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“Avec Hell School, on a de quoi développer tout un univers, mais on veut aussi garder une “simplicité positive” qui permet de rentrer directement dans l'histoire.”
Vive la rentrée ! Pourtant, l'Institut de l'Excellence où se retrouvent Hina, Bastien, Boris et Valérie, sous son vernis élitiste, semble cacher de biens sombres secrets, et face à sa dureté les quatre ados gagnent très vite une réputation de rebelles, devenant par là les cibles de la cruauté de certains de leurs condisciples et les bêtes noires de l'inquiétante direction de l'établissement. Après les ensorcelants Démons d'Alexia (Dupuis), Benoît Ers et Vincent Dugomier associent à nouveaux leurs talents et un dessin semi-réaliste “gentil” à un solide scénario de thriller pour Hell School, dont Rituels, le premier et formidable album, vient de sortir. Exit le fantastique, mais beaucoup de mystères et de suspense qui se révèlent vite addictifs ! Et le retour, pour les auteurs, au Lombard, où ils avaient déjà signé, pour un public plus jeune, Muriel et Boulon. Les inscriptions sont ouvertes à l'Institut de l'Excellence, visite guidée avec les deux profs principaux (mais sympas, ceux-là !) Vincent Dugomier (scénario) et Benoît Ers (dessin).
Bonjour Vincent, bonjour Benoît. Rituels, le premier album d'Hell School vient de sortir, que ressentez-vous au moment de ce démarrage d'une nouvelle série?
Vincent Dugomier : Je suis toujours content à la sortie d'un album. Ici il s'agit d'une nouvelle série, je suis quand même un peu inquiet. J'ai envie que ça plaise aux lecteurs, que ça marche... Mais le plaisir de la sortie passe un peu au-dessus. Les premiers retours sont positifs, ceux qui ont découvert Hell School avec Rituels ont envie de connaître la suite, l'éditeur est enthousiaste, donc c'est positif !
Benoît Ers : De l'appréhension...En fait, l'accueil qui sera fait à la série déterminera son succès ou non. Du coup, les dés sont jetés et roulent. L'air de rien, un nouveau projet comme celui-ci représente plus d'un an de travail. C'est un sacré investissement, tant au point de vue temps qu'au point de vue émotionnel.
Revenir au Lombard après Muriel et Boulon représente-t-il quelque chose de particulier ?
B E : Oui et non. Le Lombard a bien changé depuis cette époque.A la fois, l'identité reste la même, mais les équipes ont complètement changé. C'est le Lombard, et c'est plus le Lombard. A choisir entre l'ancien et le nouveau... Huuum... Le nouveau !!!
V D : Il y a beaucoup plus de monde aujourd'hui qu'à l'époque de Muriel et Boulon. Aujourd'hui il y a des graphistes qui s'occupent de la maquette de l'album, ce qui n'était pas le cas alors. Les équipes sont différentes, mais nous travaillons avec des gens dynamiques et sympas, et le catalogue du Lombard s'est ouvert et étoffé, c'est une bonne chose.
Chair humaine, le dernier album des Démons d'Alexia était très différent des précédents. Il se déroulait sur une île. Hell School se déroule aussi sur une île. S'agissait-il d'une sorte de transition ?
V D : C'est drôle, au départ je ne m'en étais pas rendu compte. Il y a d'ailleurs deux albums d'Alexia qui se déroulent sur une île... J'aime bien ça, ce type de lieu. Ca fonctionne bien pour un thriller, un polar. Mais Hell School est complètement différent des Démons d'Alexia, il était exclu d'en faire une sorte de réécriture.
Comment fait-on pour entamer une nouvelle série après un projet aussi élaboré qu'Alexia ? Est-ce difficile ?
B E : En faisant une autre série élaborée ? Aussi élaborée, mais plus simple !
La simplicité étant en fait une difficulté pour celui qui la cherche. Alexia était une série très ambitieuse et complexe... Trop, en fait, et le nouveau lecteur éprouvait des difficultés à prendre le train en marche. Du coup, le lectorat était très fidèle, mais ne s'étendait pas.Ici, il y aura un cycle de trois albums POINT. Le lecteur sait exactement à quoi s'en tenir.
Et si un nouveau cycle doit voir le jour, il y aura un vrai nouveau départ, permettant l'embarquement, sans obliger à une lecture complète et attentive de tous les albums précédents.
V D : Difficile, oui et non... En fait, j'ai commencé à travailler sur Hell School à la fin du sixième tome d'Alexia. Je ne sais pas si c'est difficile, mais ça a demandé beaucoup de travail. On savait qu'un éditeur était attentif à ce que nous faisions car il avait apprécié la série qui se terminait et c'était déjà encourageant, même si pour nous ça a été dur d'accepter la “mise en vacances” de notre sorcière exorciste.
Contrairement à Alexia, Hell School met en scène un groupe de personnages principaux. Quatre "premiers rôles" à animer entraîne-t-il une manière différente de travailler ?
B E : Point de vue dessin, j'ai complètement changé de processus. Ici, le dessin est informatique. Maintenant, une case de BD doit raconter une histoire. Le travail se fait plus au niveau du scénario.Il faut montrer cinq, sis personnages ? Ok, on les montre !... Comme on les montrait dans Alexia quand il le fallait. C'est l'histoire qui décide. Le dessin s'adapte, c'est tout.
V D : La couverture de Rituels peut laisser penser qu'Hina occupe plus de place, mais au centre de Hell School, c'est bien un groupe de personnages, comme on le voit au dos de l'album. Ce n'est pas toujours simple, mais parfois ça facilite les choses et ça rend le récit plus dynamique. Dans les démons d'Alexia, il arrivait parfois que l'héroïne, seule, réfléchisse pendant deux pages. Ici, l'interaction de personnages plus nombreux permet de livrer beaucoup plus d'éléments. Chacun dit quelque chose ou intervient, et en quelques cases, l'histoire a bien avancé. Le tome 2 tournera peut-être plus autour de l'un de ces personnages, mais ce sera toujours l'histoire de ces quatre enfants, Hina, Boris, Bastien et Valérie, en rebellion contre une école très particulière.
En lisant l'album, je me disais que la base même de l'histoire, c'était la manipulation...
V D : Oui, on peut peut-être imaginer cela. Mais pourquoi ? Jusqu'où et dans quel but ? Dans ce cas tous les personnages sont embarqués dans le jeu. Peut-être même que le directeur est complice de quelque chose... En tous cas, je pense qu'Hell School a quelque chose de plus direct dans sa narration. Il n'y a pas de parapsychologie dans cette nouvelle série. Le genre devait être déterminé dès le départ et changer d'orientation en cours de route serait tromper le lecteur.
Pensez-vous avoir créé tous les deux une forme de "thriller tous publics" ?
B E : Avoir essayé, oui ! Y être arrivé, ça, c'est au lecteur de décider. L'avenir nous le dira ! VD : C'est difficile de répondre à ça. Il y a aussi une série comme “Seuls”... Je pense que nous racontons ce que l'on a envie de raconter et qu'on ne se pose pas vraiment la question. Le scénario relève du thriller, mais le dessin reste plus sympathique, ou humoristique. Personnellement, je crois qu'il y a toujours un peu l'influence de Gil jourdan, qui constitue une de mes références.
Vous aviez développé tout un univers autour des Démons d'Alexia, à travers son site, des “dossiers” mystérieux... Envisagez-vous la même chose pour Hell School ?
V D : Non. Hell School veut rester plus simple. Tout ce développement d'Alexia était excitant, il y avait un aspect laboratoire, mais on s'est rendus compte que ça devenait une série pour des spécialistes, qui, quelque part, devenait trop riche. Et le fantastique permettait de partir un peu dans tous les sens. Ces dossiers, c'était aussi pour moi un clin d'oeil à l'incroyable introduction de l'album de Blueberry “Balade pour un cercueil”, un truc qui m'a vraiment fait rêver mais qui, derrière sa façade très réaliste, était complètement bidon ! A un moment donné, en continuant dans cette voie, on allait perdre nos balises. Tout était possible, même...trop possible. Avec Hell School, on a de quoi développer tout un univers, mais on veut aussi garder une “simplicité positive” qui permet de rentrer directement dans l'histoire.
Vous citiez la série “Seuls”. Je me souviens d'avoir lu une interview de son scénariste, Fabien Vehlmann, qui répondait à une question quant à la violence de la série, en conseillant au journaliste d'aller voir ce qui peut se passer quotidiennement dans une cour de récré. C'est une comparaison à laquelle vous adhérez ?
V D : Ah oui, j'ai deux adolescents à la maison et s'ils ne parlent heureusement pas de morts à l'école, je suis toujours assez surpris par leur manière de s'exprimer ! Mais j'en tiens compte pour mes dialogues et il n'y a pas d'auto-censure. Les héros de Hell School sont de leur temps. Ce serait plus difficile de faire intégrer ça à une série qui aurait 30 ans... Quand j'ai découvert les Nombrils, j'ai trouvé que les personnages étaient, entre eux, d'une terrible méchanceté. Mais quand ma fille m'a dit “mais Papa ça se passe comme ça !”, je me suis incliné !
Comment s'est construite la "patte" de Benoît Ers ?
B E : Super lentement, et avec beaucoup de travail. J'ai été initié à la BD par mon grand cousin Olivier Saive, mais très vite, nos dessins ont pris des voies différentes. A partir de ce moment là, je suis devenu pur autodidacte.Je n'ai jamais été un virtuose, du coup, tout s'est fait lentement, par essais et sélections. Muriel et Boulon m'a longtemps bloqué. Le style était trop figé, formaté, et ne permettait pas d'évolution.A partir d'Alexia, il a été en constante progression.J'aimerais pouvoir refaire un nouveau saut, comme celui que j'ai fait entre Muriel et Boulon et Alexia, mais cela demande une vraie remise en question, et ma vie avance un peu trop vite pour me le permettre dans l'immédiat.
Benoît, pouvez-vous déjà nous dire quelques mots au sujet de votre autre projet en cours "Tueurs de Mamans" ?
B E : Zidrou au scénario d'un autre thriller. Plus dur. Hell school est un thriller psychologique et résolument tout public, Tueurs de mamans un thriller pur et très dur.
Le pari point de vue dessin est un peu le même que sur Alexia : raconter une histoire très violente avec un dessin gentil et rond. Avec Alexia, le concept était passé de justesse, reste à voir si ce sera le cas avec “Tueurs de Mamans”. Je suis personnellement mal placé pour juger, mais Zidrou et Benoît Fripiat, mon éditeur chez Dupuis y croient dur comme fer. En tout cas, Ludo Borecki (qui participe au dessin) et moi-même avons donné le meilleur. Et franchement, Zidrou a assuré !
Propos recueillis par Pierre Burssens
Photos Jean-Jacques Procureur
Images © Lombard 2013
Interview © Graphivore-Burssens 2013
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