Le Retour de Bruno Duhamel : l’artiste dans tous ses états volcaniques sur une île plus vraiment déserte
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Le Retour de Bruno Duhamel : l’artiste dans tous ses états volcaniques sur une île plus vraiment déserte

Après avoir livré deux albums en 2014, Bruno Duhamel s’était fait plus rare sur les étagères biblio- et bédé-phile. Pire, il avait failli tout plaquer, explique-t-il, suite à la « brutalité » du couperet sur les Brigades du temps. Vu le talent de cet artiste complet (la preuve !), on trépignait et on espérait que son retour soit prochain. On ne croyait pas si bien dire et son nouvel album (qui s’intitule, on vous le donne en mille, Le… retour) vient d’arriver (et que le prochain, « Jamais » semble déjà bien embarqué, voir en fin d’article). Une histoire d’île de moins en moins déserte et d’un artiste mégalo et jusqu’au-boutiste au point d’en devenir dérangeant. Pour son premier récit au long cours seul à la barre, Bruno Duhamel livre un ouvrage qui fait le point et arrive pile-poil au bon moment.

Résumé de l’éditeur : Sur une île volcanique imaginaire, le célèbre peintre Cristóbal meurt violemment dans un mystérieux accident de voiture. Sa notoriété et son action politique donnent à cette mort un retentissement tel que la police est contrainte d’ouvrir une enquête. Le peintre a en effet réussi à se créer une véritable collection d’ennemis parmi les investisseurs et les industriels locaux et étrangers. Un inspecteur reçoit alors la lourde charge d’aller fouiller le passé de l’un des hommes les plus puissants (trop peut-être ?) de ce morceau de lave perdu au milieu des océans.

 

 

Recherches de couverture © Bruno Duhamel

 

 

Recherches de couverture © Bruno Duhamel

 

Seul sur le sable, les yeux dans l’eau, son rêve était-il trop beau ? Trop fou, aussi ? Toujours est-il que Cristóbal s’est écrasé avec lui, platement sur les roches d’un ultime virage raté. Et comme sous l’impact de la mort, l’artiste n’a sans doute pas pu voir sa vie défiler sous ses yeux, d’autres vont se charger de la reconstituer. Il faut dire que la mort de Cristóbal est d’autant plus suspecte que ce poids lourd tout aussi volcanique que l’île de laquelle il a changé la face en a divisé ses habitants et ceux qui la convoitaient. Cristòbal, comme un ouragan, « petit con débarqué de New York » après y avoir trouvé fortune et renommée, et bien certain, tel Frankenstein, de transformer son île natale en sa créature à lui tout seul.

 

 

© Bruno Duhamel chez Grand Angle

 

 

© Bruno Duhamel chez Grand Angle

 

Plus qu’un roman graphique, c’est un acte de résistance que propose Bruno Duhamel. Résister par l’art face aux collusions politico-financières et aux sociétés du tourisme qui aimeraient bien disposer de son île pour en faire un parc d’attraction où le soleil brillerait toute l’année sur une mer translucide. S’inspirant, mais pas trop, de l’idée et du travail de César Manrique sur l’île de Lanzarote, Duhamel se sert de l’enquête comme d’un prétexte (loin de la négliger pour autant) pour pousser son raisonnement : qui du maître ou de l’oeuvre est propriétaire de l’autre ? Même en prenant toutes nos dispositions, est-on capable de tout contrôler jusqu’au moindre grain de sable d’une plage infinie ? Et c’est là que se loge le drame de l’artiste fait homme (et vice-versa) qu’est ce tonitruant Cristòbal.

 

 

© Bruno Duhamel chez Grand Angle

 

 

© Bruno Duhamel chez Grand Angle

 

En éloge du lâcher-prise et des merveilles qui nous entourent si on daigne lever le nez de nos « douze travaux », Le Retour est un voyage d’une nonantaine de pages dont on ne sort pas franchement indemne. Parce qu’au-delà du propos, Bruno Duhamel a trouvé une fantastique manière de le mettre en scène. Mieux : de le faire vivre.

En inversant les codes de couleurs, notamment, utilisant un rendu sépia pour suivre l’enquête actuelle et retrouvant les couleurs du passé pour suivre notre héros à travers les époques. Que dire aussi des quelques magnifiques planches bordées de noir pour mieux se confondre à la nuit. C’est fortiche, tout comme ce dessin si généreux et expressif dans un environnement qui, en attendant le réveil du volcan se fait western, huis-clos parfois, est si contemplatif. Ce retour-là, à l’instar des gigantesques sculptures de Cristòbal, il est… géant! Une belle bouffée d’air frais.

 

Alexis Seny

 

Titre : Le retour

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Bruno Duhamel (et page Facebook)

Genre : Polar, Drame

Éditeur : Bamboo

Collection : Grand Angle

Nbre de pages : 96

Prix : 18,90€



Publié le 14/02/2017.


Source : Bd-best

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