Série : Le silence de nos amis Auteur : Powell, Long, Demonakos Prix : 15 € Date de sortie : 14/03/2012 Nombre de pages : 192 Catégorie : Roman graphique Type de reliure : Album broché Éditeur : Casterman Collection : Ecritures Publié le 27/03/2012

Le Silence de nos amis a pour cadre la ville de Houston en 1967, dans l’état américain du Texas, à l’époque de la lutte pour les droits civiques. L’histoire met en scène deux familles, l’une blanche, l’autre noire, qui malgré l’intolérance qu’attisent ces temps troublés parviennent à se rapprocher autour de valeurs communes. Les deux pères de famille (Jack le reporter blanc et Larry l’enseignant noir) luttent l’un et l’autre pour dépasser les préjugés propres à leur communauté d’origine, tandis que se déchaine autour d’eux la violence raciste, tant dans la rue que dans les médias, à l’université ou sur les bancs du tribunal local, où se joue la tête de plusieurs militants étudiants engagés dans la lutte contre la ségrégation.

Hasard de l'actualité, alors que sort ce roman graphique de Nate Powell, Mark Long et Jim Demonakos, le meurtre de Trayvon Martin, adolescent noir de 17 ans, tué par un blanc à Orlando (Floride) secoue les Etats-Unis. Basé en grande partie sur des souvenirs personnels de Mark Long (comme il l'explique dans une intéressante postface), « le Silence de nos amis » traduit bien l'atmosphère de tension, si pas de haine de cette année 1967 dans la grande ville texane. Les USA sont engagés au vietnam et la lutte pour les droits civiques (avec l'émergence du mouvement Black Power en 1966) bat son plein. Jack Long, le père de Mark, est alors journaliste pour une chaîne de télévision. Il suit et témoigne des événements qui se déroulent à Houston, avant d'y être indirectement impliqué. A travers le portrait de deux familles (surtout celle de Jack, cependant...), les auteurs s'attachent à retracer non seulement l'actualité couverte par Jack, et les pressions que subit celui-ci dans son travail de reporter, mais l'impact de ces événements sur le quotidien. Attitude des voisins, propos racistes de certains enfants, actes xénophobes...une tension telle que cette chronique prend des allures de véritable suspense comme elle prend le lecteur aux tripes. Contrebalançant cette dureté, on s'attache très aisément aux personnages comme on s'immisce facilement dans la vie de ces familles (qui pourraient être) toutes simples. Le personnage touchant de Julie, petite soeur aveugle de Mark, dont le combat quotidien et les petites victoires sont bien différents des grands enjeux de cette période troublée ne peut laisser indifférent. Quelques traits d'humour dénonciateur, comme la scène de la visite de la déléguée Avon, constituent également de petites parenthèses. A l'inverse, l'arrivée de l'ancien copain d'armée de Mark semble à la limite du supportable, tant le personnage cristallise la haine et envahit un foyer jusque-là préservé... Graphiquement, le trait souple de Nate Powell est expressif et vivant, et s'associe à un découpage réellement cinématographique. Belle idée que de conserver un dessin crayonné pour les images enregistrées par la caméra de Jack Long ou diffusées à la télévision. Le travail sur les lavis mérite lui aussi d'être souligné. Chronique d'une époque troublée, histoire familiale, plaidoyer pour la tolérance et l'intelligence, réflexion sur le rôle du journaliste, Le Silence de nos Amis conjugue ces différents aspects tout invitant le lecteur à s'immerger complètement dans son propos avec une force incroyable. On lui réservera d'ailleurs sans doute plusieurs lectures pour bien prendre la mesure de toute sa richesse. Une utile réussite !

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