Rencontre avec Barly Baruti pour Madame Livingstone (part 1).
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Rencontre avec Barly Baruti pour Madame Livingstone (part 1).

La rencontre de deux hommes, dans une guerre qui n’est pas la leur

En Afrique centrale durant la Première Guerre mondiale, l’aviateur Gaston Mercier, lieutenant de l’armée royale belge, est chargé de couler un cuirassé allemand sur le lac Tanganyika. Pour en découvrir la position exacte, on lui assigne un guide un peu particulier... Ce dernier, un métis énigmatique en kilt qui semble beaucoup plus instruit que les autres autochtones, prétend être le fils du célèbre explorateur David Livingstone. Petit à petit, alors que la guerre entre puissances coloniales belge et allemande fait rage au cœur du continent noir, le jeune pilote belge va essayer d’en apprendre un peu plus sur l’histoire de cet homme qu’on appelle « Madame Livingstone ».

S'appuyant sur un récit d’Apollo, Christophe Cassiau-Haurie mêle ici aventure et amitié sur fond de Première Guerre mondiale en Afrique. L’exotisme des lieux y est magnifiquement restitué par le dessin de Barly Baruti, en couleurs directes. L’album sera en outre prolongé d’un cahier bonus de 16 pages éclairant sur le contexte historique.

 

Bonjour Barly Baruti, pour nos lecteurs, racontes-nous ton parcours en Bande Dessiné

Barly Baruti, de mon vrai nom Baruti Kandolo Lilela, je suis né à Kisangani dans une famille de peintres. Très tôt je me passionne pour la bande dessinée du fond de ma Province Orientale. Je n'ai jamais été dans une école d'art à proprement parler, mais plutôt des études en pédagogie. Ce qui me favorise à faire mes premières armes en tant qu’animateur de l’Atelier graphique du Centre culturel français de Kisangani. En 1982, un premier travail de commande sur la protection de l’environnement africain :  « Le temps d’agir ». L’album, publié par la Coopération belge, sera suivi par plusieurs autres titres à vocation pédagogique. Je quitte ma ville natale Kisangani, pour m'installer à Kinshasa.

Entre temps, en 1984, je remporte un concours de BD et bénéficie d’un stage  à Angoulême, complété en 1987 par un séjour de plusieurs mois aux Studios Hergé à Bruxelles sous la direction de  Bob De Moor, un des maîtres de la « ligne claire ». Je collabore à « Kouakou » et « Calao » et crée les personnages "Mohuta & Mapeka" qui seront diffusés partout en Afrique francophone et quelques pays de l'Océan Indien.

En 1987, « La voiture c’est l’aventure » une BD humoristique (Afrique Éditions, Kinshasa. Je travaille ensuite sur le film de Ngangura Mweze et Benoit Lamy,  « La vie est belle », en tant que décorateur avant d’en faire une BD pour Afrique Edition : « Papa Wemba : Viva la musica ! ». En 1989, j'initie l’asbl « ACRIA » (Atelier de Création et de l’Initiation à l’Art) qui est à l’origine du mensuel « Afro-BD » et du lieu culturel « l’Espace (à suivre) ». ACRIA organisera à Kinshasa, en août 1991, le « 1er Salon Africain de la Bande Dessinée et de la Lecture pour la Jeunesse » ainsi que les autres Salons qui suivront avec un succès public grandissant. Plus tard, les planches des artistes regroupés autour de cette association feront l’objet d’une exposition au Musée de la Bande Dessinée de Bruxelles. Invité à collaborer ou à participer à de nombreuses expositions internationales sur la BD, je me retrouve aussi à la base d’un grand nombre de projets tournant autour de l’animation culturelle, de la formation des jeunes talents et de la promotion de la BD en RDC.

Je dessine des caricatures politiques à la télévision Zaïroise (RD Congo) et dans les journaux de l’époque avant de m’exiler en Belgique en 1992. En 1994« Objectif Terre ! », un superbe plaidoyer pour l’écologie, toujours commandé par la Coopération Belge l’AGCD.

C’est à Dakar que je rencontre le scénariste Frank Giroud avec qui je réalise de 1995 à 1998 la célèbre trilogie congolaise « Eva K » aux éditions Soleil. Cette fructueuse collaboration se poursuivra plusieurs années avec la série « Mandrill » publiée chez Glénat Editeur (7 tomes). 2014, Barly Baruti’s Back! Je reviens avec un nouvel album toujours chez Glénat Éditeur: “Madame Livingstone”. Scénario de Christophe Cassiau-Haurie d’après un récit de Appollo.

 

 

 

 

 
De notoriété publique, tu as d'autres passions comme le chant...

En effet, à côte de la BD, je fais la peinture et la musique.


Comment à démarré ce projet chez Glenat ?  

Né au Congo Kinshasa vers la fin des années 50, mon nom fut Livingstone Alexis. Mes amis m’appelaient affectueusement « Livalex » !

Le 27 octobre 1971, le Président-Fondateur Mobutu décrète le « recours à l’authenticité », une politique qui consiste à se défaire de « tout ce qui peut faire allusion à l’Occident et à sa domination ». Tout doit changer. Le Congo devient « Zaïre », le fleuve et la monnaie aussi. Le port d’ « Abacost » (à bas le costume occidental !) devient obligatoire à toute manifestation officielle. Tout Zaïrois devra désormais délaisser des prénoms chrétiens et occidentaux au profit d’un « postnom africain et authentique ». Donnant l’exemple, le Président-Fondateur Joseph-Désiré Mobutu devient alors Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga *. Et moi, Baruti Kandolo Lilela ** dit « Barly ».

Plus tard, je n’arrêtai de me poser des questions sur l’origine de ce patronyme si intrigant qui fut le mien : Livingstone. Une obsession. Par le pire des hasards, aurais-je eu des accointances –aussi lointaines soient-elles- avec le célèbre Docteur-Explorateur ? Je me mis en quête d’en savoir un peu plus. Des années durant, j’ai écumé des bibliothèques, m’intéressant aux moindres bribes de récits historiques se rapportant à l’histoire du célèbre natif de Blantyre en Écosse. Minces résultats.

« Je suis prêt à aller n’importe où, pourvu que ce soit en avant »

Je m’accrochai donc à cette sacrée citation du missionnaire David Livingstone pour continuer. Mes pas me menèrent vers les écrits de l’aventurier et explorateur Stanley, parlant du Docteur David. Peu convaincants et bourrés d’incohérence. Par exemple, je fus surpris de constater qu’il existait plein de vraies photos de Henri-Morton  Stanley posant aux cotés des indigènes (souvent assis et lui debout !), et que pour un événement aussi important que sa rencontre avec Livingstone (le fameux « Doctor Livingstone, I presume ? »), il ne se contenta que d’une illustration… Image idyllique aidant à conforter sa version des faits ?

J’étais au seuil de l’abandon, quand je tombai sur ces déclarations: « A propos de son mariage avec une Africaine, je dirai simplement: ce n'est pas vrai. Je crois inutile d'ajouter autre chose; il est au-dessous d'un gentleman d'associer même l'idée d'un pareil acte au nom de David Livingstone. »

Tiens, tiens ! Venant de Henri Morton Stanley, ça valait la peine de s’y pencher. De tas d’interrogations se mirent à danser dans mon cerveau :

·       « Qu’y avait-il d’ignoble dans cet « acte », qui rabaisserait à ce point le standing d’un gentleman ? Était-ce « politiquement incorrect» à cette époque qu’on ait eu des relations affectueuses avec une indigène? »

·       « Il a toujours été déclaré que le Docteur David était arrivé à Ujiji dans un état piteux un « squelette ambulant ». Après sa « découverte » par Stanley, il a refusé de le suivre en Occident, préférant rester parmi les « siens ». Pourquoi ? Qu’est-ce qui l’a retenu ? »

·       Serait-il exclu d’imaginer que le Missionnaire Docteur-Explorateur David n’eut été complètement insensible à la gente féminine ?… au point de finir sa vie en solitaire ?

Ces quelques zones d’ombre ont suffi pour faire germer « Madame Livingstone » de nos esprits. Appollo en imagina le récit et Christophe Cassiau-Haurie nous rejoignit dans l’aventure.


(*)Son nom veut littéralement dire : « Mobutu le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne puisse l’arrêter. »

(**) « Poudre de chasse de l’agneau timide. »

 

 

 

 

 


Comment s'est déroulé le choix du scénariste?
    
Pour cet album, j'ai pris le temps de me faire plaisir. Je me suis laissé aller à mon crayonné jusqu'au bout et je l'ai continué en "colorisant" l'ensemble. Tout y est passé: encres de chine et colorex, aquarelles et gouaches...parfois même l'acrylique. De temps en temps, je me suis permis de petites retouches au photoshop.

Les cases sont "pleines", je n'ai pas laissé des "réserves" pour les textes. Ils viennent par dessus.

 
Il y a t-il une suite prévue pour cet album ?

Non. Pas que je sache... Mais il risque de se faire pas mal des choses autour! Un carnet de voyage, par exemple...
 

As-tu des auteurs de référence ?
 
Jijé a été ma référence dès mon jeune âge. Bob De Moor m'a guidé et m'a fait entrer dans le "Monde Réel de la BD" (La Strip Familia) Il m'a présenté à beaucoup des personnalités du 9è Art. La rencontre avec Moëbius et Herman a achevé de me donner de l'assurance dans mes traits et dans l'ensemble de mon travail!
 

Peut-on découvrir tes travaux sur le web ?
    
Je suis sur Facebook...

Une devise ?

"La BD est un BD!" (La Bande Dessinée est un Bon Dialogue!)  

 

 

Interview © BD-Best - Jean Jacques Procureur 2014

Images © Glénat - Barly Baruti 2014

Photo © J.J. Procureur 2014



Publié le 11/09/2014.


Source : Bd-best

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