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Octobre 1805, la IIIème coalition déclare la guerre à la France.
La Grande Armée stationnée à Boulogne marche sur l’ennemi.
Tandis que les troupes du Feld-maréchal Mack envahissent la Bavière, Napoléon convoque son meilleur espion.
Son nom : Schulmeister.
Sa mission : déstabiliser l’état-major Autrichien.
Ses moyens : les déguisements, la désinformation et la corruption.
La bataille de Ulm est encore étudiée dans toutes les écoles de guerre. Et il est un fait aujourd’hui que Napoléon n’aurait pu remporter cette victoire avec aussi peu de perte sans l’intervention de : « L’espion de l’empereur »
Comment l’idée d’évoquer la bataille d’Ulm vous est-elle venue ?
Plus qu’une idée, c’est un vif désir qui me hante depuis l’enfance... Tout comme celle d’écrire des scénarios, d’ailleurs. D’une santé fragile, je passais le plus clair de mon temps enfermé chez moi. J’attrapais tout ce qui passait et je souffrais d’asthme… Pour éviter les crises, mon pédiatre avait suggéré à ma mère de ne garder dans ma chambre qu’un simple lit couvert d’un plastique. Adieu jouets, oreiller en plume, rideaux, tapis, meubles et jolie petite déco ! Tout avait été retiré de la pièce. Paradoxe de la vie… Pour lutter contre mon manque d’oxygène, je devais vivre cloisonné dans ma bulle !... Dans cet espace à la fois vide et clos, il ne me restait plus qu’à projeter sur les murs blancs de ma chambre le fruit de mon imagination. Et pour m’évader, outre mes leçons qu’il me fallait rattraper, je m’immergeais dans les bandes dessinées, les illustrations de Brian Knight (de mes boîtes de p’tits soldats Napoléoniens, Airfix) et les séries TV. Je regardais ces dernières sur la vielle télévision noir et blanc de mes parents. Parmi les productions Françaises, j’étais passionné par les aventures du brave « Jean Roch Coignet » capitaine de La Garde Impériale, l’ancien bagnard « Vidocq » et… « Schulmeister, l’espion de l’Empereur » ! Je me suis assez tôt plongé dans sa biographie. Le souhait d’écrire sur cet ancien hussard n’a fait que croître avec les années, jusqu’au jour où l’occasion s’est présentée. Lorsque la maison d’édition Joker m’a proposer d’éditer cette nouvelle série, il m’a semblé capital de démarrer par la prise d’Ulm. Ce haut fait d’armes est peu ou mal connu. D’autre part, cette victoire est le prélude à la bataille d’Austerlitz, qui a entraîné la chute du Saint Empire Romain Germanique… Un an seulement, après le sacre de l’Empereur.
Êtes-vous un ardent défenseur de Napoléon ?
Dans la mesure où en France on gomme son nom des programmes d’histoire, oui. Qu’on l’aime ou pas. Que l’on soit pour ou contre, il me semble indispensable de le connaître et d’apprendre aux jeunes générations ce qu’il a fait de bien ou de mal. Ainsi, ils pourront se faire une opinion par eux-mêmes. Et puis, qu’on le veuille ou non, Napoléon est l’un des artisans majeur de notre société… De l’Europe. On ne retient de lui que ses batailles, ses morts et la fin de l’abolition de l’esclavage à une époque où toute la planète s’enrichissait avec cet odieux trafic, à commencé par le roi du Dahomey. Mais il serait bon aussi de souligner tout ce que Napoléon a apporté aux peuples sous son règne, comme par exemple : le code civil, les nombreuses réformes, les grandes écoles… Ou encore le consistoire central Israélite de France en 1808. On oublie trop souvent que les ghettos juifs en Europe et Dieu sait qu’ils étaient malheureusement nombreux, ont été libéré par ce que l’on nommait à l’époque l’armée de la liberté. Certes, celle-ci était principalement composées de citoyens Français, mais elle accueillait dans ses rangs des hommes de nationalités, classes sociales et confessions différentes. C’était le cas de Hammel, Alsacien et juif, vieux compère de Schulmeister, lui-même Badois et protestant.
C’est un espion authentique, Schulmeister, qui est l’artisan de la victoire ?
Absolument, Schulmeister est un espion authentique. Il est né en août 1770 au pays de Bade, fils d’un sous-intendant d’origine Hongroise. A 15 ans, son père le fait entrer comme cadet dans les hussards. Il travaille ensuite comme secrétaire, puis dans l’agriculture et devient contrebandier. Cette dernière activité lui permettra de connaître tous les passages à gué du Rhin. Ce qui lui sera fort utile, lorsqu’il rejoindra l’armée de la Révolution sous les ordres de Savary durant les guerres contre les coalisés. A cette époque, les hussards servaient entre autre d’éclaireurs et d’observateurs, lors de missions de renseignements. En 1804, Schulmeister entre au service de Napoléon comme espion. Dire qu’il est l’unique artisan de la victoire sur l’armée Autrichienne en 1805, je ne pense pas. Chaque citoyen qui a participé à cette campagne y a contribué de prêt ou de loin. En revanche, le rôle de notre espion a été très important. Outre le fait d’informer l’Empereur sur les effectifs, les intentions et les mouvements de l’ennemi, Schulmeister a su plonger le feld-maréchal Karl Mark dans une totale confusion. Confusion qui l’a conduit à sa perte, puisque le malheureux a été enfermé dans les geôles Autrichiennes, puis condamné pour trahison !

Êtes-vous admiratif de cet espion ?
J’aime particulièrement son audace, sa vivacité d’esprit et sa santé. Durant toute la campagne, Schulmeister a parcouru de nombreux kilomètres quasiment sans repos, à l’intérieur des lignes ennemies avec des saufs conduits délivrés par les états-majors Autrichiens et Russes... L’espion de l’Empereur était parvenu à les persuader qu’il travaillait pour eux avec un aplomb troublant.
Comment vous êtes-vous documenté ?
J’ai procédé de la même manière que pour mes autres séries de genre historique (« Le chant des Elfes », « Antichristus », « Confessions d’un Templier » et « Cathares »). J’ai dévoré des dizaines d’ouvrages pendant plusieurs années sur le 1er Empire Français, la Grande armée et les coalisés. J’ai creusé mes recherches en étudiant l’uniformologie, la vie, la situation économique et politique de l’époque. Puis, j’ai superposé la chronologie des évènements, les correspondances de l’Empereur et les actions de Schulmeister. En recoupant toutes ces informations, il ne me restait plus qu’à reprendre le cours des évènements et romancer légèrement le récit en utilisant les zones d’ombres de l’histoire.
Respectez-vous rigoureusement la vérité historique ?
Je dois vous faire un aveu… Je me suis permis deux petits écarts : La ravissante Katel Rippman n’a jamais accompagné son père. Elle a été inventé de toute pièce, afin d’apporter une touche féminine à ce monde de brutes. Quand au nom de la gazette de Stuttgarth, il a été imaginé. Notez que le faux journal a bel et bien été rédigé et mis en circulation par Schulmeister. Tout le reste respecte rigoureusement la vérité historique. Il faut dire que je prends un réel plaisir à raconter notre histoire en utilisant la bande dessinée comme support.
Le découpage est très soigné. Où avez-vous appris à prévoir les superbes plans panoramiques qu’on voit dans l’album ?
Merci ! … Les plans panoramiques que l’on voit dans « L’espion de l’Empereur » viennent en grade partie du cinéma. C’est aussi le fruit de plusieurs années de réflexion, d’une longue pratique du 9ème art et d’échanges avec mes différents collaborateurs. Le scénariste est une éponge… Dans le bon sens du terme, entendons-nous bien. ;)
Le premier à m’avoir surpris avec la gestion des plans panoramiques et les grandes batailles est mon ami Mike Ratera, avec « Le chant des elfes ». Professeur de bande dessinée, mon Catalan préféré œuvre dans le comics aux États-Unis depuis des années. Il a su digérer ce type de narration et l’appliquer à la BD Franco-Belge.
Nous sommes dans l’aire de l’image. Bande dessinée et cinéma sont très proches… De plus en plus. Les vues panoramiques apportent le dynamisme nécessaire pour combler le manque de mouvement par l’absence de caméra.
C’est un choix que nous avons fait avec Mike Ratera, puis par la suite avec Vladimir Aleksic (« Antichristus) et Fabio Bono (« Confessions d’un Templier » et « Cathares »).
Comment s’est passée votre collaboration avec le dessinateur Slavkovic ?
Merveilleusement bien ! Sibin est un réel professionnel, très à l’écoute. Il n’en est pas à sa première bande dessinée. Il a œuvré avec le grand Hermann pour la BD Franco-Belge, le fumetti chez Bonelli et le comics avec Tarzan. Notre rencontre s’est faite par l’entremise de son agent, Csaba Kopeczki. Nous travaillons ensemble depuis des années avec toujours le même plaisir et une confiance absolue. Je lui ai demandé s’il avait un dessinateur intéressé par le 1er Empire. Il m’a parlé de l’excellent Sibin. Il n’a pas fallu longtemps pour que je tombe sous le charme de ses planches. Le fait que nous ne parlons pas la même langue n’a pas été un frein à notre collaboration. Csaba lui a traduit le scénario en Serbe et nous avons communiqué en anglais. En revanche, nous ne nous sommes jamais rencontré tout au long de la réalisation de l’album. Héloïse Dautricourt a assuré le suivi du tome 1 pour les éditions Joker avec une grande attention, des conseils avisées et beaucoup de professionnalisme. Toutes les planches encrées en noir et blanc ont été déposées sur le serveur ftp de l’éditeur. Il ne restait plus qu’à Véronique Gourdin de les coloriser avec le talent que nous lui connaissons.
Les scènes de bataille sont impressionnantes. Avez-vous fait appel à des spécialistes pour les reconstituer ?
Je dois vous faire un aveu… Si ces batailles ont bien eu lieu, certaines scènes ne sont pas toujours réalistes. La raison est simple. J’ai utilisé des astuces de narration dans mes albums précédents pour servir le récit. Exemple : la double planche 10-11 se lie de haut en bas et de droite à gauche, mais ce n’est pas uniquement pour des raisons esthétiques. Cela m’a permis de raconter cette affaire en un minimum de page. Et ce, afin de conserver un bon rythme, éviter les lourdeurs, tout en offrant une scène spectaculaire au lecteur. D’autre part, en procédant ainsi, j’ai pu gagné entre 4 à 6 planches pour permettre à notre espion d’accomplir sa mission en 46 pages. Concernant les uniformes, lorsqu’il y avait un doute, j’ai fait appel à des amis historiens ainsi qu’à des reconstituteurs.
Votre espion n’est guère sympathique. Est-ce voulu ?
Schulmeister est avant tout un soldat qui obéit aux ordres de Napoléon. S’il n’est guère sympathique, c’est parce qu’il ne nous dévoile pas ses émotions. Autant dire qu’il a déposé ses états d’âmes au vestiaire. La guerre ne laisse pas de place aux sentiments. Je souhaitais créer un personnage froid, méthodique et efficace, sans le moindre obstacle interne. Vous aurez cependant noté que notre héros ne se bat pas une seule fois. A aucun moment il utilise une arme. Et lorsqu’on lui donne le droit de tuer un adversaire, il préfère l’épargner et l’utiliser à ses fins plutôt que de l’abattre. Ce qui est plutôt sympathique, non ?
En effet. Quels sont vos projets ?
En 2012, j’ai diversifié les expériences et travaillé sur des supports différents. Tout en avançant sur « Cathares et « L’espion de l’Empereur », j’ai collaboré avec un orchestre philharmonique (« Première ! », concert de musiques de films avec l’Azur symphonic orchestra), ainsi que Philippe Peythieu et Véronique Augereau (les doublures voix Françaises des « Simpson ») ; dirigé une petite collection de roman avec notamment la collaboration du comédien Jean-Claude Dreyfus ("Les 13 crimes de Théodem Falls", Anthony-Luc Douzet, éditions Physalis) ; et répondu à des commandes de scénarios pour l’audiovisuel (26’ et 50’ policier)…
2013 et 2014 s’annoncent tout aussi riche, puisque le tome 2 de « L’espion de l’Empereur » devrait paraître, ainsi que deux superbes albums de genre historique chez Glénat. Quatre autres projets vont très prochainement être présentés aux éditeurs. D’autre part, j’ai promis à l’excellent Nicolas Duval (réalisateur du court-métrage « Peter », l’adaptation de « Peter Pan » de Loisel) de réécrire l’un de ses scripts ; et une maison de production m’a confié le scénario d’un film d’animation... Plus quelques petites surprises, parce que je suis un boulimique de travail et curieux de tout ! ^_^
Merci à Graphivore pour avoir eu la gentillesse de m’accorder cette interview. Bonne continuation et à bientôt !
Propos recueillis par Marc Bauloye
Interview © Graphivore-Bauloye 2012
Images © Joker éditions 2012
Photo © Jean-Jacques Procureur
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