Rodolphe et Dubois ont touché TER : « Ce premier tome c’est la confusion entre le merveilleux et le vertige »
Flux RSSFlux RSS

         Toute l'actualité

Rodolphe et Dubois ont touché TER : « Ce premier tome c’est la confusion entre le merveilleux et le vertige »

L’un a une voix de conteur formidable, radiophonique. Et chance, sa plume suit sa voix. L’autre n’a pas son pareil pour créer des univers, ici ou ailleurs. Pour leur première rencontre, Rodolphe et Christophe Dubois ont regardé les étoiles et s’y sont projetés pour livrer TER, une trilogie qui nous emmène sur une planète bien plus loin que le titre le laisse penser. Mieux vaut ne pas se fier aux apparences, mais celles de ce monde prometteur qui s’offre au lecteur dans ce premier tome (L’étranger) sont très tentantes. Interview avec les deux auteurs, au coeur d’une exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée.

 

 

 

 

 

 

 

© Daniel Fouss

 

Bonjour à tous les deux. Vous collaborez pour la première avec TER. Un projet superbe qui nous envoie dans un futur encore flou à l’issue de ce premier tome. Quelle fut l’origine de ce projet ?

Rodolphe : C’est toujours difficile de trouver l’origine. Mais c’est clair que l’idée de ce personnage amnésique, sans mémoire, sans vêtement qui va progressivement récupérer sa mémoire et ses mots faisait un bon narrateur quand il s’agissait de décrire avec ses mots ce monde curieux qui remue la matière et l’étrangeté.

Christophe : C’est Daniel Maghen qui a fait le lien entre nous. L’histoire de Rodolphe est arrivée, Daniel me l’a proposée et je l’ai beaucoup aimée. Alors, on s’est lancé.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Et, si je puis dire, c’est la première fois que vous quittez la terre pour mettre en image l’espace et cette planète peut-être pas si inconnue.

Christophe : Oui, c’est vrai, j’étais habitué aux récits qui se passaient sur l’eau jusqu’ici. Mais la science-fiction, après tout, c’est aussi un voyage vers des rivages. Bien sûr, il y avait des appréhensions, les premiers croquis. Il a fallu un peu de temps, au début, pour que j’arrive à créer un univers cohérent.

Vous, Rodolphe, vous ne lisez plus de science-fiction depuis longtemps, vous étiez vierge de toutes références, naïf dans cet univers ? Et vous, Christophe ?

Christophe : Je suis un lecteur éclectique, je lis de tout, avec une tendance pour la littérature.

Rodolphe : J’ai été libraire spécialisé dans la science-fiction dans une vie antérieure. Automatiquement, j’ai lu beaucoup de livres à l’époque, puis j’ai arrêté. Je ne dois pas avoir touché un livre de science-fiction depuis quarante ans. Peut-être que cela m’autorise de la naïveté dans cet univers, une sorte d’auberge espagnol pour faire un récit qui soit hors des normes de la science-fiction.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Naïf comme l’est votre personnage ?

Rodolphe : Mandor, puisque c’est ainsi qu’on l’appelle en référence à son tatouage, hormis son pouvoir particulier, c’est Monsieur Tout-le-monde. Il est muet, nu. Il a un beau sourire, une naïveté souriante. Je pense que les auteurs comme les lecteurs s’y retrouvent. D’autant plus que comme c’est Mandor qui dirige l’histoire, il contribue à ce que le lecteur ne sache plus qui il est et, surtout, où il est.

 

 

 

 

© Rodolphe/Dubois chez Daniel Maghen

 

Ce héros, il a des mains d’or. Si bien qu’il peut tout réparer et refaire fonctionner n’importe quel objet dysfonctionnel depuis des années. Ça évoque un peu les repair café actuel, ces lieux dans lesquels les gens se rassemblent pour lutter contre la dégénérescence programmée.

Rodolphe : On n’y a pas vraiment pensé. Peut-être est-ce un clin d’oeil à cette pratique qui a le mérite d’exister. Ce don qui en fait peut-être un super-héros à certains égards, Mandor l’a au fond de lui, enfui dans son passé, tout comme son identité. Le secret resurgit peu à peu. Mandor a un rôle à jouer. Après, sera-ce cette fonction de guide que les textes annoncent depuis longtemps ?

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Dans un coin de son atelier, il y a aussi une fusée de Tintin.

Christophe : Il faut bien la regarder cette case, elle fourmille de détails, d’objets hétéroclites qui viennent d’un passé plus proche ou d’un passé plus lointain. Il y a eu tout un travail sur le premier plan de cette case, elle permet aussi de situer la temporalité de l’action. De se dire, ah non, nous ne sommes définitivement pas dans le Moyen-Âge.

Rodolphe : Ce premier tome c’est la confusion entre le merveilleux et le vertige. Je me suis totalement laissé emporter par ce héros qui se demande où il est et s’interroge sur lui-même. Il y a aussi la confusion avec le titre de la série, T.E.R. qui semble impliquer notre planète Terre pour se révéler tout autre. Malgré ce lien qui entre la Terre et T.E.R., il y a une ambiguïté. Et c’est Mandor qui va la lever en demander, il ne sait pourquoi, à aller voir l’inscription qui a donné son nom à T.E.R.

Avec une dernière planche dont on ne sort pas indemne, notamment. Mais les étoiles semblent aussi avoir leur importance, non ?

Christophe : Oui et non. Au début de cette histoire, on ne sait pas trop où on est tombés. Et si ce qu’on observe ressemble un peu à ce qu’on peut voir de l’espace depuis la Terre, on se rend vite compte qu’il y a un décalage et que ce n’est même pas notre… système-solaire.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

D’ailleurs, le bestiaire que vous avez créé est plutôt inquiétant.

Christophe : C’est un univers différent de celui de la Terre. Une sorte d’Arche de Noé dont les animaux auraient évolué. Pour créer ce bestiaire, j’ai réalisé des mix d’animaux rares, de ceux qu’on ne voit pas tous les jours. Il faut dire que je n’arrive pas à créer des bestioles à partir de rien. Donc, je me suis inspiré d’espèces existantes, les ai croisées et agrandies. Ainsi en arrive-t-on à des crodiles, ce croisement effrayant entre une grenouille et un crocodile.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Et les personnages ?

Christophe : Ils sont venus assez facilement, sans trop d’esquisse. Certains ont pris leur importance au fil de l’histoire.

Vous avez aussi travaillé les couleurs ?

Christophe : Oui, à l’aquarelle. Je me suis servi de cette couleur pour séquencer l’album. Les ambiances chromatiques me permettent ainsi de revenir au même endroit tout en changeant les couleurs. Avec cette rupture en fin d’album, on passe d’une zone que je qualifierais de « méditerranéenne » avec du sable et une mer très transparente, à une zone verdoyante, plus humide.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Puis, vos héros vont utiliser un char, pas si loin de Mad Max.

Christophe : C’est vrai, je cherchais quelque chose qui soit visuel. Rodolphe voulait un bateau à voile, qui va permettre aux héros de comprendre leur monde, de s’y aventurer plus loin, dans une autre humanité. Ce véhicule, il est bricolé, fabriqué avec ce qu’ils ont sous la main, en fonction des conditions.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Mais finalement, la société dans laquelle Mandor arrive n’est-elle pas plus amnésique que lui-même.

Rodolphe : Quand j’ai écrit ce scénario, je voulais retrouver une part humaine plus que du spectacle et du divertissement. De l’humain, de l’émotion, la douleur, l’amour. Des gens qui perdent la mémoire, ça n’arrive pas que dans la fiction, avec le danger, en plus, de ceux qui disent se souvenir des psaumes, des versets, et qui vont y conditionner la vision de cette société, son fonctionnement. Mais qui va être perturbé par l’arrivée de Mandor, qu’ils croient être le prophète promis.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Un magicien aussi, puisqu’il arrive à projeter des hologrammes en pleine ville. Des faits marquants comme le 11 septembre…

Rodolphe : … et des événements plus anciens comme la bataille d’Angleterre mais aussi des événements qui n’ont pas encore eu lieu et, qui sait, coïncideront avec notre futur. Ces hologrammes n’auront pas vraiment d’impact sur l’histoire à venir mais ils permettaient de situer le pouvoir de notre personnage mais, surtout, de définir le temps dans lequel on se trouve. Où sommes-nous, à quelle époque ? Pas dans le passé comme on aurait pu le croire mais dans un futur avancé !

Je ne peux m’empêcher de le voir un peu comme l’explorateur de H.G. Wells qui se retrouve dans le futur mais face à une population qui a régressé.

Rodolphe : C’est toujours très chouette à la sortie d’un livre, de voir toutes les lectures que les journalistes et les lecteurs se font. À chaque fois, le lecteur amène sa propre interprétation, je ne peux qu’être respectueux de ça.

Christophe : Vous n’avez encore vu qu’une partie de T.E.R. Si bien que vous vous rendrez compte qu’en fonction de l’endroit où une population est arrivée, celle-ci a évolué différemment. Et si la société qu’intègre Mandor dans ce premier tome semble avoir régressé, d’autres ont évolué.

Rodolphe : Au début, il y a des hommes et des femmes qui ont la même origine. Au fil du temps, il y a eu séparation en deux branches qui se sont implantées de manières différentes sur T.E.R. Chacune a donc une histoire différente, des tribus, des codes, un fonctionnement… que vous découvrirez.

 

 

 

 

© Rodolphe/Christophe Dubois aux Éditions Daniel Maghen

 

Sur trois tomes, donc ?

Rodolphe : Oui, le tome 2 arrivé début octobre. Les trois sont déjà écrits. Soit 200 pages publiées en deux ans. Il a fallu rester vigilant et focalisé sur T.E.R. pour ne pas risquer la baisse de qualité.

Pour faire le lien entre ce premier et le deuxième tome, il y a cette exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée, excusez du peu ! Ça fait quelque chose, j’imagine.

Rodolphe : C’est très flatteur, en fait. D’autant que, comme vous le dites, elle durera jusqu’octobre, quand sortira le deuxième album.

Christophe : On va vraiment y voir le dessin, les planches au pastel. En tant que spectateur d’expo, j’adore voir comment travaille un auteur.

Rodolphe : C’est passionnant. Surtout que je n’avais jusqu’ici pas vu les… originaux. On a beaucoup travaillé sur internet. Alors forcément j’avais vu les planches finales sur ordinateur mais c’est autre chose que l’objet en papier. Je les ai découvertes en live, comme certains essais de couverture, aussi.

Merci à tous les deux, on a hâte de découvrir la suite.

En attendant, Rodolphe et Christophe Dubois exposent jusqu’au 8 octobre au Centre Belge de la Bande Dessinée (Rue des Sables 20 à Bruxelles).

 

Propos recueillis par Alexis Seny



Publié le 06/06/2017.


Source : Bd-best

        Toute l'actualité

©BD-Best v3.5 / 2024