« - Alors, c’est vrai ? On doit quitter Prague ?
- Oui, ma chérie. Nous devons partir. »
Etre juif à Prague pendant la Seconde guerre mondiale est loin d’être la condition la plus confortable. Un après-midi, la famille de Dita Adlerova reçoit une lettre les sommant de quitter leur domicile. Ils ont droit d’emporter cinquante kilos de bagages. Pour Dita, quatorze ans, pas question d’abandonner ses livres. Il va pourtant bien le falloir. La jeune fille et ses parents, comme des milliers d’autres juifs, doivent se rendre à la gare. Ils vont être déportés à Auschwitz. Arrivés sur place, ils ne seront pas gazés, mais lavés, puis tatoués. Ils ne seront ni rasés, ni changés. Incroyable ! Ils restent même en famille dans un baraquement moins insalubre que les autres. Que cache ce mystère ? Toujours est-il que Dita, passionnée de livres, sera chargée de s’occuper de la bibliothèque.
Salvia Rubio adapte en bande dessinée le roman d’Antonio Iturbe. L’histoire a pour mérite de dévoiler un angle peu connu des sordides et inadmissibles camps de concentration. Si l’on sait que les prisonniers vivaient dans des taudis et étaient en charge de travaux pénibles et dégradants, on sait moins qu’il existait des lieux plus privilégiés, si tant est que « privilégié » soit le bon terme. En effet, un bâtiment était réservé aux visites des responsables de la Croix Rouge qui ainsi ne voyaient pas toute la misère. Ils étaient bluffés par les nazis qui leur faisaient croire que les droits de l’homme étaient respectés à Auschwitz. Dans son malheur, Dita aura eu le privilège de croiser le chemin de Fredy Hirsch, juif allemand qui supervise la section qu’elle intègre. Sous le prétexte de les occuper afin qu’ils ne perturbent pas le bon fonctionnement du camp, l’homme réussit à faire dédier une baraque aux enfants. C’est là qu’il confiera à Dita la gestion de la bibliothèque.
Loreto Areca vient du dessin animé. Elle signe ici sa première bande dessinée. Ses grandes cases montrent la solitude dans laquelle se trouvent les prisonniers. Elle invite à l’empathie pour ces milliers de victimes qu’elle représente, soit anonymement, soit avec Dita et ses parents. Elle invite au dégoût avec un Josef Mengele, le célèbre médecin de la mort, aussi droit qu’un « i » dans son costume militaire tiré à quatre épingles. Elle invite au mystère avec Fredy Hirsch dont on découvrira avec Dita le secret qu’il cache.
Edita Adlerova, dite Dita, vit aujourd’hui à Netanya en Israël. Antonio Iturbe l’a rencontrée pour écrire son roman de six cents pages adapté ici par Salvia Rubio et Loreto Areca. Ils ont dû procéder à quelques raccourcis que la lecture de l’œuvre originale pourra combler. En attendant, cette bande dessinée est, comme tout ouvrage sur le thème, une œuvre de mémoire indispensable et c’est aussi une ode à la lecture.
Laurent Lafourcade
One shot : La bibliothécaire d’Auschwitz
Genre : Drame historique
Scénario : Salvia Rubio
Dessins & Couleurs : Loreto Aroca
D’après : Antonio G. Iturbe
Éditeur : Rue de Sèvres
Nombre de pages : 142
Prix : 22 €
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