Rencontre avec Pascal Bresson pour l'album "Plus fort que la Haine"
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Rencontre avec Pascal Bresson pour l'album

Le combat d’un homme face au racisme de l’Amérique des années 30

En 1933, Doug Wiston, véritable force de la nature et grand amateur de jazz, est un jeune travailleur noir dans une scierie de l'État de Louisiane. Exploité du fait de sa force herculéenne, il finit renvoyé pour avoir osé défendre son père, passé à tabac par Sanders, l'odieux patron raciste de l'établissement et membre du Ku Klux Klan. Sans travail, sans argent, prêt à tout pour venger l'honneur de son père, Doug se morfond dans un état de révolte : contre les injustices, contre Sanders, contre les Blancs. Il découvre ce sentiment étrange qu'est la haine. Mais sur les conseils avisés d'un vieux musicien de jazz, il va finalement mettre à profit ce don que la nature lui a fait, sa formidable constitution, et devenir boxeur. Pour se venger du vieux Sanders, Doug utilisera les coups, certes, mais à travers la noble voie du sport, pas celle de la violence. Une fable humaniste dans une Amérique rongée par le racisme et la ségrégation, qui prouve que, quoi qu'il arrive, la haine n'est jamais la réponse.

Après L’Affaire Dominici, Pascal Bresson collabore une nouvelle fois avec la légende René Follet pour nous livrer un one shot émouvant au dessin somptueux. Une fable humaniste dans une Amérique rongée par le racisme et la ségrégation, qui prouve que, quoi qu’il arrive, la haine n’est jamais la réponse.

Une belle collaboration de René Follet et Pascal Bresson dont nous vous proposons de découvrir ou redécouvir ce dernier et d'en savoir un peu plus sur cet album à venir le 10 septembre chez Glénat.

Bonjour Pascal, raconte-nous en quelques lignes ton parcours :

J’ai commencé à dessiner dès tout petit. J’ai toujours vu ma mère dessiner pour son propre plaisir. Elle aimait mettre en scènes les Mousquetaires du Roi avec leurs grands apparats. Mon grand-père, son papa que je n’ai malheureusement pas connu, était un aquarelliste reconnu dans la région Champagne-Ardennes...Il illustrait des livres sur la vie quotidienne Champenoise. J'ai pu récupérer quelques dessins de lui car ma grand-mère dès son décès prématuré avait tout balancé !

Gamin, j'étais fan du Journal de Tintin et notamment de Tibet, l’auteur de Ric Hochet, que j’admirais énormément. Un jour, il est venu à Reims pour une dédicace dans une librairie Rémoise. J’avais 11 ans et je me suis « sauvé » de chez ma grand-mère pour aller le rencontrer. C'était un soir de novembre, il pleuvait à grosses gouttes...  Il a tout de suite vu le l'admirateur en moi et lors de cette première rencontre, il m’a communiqué ses coordonnées. J'étais aux anges ! J’ai pu ensuite passer quelques jours chez lui par la suite à Bruxelles. Il me montrait comment dessiner Ric Hochet au crayon, puis l'encrait devant moi... J'étais très impressionné. Il était d'une extrême gentillesse et d'une grande patience. Je repartais toujours de chez lui avec des posters de Ric Hochet ainsi que des albums dédicacés. J'étais très fier. Je lui dois beaucoup, c'était un peu mon « papa de métier ».


Devenu père très jeune (18 ans), il m’a fallu alors trouver du travail. Je me suis tourné vers la seule chose que je savais faire : le dessin. J’ai effectué un gros travail personnel durant des semaines afin de pouvoir présenter un book d’illustrations jeunesse aux éditeurs. Je travaillais nuits et jours, je passais mon temps à recopier, à essayer de comprendre la technique... J’ai rencontré les éditions Nathan, qui ont finalement préféré travailler à l’époque avec l'actrice Marlène Jobert. On peut dire que j'ai été zappé ! Reconduit illico de Chez Nathan (pour qui j'ai bossé quelques années plus tard), dégoûté, en reprenant le train pour repartir chez moi, j'ai distribué tous mes dessins aux enfants du train. J'avais fait des heureux ! C'est seulement en arrivant le soir à la gare, que j'ai rencontré une seule personne présente dans les alentours de Reims, le dessinateur Mohamed Aouamri. Je le connaissais aussi depuis l'âge de 11 ans, à l'époque, il sortait des Beaux Arts de Reims. Ce dernier, m'a expliqué que pour faire ce métier, il fallait passer par ces épreuves d'échecs forcément obligatoires... Momo grand dessinateur (Quête de L'Oiseau du Temps, Mortepierre, Saga Valta, etc...) a été très impliqué dans mes débuts, il m'a motivé et beaucoup appris la technique du dessin, les cadrages, les  équilibres noirs et blancs, etc... Depuis ce jour, je n’ai jamais arrêté de dessiner, tout d’abord des livres jeunesse puis de la bande dessinée. Je fais soit le texte, soit le dessin, soit les 2 et la plupart du temps, j'aime travailler avec les amis...

Tu travailles de nouveau avec René Follet aux Editions Glénat avec un nouvel album « PLUS FORT QUE LA HAINE » à paraître en septembre 2014...

C'est une sacrée chance de pouvoir de nouveau travailler avec René Follet. Nous avons réalisé ensemble un magnifique album « L'Affaire Dominici » (Editions Glénat).  J'ai beaucoup de chance  également d'avoir sa confiance et de pouvoir bénéficier de son savoir tant par la narration que par son talent de dessinateur. J'ai la chance de le connaître depuis l'âge de 15 ans. Je me souviens, j'avais découvert son album « L'Iliade » à la bibliothèque. J'ai passé des nuits à regarder son travail, j'étais en admiration. Quel homme, quel artiste... Je pense avoir une relation avec lui père et fils. On s'écrit souvent tous les deux. Il m'a beaucoup aidé, soutenu dans des moments très difficiles dans ma vie. Il a toujours été présent, toujours... Je lui suis très reconnaissant à vie.  Jamais un jour je me serais dit que je puisse travailler avec lui, c'est pour moi une bénédiction, un rêve... Un beau rêve devenu réalité. C'est déjà un grand de part son talent mais surtout par son humanité. Il prend toujours des nouvelles de vous, vous écrivant, s'inquiétant sur votre état de santé. Un homme simple, n'hésitant pas à vous soutenir et vous aider. J'ai vécu de difficiles moments ces dernières années. Dieu sait que je connais du monde dans ce métier. Il a été le seul avec Mohamed Aouamri à être présent près de moi. Merci encore René...


Pourquoi avoir choisi René Follet pour cet album ?

C'est une histoire qui se déroule dans les années 1930 à la Nouvelle-Orléans, avec pour cadre la ségrégation raciale. On va suivre une famille d'anciens esclaves ou le plus jeune garçon témoin d'injustices va se rebeller et vouloir entrer dans un gang anti-blancs pour se venger des attaques du Klu Klux Klan et casser du « blanc »... Mais très vite en rencontrant un vieux sage, il va découvrir qu'en montant sur un ring de boxe et devenir boxeur, il va non seulement casser du blanc, mais gagner de l'argent et surtout être l'idole des noirs et des blancs. C'est une réflexion sur l'époque et sur la vie. Une histoire de vengeance ou l'intelligence et l'humanité prennent le dessus. J'avais cette histoire en moi depuis de nombreuses années... Seul René Follet pour moi pouvait dessiner ce récit très fort en émotions, un récit plein d'espoir. Un milieu sauvage, violent, une faune assez glauque, avec pour toile de fond la boxe et le jazz, René Follet a su encore une fois donner le meilleur de lui-même. Plus il avance dans l'âge meilleur il est ! C'est fou, il va de progression en progression, du grand art. Un maitre d'œuvre pour chaque case...

Comment as-tu créé cette histoire ? Sur quelles bases et pourquoi ce sujet de la ségrégation raciale ?

Suite à mes nombreuses lectures sur le sujet. J'ai lu beaucoup de livres, documents traitant de cette triste période. Des titres comme : « Les Noirs Américains », « América, América », « Black Boy », « Ségrégation Raciale », etc... Autant de récits intéressants avec de véritables témoignages. Lorsque l'on traite un sujet aussi important il vaut mieux se plonger pendant quelques mois à lire et à écrire sur tout ce qui concerne ces récits sur l'esclavagisme. Les personnages sont fictifs, mais appuyés toutefois sur des faits réels... Je me suis fort intéressé par la persécution d'un peuple. Une période que l'on connait finalement peu. La Nouvelle-Orléans était un état ou le groupe du Klu Klux Klan sévissait terriblement. Il semait la peur et la désolation. La peur était sur chaque visage de la population noire. Il n'y avait pas de justice. La justice était uniquement pour les blancs. Ils avaient vie ou mort sur les noirs. Je leur rend justice, puis c'est un sujet dur, difficile à traiter car il faut être aussi objectif, essayer de ne pas tomber dans le pathétique, être juste dans ses propos et ses dialogues... Ce ne fut pas simple à réaliser, mais l'émotion est au rendez-vous et on s'en sort grandi à la fin.

René a réalisé quel traitement pour la couleur ?

René a réalisé l'album « Plus Fort que la Haine » au lavis qui sera dans la même collection que « L'Affaire Dominici ». C'est tout simplement magnifique. Il a su donner vie à Doug Winston, ce jeune black révolté ainsi qu'à d'autres personnages tout aussi attachants... Et je ne vous parle pas des méchants !

Y aura-t-il une suite ?

Non du tout, ce sera un one shot. Un seul récit, une seule histoire... Mais une belle histoire, j'en suis fier, très fier même !... J'espère seulement qu'il sera vu et lu par de nombreux lecteurs, car je peux vous dire que nous avons mis René et moi dans cet album tout notre cœur, tous nos plus beaux sentiments...

Avez-vous tous deux, une exposition de prévue ?

Apparemment, Jacques Glénat a beaucoup aimé l'album et il aimerait faire une exposition à la Galerie Glénat des planches de René en janvier 2015...

Comment fonctionnez-vous ensemble toi et  René Follet ?

J'écris un synopsis de l'histoire, avec les personnalités de chaque personnages. Il lit, analyse et me dit ce qu'il en pense. Je prends note de ses remarques et corrige... J'écris le découpage page par page de chaque planche. Dialogues, ambiances, situations, actions, etc... J'envoie également tout ce qui concerne la documentation quand c'est nécessaire, car René possède une très riche documentation. C'est un travail d 'équipe, donc on en discute beaucoup. Côté dessin, il m'envoie tous les crayonnés de chaque page. Des crayonnés justes, efficaces, expressifs, toujours précis... Puis après validation, il les met au lavis ou à la couleur directe. Je reste à chaque fois admiratif quand je reçois ses planches, c'est pour moi une très grande émotion. C'est un grand professionnel qui ne laisse rien au hasard, tout est pensé, calculé, précis...

D'autres projets ?

En septembre 2014, paraîtra le T.1 d'une série de trois albums « Jean-Corentin Carré, l'enfant soldat » aux Editions Paquet. L'histoire vraie, d'un jeune breton de 14 ans qui se sauve de chez lui, change de nom et s'engage sur les plus grands champs de bataille pendant la première guerre mondiale. Il sera le plus jeune poilu de France et le plus décoré... Je travaille avec deux dessinateurs Stéphane Duval et Lionel Chouin, sur des couleurs de Jean-Luc Simon.
Je travaille également sur une saga maritime tirée d'une série télé d'Hervé Baslé « ENTRE TERRE ET MER » à parraître aux Editions Soleil celtic (A paraître en 2015).  Trois albums qui retraceront la grande épopée des pêcheurs Bretons vers les bancs de Terre-neuve. Une belle série avec le sens des valeurs, le sens du devoir, un récit dur et tendre à la fois, pudeur des sentiments, solidarité et courage... Une magnifique fresque où se mêlent l'espoir et les larmes, une confrontation entre les gens de la terre et de la mer... Cette série, je la réalise avec mon ami Erwan Le Saëc. Je suis fier de son son travail. C'est un bon dessinateur, régulier, sincère et généreux dans ses dessins, il a un sens du découpage proche du cinéma. C'est un vrai bosseur qui n'hésite pas à recommencer si besoin. Je suis très heureux de bosser avec lui...

Peut-on voir ton travail d'illustrateur ou dessinateur sur des sites ?

Je t'avoue que je n'ai pas de sites, ni blogs. Le dessin je vais y revenir en réalisant des livres pour enfants. Je continue toujours à réaliser pour quelques publications jeunesse des petites histoires illustrées... Mais le dessin, c'est de l'énergie, il faut la santé. Et moi, depuis de nombreuses années, suite à de graves soucis de santé, j'ai une fatigue qui ne me quitte plus. Il faut se battre tout le temps. Faire ce métier, il faut un sacré caractère, du tempérament. Dieu merci, il me reste au moins ça...

Un devise, un rêve, une réflexion ?

J'aimerais une meilleure reconnaissance de notre métier. J'aimerais que le talent ne soit pas remplacé par la médiocrité. J'aimerais un peu plus de justice dans ce métier... J'aimerais que « Plus fort que la Haine » avec mon ami René Follet soit LU et surtout VU, car c'est un album plein d'espoir et d'humanité. Et actuellement, on en a besoin...

Et pour finir, as-tu une petite citation ?

« La  modestie ajoute au mérite et fait pardonner la médiocrité »...


Larochefoucauld

 

Interview © BD-Best - Jean Jacques Procureur 2014

Images © Glénat 2014

Photos © J J Procureur 2014



Publié le 03/07/2014.


Source : Bd-best

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