« - Celui qui dit être un « coiffeur »… Où est-il ?
- Je… Je suis là, Monsieur !
- Debout et suis-moi !!! Là-bas ! Tu vois les lavabos ?...
- Oui !?
- Va faire ta toilette… Rase-toi… Tu dois être propre et avoir une allure impeccable. Pas question que tu t’occupes des officiers de la SS si tu sens mauvais et que ta présentation est négligée. Allez ! Dépêche-toi !!! Dans une demi-heure, le commandant Reichleitner va venir tester tes capacités… Il sera ton premier client. Si tu réussis ce test, tu devras te lever comme ça, tous les matins, une heure avant les autres juifs, en même temps que les gens qui travaillent aux cuisines. Tu devras utiliser ce temps pour te préparer puis pour nous recevoir dans ta boutique avant que ne commence notre service. »
1942. Moïse Rubinstein a été déporté dans le camp de concentration de Sobibor. Sa formation de coiffeur lui permet de prétendre au poste de coiffeur du camp. Quelques années plus tôt, en 1929, il a appris le métier à Paris pendant que son frère Salomon faisait ses armes dans la couture. L’intelligence de l’un complète la malice de l’autre. Devenus trop tôt adultes à cause d’un drame familial, les frères Rubinstein tentent de se faire une place dans une capitale qui commence à voir planer au-dessus d’elle l’ombre de la République de Weimar.
© Le Roux, Chevallier, Brunschwig, De Cock - Delcourt
Luc Brunschwig confirme dès ce deuxième tome la puissance de la saga des frères Rubinstein. On navigue entre les années dans une anarchie de bons dans le temps dans un sens ou dans l’autre totalement cohérente et compréhensive. Moïse se sent responsable de la situation dans laquelle ils se trouvent. Il veut payer la dette qu’il estime avoir envers son frère et lui permettre de reprendre ses études. Mais la vie n’est pas là pour leur faire des cadeaux.
© Le Roux, Chevallier, Brunschwig, De Cock - Delcourt
Etienne Le Roux et Loïc Chevallier offrent une immersion qui va de ce que le monde a connu de plus tragique jusqu’au féérique. Le camp de concentration fait froid dans le dos quand on sait que les auteurs « se contentent » de dépeindre la réalité. La dernière planche est d’une force incroyable, amenant au malaise. Avec certaines scènes au cinéma L’Odyssée, c’est comme si les dessinateurs invitaient à une résilience graphique.
© Le Roux, Chevallier, Brunschwig, De Cock - Delcourt
Dans une histoire comme celle des frères Rubinstein, on aurait pu s’attendre à l’aventure d’un héros et d’un zéro. Brunschwig évite d’emblée le piège du duo antagoniste. Si les regards émotifs sont tournés vers Moïse, Salomon est un personnage tout aussi puissant qui porte l’espoir dans les yeux et dans le cœur. C’est un exemple démontrant que jamais, au grand jamais, il ne faut baisser les bras. Face aux problèmes, il ne se laisse pas abattre, entrevoit toujours une solution, fait montre d’un optimisme à toutes épreuves.
En seulement deux albums, Les frères Rubinstein marquent l’année BD 2020 et s’imposent comme les acteurs d’une saga majeure de la décennie à venir.
Laurent Lafourcade
Série : Les frères Rubinstein
Tome : 2 - Le coiffeur de Sobibor
Genre : Chronique familiale historique
Scénario : Luc Brunschwig
Dessins : Etienne Le Roux & Loïc Chevallier
Couleurs : Elvire De Cock
Éditeur : Delcourt
Nombre de pages : 70
Prix : 15,95 €
ISBN : 9782413023920
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