Dany redonne vigueur à ses blagues coquines : « La fois où j’ai eu le plus de journalistes chez moi ? Pour une blague incomprise et refusée par Amnesty ! »
Flux RSSFlux RSS

         Toute l'actualité

Dany redonne vigueur à ses blagues coquines : « La fois où j’ai eu le plus de journalistes chez moi ? Pour une blague incomprise et refusée par Amnesty ! »

Qui n’a jamais vu/lu une blague de l’ami, Dany ? En album, au détour d’une discussion ou de manière pirate sur les réseaux sociaux, les égéries de l’auteur pas que coquin ont vu du pays et en ont fait voir de belles aux hommes pas toujours à leur avantage dans les histoires racontées par l’auteur liernusien et sa bande. Une sorte d’inventaire mis en petites tenues sexy et qui s’offre un relifting dans une réédition et révision suite au rachat des Éditions Joker par les Éditions Kennes. Interview.

 

 

 

 

 

 

 

© Dany chez Kennes

 

Nouvelle couverture pour une série culte depuis un bon moment. Culte… et osée. Trop que pour reparaître à l’identique en 2018 ?

Dany : En effet, on a dépoussiéré et remaquetté ces albums parus entre 1990 et 2010. Mais, force est de constater que, à l’époque, on était beaucoup plus libre. Certes, le politiquement correct a sa raison d’être. Dans des cas comme Weinstein ou tous ces autres salopards qui ont profité un jour ou l’autre de leur position. Mais il y a eu des excès. Balance ton porc… à tort et à travers. C’est ainsi que ce politiquement correct est devenu une nouvelle censure mise en application par un petit nombre dont la virulence sur les réseaux sociaux, notamment, une vision particulière de certaines choses. Tout le monde panique et se demande ce qu’il peut encore exprimer… ou pas.

Et forcément, mes albums sont dans le viseur de certains. Des albums de culs ? Non, de gags !!! C’est fait pour rigoler, pas pour lire d’une seule main. Bon, je reconnais qu’avant, je jouais plus sur un côté aguicheur, en couverture des « Ça vous intéresse ? ». Cette fois, sur les nouvelles couvertures, j’ai voulu accentuer le côté gag plus que le côté sexy.

 

 

 

 

© Dany chez Kennes

 

Mais il ne faut pas se tromper de combat. Vous n’imaginez pas le nombre de femmes qui viennent à mes séances de dédicaces. Pourtant, on pourrait croire que mon public est masculin. Mais non, pas que, loin de là. D’ailleurs, comme je vous l’ai déjà dit, dans mes gags, les femmes s’en sortent souvent beaucoup mieux que les hommes qui sont tournés en ridicule.

Reste qu’il faut rester vigilant à ce qu’on dit désormais. J’ai tendance à penser qu’on cherche à éliminer les humoristes anticonformistes. Je ne pense pas qu’un Desproges pourrait faire carrière de nos jours. Pour un mot de travers, ou compris de travers, on risque d’avoir dans la minute toute une série d’associations sur le dos. J’ai une anecdote incroyable à ce propos. Un gag refusé par Amnesty qui avait commandé à divers dessinateurs une planche sur le thème de la violence faite aux femmes. On est d’accord, c’est un sujet pas évident, dramatique et à condamner, mais j’avais pris le parti d’en rire, avec une blague de Tibet.

 

 

 

 

Ce n’est pas très malin, mais ça me faisait beaucoup rire. D’autant que le benêt dans l’histoire, c’est le mari ! Mais les choses se sont bousculées et l’attachée de presse a prévenu les médias. Qui n’ont pas attendu pour se bousculer sur le pas de ma porte. RTL, la RTBF, France 3. Je n’ai jamais eu autant de journalistes à la maison. D’autant plus qu’à l’époque, il y avait encore des preneurs de son, plein de câbles partout. L’un repartait que l’autre arrivait et on recommençait à déplacer les meubles. La folie pour une planche finalement incomprise.

Du coup, à quoi avez-vous veillé avec cette nouvelle sélection ?

J’ai remis à mon éditeur une liste des gags qu’il pouvait utiliser. J’ai porté principalement mon attention sur les gags pouvant avoir une connotation raciste, xénophobe… On se permettait beaucoup de choses à l’époque, tout le monde pouvait en prendre pour son grade. Après, peut-être, a-t-on aussi fait du mal ? Je ne sais pas.

 

 

 

 

© Dany chez Kennes

 

J’ai aussi écarté les gags où le sexe était peut-être trop explicite. Notez que des BD’s porno, il y en a, de qualités diverses, souvent moches et pas intéressants. Puis, on n’est jamais que le porno de quelqu’un d’autre. Il y aura toujours des gens que tout choque et qui profitent de la moindre occasion pour vous chercher des noises.

J’ai parmi mes amis, des humoristes. Les Taloche qui ne feraient pas de mal à une mouche. Mais aussi Laurent Gerra. Il me disait un jour: « Moi, je m’en fous, je dis tout, sans limite ». C’était faux, au fil de nos discussions, on s’était aperçu qu’il y avait certains sujets qu’il ne risquait pas d’aborder. On se prend si facilement des procès, désormais. Heureusement, il y a Ferrari. C’est étonnant d’ailleurs qu’on ne cherche pas à l’attaquer.

Certains s’excusent, aussi, après coup.

C’est la grande mode du « désolé si j’ai pu blesser ». Mais, finalement, est-ce que le fait de s’interdire de parler de telle ou telle population ne reviendrait pas à les mettre à l’écart, à les exclure. N’est-il pas là le danger ? Aujourd’hui, la règle est qu’on ne peut pas faire de blagues sur les Juifs sauf si on l’est soi-même. Et, pourtant, ils en ont des très bonnes, trash aussi !

Dans un autre extrême, c’est clair, il y a ceux qui se servent de leur métier pour partir en guerre. Mais quand on vire un présentateur pour une blague, je me demande : « Où va-t-on? »

 

 

 

 

© Dany chez Kennes

 

Comment contrecarrer la censure, du coup ?

Oh, vous savez, elle le fait elle-même. Elle a ses effets pervers. Quand j’étais gamin, la censure catholique s’appliquait notamment au cinéma. Avec une classification : Pour tous/ Déconseillé aux enfants/ À proscrire. La liste était bien visible sur les portes de l’église. Croyez-moi bien que la publicité fonctionnait à l’envers et que, forcément, les films des deux dernières catégories nous intéressaient bien plus, mes copains et moi.

 

 

 

 

© Dany chez Kennes

 

Vous pourriez aussi en quelque sorte pratiquer une certaine censure quand on voit le nombre de vos dessins et gags qui circulent sur les réseaux sociaux et internet, en général.

Je n’ai jamais pu contrôler ça. Oh, ce n’est pas que j’y vois des sous que je pourrais y récupérer. Mais j’apprécierais que ma signature figure au moins en dessous de ces planches partagées et repartagées. Or, elle est souvent bannie par un malicieux jeu de recadrage. À un moment, des connaissances qui apparemment ne connaissaient pas vraiment mon style m’envoyaient des idées de gag. « Regarde, tu pourrais en faire une histoire. » Sauf qu’ils avaient dégoté mes propres gags ! C’est dommage de ne pas pouvoir obliger à citer la source, l’auteur. C’est incroyable quelle proportion peut prendre un dessin piqué sur le web. Après, dans le meilleur des cas, certains m’envoient un message : « On a adoré ton gag. »

 

 

 

 

© Dany chez Kennes

 

Autre problème du web, les fausses-dédicaces. Mais aussi les vraies dédicaces vendues cher et vilain quelques heures seulement après une séance.

Ça m’est beaucoup arrivé. Dans le deuxième cas, ça a pris une proportion telle que certains auteurs refusent désormais de faire des dédicaces. Ou de se faire payer. Marini le fait et, bien sûr, tout le monde se précipite. Mais un auteur inconnu ou méconnu, qui n’a qu’un seul album à son actif ? Je trouve que l’idée du cadeau offert est jolie et j’y tiens.

Puis, il y a les faussaires. Et j’y ai aussi été confronté récemment. Un ami, fan absolu de ce que je fais, m’a un jour envoyé une photo prise quelques heures plus tôt, lors d’un marché dominical. Une photo d’une dédicace qu’un marchand vendait. « C’est bien de toi ? » C’était tellement bien fait que je n’ai pas douté, au début. Puis, j’ai été plus attentif. Les couleurs n’étaient pas celles que j’utilisais en dédicaces, notamment. On s’est arrangé pour prévenir le marchand de sa contrefaçon. Mais, il n’était pas le dessinateur, il refourguait seulement. Le pire, c’est que je suis sûr que le faussaire est un bon dessinateur. C’est ça le plus gênant. Pour le reste, c’est vrai qu’une dédicace, c’est beaucoup plus facile à imiter que si on doit reproduire une planche. D’ailleurs, comme on va vite, il se peut qu’on rate parfois un dessin en dédicaces. Mais, ça reste un business juteux.

Pour contrer ce phénomène, j’ai pris l’habitude de signer mais aussi dater mes dédicaces. J’ai rajouté une sécurité supplémentaire. J’ai dégoté un tampon en Corée avec la traduction de mon nom en coréen. Du coup, je tamponne, une fois le dessin terminé. Une manière d’authentifier tout en apportant une touche exotique.

 

 

Propos recueuillis par Alexis Seny

 

Série :  Les blagues de Dany

Réédition – nouvelle mouture

Tome : 1 – Ne pas toucher

Scénario  : Collectif

Dessin et couleurs : Dany

Genre: Érotisme, Humour

Éditeur: Kennes

Collection : Joker

Nbre de pages: 48

Prix: 12,90€



Publié le 14/09/2018.


Source : Bd-best

        Toute l'actualité

©BD-Best v3.5 / 2024