Le démon du soir ou la ménopause héroïque
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Le démon du soir ou la ménopause héroïque

Qui a dit que la femme de plus de 60 ans n’existait pratiquement pas dans la BD contemporaine ? Avec Le démon du soir ou la ménopause héroïque, Florence Cestac s’attaque à un monument de la bande-dessinée, peu vu dans les albums : la future retraitée de plus de 60 ans. Critique de l’album et interview de son auteur.

 


 


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Elle n’en peut plus d’ailleurs cette femme-là, elle doit tout assurer, un boulot prenant, un mari ombrageux et infantilisant, des enfants absents, des petits-enfants encombrants et une mère excentrique… Florence Cestac, dans la lignée de son plus gros succès Le démon de midi, paru en 1996, ne nous décrit plus une femme trompée allègrement et avec humour, mais une femme ex-soixante-huitarde qui n’en peut plus de toutes ses obligations sociales ou professionnelles et qui se rend compte qu’elle va passer à côté de sa vie à l’aube de la soixantaine. Son cancer naissant du sein sera comme un révélateur de son mal-être et malaise social. Elle décide de tout larguer, son mari en premier, pour vivre dans le sud de la France, à l’intérieur d’un mas à reconstruire et à rénover. S’en suit des aventures picaresques où l’on se rend compte qu’être indépendante (ou femme libérée ?), n’est pas si facile (« ne la laisse pas tomber, elle est si fragile… », refrain connu).

 

 

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Faut-il rappeler que Florence Cestac est une formidable observatrice de la vie quotidienne des femmes depuis plus de 20 ans ? Elle nous les décrit débordées, que l’on oublie trop de câliner, entourées de personnes peu bienveillantes à (son) leur égard.

Comme toujours chez Cestac, le tragique s’accompagne de tons humoristiques irrésistibles ou de description « gratinée », comme la mère de l’héroïne qui se prend pour Brigitte Bardot. Encore un défi relevé avec brio : nous montrer une femme ignorée de la BD : l’ex-soixante-huitarde sur occupée, mais que l’on va mettre bientôt sur le bord du chemin sur tous les plans (familiaux, professionnels,…). Elle décide de reprendre sa vie en main, au grand dam de son mari et (des) de ses enfants, peu réceptifs à toute révolution. Florence Cestac assume d’être un auteur féministe et c’est vrai que sa bibliographie commence à regorger de classiques du genre, que ce soit Le démon de midi ou encore Des salopes et des anges, paru en 2011, sur les horreurs liées à l’avortement avant la loi Veil de 1974.

 

 

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Elle s’inscrit aussi, même si elle ne s’y reconnaît pas (lire ci-dessous) dans la renaissance de la BD dite « girly » ; elle-même en a été précurseur dans bien des domaines et dans la description de ces femmes-modèles aux vies quotidiennes souvent harassantes. À une époque où l’on continue encore et toujours à enfermer les femmes dans un modèle patriarcal étouffant – comme en ont encore témoigné les manifestations anti-mariage pour tous, ce type d’album est toujours salutaire.

Florence Cestac a été éditrice, attachée de presse, graphiste, coloriste, vendeuse chez « Futuropolis »…mais aussi depuis son arrivée en 1994 chez Dargaud, titulaire de nombreux prix BD – dont le fameux grand Prix d’Angoulême en 2000 -, preuve de son influence grandissante, de ses thématiques récurrentes et donc une grande spécialiste du monde BD aussi bien de ses chapelles revendiquées, de son marché spécifique mais aussi de ses limites actuelles (pas assez d’auteures femmes ?) tant sur le plan des ventes que des idées dessinées. Retour sur la carrière d’une artiste qui n’a pas sa langue dans la poche. Un régal de lecture. Entretien réalisé en juin 2013.

DV: Dans la BD La véritable histoire de Futuropolis, vous le montrez bien, vous avez fait un peu tous les métiers : coloriste, graphiste, attachée de presse, vous avez été dans des festivals, vous avez livré des stocks de livres un peu partout en France. Justement, on peut se demander ce qui a coulé cette maison d’édition en 1994 ?

 


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Florence Cestac : Quand vous avez des projets qui intéressent les gros, ces gros vous rachètent comme ils veulent. Le banquier qui vous dit du jour au lendemain, les découverts c’est terminé et alors vous déposez le bilan et comme par hasard, il y a monsieur Machin qui vous rachète pour un franc symbolique.

DV : Vous pensez que c’est lié ?

Florence Cestac : Bien sûr. Les petits éditeurs, ils défrichent le terrain, découvrent de nouveaux auteurs et quand cela commence à marcher, hop ils vous rachètent.

DV : Futuropolis, rachetée par Gallimard en 1994, est devenu un « label dormant » par la suite.

Florence Cestac : C’est vrai que lorsque je suis partie la première et Étienne Robial ensuite ; c’est resté endormi pendant à peu près des années et après, ils ont fait redémarré le truc. C’est resté cinq ans sans publication majeure.

DV : Par la suite, vous n’étiez plus lié du tout à cette maison d’édition, car des fois, on vous catapulte à un poste symbolique ou honorifique.

Florence Cestac : Ça n’a pas été le cas. On avait vendu à un euro symbolique.

DV : Vous avez l’étiquette d’auteur féministe, êtes-vous d’accord avec ça ?

Florence Cestac : Oui. Je suis d’accord avec cette étiquette-là. Les féministes se sont battues pour faire avancer un peu le droit des femmes. C’est ma génération. J’assume complètement.

DV : Vous êtes la seule dessinatrice à vous intéresser aux femmes de plus de 60 ans.

Florence Cestac : J’ai la chance d’être chez un bon éditeur qui accepte les idées un peu farfelues et quand ça marche, je suis contente.

DV : D’ailleurs, avez-vous eu de bons retours pour le dernier ?

Florence Cestac : Oui, excellent pour le dernier. Il est déjà réédité.

DV: Aux « Crayonantes » de Nantes, vous aviez déclaré que vous n’étiez pas franchement ravie de l’adaptation ciné du Démon de midi alors que, paradoxalement, maintenant tout auteur BD qui se respecte se doit d’avoir une bonne adaptation BD au cinéma ou même à la TV ; on le voit pour beaucoup d’auteurs BD comme Uderzo, Morris ou Franquin.

 

Florence Cestac : Autant l’adaptation théâtre du Démon de midi était intéressante, autant l’adaptation cinéma ce n’était pas ça. Autant j’ai trouvé Michèle Bernier intéressante au théâtre, autant au cinéma, je la trouvais beaucoup moins bien. Mais tout cela est lié à des problèmes de droit. Moi, je ne m’en mêle pas, après ce que l’on en fait…

DV : Pour le dernier album, y a-t-il des droits en cours ?

Florence Cestac : Il y a des deals en attente, mais on attend, il n’y a rien de fait.

DV : Avec la création de Futuropolis et votre montée à Paris, vous avez été témoin, dans les années 1970, de l’explosion de la BD comme mass-média.

Florence Cestac : Oui bien sûr, on a vécu tout cela de près, on a vu la création de Métal Hurlant, À suivre. On a participé à cette explosion, bien sûr.

DV : Vous rendiez-vous de compte de cela à cette époque ?

Florence Cestac : Non, on ne pouvait pas imaginer à l’époque que la BD deviendrait un truc aussi énorme que maintenant avec autant de succès. Bien sûr que non. On ne se disait jamais que l’on avait mis la main sur un filon et que cela allait être formidable.

DV: Vous travailliez pour l’Art, vous n’étiez pas du tout arriviste à Futuropolis.

 


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Couverture de Flash Gordon (Futuropolis), tome 1 : 1934-1936

 

 

Florence Cestac : Bien sûr, à « Futuropolis », on faisait des albums que les auteurs ne pouvaient pas faire chez les autres éditeurs, c’est-à-dire un format 30*40 invendable, inrangeable dans les bibliothèques, en noir et blanc. On adaptait l’auteur aux livres et non l’inverse. L’auteur participait directement à la création de son livre par la pagination, le papier, la couverture, c’était très important pour nous.

DV : C’est le lot de beaucoup de petites maisons d’édition de vivre cahin-caha jusqu’à ce que ça pète, non ?

Florence Cestac : Oui bien sûr, vous montez n’importe quelle boîte ; au début, tout le monde a du mal, on finit par s’engueuler entre associés, on a des dettes et on est racheté à la fin.

DV: Vous allez chaque année à Angoulême ? Vous faites partie du jury du grand Prix ?

Florence Cestac : Oui, étant récompensée en 2000 du Grand Prix, je fais automatiquement partie du jury qui va élire chaque année le lauréat du Grand Prix.

 

 

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DV : En mai, lors de l’émission de Stéphane Bern A la bonne heure sur RTL, vous avez déclaré que le monde de la BD était trop masculin et que les femmes, dans cet univers, occupaient des tâches souvent ingrates…

Florence Cestac : J’y ai dit effectivement que c’était un monde essentiellement masculin, avec 10 à 20% de femmes seulement et 90 % de la production réalisée par des hommes et achetée par des hommes. Il y a ici un véritable problème d’éducation ; quand j’étais petite, on achetait des BD à mon frère et à moi des livres pour bien savoir tenir une maison. Heureusement, par la suite, il y a eu des auteurs comme Franquin qui ont fait de la BD autant pour les filles que les garçons, il y a donc ainsi de plus en plus de femmes qui font de la BD à l’heure actuelle car elles en ont lu étant petites. C’est un vrai problème culturel.

DV : Actuellement, on voit une renaissance de la BD dite « girly », avec des auteurs comme Pénélope Bagieu ou Margaux Motin…de la BD très contemporaine.

 


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Florence Cestac : Elles racontent ce qu’elles voient de leur époque, je ne sais pas faire cela moi, je suis trop vieille pour cela ; elles racontent leur époque présente et je vois que lorsqu’elles dédicacent, elles ont un public féminin qui se reconnaît en elles. Cela marche car les jeunes filles se retrouvent en elles.

DV : Vous avez fait aussi de la BD jeunesse.

Florence Cestac : Oui tout à fait, j’ai fait la famille « Déblok » pour le Journal de Mickey.

DV : Vous faites de la BD presse ?

Florence Cestac : Non, pas du tout. C’est trop difficile. De manière générale, c’est extrêmement difficile de durer dans le monde de la BD et notamment pour sortir du lot. Vous sortez un album, il a un mois ou deux pour se vendre ; si cela ne marche pas, c’est fini ; si les gens n’en parlent pas, cela passe à la trappe.

DV : Le fait de passer en 1994 de Futuropolis à Dargaud a-t-il été une chance pour vous ?

Guy Vidal:

 


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Florence Cestac : Oui car j’ai rencontré un éditeur formidable qui s’appelait Guy Vidal à Dargaud. S’il n’avait pas été là, je ne serai pas là où j’en suis. Je lui dois beaucoup. C’est comme une rencontre amicale ou amoureuse, il faut tomber sur les bonnes personnes. Chez « Dargaud », j’y suis bien, ils me suivent sur mes propositions, une BD sur la ménopause on y va, Des salopes et des anges, on y va, une BD sur Charlie Schlingo, on y va. C’est formidable que Jean Teulé m’ait suivie dans cette histoire. D’ailleurs, dans l’album Futuropolis, je disais qu’il faudrait réaliser une BD sur ce monsieur, sur sa vie.

DV : Vous avez dû en voir défiler des auteurs ? De futures perles aussi ?

Florence Cestac : Bien sûr, on en a vu de toutes sortes, oui. Comme dans la vie, il y en avait des sympas, des cons, des chiants…par exemple, beaucoup d’auteurs de la future Association ont commencé chez nous, à la collection « X ». On a aussi publié un fanzine qui s’appelait Labo. Une petite revue que l’on faisait tous les mois, je ne m’en souviens plus très bien.

DV : Une question un peu polémique, le Étienne Robial en question, c’est celui qui a fait de la prison en même temps que vous en 1968 ? Plus longtemps que vous d’ailleurs ?

Florence Cestac : Oui, c’est lui.

DV: C’est lui dont votre père considérait que c’était un pseudo-délinquant et un méchant dans une de vos BD ? Le même qui a été décoré par Frédéric Mitterrand plus de 40 ans après en tant qu’officier des Arts et des Lettres…

Florence Cestac : Oui mais à l’époque, on était considéré comme de dangereux propagandistes. On avait enlevé tous les emblèmes nationaux lors d’un 14 juillet du côté d’Arcachon.

DV : Le Étienne Robial en question, comment a-t-il pris Le démon de midi ?

Florence Cestac : Au début, ça lui a fait tout drôle et après il s’est dit, « oh, elle a fait sa petite BD, ça lui a fait du bien et ça ira pas très loin » et comme cela a fait un énorme succès, ça l’a considérablement emmerdé.

DV : Vous avez un ton humoristique assez développé, mais vous montrez parfois les hommes comme des êtres lâches ou les hommes avachis devant leur télévision, avec la bière à côté.

Florence Cestac : Moi, je les regarde les hommes et si j’en ai décrit certains comme cela, c’est que j’en ai vus des comme ça. Se gratter les couilles devant la télévision, c’est un grand classique, non ? Le nombre de mecs qui se grattent les couilles devant la TV, c’est inimaginable (rires).

DV: J’espère qu’ Étienne Robial a un bon fond, car il est décrit comme quelqu’un de veule et de lâche dans cette BD.

Florence Cestac : Oui s’il a de l’humour, je dénonce des choses en gueulant donc les mecs doivent faire attention à se comporter comme cela. Oh et puis c’est rigolo vous savez, c’est pas bien méchant.

DV : On fait souvent le lien Étienne Robial-Florence Cestac, cela ne vous agace-t-il pas un peu ?

Florence Cestac : On a vécu 22 ans ensemble, ça compte, on a fait un enfant ensemble, ça compte évidemment. On ne peut pas couper les liens comme cela. On a fait beaucoup de choses ensemble, une maison d’édition par exemple.

DV : Vous alliez dans la même direction en tant qu’artistes et éditeurs ?

Florence Cestac : Oui, chez Futuropolis, il y avait de tout. Nous avons édité les gens que nous avons aimés et qui nous séduisaient ; moi j’étais plus dans l’humour et les gros nez, lui était dans le poétique et le plus compliqué, genre Edmond Baudoin. On avait chacun nos domaines de compétences respectifs mais on a poussé des auteurs que l’on trouvait formidables.

DV : Vous avez fait les Arts décos à Paris. Vous avez beaucoup appris dans cette école ?

Florence Cestac : Les Arts décos, rien du tout (rires). J’ai fait les Beaux-Arts à Rouen pendant trois ans, on passait le CAFAS à l’époque et ensuite, on pouvait intégrer la deuxième année sur Paris aux Arts décos. Moi je voulais absolument quitter ma province et monter à Paris. Les Arts décos c’était après Mai 1968, c’était un bordel monstre, je n’ai rien compris, j’ai redoublé ma première année et je me suis tirée au bout de deux ans.

DV : Pourtant dans cette BD, vous montriez que vous étiez en complet état d’admiration devant certains enseignants.

Florence Cestac : Oui bien sûr, il y avait quelques enseignants qui étaient formidables, mais c’était toujours des AG en permanence, ainsi que des réunions. Je n’avais pas compris ce qu’il fallait faire comme boulot, ça ne m’a pas plu et j’ai quitté très vite.

DV : Avez-vous eu des retours de politiques sur Des salopes et des anges car cette BD est aussi une sorte de manifeste, non ?

 


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Florence Cestac : Non, rien du tout. Très peu de choses, ça ne rentre pas dans leur monde, je crois.

DV : Vous y montriez une réalité assez sordide ?

Florence Cestac : Tout à fait. On raconte bien que ce que l’on a connu. Et moi, ce voyage en Angleterre, je l’ai vécu et c’est en en parlant à Tonino Benacquista qu’il m’a dit qu’il fallait la raconter car ça ne l’a jamais été fait. C’est parti de là en fait. Il y a plein de jeunes filles qui me disent, ah bon c’était comme ça à l’époque. Ah là là, mais on ne savait pas tout ça. Il y a un côté éducatif dans cette BD.

DV: À l’heure actuelle, ce n’est toujours pas simple d’avorter.

Florence Cestac : C’est de pire en pire. On est en train de retourner en arrière et c’est devenu très compliqué de se faire avorter dans des conditions décentes.

DV: En gros, il faut de l’argent ?

Florence Cestac : Pour ceux qui ont de l’argent, la vie n’est pas un problème mais pour les autres, démerdez-vous. Il y a des problèmes de délais maintenant pour s’inscrire dans les cliniques, c’est infernal. On n’avance pas, on recule dans ce domaine.

DV: Justement, vous vous servez du média BD pour dénoncer cet état.

Florence Cestac : Bien sûr. C’est comme lorsque l’on parle de la ménopause, c’est presque un gros mot la ménopause. Quand vous parlez d’une femme ménopausée, ah là là quelle horreur, cela n’existe pas. À 60 ans, on n’est pas foutu comme femme. On est la première génération où l’on doit s’occuper des enfants, des petits-enfants et même de nos parents. La génération de 1968, on est une génération de battantes ; on n’est pas vieille à 60 ans, on continue à bien vivre et on est en pleine santé.

DV: Et l’auto-édition, vous y avez pensé ?

Florence Cestac : Je pense, pour ma part, que l’on ne peut pas être à la fois auteur et éditeur. Ce sont deux métiers radicalement différents, il y a un moment où il faut faire des choix. Moi-même, j’ai été éditrice au départ et maintenant, je suis auteur et je resterai maintenant auteur.

DV : J’ai réalisé une interview d’Hermann où il n’est pas tendre avec le Festival d’Angoulême (cf lien http://www.fragil.org/focus/2229).

Florence Cestac : Il n’a jamais eu le Grand Prix, c’est pour cela. Il y a environ plus de 4 500 albums qui sortent chaque année, il y a toujours des mécontents. Le Grand Prix d’Angoulême, c’est une récompense pour l’ensemble de l’œuvre d’un auteur. Pour le jury, on est une vingtaine ou une trentaine maintenant à se réunir, il y a un nom qui sort et c’est la démocratie, on vote pour lui ou non. Des fois, cela se joue à une voix près, c’est comme ça.

DV: Votre dernier album, vous avez mis combien de temps à le dessiner ?

Florence Cestac : Comme une grossesse, 9 mois. Le scénario environ deux mois et après, dessiner c’est la récompense. Quand je dessine, je mets la musique, la radio, je pense à autre chose. On peut se détendre alors que l’écriture, cela demande beaucoup plus de concentration.

DV : Vous avez participé à l’aventure du Poulpe ?

Florence Cestac : Oui, avec Francis Mizio et j’ai collaboré aussi avec René Pétillon pour Super catho.

DV : Actuellement, voyez-vous des menaces dans votre création ou autocensures ?

Florence Cestac : Non, du tout. On me perçoit comme un auteur rigolo qui fait de la BD rigolote avec des personnages avec des gros nez et ça ne va pas plus loin. En fin de compte, c’est plus pernicieux que cela mes BD.

DV : En ce qui concerne la BD dite »girly » ?

Florence Cestac : Tout le monde essaie de m’en faire dire du mal. C’est des trucs de nanas et c’est pas important…alors que non, il faut leur laisser le temps d’évoluer, de grandir et de devenir des auteurs à part entière, leur laisser faire leurs premiers pas. Elles racontent ce qu’elles vivent au quotidien.

DV : À une certaine époque, on considérait la BD comme un « art mineur ». Cela a-t-il bien évolué ?

Florence Cestac : Oui mais maintenant, les jeunes sont décomplexés avec ça. Quand j’ai commencé, c’était plutôt les derniers de la classe qui faisaient de la BD.

DV : Vous êtes aussi très critique vis-à-vis de l’éducation artistique dans le secondaire.

Florence Cestac : Ah oui, c’est nul. C’est fait souvent par des profs qui sont souvent là des peintres refoulés. Les profs de dessin dans les collèges, c’est souvent à pleurer ; ça ou rien, c’est à pleurer, c’est comme la musique.

DV : On vous a proposé de donner des cours ?

Florence Cestac : Je l’ai fait à une époque. J’intervenais dans des classes et justement, il faut que ce soit vivant, ludique. J’arrivais bien à les choper les mômes, ils vous disent : « moi, je ne sais pas dessiner » et moi, je leur disais, « tu sais dessiner une patate, tu dessines une grosse patate pour le visage et une autre pour le corps » et les mômes, ça les décomplexait d’un seul coup et après, c’était parti, on ne pouvait plus les arrêter.

Propos recueillis par Dominique Vergnes – Photos : ©Éditions Dargaud



Publié le 25/04/2016.


Source : Bd-best

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