« - Accusés, levez-vous !... Existe-t-il des circonstances atténuantes en la faveur de l’accusé Roger Bontems ? La réponse est « Non ». En conséquence, la cour et le jury condamnent, à la majorité et sans désemparer, Buffet Claude et Bontems Roger à la peine de mort. »
Une évasion ratée qui tourne mal, des otages exécutés, un procès, et deux accusés sont condamnés à mort. Sauf que voilà, un seul d’entre eux a commis l’acte, mais la sentence est commune. Bien que le coupable ait reconnu la responsabilité des faits, l’innocent ne sauvera pas sa tête. Nous sommes en 1972. Quelques mois plus tard, le président Pompidou ayant refusé la grâce, l’avocat Robert Badinter voit son client Roger Bontems guillotiné. L’abolition de la peine de mort deviendra le combat de sa vie.
Marie Gloris Bardiaux-Vaïente est historienne. Elle a signé une thèse sur l’abolition de la peine de mort dans les six pays fondateurs de l’Union Européenne. Elle raconte à présent en bande dessinée les tenants et les aboutissants de la carrière de l’avocat Robert Badinter qui deviendra en 1981 Garde des Sceaux dans le gouvernement de Pierre Mauroy sous François Mitterrand.
La scénariste a évité tous les pièges dans lesquels tombent fréquemment ce genre de récits historiques. Ni pompeux, ni verbeux, ce récit de l’abolition décrit des faits, rien que des faits, de manière objective. On passe d’une séquence à une autre de manière abrupte mais efficace.
Robert Badinter, en différenciant la justice de la peine de mort, a prouvé aux français qu’il était temps de changer de mentalités. Son père n’est jamais rentré de camp de concentration, mais jamais il n’aurait souhaité un tel sort à son bourreau. S’il faut sauver des monstres, il le fera. « La France a peur. » annonçait froidement Roger Gicquel en ouverture du journal de 20 h de TF1 le 18 février 1976 au lendemain de l’arrestation de l’assassin d’enfant Patrick Henry. Il en faudra de la conviction pour convaincre le peuple que la loi du Talion n’est pas une réponse justifiée. Elle est tout sauf une solution.
De l’affaire Bontems aux mensonges de Patrick Henry, de l’accession au pouvoir de François Mitterrand au procès de Klaus Barbie, L’abolition balise toutes les étapes qui ont fait de Robert Badinter l’un des plus grands hommes politiques du XXème siècle. En faisant de la plaidoirie du procès de Patrick Henry un procès de la peine capitale, il a prouvé les revers d’une telle sanction dans une société qui se trompe dans ses sentences.
Malo Kerfriden réalise un travail de dessinateur exceptionnel faisant de cet album un livre indispensable. Dans des bichromies sombres et poignantes, Kerfriden met en scène avec autant de force les scènes d’actions que les joutes oratoires. Le chapitre sur Patrick Henry propose notamment un épisode complexe dans lequel la police essaye de reconstituer et de lui faire avouer son crime, avant la découverte du corps de sa victime. Le dessinateur met le lecteur en immersion. Il signe par ailleurs une couverture formidable sur laquelle l’ombre de Badinter est en forme de guillotine, comme pour mieux « guillotiner » la peine de mort.
« L’abolition doit être pure, simple et définitive » prônait Victor Hugo devant l’Assemblée constituante le 15 septembre 1848. Il faudra attendre 131 ans pour que son discours soit entendu. Grâce à un homme comme Robert Badinter qui a fait de cet Etat un pays civilisé en faisant voter l’abolition de la peine de mort, la France n’a plus à avoir peur de se regarder en face.
Laurent Lafourcade
One shot : L’abolition, le combat de Robert Badinter
Genre : Histoire
Scénario : Marie Gloris Bardiaux-Vaïente
Dessins & Couleurs : Malo Kerfriden
Éditeur : Glénat
Nombre de pages : 128
Prix : 17,50 €
ISBN : 9782344026502
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