Case à part : Spécial Voraces
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Case à part : Spécial Voraces

Va encore falloir les nourrir… Ils lui tournent autour. Le cadavre d’un zèbre git sur le sol sec de la savane. La bête est morte depuis six jours et commence à pourrir sous ce ciel de plomb. Leur vol se rapproche. Ces volatiles vont bientôt s’attaquer à la dépouille. Leurs becs vont lacérer les chairs. Les lambeaux de gras vont être arrachés des os. Les tripes vont se retrouver disputées entre eux…. Hé, là ! Stop ! Rewind ! C’est quoi, ça ? On n’est dans un film d’horreur ou quoi ? Faut rigoler, voyons ! Vous croyiez qu’avec Raoul Cauvin aux manettes on allait se retrouver dans une épouvantable histoire glauque ou dans un pompeux documentaire animalier ? Vous vous fourrez l’aile dans le gésier.

 

 

 

 

Je m’appelle Yvo. Y comme hibou et Vo comme vautour. Mon père Balthazar est un vautour, ma mère Annie est très « chouette ». Les vautours n’hésitent pas à transgresser les lois de la nature. Tonton Melchior n’en crut pas ses oreilles lorsque mon père lui apprit que j’allais naître d’une union contre nature. Mon problème est que je ne suis à l’aise pour chasser ni la nuit, ni le jour, mais seulement au crépuscule. Pas facile pour la vie de famille. Et devinez donc avec qui je copine ? Les chauves-souris ! Mon métabolisme est un peu détraqué au grand dam de papa : imaginez un vautour dormant la tête en bas… Ajoutez à cela que j’attrape les poissons avec la prouesse d’un martin-pêcheur et mon père se demandera s’il a été le seul oiseau de la vie de ma mère. Cerise sur le gâteau, j’aurai à mon tour des amours complexes et vous comprendrez pourquoi mon père a les fils qui se touchent.

Parlons un peu à présent des caractéristiques des oiseaux de la race de mon paternel. « Vorace » qualifie celui ou celle qui mange, qui dévore avec avidité. Le vautour fait partie de cet ordre là. Bien obligé, sinon ce sont les autres qui bouffent tout à sa place. Le vautour bouffe tout. Oui, mais seulement ce qui reste. Imaginez ce qu’il peut rester d’un bagnard évadé, après le passage des lions, de leurs familles, des hyènes et des chacals. Quelques lambeaux de chair ? Quelques miettes de moelle d’os ? Nenni ! Les prédateurs n’auront laissé que le boulet. Pourtant, un vautour mange vraiment de tout : du cul-de-jatte, du curé, du missionnaire et même du schtroumpf.

L’appareil digestif du vautour est relativement simple. Ayant repéré l’entrée et la sortie des aliments, le reste n’est pas compliqué : c’est rectiligne.

La partie encyclopédique de la série expose également tous les types de vautours existants. Sandrine Arcizet et Elodie Ageron, les deux animatrices des « animaux de la 8 », doivent y puiser les renseignements pour leur émission animalière. C’est certainement en lisant les voraces qu’elles auront appris qu’il existe le vautour de France, le vautour d’Espagne, le vautour Malet ou le Paris-Roubaix.

Un des défauts du vautour est qu’il n’a pas l’esprit de famille…pour sa survie. En effet, une famille volant en V se fera prendre pour des canards sauvages. Une autre entièrement posée sur une branche d’arbre pas trop robuste de la savane se retrouvera rapidement à terre.

Le vautour ne peut voler ni la nuit, ni par temps couvert. Les obstacles sont nombreux : arbres et girafes perchent haut.

Les amours des rapaces sont tumultueuses. La méthode Gabin ne fonctionnant pas (« T’as d’beaux yeux, tu sais ! »), le mâle doit user de tous ses charmes pour une parade amoureuse imparable…lorsque ça marche. Mais attention, dans la savane, tous les œufs ne sont pas des œufs de vautour : crocodiles ou autres serpents sont aussi ovipares.

Pour élever sa progéniture, l’oiseau le prend sous son aile afin de l’aider à surmonter les dures épreuves de la vie. Ainsi, le vautoureau apprendra que s’il tombe à terre il devra se relever instantanément s’il veut continuer à vivre. Dans la savane, tout corps au sol est un potentiel cadavre. Il faut en croire l’expérience de papa.

 

 

 

 

Hyènes et vautours jouent parfois une carcasse à pile ou face. Mais quand on n’a pas de monnaie, il est nécessaire de trouver une solution de remplacement. Petit vautour s’en souviendra.

Les auteurs donnent régulièrement des informations entomologistes sur le vautour. L’humour de Raoul Cauvin est servi par le dessin très expressif de Glem, capable d’exposer pas moins de vingt-cinq regards différents des volatiles. Un vautour à construire plume par plume se trouve même dans un album.

Au fil du temps, bien qu’ils n’aient pas évolué depuis l’ère primaire, les vautours ont dû apprendre à cohabiter dans le ciel avec les avions, les hélicoptères, les montgolfières et même les anges.

Comme le camion d’immondices, le vautour participe à l’équilibre de la nature. Comme l’éboueur, le vautour, s’il disparaît, laisse une nature en forme de dépotoir. Heureusement, ça ne risque pas d’arriver, les vautours sont là pour un bon moment et ont toujours faim.

Et là où ils sont les plus drôles, c’est lorsque ces oiseaux se moquent de la condition humaine. Ainsi, chez le notaire, comme leurs congénères humains, ils viendront partager les restes.

Pendant des années, ma famille a aussi fait jouer les lecteurs du journal Spirou avec mots-mêlés, rébus ou autres amusements dans la rubrique « Les voraces et les coriaces ».

En cinq albums, Glem et Cauvin ont bouclé l’analyse de vie de ces pensionnaires de la savane. Nous avons remisé nos becs, nos serres et nos plumes en laissant cette encyclopédie amusante. Mieux vautour que jamais.

 

Laurent Lafourcade

 



Publié le 10/04/2014.


Source : Bd-best

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