« - Il va falloir que tu me dises où sont les cailloux, Charlie. Plus vite on les aura, plus vite on pourra repartir. De quoi t’as peur ? Forthys ne paiera que si c’est toi qui lui remets les pierres. Ta petite sœur te couvre, Charlie. L’astucieuse Alicia a fait de toi le nègre le plus précieux de toute l’Afrique, en ce qui me concerne.
- Ok, chef, dès qu’on approche, je te dis. On y va vite, vite. Et on repart.
- Exactement. Vite, vite. »
Charlie, domestique noir, a planqué trente millions de dollars de diamants. André et sa bande de mercenaires ont bien l’intention de mettre la main dessus…surtout André. Mais armes, argent et politique ne sont pas les compagnons les plus paisibles pour mener à bien une telle mission. Le temps peut vite commencer à tourner, le peuple se révolter et le Katanga prendre feu et prendre sang.
Après « Il était une fois en France », Nury et Vallée signent une trilogie de haut niveau avec (Il était une fois le) Katanga. Sauf que le Katanga n’existe pas. Mais, c’est tout comme. Pays diamantifère voisin du Congo, son territoire est la proie de toutes les convoitises.
On ne peut s’empêcher de penser à Jimmy Tousseul, série jeunesse qui a fait les beaux jours de la maison Dupuis dans les années 90. Mais là où Desberg et Desorgher traitaient le sujet de l’Afrique coloniale et des mercenaires sous un angle tous publics, Nury et Vallée adoptent une vision, certes fictive, mais semblant beaucoup plus proche des exactions qui se passaient dans ce genre de pays à cette époque.
« Katanga » emmène le lecteur aux confins de la cruauté humaine. Dans cette série, il n’y a pas un personnage pour rattraper l’autre. C’est un véritable ramassis de pourritures, un aréopage de corrompus qui se côtoient dans la France-Afrique des années 60. Dans « Katanga », on empoisonne, on tue, on baise, on égorge, sans vergogne et sans scrupule. Il y a du Tarantino dans le scénario de Nury. La violence est si présente qu’elle en devient presque naturelle. La tension monte crescendo jusqu’à un final rarement vu en BD et digne des meilleurs blockbusters hollywoodiens. Le scénariste n’épargne rien à ses personnages. Les destins vont tous, sans exception, être bouleversés. Personne n’en sortira indemne. Et bien malin sera celui qui pourra deviner qui s’en sortira tout court.
Vallée donne à ses personnages des trognes toutes droit sorties d’« Un taxi pour Tobrouk » ou de « Cent mille dollars au soleil ». Il maîtrise cadrages et compositions, comme dans la scène du verre empoisonné où l’œil du lecteur navigue autour de l’ombre de la mort. Les fusillades et poursuites sont menées à brides abattues. Le dessinateur pousse son crayon jusqu’aux limites de la cruauté. C’est une véritable boucherie qui est représentée dans un final impitoyable, jusqu’à la limite du supportable. On peut se poser la question de l’utilité d’un tel spectacle. Le dessin semi-réaliste de l’auteur fait passer la pilule. On imagine ainsi la violence de ce morceau d’histoire dramatique de l’Afrique, ici romancé, mais ô combien proche de ce qui a dû réellement se passer dans certains coins du continent au crépuscule de la colonisation.
« On a bien tort de ne jamais se méfier des clowns. » dit Charlie, le frère d’Alicia. Au Katanga, on ne peut faire confiance à personne… à personne… « L’histoire de l’Afrique, à quoi ça tient. »
Série que n’aurait certainement pas renié Bob Denard, un des derniers mercenaires de la République, décédé en 2007, « Katanga » est menée avec force et lyrisme.
https://www.youtube.com/watch?v=ECqAlTnF4l4&feature=emb_logo
Laurent Lafourcade
Série : Katanga
Tome : Coffret Intégrale Collector
Genre : Aventure-Thriller
Scénario : Fabien Nury
Dessins : Sylvain Vallée
Couleurs : Jean Bastide & Luc Perdriset
Éditeur : Dargaud
Nombre de pages : 64 x3
Prix : 54,95 €
ISBN : 9782205087123
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