De Germinal en Geronimo, de peaux noires en gueules rouges
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De Germinal en Geronimo, de peaux noires en gueules rouges

Après nous avoir dépaysés au fil des délires spatiaux de Mobutu, le dessinateur Eddy Vaccaro nous plonge, avec Jean-Michel Dupont, dans une tout autre ambiance : celle de ch’nord et de la mine crasseuse, qui fait toussoter et cracher noir, au mieux, et vous prend la vie, au pire. Les mines terreuses y sont assorties, de génération en génération, entre ceux qui s’y résolvent et ceux qui rêvent encore et toujours d’évasion. Et si celle-ci était entrevue dans le passage tonitruant du show de Buffalo Bill dans le coin ?

 

 

 

 

 

© Dupont/Vaccaro chez Glénat

 

Résumé de l’éditeur : Été 1905. En tournée dans toute l’Europe, le cirque de Buffalo Bill s’arrête à Valenciennes. Un événement considérable pour la population locale et l’occasion pour Gervais, un gamin qui travaille au fond de la mine, d’élargir son horizon. De sa rencontre poignante avec des Sioux du cirque va naître une terrible erreur judiciaire quand ses amis indiens sont accusés d’un meurtre sauvage…

 

 

 

 

© Dupont/Vaccaro chez Glénat

 

Au nord, c’étaient les corons… L’air est connu, le refrain aussi et, pourtant, des tréfonds de la terre et de la mémoire des anciens, la mine a encore des choses à nous dire. On en veut pour preuve Les Gueules rouges, première collaboration entre Jean-Michel Dupont et Eddy Vaccaro. Un ouvrage surprenant et attrayant tant il croise deux mondes qu’on n’aurait pas forcément relié. Celui des mineurs, d’abord, où chaque jour (pour peu qu’ils le voient) est un éternel recommencement, où les plaisirs sont finalement vains, entre misère, alcool et l’invitation des femmes de petite vertu. C’est comme ça et, si rien ne change, cela continuera. Pourtant, ce n’est pas forcément cette vie-là que s’était imaginé Gervais. Brillant élève, par ses notes prestigieuses et la fierté de son instituteur, Gervais pensait bien échapper à l’appel du monstre des profondeurs. Mais, dans ce village (en est-ce un ou est-ce plutôt un dortoir?) à deux pas du monument cycliste Arenberg, on n’a pas vraiment le contrôle de son destin. Et, même si, pour quelques jours, Buffalo Bill et sa troupe promettent des chevauchées fantastiques.

 

 

 

 

© Dupont/Vaccaro chez Glénat

 

Pourtant, dans la première partie, on en est loin. Loin que ce soit tout noir, on rigole avec les mineurs, mais on sent bien que cette vie-là, elle n’est pas tenable. En attendant, Dupont et Vaccaro se livrent à une chronique bien vue et fidèle de ce que les prolétaires vivaient au jour le jour, en ce temps-là. Ça dure quelques dizaines de planches, puis, le western arrive à la charge, sans pour autant désorganiser la vie des piocheurs, des molineux et autres porions. Pour le moment. Et après avoir goûté au pain d’alouette, Gervais goûte aux profondeurs minières en espérant ne pas goûté au grisou.

 

 

 

 

© Dupont/Vaccaro chez Glénat

 

C’est toutes les incertitudes d’un gamin, bien trop jeune que pour être employé à la dure tâche des gueules noires, qui se confrontent dans l’exiguïté et l’ombre. Puis, comme un horizon peut-être bien atteignable, voilà qu’une affiche de Buffalo Bill lui parvient. Commence alors une randonnée vers la ville, un peu semblable à celle de Duchazeau, quelques lustres plus tard, à la poursuite de la Mano Negra.

 

 

 

 

© Dupont/Vaccaro chez Glénat

 

Dès lors, Dupont et Vaccaro brillent tout autant et s’emploient à reconstituer en grande pompe l’arrivée de William Bill Cody, ses Indiens et ses bêtes sauvages. Le drame humain ch’ti (avec une saveur inhérente aux dialogues en chtimi) croise les grandes épopées du Far West avant que les deux auteurs y invitent, de manière totalement inattendue, une enquête policière. Récit en plusieurs volets, Les Gueules Rouges réussit à mêler les genres sans rien oublier de sa portée mémorielle, pour ne rien oublier du passé terreux et dangereux de nos contrées. Le dessin de Vaccaro préfère la puissance de ses ambiances (auxquelles collaborent parfaitement ses couleurs aquarelles et charbonneuses, incendiaires comme une lueur d’espoir dans la mine) à la précision de son trait. Et c’est très réussi.

 

Alexis Seny

 

Titre : Les gueules rouges

Récit complet

Scénario : Jean-Michel Dupont

Dessin et couleurs : Eddy Vaccaro

Genre : Chronique sociale, Historique, Western

Éditeur : Glénat

Collection : 1000 feuilles

Nbre de pages : 120

Prix : 20,50 €



Publié le 12/05/2017.


Source : Bd-best

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