« - Pourquoi tu veux t’en aller ? Ils ont dit qu’on reverrait nos parents dans une semaine !
- Et toi, Henri ?
- Je… J’aimerais bien… Mais je peux pas, j’ai une hernie…
- Une hernie ? Ben c’est pas grave, tu l’emportes !
- Ha ha ha… Arrête de me faire marrer, c’est pas sympa, ça fait encore plus mal ! »
Le jeune Joseph Weismann cherche un camarade pour s’évader du camp de Beaune-la-Rolande dans le Loiret. Venu de Paris, il y est arrivé il y a quelques jours avec ses parents et ses sœurs, mais ceux-ci, comme tous les adultes, ont été envoyés ailleurs. Il ne reste plus que les enfants. Joseph essuie les refus jusqu’à ce qu’il rencontre Joseph Koganovitch. Ils ont le même prénom. Leurs destins vont se trouver lier à tout jamais. La vie de Joseph a changé le 16 juillet 1942 lorsque lui et les siens ont été raflés au Vél’d’Hiv’. A l’arrivée au camp, le père de Joseph veut montrer à son fils qu’il peut y avoir un espoir. « Papa, toi, tu crois qu’on va où après ? ». « Moi ? Je crois que… qu’on va à Pitchipoï. » Pitchipoï, village rêvé de la culture yiddish polonaise, symbolise la Terre promise des juifs. Mais pour l’instant, seul l’enfer leur est promis...
© Delalande, Bidot, Weismann - Les Arènes BD
Si cet album de bande dessinée est co-signé Joseph Weismann, c’est que le petit héros a réussi sa fuite. On le sait dès le départ puisque l’histoire commence en 1965, au moment où il apprend que l’autre Jo vient de retrouver sa trace. Le voilà parti pour New-York afin de le retrouver. Son long voyage sera l’occasion pour lui de se remémorer les événements innommables qu’ils ont vécus. Avant, pendant et après la rafle,… Et également après l’évasion, quand le chemin de Croix va se poursuivre.
© Delalande, Bidot, Weismann - Les Arènes BD
Joseph Weismann a mis longtemps avant d’accepter de témoigner. C’est Simone Veil qui l’a convaincu que c’était nécessaire, pour le devoir de mémoire, afin que le monde ne retombe pas dans un tel chaos. L’homme a participé à l’écriture de divers documentaires et du film La rafle, avec Jean Reno et Gad Elmaleh. Il a raconté sa vie dans un livre paru en 2011 aux éditions Michel Lafon. C’est ce récit qui est aujourd’hui adapté en BD sous son œil d’acteur d’une tragédie pire que toute fiction n’aurait pu imaginer. Romancier et scénariste, Arnaud Delalande s’attache à rester coller aux souvenirs de Joseph. On ne met pas en scène une telle histoire. On ne peut que se contenter de l’exposer. Au dessin, Laurent Bidot s’attache à la vérité historique. Lorsque la famille Weismann découvre l’intérieur du Vél’D’Hiv’, on y entre avec eux. Les odeurs immondes du camp de Beaune, on les sent. Et lorsque les familles des évadés décident des années plus tardde se rendre sur les lieux, à Beaune, où il n’y a plus rien, la mise en scène est remarquable.
© Delalande, Bidot, Weismann - Les Arènes BD
Avec des albums comme celui-ci ou Beate et Serge Klarsfeld un combat contre l’oubli, la bande dessinée se positionne plus que jamais comme un média vecteur de mémoire. Tant du point de vue scénaristique que graphique, Après la rafle s’inscrit comme un album majeur de 2022, année du quatre-vingtième anniversaire de la rafle du Vél’D’Hiv’. Indispensable. Plus qu’indispensable.
Laurent Lafourcade
One shot : Après la rafle
Genre : Drame historique
Scénario : Arnaud Delalande
D’après et avec la participation de : Joseph Weismann
Dessins : Laurent Bidot
Couleurs : Clémence Jollois
Éditeur : Les Arènes BD
Nombre de pages : 128
Prix : 21 €
ISBN : 9791037505699
« Je suis parti pour l’autre monde, par le chemin des écoliers. Et quand tu seras consolé, on se console toujours, tu seras content de m’avoir connu »
05 août 1976, Départementale 14, 19h00. La famille Tripp goûte des vacances champêtres à bord de deux roulottes. JeanLouis Tripp (18 ans) conduit l’une d’entre-elles. Gilles, son petit frère âgé de 11 ans chante à tue-tête un succès de Michel Fugain et son Big-bazar « Le printemps ». Lorsqu’il veut regagner l’arrière de la roulotte par le côté extérieur, il est fauché par une voiture venant en sens inverse. Le conducteur de cette dernière prend la fuite laissant le jeune garçon se vider de son sang sur le revêtement routier.
© JeanLouis Tripp - Casterman
45 ans plus tard, JeanLouis Tripp a décidé de revenir pour nous sur cette tragique histoire familiale. En toute franchise et avec les mots justes, il partage son récit hanté par sa culpabilité. Il évoque cette fameuse seconde qui le poursuivra toute sa vie, lorsqu’il sent la main de son petit frère se dérober à la sienne lors de l’impact avec la voiture. Il décrit le désarroi de la famille face à l’enfant couché sur la route, l’impossibilité de prévenir les secours (pas de GSM à l’époque) mais aussi les longues minutes perdues à obtenir une ambulance adaptée à l’état de l’enfant.
© JeanLouis Tripp - Casterman
Il évoque également l’embarra du médecin à annoncer aux proches le décès du jeune garçon. JeanLouis croisera le conducteur (pas beaucoup plus vieux que lui) du véhicule motorisé lors de sa déposition des faits dans les locaux de la gendarmerie. Commence pour la famille de Gilles l’organisation des funérailles avec toutes les conséquences rencontrées lors de ce genre de situation.
© JeanLouis Tripp - Casterman
L’auteur évoque le long travail de deuil effectué sur lui-même et l’ensemble de sa famille mais aussi la reprise de la vie après les funérailles. Il se pose également plusieurs questions du devenir de son frère si ce dernier avait survécu à l’accident.
© JeanLouis Tripp - Casterman
Bretagne, Quimper le 23 février 1977. C’est l’ouverture du procès et la confrontation avec le conducteur ayant provoqué l’accident. C’est aussi pour JeanLouis le fait de se demander quelle attitude il aurait adoptée s’il avait été au volant de l’autre véhicule. C’est la lecture d’une lettre de la mère adressée au conducteur de l'automobile (lettre qui ne recevra jamais aucune réponse). C’est l’inculpation, le jugement et la condamnation de la partie adverse.
© JeanLouis Tripp - Casterman
Pour terminer, Tripp illustre la vie après l’accident, les années qui passent pour chacun des membres de sa famille sans oublier l’évocation des souvenirs de son frère trop tôt disparu. Après les deux tomes d’Extases, voiçi une nouvelle bande dessinée où l’auteur nous confie une fois de plus en toute franchise et sincérité une partie de sa vie et de celle de ses proches tout en évoquant les diverses conséquences de l’accident.
Haubruge Alain
Titre : Le petit frère
Genre : Biographie - Drame
Éditeur : Casterman
Scénario : JeanLouis Tripp
Dessin : JeanLouis Tripp
Nombre de pages : 344
Prix : 28,00 €
ISBN : 9782203228641
Dans le cadre du WBDF, BD Best a rencontré pour "Derrière la palette ..." Godi chez lui. Une rencontre à l'image de son "Elève Ducobu", désopilante, pleine d'anecdotes et souvenirs ... sans parler de ce petit Gewurztraminer et des chouquettes maisons !
Couverture du tome 26 ... Parution prévue le 01 Juillet 2022
Zidrou - Godi - Le Lombard
Propos receuillis par Thierry Ligot
Images: Axelle Coenen
« - Ho ho ! Tu crois m’impressionner avec ta pétoire ?
- Ne… N’avancez pas !
- Sinon quoi ? Tu vas pas t’en tirer comme ça, traînée ! Je vais te faire passer l’envie d’aguicher les mâles !
- Je… m’étais promis de ne plus jamais recommencer, mais tant pis ! Que… Que la guilde me pardonne ! »
Hiver, fin du XIXème siècle, à Saalem. Emmenés par Marty le fossoyeur, les villageois sont en marche vers la maison d’Olivia. Accusée de sorcellerie, la jeune veuve métisse confie sa fille Mercy à son amie Abbie et s’apprête à affronter la horde en furie qui débarque. Elle devra avoir recours à la magie pour s’en sortir mais disparaîtra dans l’incendie de sa maison. Accident ? Subterfuge ? Le problème étant qu’Abbie est tenancière d’une maison close. Ruth Taylor, la femme du juge local, prend Mercy sous tutelle mais ses intentions ne sont pas innocentes. Ruth est à la tête d’une confrérie diabolique qui cherche à libérer l’âme damnée d’un puissant nécromancien.
© Le Tendre, Boutin-Gagné - Bamboo
On lit de nombreuses histoires fantastiques ou d’Heroïc-Fantasy. Le sarcophage des âmes est d’un genre pas si fréquent que cela : la sorcellerie. Dans les années 80, La marque de la sorcière, de Redondo et Harriet, remontait à ses origines historiques au Pays Basque. Mic Mac Adam de Benn et Desberg était une formidable série franco-belge qui fait aujourd’hui figure de classique. Chabouté a mis les sorcières à l’honneur. Plus récemment, Ihler et Singeon les ont étudiés dans Sorcières ! Disent-ils. Le sarcophage des âmes nous amène aux Etats-Unis dans une fin de siècle désenchanté où les classes sociales sont divisées. Serge Le Tendre a pris pour référence le livre La sorcière au village –XV°-XVIII° siècle, de Robert Muchembled, qui replace la sorcellerie dans la culture traditionnelle. Tantôt acceptée, tantôt pourchassée, la sorcière cristallise les espoirs, un peu, et les craintes, beaucoup, de ses voisins. Le Tendre soulève la question de la souffrance de ces êtres soi-disant maléfiques. Il revisite également le mythe de Faust avec le pacte démoniaque conclut par Ruth Taylor.
© Le Tendre, Boutin-Gagné - Bamboo
Au dessin, Patrick Boutin-Gagné se révèle aussi à l’aise dans cette fin de XIXème siècle qu’il ne l’était dans le futur proche de Terence Trolley. L’ambiance neigeuse victorienne est immersive. La foule qui avance vers la maison terrifie le lecteur tout autant qu’Olivia et les siens. Quant aux scènes dans lesquelles l’âme de Melvil change d’enveloppe, elles sont d’une efficacité redoutable. On l’a déjà dit et on le redit : Patrick Boutin-Gagné est le Christian Gine du XXIème siècle. Il ne lui reste plus qu’à trouver son Neige.
© Le Tendre, Boutin-Gagné - Bamboo
Le sarcophage des âmes est un one shot qui ne demande qu’à devenir une série. Olivia et ses compagnons ont encore de bien inquiétantes histoires à vivre. Le corbeau qui s’envole en dernière case ne dira pas le contraire.
Laurent Lafourcade
One shot : Le sarcophage des âmes
Genre : Fantastique / Sorcellerie
Scénario : Serge Le Tendre
Dessins : Patrick Boutin-Gagné
Couleurs : Alessia Nocera
Éditeur : Bamboo
Collection : Drakoo
Nombre de pages : 48
Prix : 14,50 €
ISBN : 9782490735785
« - Le courrier de Monsieur : de Toulouse.
- Bah… Pose ça ici… Ça doit être une facture de la revue où je publie.
- Sinon, je voulais te dire… Tu as un livre en cours, une page chaque mois dans un magazine, donc ouste !
- Comment ça « ouste » ? En quoi ça pose problème que je vive ici !?! Je loge au fond du jardin ! Je vous laisse l’équivalent d’une pension ! C’est pas comme si je vivais sous le même toit ! Et puis j’aurais voulu me donner du temps, que le livre soit publié, être plus tranquille financièrement… Je peux pas rester encore un peu ? »
A 31 ans, Tofépi habite encore chez ses parents. Les parents en ont un peu assez de leur Tanguy. Il n’est pas vraiment dans leur maison. Il habite le cabanon au fond du jardin. Toujours est-il que ses parents l’encouragent à quitter le nid. La bande dessinée nourrissant difficilement son homme, ce n’est pas une vie de palace qui attend l’auteur. Il se trouve un appartement à quelques kilomètres, exigu, mal chauffé, mais c’est totalement chez lui. Il observera la vue par la fenêtre, s’adonnera au hobby de sourcier, s’occupera de son chat, fera quelques rencontres et jamais n’oubliera d’aller rendre visite à sa grand-mère.
© Tofépi - L’Association
Après Desh, livre dans lequel il visite le sous-continent indien, Le gars d’hebdo, racontant son aventure de reporter pour la presse quotidienne régionale, puis Dans ma bulle, narrant son périple en auto-stop pour aller assister aux obsèques de sa grand-mère, Tofépi est de retour avec Le pré aux moutons, album dans lequel il montre comment il a quitté tardivement le cocon familial. Tendres, émouvants, réalistes, Tofépi nous fait partager des moments de vie. Chaque historiette est un instant suspendu, un petit rien du quotidien. Tous ces petits riens forment un grand tout. C’est là qu’opère la magie Tofépi, dans ce pré au mouton où il allait parfois faire un tour, un pré tout en pente dans un bled pas très loin de chez ses parents. S’allonger dans les hautes herbes, contempler les nuages et écouter ce pré onduler dans le vent,… Tofépi nous apprend à apprécier l’instant dans une mélancolie doucereuse.
© Tofépi - L’Association
Certaines pages du Pré aux moutons ont été publiées dans le fanzine en ligne Déconfetti. Cette revue consultable en ligne, téléchargeable ou à imprimer soi-même est née pendant le confinement. Véritable cabinet de curiosités, il contient quelques petites pépites. A découvrir sur : http://deconfetti.biz.st
© Tofépi - L’Association
Depuis des années, L’Association est un éditeur qui fait un travail remarquable. Trondheim, David B. ou encore Baudoin en ont fait et en font encore ses beaux jours. Cette année, l’autrice Julie Doucet a été sacrée à Angoulême. Parmi les auteurs de cette maison, un trio mériterait cette consécration. Il est composé de Lécroart, Parrondo et Tofépi, trois poètes de leur temps.
Laurent Lafourcade
One shot : Le pré aux moutons
Genre : Chronique de vie
Scénario & Dessins : Tofépi
Éditeur : L’Association
Nombre de pages : 15
Prix : 15 €
ISBN : 9782844147714
Dès le début, l’homme a marché. Rapidement, il a roulé. Voguer et voler furent des rêves qu’il mit plus ou moins de temps à accomplir. Alors, lorsqu’il réussit à faire les deux ou la fois, ou presque, avec l’hydravion, ce fut pour lui une révélation.
Quand on ouvre un livre consacré aux hydravions, on n’imagine pas, loin de là, qu’il ait pu y avoir autant de modèles. Quand on remarque sur la couverture de ce livre qu’il s’agit du volume 1, on est carrément impressionnés. Sur des textes de Pascale Orlhac et Franck Coste, Jean Bellis dessine cent-dix-neuf modèles différents d’hydravions, datant de 1912 à 1991. On va ainsi du Sanchez-Besa, hydro-aéroplane français, alliant bois et métal, à l’appareil américain le Wilson Global Explorer conçu pour les expéditions de Nicolas Hulot et Hubert de Chevigny. Pendant la première guerre mondiale, des modèles britanniques, italiens, néerlandais virent également le jour. Les allemands s’y mettront plus tardivement, en 1924, avec le Dornier Do D, destiné à des missions de torpillage. Les auteurs nous font ainsi traverser le siècle, pour des missions de guerre, de commerce, de transport, de sauvetage ou d’exploration. Certains appareils font froid dans le dos comme ceux équipés de mitraillettes construits par les nazis. D’autres sont plus cocasses comme le Vought OS2U Kingfisher, hydravion catapultable de l’US Navy.
© Bellis, Orlhac, Coste - Idées plus
Côté route, les auteurs Alex Cullell et Franck Coste, avec la participation de Jérôme Eho, nous proposent un ouvrage plus contemplatif. Cullell dessine les voitures de course, au plus près des photographies. De l’agitation des paddocks à la tension de la compétition, des vapeurs de carburant aux traces de gomme sur l’asphalte, les moteurs des GT, Sports, Prototypes et Tourisme vrombissent. Les modèles des années 50 à nos jours courent en 2.0 L cup, Classic Endurance Racing, Heritage Touring Cup, Group C Racing, ainsi que dans le Greatest’s Trophy et Sixties’Endurance. On admirera entre autres une Morgan SRT41 chamarrée, une Jaguar XRJ-14 rosée, ainsi que leurs grandes sœurs comme la mythique Lotus XI 1500 ou la sublime Sunbeam Alpine. Franck Coste signe les textes intercalaires présentant chacune des pistes.
© Cullell, Coste - Idées plus
Avec leurs collections de petits albums à l’italienne, les éditions Idées Plus feraient aimer l’aviation aux phobiques des airs, la marine à ceux qui ont le mal de mer et l’automobile à ceux qui n’ont pas leur permis et n’ont pas l’intention de le passer. Alors que Jean Bellis est dans l’hommage et la représentation fidèle, Alex Cullell est dans l’hyperréalisme loyal. Tous deux ont pour point commun dans leurs dessins de se faire plaisir autant qu’ils font plaisir aux lecteurs. On ne peut faire des livres comme ça que quand on est passionnés. Alors, si en plus, on est passionnant, que demander de plus.
Laurent Lafourcade
One shot : Sportives de légendes
Genre : Automobile
Textes : Franck Coste
Dessins & Couleurs : Alex Cullell
Couverture : Jérôme Eho
Éditeur : Idées plus
Nombre de pages : 80
Prix : 14 €
ISBN : 9782374700328
Série : Histoires d’avions
Tome : 7 - Les hydravions Vol.1
Genre : Aviation
Textes : Pascale Orlhac & Franck Coste
Dessins & Couleurs : Jean Bellis
Éditeur : Idées plus
Nombre de pages : 128
Prix : 15 €
ISBN : 9782374700489
« - J’ai beaucoup aimé votre roman l’escarmouche et votre recueil de poèmes Ode à Némésis.
- Alors, laissez-moi vous offrir L’épreuve. J’y raconte, à travers la splendide guerre du Capitaine Dandigny, la façon dont je perdis mon avant-bras, le 16 octobre 1918, en libérant Acy des vôtres.
- Je suis vraiment désolée.
- Non, votre beau pays n’est pas un problème. Les bolcheviks, les francs-maçons, les juifs… Ce sont eux, les vrais ennemis de la France !
- Père… Non… Pas ce soir. »
Paul-Jean Husson est un fervent admirateur de Monsieur Hitler. L’écrivain a perdu un avant-bras au front en 14. Il est d’ailleurs inscrit comme membre participant au parti socialiste national depuis 1929. Nous sommes en 1932 et son fils Olivier présente à ses parents sa fiancée Ilse. Elle est juive allemande. Pour un antisémite notoire comme le père Husson, la pilule doit être dure à avaler. Il accepte pourtant sa future belle-fille, charmante, intelligente, ayant reçu à Berlin une éducation du plus haut niveau. Lorsque la guerre éclate et qu’Olivier est appelé à rejoindre Londres, Paul-Jean Husson prend Ilse sous sa protection. Il en est amoureux fou. Tiraillé entre son attirance pour la jeune femme et sa haine des juifs, il va devoir faire un choix.
© Bétaucourt, Oburie, Slocombe - Philéas
Paru en 2011 dans la collection "Les Affranchis" des éditions du NiL, dont le principe est de proposer une fiction épistolaire, le roman de Romain Slocombe est adapté en bande dessiné par Xavier Bétaucourt et Etienne Oburie. Bétaucourt, journaliste de formation, a traité de divers sujets de société contemporains parmi lesquels Seidou en quête d’asile sur les migrants ou une biographie de Simone Veil. Il a raconté l’histoire véridique de Léo Frank, tragédie sur l’emballement de la presse, un album exceptionnel. Il a scénarisé tellement d’histoires vraies que l’on en vient à se poser des questions sur l’existence de Paul-Jean Husson. Quel chroniqueur n’est pas allé vérifier sur le net s’il avait existé ou pas ?
© Bétaucourt, Oburie, Slocombe - Philéas
Etienne Oburie a un graphisme proche de celui de Clément Obrerie, un semi-réalisme ligne claire dans lequel le trait apporte une nuance à la dramatisation. Il n’en faut pas moins pour supporter l’âpreté d’un récit tel que Monsieur le Commandant. Le regard de Paul-Jean Husson en couverture est terrifiant. Sous un drapeau nazi, ses intentions semblent claires. L’homme s’annonce comme intransigeant. C’est un salaud et Oburie nous le fait sentir. Le dessinateur ne trompe pas le lecteur en lui faisant conserver son regard froid. L’amour, bien qu’interdit, lui apportera-t-il un semblant d’âme ? La conclusion n’y va pas par quatre chemins. Oburie termine l’album par une case en point final aussi incroyable que tragique.
© Bétaucourt, Oburie, Slocombe - Philéas
Il a malheureusement été dans l’Histoire de France et du monde des tragédies qui ont dépassé toutes les fictions. Les auteurs montrent la sombre noirceur d’une âme humaine ayant signé un pacte avec le diable. Impitoyable.
Laurent Lafourcade
One shot : Monsieur le Commandant
Genre : Drame psychologique
Scénario : Xavier Bétaucourt
Dessins & couleurs : Etienne Oburie
D’après : Romain Slocombe
Éditeur : Philéas
Nombre de pages : 88
Prix : 17,90 €
ISBN : 9782491467128
« - Cette maison rend fou, Louis. En quelques jours, elle m’a fait sauver un toxicomane et tuer un héros.
- Bah sauver quelqu’un, toxico ou pas, c’est bien, non ? Quant au Capitaine des pompiers, ce n’est pas votre faute… Si ça n’avait pas été lui, la maison aurait attiré quelqu’un d’autre…
- Va dire ça à ses gamins.
- Ils doivent être adultes maintenant… Mais revenons au présent : Hella est toujours en enfer et le jour va bientôt se lever. »
Pendant que le lieutenant de police raconte à Louis comment un pompier a disparu dans l’incendie de la maison qu’il avait provoqué, Hella et les Hellboyz se battent dans les bas-fonds de la même maison contre une horde de démons. Cette maison, au 21 rue Duroc, c’est la porte vers l’enfer. Dieu a envoyé des créatures dans l’inframonde. Ce sont elles que Hella doit affronter. Réussira-t-elle à retrouver son copain Kieran ?
© Toussaint, Russo, Battistuta - Bamboo
Hella et les Hellboyz n’est pas un récit conventionnel. Kid Toussaint parle à l’adolescent qui n’est plus un enfant et doit apprendre à devenir adulte. Le lecteur apprend que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, que chacun a sa route à tracer et qu’elle est pavée d’obstacles. Dans une vie, les rencontres que l’ont fait nous forgent tout autant qu’elles nous troublent. Tout le monde a sa part de lumière et sa part d’ombre. On ne peut que s’y adapter. On peut aider nos amis à trouver leur voie mais on ne peut pas faire la route à leur place. Fif, cauchemardesque lapin blanc, est la face noire de celui qui court montre en mains dans Alice au pays des merveilles. Tous les deux, à leur manière, fortuitement pour l’un, sciemment pour l’autre, détournent de leur chemin ceux qui croisent leur route.
© Toussaint, Russo, Battistuta - Bamboo
La dessinatrice Luisa Russo emmène Hella dans ses retranchements. Elle la met face à des démons terrifiants. Il y a une grande cohérence entre le scénario et le dessin. Comme son co-auteur, grâce à son graphisme, elle propose au jeune lecteur ado, qui est en train de changer de lecture, une transition entre une bande dessinée pour enfants et une autre plus adulte sans l’être encore totalement. Ainsi, certaines scènes sont relativement violentes, à l’image d’une certaine influence manga.
© Toussaint, Russo, Battistuta - Bamboo
Il est des bandes dessinées qui peuvent sembler à priori futiles, uniques instants de divertissements. Hella & les Hellboyz n’est pas de celles-là. C’est une histoire à l’image de la vie. Elle ne se passe pas bien pour tout le monde et elle nous oblige à faire des choix, bref, elle fait grandir.
Laurent Lafourcade
Série : Hella & les Hellboyz
Tome : 2 - L’épreuve du feu
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Kid Toussaint
Dessins : Luisa Russo
Couleurs : Aretha Battistuta & Sara Michieli
Éditeur : Bamboo
Collection : Drakoo
Nombre de pages : 48
Prix : 10,95 €
ISBN : 9782490735815
« - Où se cachent les Caraciollo ?
- Ça suffit, Vladimir. Il est temps de causer sérieusement.
- Très bien, Tovarish. Je suis sûr qu’on va se comprendre, da ? »
Argentine, 1955, Buenos Aires. Carucha est un criminel de bas étage occupé à se faire torturer par la mafia russe. Carucha travaille pour la famille Caraciollo qui monnaye des protections, lave de l’argent, contrôle la prostitution et autres joyeusetés. Depuis quelques années, les russes essayent de prendre le contrôle du quartier. De leur côté, des militaires argentins tentent un coup d’état. L’objectif est de bombarder la Place de Mai, là où se trouve la Casa Rosada, le palais du président Peron. Les russes deviendront-ils les tsars des quartiers malfamés ? La junte se saisira-t-elle du pouvoir en place ?
© Santullo, Ginevra - iLatina
D’après le dictionnaire, un rufian est un entremetteur, un souteneur, ou bien un aventurier peu scrupuleux. Les héros, ou plutôt les anti-héros de Santullo et Ginevra sont un peu tout cela à la fois. Il y a le maquereau qui relève les compteurs des prostituées, il y a les ancêtres des oligarques russes qui tentent de contrôler le pouvoir économiquement et pas très catholiquement. On trouve aussi des mamies, impassibles, tellement pour elles la violence est ordinaire, et des flics ripoux plus odieux que les truands qu’ils côtoient.
© Santullo, Ginevra - iLatina
Rodolfo Santullo est un écrivain et journaliste mexicain. Il s’empare d’un événement historique argentin pour retracer de façon humoristique un morceau de l’histoire de ce pays au XXème siècle. Il analyse avec finesse et drôlerie le comportement de la faune de l’époque. Il transforme une pantomime de révolution en Comedia dell’arte où le ridicule ne tue pas, enfin pas ceux que certains cibleraient. Dante Ginevra est un dessinateur argentin. Très prolifique dans son pays, Les rufians est seulement son troisième album publié en France. Comptons sur les éditions iLatina pour dénicher d’autres pépites de ce talentueux dessinateur.
© Santullo, Ginevra - iLatina
Publiés en Argentine en 2010 et 2011, les histoires courtes qui composent Les rufians sont dignes des meilleurs maîtres de Fluide glacial à la grande époque. C’est sarcastique, ça pique et c’est tragiquement drôle.
Laurent Lafourcade
One shot : Les rufians
Genre : Comédie dramatique / Polar
Scénario : Rodolfo Santullo
Dessins : Dante Ginevra
Traduction : Thomas Dassance
Éditeur : iLatina
Collection : Via Libre
Nombre de pages : 88
Prix : 12 €
ISBN : 9782491042240
« - Monseigneur, je crains, une nouvelle fois, de ne pouvoir accéder à votre requête. Certes, les manquements du Shérif de Nottingham sont des plus inquiétants. Cependant, tant que je n’aurai pas connaissance des raisons qui ont amené votre serviteur sur les terres royales du Nord, je serai pieds et poings liés. Les usages ne souffrent aucune exception. Les shérifs sont, certes, des représentants de la couronne, mais ils sont maîtres sur leurs terres… Et vos serviteurs ,’avaient, n’ont et n’auront jamais aucun droit ni pouvoir à Nottingham, Monseigneur le Comte de Mortain.
- Je ne suis pas venu ici pour ces broutilles… C’est une affaire bien plus grave qui m’amène. J’ai ouï dire que dans votre proche entourage se cache la plus sordide des hérésies.
Le chanoine William Langland est le secrétaire particulier du régent du Royaume d’Angleterre en l’absence du Roi Richard Cœur de Lion. Il est aussi l’oncle du Shérif de Nottingham. Furieux de ne pouvoir régner en paix sur le pays, Jean sans Terre tente de rebattre les cartes en sa faveur. Il annonce au Régent qu’un sinistre individu, Langland, tente de s’immiscer à la cour par son biais. Ce ne sont bien évidemment que mensonges pour déstabiliser l’ennemi. Il n’en fallait pas moins à Langland pour tenter de rejoindre la cour du Roi de France le plus rapidement possible. Lui aussi tente de tromper ses adversaires. Il file retrouver son neveu le Shérif.
© Dellac, Brugeas, Herzet, Bechu - Le Lombard
Retour dans les faubourgs de Londres et la forêt de Sherwood pour Robin des Bois et ses compagnons. Robin des Bois ? C’est ce que vous croyez. Le rôle est tenu par le shérif de Nottingham lui-même. Le mythe est revisité dans un « What if ? » judicieux ouvrant des portes finalement pas paradoxales par rapport à ce que nous connaissons déjà de la légende. Michel Fugain chantait : « Qui est-ce qui est très gentil ? Les gentils. Qui est-ce qui est très méchant ? Les méchants. » Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet envoient valser la théorie en mélangeant les personnages d’un gentil et d’un méchant, pour en faire un gentil. Le shérif roule pour le Roi Richard mais n’a cependant pas la bonté d’âme du héros incarné par Errol Flynn pour ses ennemis. Gare à eux ! Marianne et Frère Tuck complètent la galerie des personnages célèbres de l’histoire.
© Dellac, Brugeas, Herzet, Bechu - Le Lombard
Benoît Dellac est l’un des plus efficaces dessinateurs réalistes de sa génération. Les gros plans et très gros plans coupent les scènes de dialogues. Les combats sont rudement efficaces. En forêt, Dellac joue avec le découpage pour mieux immerger et perdre le lecteur dans les broussailles, comme pour mieux cacher les compagnons de rébellion. Dellac a l’originalité et la malice de faire passer les onomatopées en fonds de cases, semi-cachées par un premier plan, comme si elles mettaient l’action en relief sur la planche.
© Dellac, Brugeas, Herzet, Bechu - Le Lombard
La traque est le deuxième épisode de Nottingham, triptyque d’action dont la flèche atteint la cible en plein cœur.
Laurent Lafourcade
Série : Nottingham
Tome : 2 - La traque
Genre : Aventure
Scénario : Vincent Brugeas & Emmanuel Herzet
Dessins : Benoît Dellac
Couleurs : Denis Bechu
Éditeur : Le Lombard
Nombre de pages : 56
Prix : 14,75 €
ISBN : 9782808200011
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