Entretien avec Christian ARNAU, directeur des études de l'EMCA à Angoulême
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Entretien avec Christian ARNAU, directeur des études de l'EMCA à Angoulême

Si on vous dit les studios Ghibli ou Pixar, le commun des mortels arrive à situer dans la galaxie de l'animation et du dessin animé, L'EMCA un peu moins...pourtant, cette école de l'animation et du cinéma est un des fleurons français du pôle image d'Angoulême au même titre que l'EESI ou l'ENJIM. 
Ouverte depuis 1999, cette école sélective peut s'enorgueillir d'avoir formé des centaines de techniciens de l'image, alliant savoir-faire technique et créativité de tous les instants, dans un cursus scolaire exigeant mais logique dans sa démarche professionnelle. Ecole consulaire intégré dans le pôle image d'Angoulême, mais aussi présente pour le festival BD d'Angoulême chaque année.
Rencontre donc avec Christian Arnau, directeur des études de l'EMCA, pour nous expliquer les choix créatifs de cette école, mais aussi, plus généralement, les bouleversements actuels et techniques du monde de l'animation.

Avec l'entretien de Gilles Ciment, je me suis rendu compte de l'importance des écoles de l'image à Angoulême.

Ce qui s’est mis en place, c’est un véritable Campus de l'Image avec des écoles complémentaires, comme une école d’art, avec un master bandes-dessinées, une école du documentaire de création, une école du jeu vidéo, des écoles d'animation...

D'ailleurs, l'EMCA, c'est une école publique ou privée?

C'est une école au statut consulaire, qui dépend d'une chambre de commerce, qui fonctionne avec des fonds publics ; en gros, les étudiants coûtent plus cher qu'ils ne rapportent, c'est un statut hybride avec, anciennement, des taxes d'apprentissage, des subventions étatiques qui venaient alimenter le budget de l'école. Nous, on dépend principalement de la CCI, c'est eux qui prennent en charge les apprentis.

Moi, personnellement, je suis chargé des études et de l'enseignement.

Votre formation est-elle reconnue comme diplôme d'état?.

Oui, mais on n’est pas dans une logique de diplômes universitaires mais de titres de certification professionnelle avec un principe d’ équivalence, bac plus 2, bientôt bac plus 3 et Master les années prochaines. On reste une formation professionnalisante d'abord.

La plupart du temps, nos étudiants ont déjà fait des études dans le champ artistique; ils viennent chez nous, car ils aspirent à une formation plus technique. Ils se tournent donc vers nous car à l'EMCA, on peut préserver ou développer une forme de créativité et il y a aussi une dimension technique forte dans les études ; les étudiants qui sortent de l'EMCA savent bosser. On accueille aussi des gens par équivalence, des gens qui ont des licences ou des maîtrises.

On a donc des profils non-homogènes dans nos groupes de travail, des étudiants aux parcours divers.

 

Ce qui fait aussi la force de votre école, c'est que vous pouvez fournir du matériel technique performant à vos élèves.

Oui, grâce à l’infrastructure CCI. C'est la mission initiale de notre école, former de la main-d'oeuvre, allier ainsi création et technique. Nos enseignants sont des professionnels en activité et nous informent ainsi des nouvelles technologies sur le marché.

On réfléchit aussi beaucoup au sens donné aux images, à la créativité, on responsabilise les étudiants dans le processus de conception des films.

Et donc, vous faites partie du pôle image d'Angoulême?

Effectivement et l'on peut dire que le pôle Image a beaucoup changé la ville d'Angoulême, tout l'urbanisme d'Angoulême a ainsi évolué grâce à la création de structures culturelles ou scolaires. On a créé aussi des synergies entre écoles de l'image, avec des cours communs, des conférences communes ; on n'est pas concurrents donc on peut développer aisément des liaisons entre nous.

Ce que l'on peut remarquer, c'est que maintenant, la ville d'Angoulême n'existe pas seulement lors du festival BD fin janvier, mais grâce à d'autres lieux culturels ou d'écoles comme nous qui sont reconnus à travers toute la France par les professionnels. On a ainsi "réveillé" cette ville grâce à nos projets culturels, on a redynamisé cette ville avec notre pôle Image, dans les relations centre historique-périphérie notamment.

 

 

 

 


Et êtes-vous surpris par la créativité de vos étudiants? De l'originalité des sujets?

Je vous invite à regarder pour cela les films d'animation de nos étudiants. On a à peu près chaque année 400 demandes pour 40 places et nos étudiants sont attirés par nous car ils savent qu'ils pourront apprendre des techniques et développer aussi leur sens créatif. Ils sont libres dans leur créativité.

Pour les thématiques des films, on a de grandes tendances depuis quelques années comme dans le cinéma, il y a, par exemple, des fictions liées au viral, tout ce qui est genre et confusion des genres, le post-human, les bio-technologies, et l’amour aussi …

Des étudiants continuent leurs études après leur passage à l'EMCA? Comme aux Gobelins par exemple?

Oui certains vont aux Gobelins pour une année ou 2, mais la plupart travaillent après leur sortie de l'école, d'autres vont à l'étranger que ce soit en Europe, au Japon ou aux Etats-Unis. Pour les Gobelins, les studios américains cherchent la "French touch", une certaine virtuosité et un style nourri de culture européenne mais inscrits dans une logique spectaculaire hollywoodienne.

Nos films seront plutôt attentifs à toutes les cultures du monde et à la justesse d’un langage plastique par rapport au sens du récit. Notre travail est en constante évolution grâce à nos collaborateurs extérieurs, on est ouvert aussi à divers champs d'expérimentation, le cinéma documentaire par exemple, on a fait aussi des ateliers d'animation en prison, on n'est pas fermé au monde bien sûr. Nous travaillons avec le festival Musiques Métisses, lieu de métissage culturel plus que jamais nécessaire, on a fait leur teaser car on est d'accord avec l'esprit de ce festival ; il faut donc une forme de cohérence éthique avec les propositions extérieures, on n'est pas prestataires de services.

Le projet inaugural de l'EMCA en 1999, c'était d'abord de ne surtout pas former des artistes mais d'abord des techniciens, des "petites mains" ; mais lors de ma venue dans cette école, en tant que directeur des études, j'ai développé cette idée de faire réaliser à nos étudiants leurs propres films d'animation. et ces films ont été assez rapidement récompensés à des festivals, ce qui a permis une grande visibilité à notre école et l’épanouissement de son identité.

Vous faites venir des invités extérieurs dans votre école?

Nous avons accueilli Takahata, Raoul Servais, Jean-François Laguionie, bientôt Michaël Dudok De Wit, des créateurs essentiels dans cette forme de cinéma. Cette attention aux auteurs a accompagné, depuis les années 2000,  l'émergence et la reconnaissance des films d'animation comme ceux de Miyazaki.

Vous seriez prêt à collaborer avec un studio d'animation?

Encore une fois, je vous le dis, on n'est pas des prestataires de service et on ne souhaite pas le devenir. Cela fait partie de notre déontologie, nous ne faisons jamais un travail qui devrait être confié à un studio ; quand nous travaillons avec des studios, les étudiants sont payés au prix du marché et les projets sont pensés spécifiquement pour l’école.

 

 

 

 


Comme pour Gilles Ciment, avez-vous subi des pressions des politiques locaux?

Non fort heureusement. Il y a suffisamment de filtres hiérarchiques pour que l'on ne nous impose rien. On dépend essentiellement de la CCI. A l'EMCA, on a pu travailler librement dès le départ, puisqu’il y a eu une reconnaissance internationale rapide à travers les films et les prix obtenus dans les festivals.

Vous êtes présent, chaque année, au festival BD d'Angoulême.

Oui, nous sommes présents  au salon "Jeune talent" où nous tenons un stand, nous présentons nos films et les étudiants animent des ateliers d'initiation aux techniques de l’animation.

 

Propos recuillis par Dominiques Vergnes

Photos : D. Vergnes.

 

 



Publié le 23/03/2015.


Source : Bd-best

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