« - Ah, Fabrice ! Tiens, lui c’est Hugo, en stage de troisième. Il est là pour trois semaines, tu dois le chapeauter.
- Bonjour.
- Impossible, trop de boulot. Refile-le aux mecs des devis, ils en branlent pas une.
- Ça vient du boss.
- Guillaume ?
- En personne !
- Ok, génial. Allez, viens mon grand ! C’est comment ton blase déjà ?
- Mon quoi ?
- Ton blase ! Ton nom quoi ! »
Acheteur dans une entreprise de « rondelles », Fabrice ne rêve que de gravir les échelons. Alors quand il s’agit de faire plaisir au patron, il est prêt à tous les sacrifices, comme celui de s’occuper d’un stagiaire de troisième. Le poste de responsable des achats se libérant, il paraît tout naturel à Fabrice que la place lui revienne de droit. Mais quand le boss lui annonce qu’il recrute en externe, la vie de Fabrice va s’en trouver toute chamboulée.
© Navarro, Schwartzmann – Dargaud
Il fallait toute la connaissance du milieu par l’écrivain Jacky Schwartzmann pour montrer la poutre qu’a dans l’œil le monde de l’entreprise moderne et qu’elle refuse de voir. Le cynismo-réalisme de Stop work tourne en dérision un fonctionnement absurde faisant la part belle aux phraseurs, opportunistes et autres margoulins prêts à écraser leur voisin de bureau pour la moindre petite promotion dans la boîte. Fabrice est de ceux-là. Il l’est tellement qu’il en devient la caricature de lui-même. Il apprendra à ses dépends que, s’il sait que personne ne peut lui faire confiance, il ne peut faire confiance à personne. Si pour les gens comme lui, rien n’est jamais gagné, rien n’est jamais perdu non plus. Ceux qui font la plus grande preuve de recul sont les personnels de l’entretien. Du bas de leur échelle, ils observent et commentent à bon escient. Le petit stagiaire de troisième fait aussi preuve de recul. Quant au représentant syndical, il joue à merveille son rôle d’empêcheur d’évoluer en rond.
© Navarro, Schwartzmann – Dargaud
Morgan Navarro marche sur les pas graphiques de Dupuy-Berbérian. Son anti-héros pourrait être un personnage secondaire de Monsieur Jean. Dans une bichromie donnant une impression d’absence de couleurs, il met dans les attitudes de ses personnages tout le ridicule qu’ils comportent, ridicule comme le film de Patrice Leconte dont l’essence n’est pas si éloignée de cet album.
© Navarro, Schwartzmann – Dargaud
Avec une bande originale signée Souchon, Jackson, Higelin, Prince et NTM, Stop work est un voyage en immersion, un parcours en terre inconnue drôle et caustique pour ceux qui ne font pas partie de ce monde. C’est un chemin de croix dans lequel se reconnaîtront certainement ceux qui travaillent dans une telle entreprise. "Tu la voyais pas comme ça ta vie. Pas d'attaché-case quand t'étais petit. Ton corps enfermé costume crétin..."
Laurent Lafourcade
One shot : Stop work, les joies de l’entreprise moderne
Genre : Chronique du monde du travail
Scénario : Jacky Schwartzmann
Dessins & Couleurs : Morgan Navarro
Éditeur : Dargaud
Nombre de pages : 136
Prix : 18 €
ISBN : 9782205082005
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