Rencontre avec Frédéric Vidal
Flux RSSFlux RSS

         Toute l'actualité

Rencontre avec Frédéric Vidal
Après avoir rencontré Fréderic Bosser, revenons sur le magazine Casemate avec cette fois une interview de Frédéric Vidal, orchestrée par Dominique Vergnes.
Tout d'abord, on peut dire que "Casemate" est né en 2008?

Frédéric Vidal: Oui tout à fait.

DV: J'ai fait des recherches sur votre revue,  ainsi que celle sur "dBD" et ce qui ressort sur Internet par exemple c'est que vous seriez plus populaire, moins élitiste que "dBD", vous souscrivez?

FV: Je ne sais pas trop, chacun mène son journal comme il l'entend. Je ne sais pas le fonctionnement de "dBD", mais nous, nous avons une plus grande rédaction que "dBD"; nous sommes 3 permanents et une dizaine de pigistes effectivement. Il faut bien comprendre que nous sommes d'abord un journal d'actualité sur la BD et non un magazine de prépublication BD comme "Fluide Glacial" ou autres. Moi, personnellement, je suis un ancien de "BoDoï", crée en 1997 ; "BoDoï" que j'ai quitté, en 2007, pour divergences éditoriales, et ce qui m'a amené à créer la revue "Casemate" par la suite. 

DV: Et vous êtes leader dans votre secteur BD?

Oui tout à fait. Nous sommes leaders sur ce secteur ; en même temps, les autres revues BD ont d'autres vocations, nous ne faisons peu de prépublication par exemple.

DV: Vous êtes un journal indépendant, vous ne faites pas partie d'un grand groupe.

Absolument, le journal appartient à ses rédacteurs.

DV: Votre journal tire à combien en moyenne?

C'est très variable, suivant les numéros. A sa création, "Casemate" tirait à environ 30000 exemplaires ; c'est encore plus variable suivant les contenus du journal ; par le passé, on avait réalisé un gros chiffre avec notre numéro spécial Moebius. De manière générale, un numéro qui marche bien, c'est un numéro avec des infos de première main sur la BD. Pour le numéro sur Moebius, on voulait marquer le coup suite à son décès, on a pris des témoignages de personnes qui l'avaient bien connu.

DV: Vers la fin de sa vie, les personnages Moebius-Giraud se rejoignaient d'ailleurs

Ah oui, c'est vrai ; de toute façon un auteur et son oeuvre sont souvent indissociables.

DV: "Casemate" se caractérise par la diversité des dossiers BD ; suivant vos numéros, vous pouvez traîter aussi bien du rôle des attachés de presse pour les maisons d'édition que les adaptations BD au cinéma.

Ah oui tout à fait, toutes ces thématiques rentrent dans nos champs d'action, on a de la place dans ce journal pour cela ; même phénomène avec des témoignages BD que nous collectons, nous les réunissons par exemple dans des dossiers sur des auteurs BD. On cherche souvent des témoignages vivants et intéressants afin de bien illustrer nos dossiers BD.

DV: Ce qui m'impressionne aussi pour votre revue, c'est la qualité des interviews d'auteurs BD. Vous rencontrez personnellement les auteurs?

C'est très variable. On peut prendre rendez-vous par téléphone ou se rencontrer. Ce n'est pas un gros problème. Les auteurs, on les rencontre assez peu dans les festivals ; on passe le plus souvent par les attachés de presse.

DV: Vous avez des retours d'auteurs qui vous remercient de leur avoir consacrés des interviews?

Oui et non, si on avait des retours d'auteurs à chaque fois que l'on consacre un dossier sur eux, on n'arrêterait pas. C'est vrai que pour les auteurs qui sortent un album par an, c'est évident qu'ils sont contents quand on parle d'eux, . 

DV: Ce qui caractérise aussi "Casemate", ce sont vos séquences BD commentées avec à gauche le dessin et à droite les commentaires annotés de l'auteur.

Oui, pour ces séquences commentées, les professionnels prétendaient que cela n'allait pas intéresser les lecteurs alors que pas du tout, nous avons eu d'excellents retours de ceux-ci.et les auteurs aimaient bien ce type d'exercice. Chaque auteur a son propre bagage artistique et commente suivant ses choix scénaristiques ou graphiques BD. Chaque auteur a son propre univers BD, ainsi que choix de dessin et ce type de séquence permet de mieux faire connaître l'univers BD de l'auteur aux lecteurs, et donc d'acheter en toute connaissance de cause par la suite son album. 

DV: Vous faites aussi des choix éditoriaux risqués pour "Casemate".

Oui, oui on parle d'abord des sorties BD puis des auteurs que l'on considère comme important et certains le sont devenus grâce à leur talent premier. En même temps, on peut très bien consacrer une grande partie de notre journal aux auteurs moins connus ou à des albums plus confidentiels.

DV: C'est vrai qu'à "Casemate", vous faites souvent référence aux calendriers des festivals BD, aux dernières sorties BD, aux dédicaces prévus des auteurs...

Oui cela fait partie des obligations du journal, cela ne prend pas beaucoup de place mais nous demande, tout de même, beaucoup de travail étant donné le nombre de festivals BD chaque année en France. 

DV: Par vos derniers numéros, j'ai appris, par exemple, le voyage de Franquin, Jijé et Morris aux Etats-Unis et Mexique après-guerre ; c'est drôle, d'ailleurs, que cela soit devenu une BD.

Oui c'est une couverture qui a très bien marché. Pour les prochains numéros, nous allons mettre à l'honneur notamment la suite des "7 vies de l'épervier" de Juillard et Cothias.

DV: Par contre, en regardant vos numéros passés sur votre site, vous parlez peu de mangas et de comics.

On en parle des comics, on a interviewé beaucoup d'auteurs américains, même ceux qui ne sortaient pas récemment d'albums sachant qu'il existe un laps de temps important entre les publications américaines et européennes; c'est vrai que les mangas, on en parle peu du fait de la difficulté d'interviewer ces auteurs. On considère aussi que les fans de BD franco-belges ne sont pas les mêmes que les fans de comics ou de mangas.

DV: Comme je le remarquais pour "dBD", votre existence en tant que média-papier met à mal cette idée que la presse-papier BD est amené à disparaître face aux sites Internet BD ou autres webzines BD.
On existe, c'est vrai qu'Internet a changé la donne rien que sur la collecte des infos pour notre journal. Mais ce qui fait notre force, c'est que nos informations, on peut les vérifier dans leur véracité, ce qui n'est pas souvent le cas de certains sites internet.


DV: Votre journal est fait de vrais choix éditoriaux, met en avant certains auteurs ou dessins.
Oui avec notre journal, on a un vrai confort de lecture-papier, plus que sur l'écran en tous les cas. Sur notre site, on peut voir les anciens numéros, y feuilleter les sommaires. De manière générale, sur ces anciens numéros, on a réalisé de  vrais choix de dessin ou de graphisme en amont.

DV: Vous êtes en contact avec bon nombre de maisons d'édition ; avec le temps, êtes-vous fâché avec certaines?

Non, non, on est très rigoureux dans la publication de nos planches ; évidemment, on ne peut faire l'unanimité mais cela marche dans les deux sens ; certaines planches BD livrées par les maisons d'édition ne nous convainquent moins quelque fois, mais la plupart du temps, il n'y a pas de friction. On fait en sorte que tout se passe bien et avec les auteurs et avec les éditeurs.

DV: En outre, certaines personnes de maisons d'édition ont de fortes personnalités, je pensais à Mourad Boudjellal autrefois.

Déjà Mourad Boudjellal n'est plus à "Soleil", mais cela se passe bien la plupart du temps.

DV: Ce que vous voulez éviter c'est que "Casemate" soit un journal trop lié ou dépendant des maisons d'édition.

Effectivement, on ne veut pas être une sorte de "passe-plat"des maisons d'édition BD, mais notre journal peut aussi mettre en valeur certains albums, l'un n'empêche pas l'autre, mais je pense que "Casemate" est considéré comme un journal sérieux, de bonne réputation et comme dit la formule consacrée:"on fait un journal sérieux sans se prendre au sérieux".

DV: C'est vrai que "Casemate"est un journal sérieux, surtout quand vous réalisez vos analyses case par case de certaines BD ; analyses qui peuvent être reprises par des enseignants ou des chercheurs afin d'expliquer certains albums par le scénario.

Oui merci, mais c'est un choix éditorial voulu.

DV: En outre, je reprend la comparaison souvent vue sur Internet que "dBD" serait plus luxueux donc plus cher, "Casemate"un peu moins donc moins cher ; à l'image de la comparaison faite pour les journaux cinémas des années 1990 "Studio" et "Première".

Oui mais derrière "dBD", il y a Frédéric Bosser. Moi, personnellement, je me mets peu en avant dans "Casemate" ; moi, je cherche d'abord à créer, "Casemate" est un journal à formule nouvelle, aux contenus nouveaux ; c'est pourquoi la comparaison avec "dBD" ne me paraît pas très pertinente. Nous, on fait des choix éditoriaux novateurs, on considère que les lecteurs sont suffisamment intelligents pour lire des analyses sérieuses sur la BD.

DV: Vous êtes un label indépendant, avez-vous le risque d'être racheté par un grand groupe de presse?

Avec "BoDoï", on avait eu ce risque d'être racheté, mais l'affaire n'avait pas été concluante. A "Casemate", on veut garder notre autonomie, c'est notre outil de travail et on y tient. On progresse à chaque numéro dans le choix du graphisme, la pagination ou l'exposition des planches BD.

DV: Avec "BoDoï" puis "Casemate", vous devez avoir une bonne
vision de l'évolution BD depuis la fin des années 1990. Qu'est-ce qui a le plus changé depuis ces dernière années ?

La puissance des réseaux de distribution est énorme à l'heure actuelle, je pense à "Canal BD". Ces grands groupes possèdent d'énormes forces de frappe, avec beaucoup de points de vente et de distribution, voire de stockage.

DV: Beaucoup d'auteurs BD que j'ai interviewés considèrent qu'il y a, à l'heure actuelle, une surproduction BD dans l'édition des albums, mais que la qualité des albums BD est bien supérieure maintenant que par le passé, vous souscrivez?

Oui tout à fait, mais c'est un choix de grosses maisons d'édition, comme Delcourt par exemple. Beaucoup de jeunes auteurs BD sont très bons dans leur dessin actuellement, ils sortent le plus souvent d'écoles de dessin, je pense à l'école d'Angoulême. S'il y a surproduction, il y a aussi beaucoup d'invendus dans la production BD.

DV: Vous éditez un journal, mais ne voulez-vous pas éditer des albums BD?

Ce n'est pas notre métier premier et je n'ai pas les compétences pour cela.

DV: Ce qui participe à la renommée d'albums BD, ce sont les festivals BD et leurs prix, vous participez à beaucoup de festivals?

Essentiellement celui d'Angoulême où l'on a un partenariat avec ce festival, on consacre toujours un numéro au festival en janvier. Mais de manière générale, on rencontre peu les auteurs BD dans les festivals, ce n'est souvent pas pratique de les approcher dans ces lieux.

DV: Vos hors-séries marchent mieux que les numéros normaux?

Non, pas vraiment, mais on ne cherche pas de tirages meilleurs avec ces hors-séries. On essaie de mettre en valeur plutôt certains auteurs passés ou présents, ce sont plus des hommages.

Interview © Dominique Vergnes 2013-2014
Photo © bd.blog.sud.ouest.fr 
Images © Casemate


Publié le 08/01/2014.


Source : Bd-best

        Toute l'actualité

©BD-Best v3.5 / 2024