Dodo et Cha sur la piste terrif-hilarante des combattants syr…akiens, l’humour vainqueur face à l’horreur
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Dodo et Cha sur la piste terrif-hilarante des combattants syr…akiens, l’humour vainqueur face à l’horreur

Au journal des bonnes nouvelles, Dodo et Cha ont éclipsé le gore et la terreur des actes du Grand Khalifat (vous l’aurez reconnu) pour en garder l’absurdité et l’emmener faire un tour dans un trip halluciné du côté de la Syrakie. Finies les décapitations, place au décapant humour de ce tandem réuni pour la première fois aux côtés de trois héroïnes attachantes qu’elles soient intrépides, faibles, barrées, femmes tout simplement dans un monde d’hommes décérébrés. Ou quand le rire réfute la peur et que la triste actualité et le désœuvrement humain qui croit aux pires des sottises s’en vont se balader dans un récit d’aventure à couper le souffle. Interview avec les deux auteures autour du Voile noir et de l’exposition que propose le Centre Belge de la Bande Dessinée.

 

 

 

 

 

 

 

© Dodo/Cha/Drac/Takaku chez Casterman

 

Bonjour à toutes les deux. C’est un tandem jusqu’ici inédit que vous formez pour cette aventure tonitruante en… Syrakie. Comment votre duo s’est-il créé ?

Dodo : Les éditions Casterman avaient envie de travailler avec moi et sont venues me chercher pour que j’écrive une histoire d’aventure. J’ai cherché un petit temps avant le déclic. Ce sont les attentats de Charlie Hebdo qui m’ont mis la puce à l’oreille et m’ont aiguillé vers ce sujet des jeunes partis combattre en Syrie. Est-ce que je pouvais aborder cette thématique de manière décalée ? Casterman m’a dit Go ! Et c’est parti ainsi.

Après, si je voulais collaborer avec un jeune auteur, je ne savais pas qui allait pouvoir dessiner ça. Casterman m’a bien fait quelques propositions de dessinateurs, sans parvenir à me séduire. Ça ne m’emballait pas, je ne voyais pas mon histoire selon le graphisme de ces potentiels auteurs. Le déclic est arrivé un an tout juste après les attentats de Charlie Hebdo. Un 7 janvier sur la place de la République. On s’est laissés portés jusqu’à un bistrot où était attablée l’équipe de Fluide Glacial. Au fil de la discussion, Pixel Vengeur m’a dit : « Mais c’est Cha qu’il te faut »! En effet, je ne vois pas qui d’autre aurait pu, ça collait vraiment.

 

 

 

 

© Dodo/Cha

 

Le voile noir, qu’y a-t-il derrière ce titre ?

Dodo : Deux choses. D’abord, le fait d’être aveuglé, de se lancer même si on ne voit rien. Deuxièmement, parce que dans le pays dont on parle, la majorité des femmes portent ce voile noir.

Puis, mine de rien, ces trois mots anodins, je trouve, laissent un parfum d’aventure planer, un peu de mystère, non ?

Dodo : Je vois ce que vous voulez dire ! Un peu comme si on avait fait Le voile noir… et le secret de la licorne. C’est mystérieux, ça, non ? (Rires)

 

 

 

 

© Dodo/Cha

 

Et vous, Cha, dans des décors qui ne sont pas les vôtres, d’habitude, il y a eu des craintes ?

Cha : Oui, par le sujet, c’était délicat, j’avais un peu peur. On en a discuté avec Dodo et on s’est vite rendu compte qu’on était totalement en phase par rapport au traitement. Pour le reste, l’écriture coulait toute seule, je n’ai pas eu à me prendre la tête pour mettre cette histoire en images, c’était très instinctif.

Dodo : Ça me désolait de savoir le si grand nombre de jeunes qui étaient partis faire le djihad. Je voulais m’adresser à ces adolescents avant tout. Mon humour, il n’est pas méchant, il est caustique, il n’avait pas besoin de limite, ça venait comme je le sentais.

 

 

 

 

© Dodo/Cha/Drac/Takaku chez Casterman

 

Cha : C’est de l’humour avant tout. Je trouvais ça gonflé de traiter avec humour un tel sujet. Nous ne voulions pas faire un reportage BD, il y en avait déjà ou des similaires. Par contre, cette aventure humoristique au-dessus de la thématique dure nous permettait d’amener quelque chose de nouveau dans le spectre des ouvrages traitant des départs en Syrie.

Justement, comment êtes-vous entrées en collision avec cette thématique qui hante nos actualités depuis un bout de temps déjà.

Cha : Entrer en collision, c’est le mot. C’est avec les événements de Charlie Hebdo que c’est devenu très concret. Je n’aurais jamais pensé faire une BD là-dessus. Du coup, pour recréer ces décors, pour capter ces ambiances, j’ai regardé énormément de documentaires. Je voulais que les gens que nos héros fréquenteraient dans la rue soient au plus près de la réalité. Je voulais savoir comment se passait leur vie.

Après, pour documenter tout ça, j’ai ingurgité tant de vidéos, d’images… et forcément des choses beaucoup moins plaisantes quand on s’intéresse à Raqqa : des décapitations, etc.

 

 

 

 

© Dodo/Cha/Drac/Takaku chez Casterman

 

Une violence qui, si elle est présente et sous-entendue, n’est pas représentée.

Cha : Oui, il s’agissait de suggérer plus que de montrer, ne pas être gore, ne pas faire dans la violence inacceptable. Avec Dodo, on s’est vraiment bien entendue, aussi lorsqu’il a fallu établir le pré-découpage. Dodo a aussi beaucoup documenté la maison des femmes et a pas mal utilisé le livre d’une dame partie en Syrie et qui en est revenue difficilement… mais revenue quand même. Tout cela a parsemé le récit.

 

 

 

 

© Dodo/Cha

 

Avec des choses difficiles à représenter ?

Cha : Une scène a peut-être posé plus problème que d’autres. Malgré la grosse banque d’images dont je disposais, je ne pouvais pas savoir à quoi ressembleraient la maison des femmes et la cave de celle-ci. Il restait des choses à inventer donc, j’ai essayé d’être dans la continuité, de trouver une architecture typique.

 

 

 

 

© Dodo/Cha/Drac/Takaku chez Casterman

 

Et ce trio aussi bien assorti que mal assorti composé de deux amies et d’une tante complètement barge, comment est-il né ?

Dodo : Je ne voulais pas faire une reporter qui part dans un pays pour documenter ce qu’il s’y passe. Je voulais une nana jeune et une seconde héroïne plus âgée. Après, j’ai un peu pensé, sans aucune prétention d’égaler ce qu’a fait Hergé, à Tintin et, surtout, au capitaine Haddock. Je voulais que ce personnage féminin soit complètement loufoque, foldingue.

Le troisième personnage, ça aurait pu être un homme. Mais ce fut une autre fille. Je me suis notamment servi du témoignage d’une fille partie en Syrie et qui m’a raconté son enfermement. Mon but était guidé par cette envie de montrer la vie des femmes dans ce milieu.

 

 

 

 

© Dodo/Cha/Drac/Takaku chez Casterman

 

En Syrakie, donc. Mais pourquoi avoir choisi un pays fictif ?

Dodo : Ça bouge tellement vite. Qu’allait-il se passer à Raqqa d’ici à la publication de notre livre. Choisir la Syrakie comme destination, c’était un moyen d’être intemporel de coller à l’actu sans y coller vraiment.

Finalement, vos copains de Charlie d’ici ou de l’au-delà, ils s’y seraient retrouvés dans votre aventure. Vous prouvez, si besoin était encore, qu’on peut rire de tout !

Dodo : Résolument, on peut rire de tout mais tout dépend de la façon de faire. Puis, on a vu tellement de reportages différents, on devait choisir un autre angle d’attaque.

 

 

 

 

© Dodo/Cha

 

Cha, près de deux ans et demi sont passés entre votre précédent ouvrage et Le voile noir. Qu’avez-vous fait pendant ce temps ?

Cha : J’ai travaillé pour différents magazines. Comme AAARG! avec un article illustré sur Cuba. Deux punks qui, à l’époque où le sujet était totalement méconnu, en totale ignorance, s’étaient injecté le virus du sida pour être admis dans un sanatorium et être nourris et logés. Il y a eu des histoires courtes aussi.

Puis, pour Topo, j’ai consacré un reportage de 25 pages, en compagnie de Sara Roumette encore à Cuba.

 

 

 

 

© Dodo/Roumette

 

Cuba, vos héroïnes du Voile Noir pourraient aller y faire un tour, non ?

Dodo : Pourquoi ne pas continuer avec les mêmes personnages. Même eux nous ont confié qu’ils aimeraient bien repartir. C’est Tante Alice qui nous l’a dit

Cha : Peut-être pas à Cuba, pourtant. Dodo a d’autres idées de sujets « faciles » en lien avec l’actu. Comme les réseaux de prostitution africains.

Et quels sont vos autres projets ?

Dodo : Une histoire corse, avec Glen Chapron. Un récit de 130 pages, cette fois dénué d’humour et basé sur des faits réels, dans les années 80 et avant, entendus lorsque j’étais gamine – je suis Corse. Ça parlera de mafia, de FNLC (Front de libération nationale corse), d’omerta mais aussi, et surtout, d’une jeune fille d’origine corse qui, un jour, va être prise en voiture par un homme qui va prétendre être son demi-frère. Ce qui est impossible pour elle.

Sinon, j’ai une autre histoire d’humour couillon avec Ben Radis pour Fluide Glacial. Ça s’appelle « Bienvenue sur la planète Terre » et cela conte les aventures de deux extraterrestres qui ont tout pour eux sur une superbe planète, idyllique. Problème : ils s’emmerdent et décident donc de partir faire de l’humanitaire sur une planète en détresse: … la Terre.

Cha : Je vais refaire un reportage pour Topo avec un autre journaliste sur le problème des attaques de requins à La Réunion.

Pour terminer, votre actualité immédiate, outre la sortie du Voile Noir, c’est l’exposition de ses planches au Centre Belge de la Bande Dessinée de Bruxelles (jusqu’au 4 mars).

Cha : Oui, 27 planches originales sont exposées. Ça fait du bien, mine de rien, d’autant plus que quand je réalise une planche, tout me semble brouillon. Les voir exposer, c’est aussi intimidant. Pas désagréable du tout, pourtant, ça fait plaisir.

Merci à toutes les deux et longue vie à Pauline, Gina et Tante Alice !

 

Propos recueillis par Alexis Seny

 

Titre : Le voile noir 

Récit complet

Scénario : Dodo

Dessin : Cha (Page Fb)

Couleurs : Drac, Reiko Takaku

Genre : Aventure

Éditeur : Casterman

Nbre de pages : 48

Prix : 13,95€



Publié le 19/01/2018.


Source : Bd-best

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