Douze albums au pied du sapin (Partie 2)
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Douze albums au pied du sapin (Partie 2)

 

Comment choisir 12 albums sur une année de lecture de plus de 400 titres ? Forcément, le résultat est subjectif, mais il est là. Choisir, c’est renoncer. Voici donc, sans classement, la sélection des douze albums retenus pour vous et qu’il est encore temps de déposer au pied du sapin. Parmi eux, sera décerné début janvier le prix Boulevard BD d'or 2023.

 

 

 

 

Ginette Kolinka Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau

"-Qu'est-ce que… Que se passe-t-il ?

-On vient chercher les juifs.

-Les juifs…? Ah ça non monsieur ! Nous ne sommes pas juifs ! Nous sommes orthodoxes ! Vous faites erreur ! Regardez, mon père a un certificat, il peut vous le montrer !

-Vous avez été dénoncés comme juifs!"

En rentrant chez elle ce jour de 1944, Ginette Cherkasky ne savait pas qu'elle allait faire un voyage qui allait bouleverser sa vie. Alors qu'ils avaient fui Paris pour se rendre en zone libre à Avignon sous un faux nom, les Cherkasky sont rattrapés par leurs origines. Ils sont juifs. Ils ont été dénoncés. En ce début d'après-midi, par chance, si on peut appeler ça comme ça, toute la famille n'est pas à l'appartement. Seuls s'y trouvent son père, son petit-frère, son neveu et elle, Ginette, 19 ans, qui arrive sur les lieux en pleine rafle. Ses sœurs et sa mère ne sont pas présentes et échappent à l'arrestation. Parqués pire que du bétail dans un train pour l'Allemagne, les voici partis, direction le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau. Pour bon nombre de voyageurs, il n'y aura pas de retour.

Le nom Kolinka vous dit peut-être quelque chose. Richard Kolinka était l'un des quatre membres du groupe de rock Téléphone. Ce que l'on sait moins, ou que l'on savait moins, c'est que sa mère Ginette est une rescapée de l'enfer. Elle l'a longtemps enfoui en elle, par résilience certainement, jusqu'au jour où elle a été convaincue qu'il fallait qu'elle témoigne. Commença alors un périple dans les collèges et les lycées afin de raconter, raconter l'horreur, exposer l'enfer, pour ne pas oublier, pour faire que l'Histoire ne se répète pas. Son histoire à elle, elle l'a subie. Elle a reçu les coups terribles des tortionnaires sur son corps. Elle a senti les odeurs pestilentielles des cadavres. Ginette Cherkasky, matricule 78599, a été déporté de mars 1944 à juin 1945 et en est revenue décharnée, détruite physiquement et moralement, mais vivante. Quand on pense que son cauchemar a débuté cinq mois seulement avant la libération de Paris, et qu'il a continué pendant encore dix mois après, c'est à peine croyable.

© D'Hondt - Des ronds dans l'O

Ginette est aujourd'hui l'une des dernières survivantes de la Shoah. Lorsqu'Aurélie D'Hondt l'entend témoigner devant sa promotion de l'ISEN, une école d'ingénierie du numérique, elle a le même âge que Ginette lors de son arrestation. En parallèle à ses études, l'autrice décide de raconter en images, avec son accord, la vie de la rescapée. Dans un graphisme à la Marjane Satrapi, Aurélie D'Hondt a tenu à rester la plus fidèle possible à la vie de Ginette. Les personnages sont dans un trait rond, presqu'enfantin, comme ceux de David Evrard sur Irena et Simone. On ressent toute la naïveté de Ginette qui se transforme en dureté au fur et à mesure qu'elle se construit une carapace indispensable à sa survie. L'album est traité dans un noir et blanc plus noir que blanc dans les chapitres allant de la déportation jusqu'au retour des camps. La dessinatrice arrache des larmes, des larmes de faux espoir quand le wagon s'ouvre et que les martyrs sentent le vent frais, des larmes d'une émotion incroyable lorsque Ginette serre sa mère dans ses bras à son retour à Paris.

On aurait aimé ne jamais avoir eu à lire des livres comme celui-ci. Ça aurait voulu dire que rien de cela n'était arrivé. Mais, pour paraphraser Ginette Kolinka, "Voilà où mène la haine !". Aurélie D'Hondt apporte sa pierre à l'édifice du devoir de mémoire avec un album bouleversant, tant sur le fond que dans la forme.


One shot : Ginette Kolinka Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau

Genre : Biopic

Scénario & Dessin : Aurore D'Hondt

Éditeur : Des ronds dans l'O

ISBN : 9782374181325

Nombre de pages : 240

Prix : 25 €


Les vies de Charlie

« - Charlie, Recycle & Ternel, vous mourez, nous recyclons, j’écoute ? Oui… Oui, tout à fait, madame. Nous recyclons les défunts. Le plus souvent, nous le transformons en compost pour y planter un arbre… ou un bonsaï si vous êtes en appartement… Voilà… Quelque chose de symbolique pour donner une seconde vie à votre mari. Comment s’appelait-il ? »

Charlie, jeune trentenaire citadin, travaille chez Recycle & Ternel. « Vous mourrez, nous recyclons ! » Toute la journée, derrière son téléphone, l’employé explique aux clients endeuillés la meilleure possibilité pour recycler le cadavre de leur proche qui vient de les quitter. Madame Wilmart, sa chef de service, a l’habitude de lui amener des dossiers difficiles pour des clients qui ont du mal à faire leur deuil et qui demanderaient à Charlie tout son savoir-faire et toute son empathie. Un jour, Charlie reçoit le coup de fil d’un père veuf et de son fils. Ce dernier n’a pas besoin de savoir ce que va devenir le corps de sa maman. Ce qui l’importe, c’est ce qu’il va advenir de son âme. A son grand désespoir, Charlie n’a pas la réponse. L’employé est désemparé mais il va tout faire pour la trouver.

Il y a des histoires à suspens et des comédies drôles. Il y a des aventures exotiques et des drames contemporains. Il y a une foultitude de genres en bande dessinée, dont les récits d’émotion. Parmi ces derniers, certains sont tout aussi émouvant qu’ils sont des fell good stories. Les vies de Charlie entre clairement dans cette catégorie. Kid Toussaint a déjà prouvé ce qu’il était capable de faire dans le domaine de l’émotion avec Elles, où il frappait les esprits. Avec ce one shot, il frappe les cœurs. Nul ne peut rester insensible à cette fable sur le devenir des âmes. Le scénariste apporte au héros et aux lecteurs une réponse, avec philosophie et sensibilité.

© Toussaint, Guarino - Dupuis

Aurélie Guarino porte ce récit avec toute la grâce de son trait. La dessinatrice est dans la catégorie d’un Michel Colline, d’un Hippolyte ou d’une Valérie Vernay. La symbiose avec Kid Toussaint est incroyable. Dans cette histoire, il fallait dessiner des sentiments, des émotions, des âmes. Tout cela transparaît comme par magie. Il est des fusions inexplicables qui marchent plus que l’on ne pourrait imaginer. Peut-être est-ce à cause de la sensibilité du sujet, le résultat est en tous cas incroyable.

Ces vies de Charlie ne peuvent à présent qu’influer sur les nôtres. Rien ne se finit, surtout pas les histoires comme celle-ci. Merveilleux.


One shot : Les vies de Charlie

Genre : Emotion

Scénario : Kid Toussaint

Dessins & Couleurs : Aurélie Guarino

Éditeur : Dupuis

ISBN : 9791034761234

Nombre de pages : 128

Prix : 26 €


Long way down

"Tout le monde a couru, a esquivé, s'est caché, s'est abrité. C'que nous avions tous été entraînés à faire. On a mis face contre terre et prié pour que la détonation, suivie par le sifflement de la balle, ne nous fauche pas. Tony et moi on a attendu comme d'habitude la fin du vacarme, avant d'ouvrir les yeux et relever la tête pour s'amuser à compter les corps. Cette fois il n'y en avait qu'un. Shawn."

            L'Amérique, le pays des armes et de l'auto-justice. Dans un quartier de banlieue, Shawn revient d'une pharmacie où il est allé chercher un médicament pour sa mère. Il est avec sa copine. Tony et William jouent au basket, se rêvant déjà professionnels. BAM ! Un coup de feu résonne. Shawn a pris une balle. Sa mère accourt mais il est trop tard. Le même sang que celui qui coule dans ses veines se répand sur l'asphalte. La police ne tarde pas à débarquer sur la scène du crime, mais personne n'a rien vu. William, quinze ans, Will pour ceux qui le connaissent, est le frère de Shawn. Du haut de son jeune âge, il va appliquer les trois lois du quartier : ne pas pleurer, jamais, quoiqu'il arrive, ne pas balancer, jamais, quoiqu'il arrive, se venger. "Si quelqu'un que tu aimes se fait tuer, trouve la personne qui l'a tué et bute-la."

            Pour appliquer ce troisième principe, Will va devoir rentrer chez lui pour prendre un calibre, un pétard, un gun,… On aime toujours plus les gens quand ils sont morts. Pour Will, l'assassin, c'est Carlson Riggs, un ancien ami de Shawn. Will a grandi en regardant les séries policières. Il trouvait toujours le tueur avant les flics. Avant aujourd'hui, il n'avait jamais tenu de flingue. Will décide d'attendre le matin pour se rendre devant l'immeuble de Riggs. Il sort de l'appartement familial, l'arme à la ceinture sous son tee-shirt et prend l'ascenseur pour descendre les étages. A chaque étage, quelqu'un va monter dans l'ascenseur, comme d'étranges fantômes qui viennent discuter avec Will.

© Novgorodoff, Reynolds - Milan

            Long way down est un roman américain de Jason Reynolds publié en 2017. L'auteur a eu lui-même un ami qui s'est fait assassiner alors qu'il avait dix-neuf ans. Il a travaillé dans centres de détention pour mineurs. Il invite ici à une réflexion sur la vengeance, sa légitimité, son utilité et amène à se questionner sur le port d'armes dans une Amérique aux multiples blessures. Danica Novgorodoff met l'histoire en image dans une aquarelle sombre et un découpage magistral. La violence s'incruste dans les cases par des procédés originaux. Les onomatopées et les cris sont partie prenante de scènes de haute tension. Novgorodoff multiplie les procédés graphiques originaux amenant de surprises en surprises.

            Grâce à un scénario incroyable et imprévisible dans un quasi-huis clos, une mise en scène sans fausse note et un graphisme aux techniques variées, Long way down est un thriller aussi poignant que dramatique. C'est le choc Comics venu de l'autre côté de l'Atlantique de l'année, et peut-être même de plusieurs années. Indispensable.


One shot : Long way down

Genre : Thriller/Polar

Scénario, Dessins & Couleurs : Danica Novgorodoff

D'après : Jason Reynolds

Éditeur : Milan

ISBN : 9782408031404

Nombre de pages : 208

Prix : 16,90 €


Le prof qui a sauvé sa vie

"-Il est pas mal le nouveau prof !

-Il a les cheveux vachement longs !

-Ouais, mais il n'a pas l'air marrant !!!

-C'est quoi ces lunettes ?

-Et le foulard !!!

-Il se la pète non ?

-Bon, on avance, et on monte l'escalier !!!"

1978. Albert Algoud, tout jeune professeur de français, vient d'être nommé dans le collège d'une riante bourgade savoyarde. Il est accueilli par le principal, surnommé "le hareng" à cause de sa ressemblance avec Acidenitrix, dans Le grand fossé d'Astérix. La salle des profs est remplie. Il y a entre autres Fanfoué, sympathique professeur de lettres, Mademoiselle Tambet, qui vouvoie les élèves, comme les chiens, parce que ça les calme, Monsieur Z., prof de techno porté sur la boutanche, et bien d'autres. Les élèves sont tout autant divers et variés, comme Christine, brillante et spirituelle qui entre et sort par la fenêtre, Etienne, boulimique de bonbons au langage ordurier, ou encore Joël, un autiste capable de donner le jour de la semaine correspondant à n'importe quelle date. Ah, oui, n'oublions pas Patrick, le comique de la classe aux lunettes de taupe. Albert Algoud va tenter de passionner ces chères têtes blondes à la littérature et au cinéma, à David Lynch et à Tintin, des choses pas conventionnelles dans ce monde ultra rigide de l'Education Nationale. Cela ne va pas être sans conséquence sur le jeune prof qui, parallèlement, va se découvrir une passion nouvelle pour un média qui vient d'être libéré en ce début des années 80 : la radio.

Albert Algoud est un humoriste bien connu. Membre éminent de la famille Canal + à la grande époque Nulle part ailleurs, il y a créé des personnages emblématiques comme le Général Ganache, le Père Albert ou François François. Il est également reconnu pour être un tintinophile avéré. Il a publié plusieurs ouvrages sur le sujet dont une fausse biographie de la Castafiore ou le fameux Haddock Illustré. Mais avant tout cela, il a été prof. C'est ce qu'il nous raconte dans cet album dessiné par Florence Cestac. Les deux compères se connaissent depuis bien longtemps. Ils font tous les deux partis du jury du Prix Wolinski, et Cestac a invité Algoud dans celui du Festival d'Angoulême lorsqu'elle en a été présidente.

© Cestac, Algoud - Dargaud

Si des profs comme ça, il y en avait plus l'hyper-rigide Education Nationale aurait une autre face et les élèves auraient de meilleurs résultats. En tant que prof, Albert aiguisait les curiosités, menait ses apprentissages par la notion de plaisir. Quand on est heureux et curieux, on a envie d'apprendre et on se cultive. Ça, ça devrait être au premier plan des programmes. Pour l'instant, personne en haut lieu ne l'a compris et les rares enseignants qui adoptent le précepte Algoud ne doivent pas le crier sur les toits sous peine de s'attirer les foudres de leurs supérieurs. Bref, Albert Algoud était trop bien pour ce métier. L'arrivée des radios libres grâce à François Mitterrand va changer sa vie. Puis, c'est Hara-Kiri, la rencontre avec Georges Bernier, plus connu sous le nom du professeur Choron, puis celle avec Karl Zéro, Antoine de Caunes et l'aventure Canal.

Albert Algoud a sauvé sa vie. Si cet album permet ne serait-ce qu'à un seul prof de sauver la sienne en faisant de sa passion sa priorité, le pari sera gagné. Véridique, émouvant et drôle. N'est-ce pas, Pintimbert ?


One shot : Le prof qui a sauvé sa vie

Genre : Biopic

Scénario : Albert Algoud

Dessins & Couleurs : Florence Cestac

Éditeur : Dargaud

ISBN : 9782205206197

Nombre de pages : 64

Prix : 15 €


La demi-double femme

"-Petite mère ! Viens-nous en aide ! Je bûcheronne dans la région depuis un an. Ma maison est à l’orée de…

-Je sais où est ta cahute, vieil homme.

-Ma fille, Selena, a disparu dans la forêt profonde. Nous connaissons encore trop mal les dangers sibériens. Je crains le pire."

1899, Radimir Andréiévitch est désespéré. Sa fille Selena a disparu dans la forêt sibérienne. Il s’en inquiète auprès d’Aza Perfionova, celle que l’on appelle la demi-double femme et qui dirige une communauté. Elle règne sur le commerce de la fourrure. Mutilée et obèse, elle se déplace sur un rustique fauteuil roulant. Le vieil homme est près à lui payer les 241 roubles qu’il lui reste de la vente de sa masure en Ukraine pour qu’elle la lui ramène. Dans un premier temps, Aza refuse de l’aider. Grâce à Ivan, un jeune villageois, le père malheureux trouve de l’aide en Jason, plus chasseur que trappeur et rival d’Aza. Piquée au vif, la « patronne » décide de leur filer le train.

C’est dans un hiver sibérien rigoureux que nous invite Grégoire Bonne, auteur complet de ce western pas comme les autres. Ce serait plutôt un eastern. On découvre dans une première partie un groupe de trappeurs assistants à un spectacle de marionnettes. En grands enfants, ils rient de la marionnettiste qui n’est autre qu’Aza et qui cherche comme chaque année une nouvelle façon de célébrer le début de la saison. Dans trois jours, elle va emmener les hommes dans le Nord, pour chasser la zibeline, dont elle exhibe une dépouille. Les mois qui viennent s’annoncent durs et gelés mais la qualité de la fourrure de la bête laisse augurer d’une chasse exceptionnelle. Le jeune Ivan rêve de partir avec eux, mais Aza, qui a la charge de l’orphelin, lui confie la responsabilité de l’hôtel en son absence. Il faut bien s’occuper de Jason, l’étranger qui vient d’arriver, et qui se vante d’avoir attrapé toutes les bêtes poilues d’Amérique et vu toutes les merveilles de Chine et d’Europe. Il est venu traquer la zibeline.

© Bonne - Mosquito

Aza Perfionova est un personnage atypique, le genre d’héroïne, ou d’anti-héroïne, qu’on n’avait jamais vu. C’est une mère pour tous les trappeurs, mais tellement étouffante, tellement dirigiste, qu’elle les empêche de grandir. « Quel genre de mère empêche ses enfants de grandir ? » déclare Jason, qui va se positionner en rival, en ralliant Ivan à son camp. Alors qu’Aza adopte le fusil, Jason apporte ses pièges mécaniques en acier qui ont fait leurs preuves sur les castors canadiens, préservant ainsi la fourrure. Alors, pourquoi pas sur les zibelines ? Grégoire Bonne oppose l’expérience, la connaissance, le respect et l’observation de la nature de l’un à l’arrogance, la suffisance et le progrès technologique de l’autre. Le coup de génie du scénario est de faire s’opposer Jason et Aza sur un autre terrain que celui si évident de la chasse, à savoir la recherche de la fameuse Selena. Graphiquement, l’auteur nous offre de splendides cases enneigées, à la manière d’Hermann, chose que l’on n’avait peut-être pas vu aussi bien depuis Un hiver de clown, épisode de Jérémiah. Il utilise malignement le découpage dans les avancées en forêt.

Des personnages inhabituels dans un décor fascinant. Il y a encore tant à exploiter. Grégoire Bonne ne peut pas ne pas proposer un deuxième one shot dans cet univers. La demi-double femme est une double surprise complète, scénaristique et graphique, de cette année, un album qui fera référence.


One shot : La demi-double femme

Genre : Histoire

Scénario, Dessins & Couleurs : Grégoire Bonne

Éditeur : Mosquito

ISBN : 9782493343161

Nombre de pages : 72

Prix : 18 €

 


La course du siècle

"-On fait démarrer le marathon en début d'après-midi !

-Aux heures les plus chaudes ? Brillante idée !

-On devrait facilement atteindre les 32 degrés !

-Et un 30 août, le taux d'humidité sera certainement très élevé !"

                30 août 1904, Saint-Louis, Etats-Unis. Le marathon des Jeux Olympiques va se tenir. Ils sont trente-deux coureurs sur la ligne de départ. Il y a des sportifs, des iconoclastes, des participants auxquels on ne s'attendait pas. Tous ont pour point commun d'être des coureurs invétérés. Les américains ont une revanche à prendre. Quelques années plus tôt, à Paris, la France a gagné deux fois plus de médailles que les Etats-Unis. Pour eux, ces maudits européens ont triché. Cette fois, l'Amérique a bien l'intention d'organiser des jeux modernes avec des infrastructures innovantes et des épreuves taillées sur mesure pour des surhommes qui se surpasseront et atteindront des sommets, bref, pour les jeunes sportifs américains.

                Parmi les inscrits, on trouve Andarin Carvajal, l'homme qui voulait faire la sieste, facteur à Cuba. Il y a Thomas Hicks, l'homme qui ne voulait plus être deuxième, compétiteur jusqu'au bout des ongles. Sont également au départ Len Taunyane et Jan Mashiani, deux afro-américains qui combattaient l'un contre l'autre lors de la seconde guerre des Boers en 1901 dans le Transvaal. Frederick Lorz, quant à lui, est un coureur… de jupons, habitué à échapper aux maris jaloux. Il y a même un français, Albert Corey, qui n'a rien à faire là vu que la France n'a pas envoyé de délégation. Ils diront donc qu'il est américain. La course va délibérément démarrer sous une chaleur écrasante. Les organisateurs en ont fait un laboratoire à taille humaine pour tester sur les engagés les effets de la déshydratation sur des sportifs de différentes "races". Les athlètes n'étaient rien moins que des cobayes. Terrain vallonné et poussiéreux, un seul point de ravitaillement en eau, dopage organisé : la course du siècle restera dans les annales.

© Munuera, Kid Toussaint, Sedyas - Le Lombard

                Kid Toussaint écrit une BD presque-reportage qui a tout d'une comédie dramatique. Il la met en scène avec l'efficacité qu'on lui connaît. Cette course hallucinante a bel et bien eu lieu, tellement improbable qu'il était impossible de l'inventer. Elle restera mythique non seulement pour ses conditions d'organisation, mais également pour les personnalités de quelques-uns de ses participants. En fin d'album, un cahier documentaire ancre le récit dans son contexte historique. Le marathon le plus dangereux de l'histoire s'est tenu là, à Saint-Louis et dans ses alentours, sur les rives du Mississippi. Qui de mieux qu'un dessinateur au trait hyper-dynamique pour mettre en scène une telle compétition ? José-Luis Munuera était l'homme providentiel pour la dessiner dans la poussière des couleurs impeccables de Sedyas.

                La course du siècle est l'un des événements de cette fin d'année, un album surprenant, étonnant, et pourtant basé sur des faits incroyablement réels. Bref, un indispensable. S'il vous reste une idée de cadeau à trouver, elle est là !


One shot : La course du siècle

Genre : Comédie dramatique

Dessins : José-Luis Munuera

Scénario : Kid Toussaint

Couleurs : Sedyas

Éditeur : Le Lombard

ISBN : 9782808205825

Nombre de pages : 96

Prix : 19,95 €




Laurent Lafourcade



Publié le 23/12/2023.


Source : Boulevard BD

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