été, dans une exposition prestigieuse au Centre Belge de la Bande dessinée), il aime à viser juste. Présent dans tous les genres (manquerait plus que la science-fiction, et il aurait toutes les cordes à son arc), l’auteur attachant et sympathique s’est renouvelé, ces dernières années, dans des thèmes touchant à l’intime, plus que jamais à la vraie vie. Parmi ses récits, Les Beaux Étés et L’Adoption comptent parmi les plus réussis, les plus intemporels et les chouchous du public. Et les qualités de ces deux albums vont dans ce sens, avec de bien belles nuances.

 

 

 

 

 

 

 

© Zidrou/Lafebre/Pena chez Dargaud

 

« Au p’tit bonheur, je trace mon chemin », la chanson et l’air de Camping Sauvach sont connus (dans le Namurois, du moins) et conviennent plutôt pas mal aux parenthèses de vie(s) auxquelles nous convie Zidrou. Et nous voilà repartis sur la piste d’autres horizons, d’autres évasions. Pour la famille Faldérault, le curseur s’est arrêté en 1962 (après avoir visité les étés 73 et 69) et si les jeunes parents Pierre et Mado viennent de faire l’acquisition d’une fabuleuse Estérelle, une 4L que la sympathique famille ne compte pas épargner sur la route des vacances.

 

 

 

 

© Zidrou/Lafebre/Pena chez Dargaud

 

Et comme l’heure est venue de préparer ses bagages et de prendre le large, voilà que la petite famille (Pierre, Mado mais aussi la petite Julie et bébé Nicole, « renforcés » par la présence de mamie « Yvette-la-parfaite » et papi « pauvre Henry ») se met en route pour… Saint-Étienne. Saint-Étienne « où la rue artérielle limite le décor, les cheminées d’usine hululent à la mort, la lampe du gardien rigole de mon style » comme ne le chantait pas encore Lavilliers. Bref, vous imaginez l’enthousiasme de ces cinq-là. Oui, parce que, naturellement, Yvette en tyran indécrottable a choisi la destination et impose sa loi. Et, en grenouille de bénitier qu’elle est, de clocher en restaurants avec moules mais sans frites, les vacances risquent d’être chouettes… Tu parles !

 

 

 

 

 

© Zidrou/Lafebre/Pena chez Dargaud

 

De son côté, dans l’adoption, c’est plutôt pour la formule « Il voyage en solitaire » que Gabriel a choisi. Le voilà en route pour le Pérou, combattant sa nature bourrue pour s’ouvrir à un monde dont il ne connaît rien. Dix-huit mois ont passé et Gabriel a changé. Il ne s’est jamais remis des événements qui ont à jamais chamboulé sa famille. Peut-être plus que son fils condamné à la prison. Plus aussi que son ex-belle-fille qui a coupé les ponts. Gabriel a eu du mal à s’y faire mais cette fois, il en est sûr : il est bien l' »achachi » de la petite Qinaya qu’il compte bien retrouver. Quitte à payer le prix d’un long voyage pour un homme qui n’est plus de toute première jeunesse.

 

 

 

 

© Zidrou/Monin chez Grand Angle

 

D’un côté, il y a le généreux Jordi Lafèbre. Son dessin est beau comme un soleil (rayonnant avec les couleurs de Mado Peña) et se nourrit des mots de Zidrou, réglé comme du papier à musique mais n’hésitant pas à pas jouer de toutes les notes. C’est ce qui fait la symphonie réussie des Beaux Étés depuis trois tomes et pour longtemps encore, espérons-le. De l’autre côté, dans L’Adoption, c’est toute la sensibilité d’Arno Monin qui est à l’oeuvre dans ce voyage au bout du monde mais aussi au coeur de soi. Ce gars est bourré de talent, on le sait encore plus (et on n’est pas les seuls) depuis ce diptyque fameux et couronné de succès.

 

 

 

 

© Zidrou/Monin chez Grand Angle

 

Arno Monin, on voit ses traits sous la couleur, leur expression, leurs certitudes et leurs incertitudes. Assemblés, on ne voit le résultat, pertinent et puissant, d’un vol au-dessus de Nazca au boucan d’enfer d’un taximan nerveux et un peu brouillon. Résolument, Zidrou sait choisir ses dessinateurs et cela tombe bien, ils le lui rendent bien dans ces dessins où brillent le coeur mais aussi l’âme. Dans ces planches, il y a de l’humain et de ses sentiments.

 

 

 

 

© Zidrou/Monin chez Grand Angle

 

Zidrou, tout ce qu’il touche, il le transforme en or, ou à peu près. En or, dans le sens noble du terme, celui qui éclaire un peu plus nos vies. Ainsi dans ce troisième tome des Beaux Étés comme dans cette deuxième partie de L’Adoption, le scénariste joue de rire et d’émotion.

 

 

 

 

© Zidrou/Lafebre

 

Et s’il n’est pas facile de faire rire, il est encore moins facile de jouer des deux arcs, humoristiques et dramatiques. Dans un miracle répété d’albums en albums (cela tient donc désormais plus du savoir-faire et de la sagesse), Zidrou déjoue encore tous les pièges pour ne pas verser dans la facilité et l’émotion « sanitaire » (celle qui fait pleurer comme on pisse) et profiter de celle salutaire. Puis, ce Zidrou-là, capable de gravité autant que de légèreté, déjoue aussi toutes les attentes.

 

 

 

 

© Zidrou/Lafebre


Ainsi nous livre-t-il une conclusion inespérée à son diptyque L’Adoption, à des galaxies de ce à quoi on pensait assister. C’est fortiche, et on ne voit pas si souvent des auteurs se dégager des liens de l’attachement à un public pour tracer leur propre voie et séduire encore plus. En suivant les destins de ces personnages sculptés dans la plasticine pour être le moins immuables possible, on se rend compte qu’on… murit et qu’on s’ouvre à d’autres réalités. Le tout dans la simplicité… ébouriffante de génie.

 

Alexis Seny

 

Titre : Les beaux étés

Tome : 3 – Mam’zelle Estérelle (1962)

Scénario : Zidrou

Dessin : Jordi Lafebre

Couleurs : Jordi Lafebre et Mado Peña

Genre : Chronique familiale, Humour, Feeling Good

Éditeur : Dargaud

Nbre de pages : 56

Prix : 13,99€



Publié le 11/07/2017.


Source : Bd-best

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