Entretien avec Ers et Zidrou (Tueurs de Mamans)
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Béatriz, Marie, Valentine, Kom Piu et Toronto sont cinq ados qui se retrouvent régulièrement dans leur cachette secrète : la chapelle désaffectée de leur école. Ce qui les a rapprochées, c'est une caractéristique commune : l'absence de père à la maison. Du coup, même si elles adorent leurs mères, elles ont, comme tout ado qui se respecte, des tonnes de reproches à leur faire. Un jour, elles tombent par hasard sur un site de "punisseurs" qui propose de châtier les parents pas cool. Par jeu, elles passent commande. Le jeu tourne au cauchemar quand les punitions commencent vraiment à arriver, de la plus anodine à la plus grave... Après la belle découverte d'Hell School sur un scénario de Vincent Dugomier au Lombard, c'est sous l'étiquette Dupuis que l'on retrouver Benoît Ers, secondé poar Ludo Borecki pour mettre en images un scénario noir de noir signé Zidrou. Castigo ne fait pas dans la dentelle, les auteurs de Tueurs de Mamans non plus, et encore une fois, on imagine qu'un dessin « gentil » permet de créer une nécessaire distance face à un sujet susceptible de générer quelques nuits blanches...ou alors ne serait-ce pas plutôt un moyen de le rendre encore plus terrifiant ? Frissons partagés (séparément) avec Benoît Ers et Benoît Drousie (Zidrou) sans leurs cagoules de tueurs de mamans...

ENTRETIEN AVEC BENOIT ERS

-Bonjour Benoît, Tueurs de Mamans, pour vous, ça a démarré comment ?

 Très simplement. Apprenant la fin prochaine d'Alexia, j'ai envoyé un mail à Zidrou pour lui demander s'il n'avait pas pour moi un projet clef sur porte avec un tirage minimum de 350000. (Gag référentiel à une animation du journal Spirou).Je n'ai pas eu de réponses de sa part. Bah. Tant pis ! C'est plus d'une semaine après que j'apprends par hasard via mon éditeur que je suis le dessinateur officiel de Tueurs de mamans. Zidrou m'a avoué plus tard que pour lui, c'était tellement évident, qu'il en a placé le projet... En oubliant de me prévenir...

-Les Démons d'Alexia, Hell School, Tueurs de Mamans, ça fait beaucoup de personnages d'adolescentes, comment faites-vous pour vous renouveler ?

Je ne me suis jamais posé la question. De toute façon, je dessine mieux les femmes que les hommes. Sans doute, mes scénaristes l'ont-ils senti...


-Ici, il y a aussi chaque fois le tandem fille-maman, cela présentait-il une difficulté supplémentaire ?

Oui. Il fallait dans une certaine mesure que les filles (pas toutes, mais quand même) ressemblent à leur mère. Ca renforce le discours. Le lien de parenté devait être visuellement évident, mais il ne fallait pas que la ressemblance nuise à la lecture en faisant que le lecteur confonde les personnages. Un fameux défi pour moi. Dans ce type de graphisme, il n'est pas toujours évident de doser l'âge d'un visage. En plus, les mères devaient rester jeunes et surtout pas ringardes, ce qui aurait créé une trop grande distance entre elles et leurs filles.


-Tueurs de Mamans est sans doute le sujet le plus noir que vous ayez traité. L'avez-vous abordé différemment de vos séries précédentes ?

Je me suis posé la question de savoir si mon dessin n'était pas trop gentil pour aborder un tel sujet.Le problème avait déjà été abordé à propos d'Alexia. Mais je crois qu'en fait, il contribue à rendre l'album "digeste". Un graphisme plus dur aurait rendu ce diptyque franchement insuportable. Mon dessin jeunesse adoucit le propos tout en lui gardant sa pertinence. Donc non, En accord avec Zidrou et l'éditeur, je n'ai rien changé. Reste à voir si le lecteur va suivre.

 

 

 

 


 

-Le choix du déguisement du "père fouettard" de Castigo, Ers ou Zidrou ?

Très difficile à trouver. Il fallait un fin dosage qui ressemble à un père fouettard, suffisamment ridicule pour pouvoir passer en rue sans effrayer les gens, et suffisamment inquiétant pour remplir son rôle. C'est Ludo Borecki ( avec lequel je réalise le dessin sur cet album) qui a trouvé l'idée. Il ne restait plus qu'à l'affiner, ce que nous avons fait tous ensemble.

 

-Ca renvoit aussi à pas mal de BD classiques dans lesquelles le "mauvais" est masqué et déguisé...

Et de films aussi !

 

-Comment s'est établie votre collaboration avec Ludo Borecki ?

Nous travaillons en atelier. (Neuf auteurs en tout) Son bureau est à deux mètres du mien. Donc, lorsque j'ai émis la crainte de ne pas savoir tenir mes délais, il s'est naturellement proposé pour m'aider.

 

-Et qui fait quoi sur Tueurs de Mamans ?

Je m'occupe du story board, et de la finition (surtout les visages) pour que l'album garde ma patte. Pour le reste c'est un ping-pong permanent.

-Côté couleurs, ce sont aussi les retrouvailles avec Scarlett Smulkowski...

Pas des retrouvailles! Nous n'avons jamais cessé de travailler ensemble. Pour le lecteur, Hell school est venu s'intercaler entre, mais dans ma réalité, tout s'est fait en parallèle.

 

-La maquette de la couverture de l'album est très particulière : un gros plan, le titre de la série, pas de titre d'album (ou de cycle) et pas de noms d'auteurs, pourquoi ce choix ?

Pour interpeller. Visiblement, ça marche !

 

-"Castigo", un premier album ou un premier cycle ?

Comme toujours à l'heure actuelle : On verra les ventes. Mais Zidrou sait où aller sur le second cycle.

 

ENTRETIEN AVEC ZIDROU

 

-Bonjour Benoît (Zidrou), Comment est née l'idée de Tueurs de Mamans ?

Je ne sais plus. J'ai tellement d'idées! Du titre sans doute. Plus explicite que ça, tu meurs ! 

 

-J'ai eu l'impression de retrouver, dans un côté "inexorable" à partir du moment où le contrat est lancé, quelque chose de ProTECTO. Cette forme de "destin" où tout semble écrit mais qui, heureusement, peut quand même, par la grâce du scénario, être modifié...

Sans doute parce qu'il s'agit du même scénariste? J'ai mes "obsessions thématiques", je ne le sais que trop. Enfin! Ici, au moins, il n'y a pas de bébé mort ou menacé de mort!

 

-Pour Tueurs de mamans, toute l'action se déroule sur un délai très court. Une formule pour faire monter encore plus la tension ?

 En fait cela se déroule sur plusieurs semaines mais comme c'est plutôt bien monté...

Sinon, je ne réfléchis pas à ça; j'écris comme ça me vient.

 

-Il y a beaucoup de références, ou de clins d'œil dans Tueurs de Mamans. Le groupe de personnages principaux est un peu constitué de la même manière que celui de Seuls, et un album  de cette série apparaît dans une case. Or, dans Seuls, les gosses se retrouvent perdus, sans parents, et ici on est face à des adolescentes qui, d'une certaine manière, voudraient se débarrasser de leurs mamans...

Ce n'est pas fait exprès. La référence visuelle est due aux dessinateurs, pas à moi. En fait, je n'ai lu que deux albums de SEULS. Mes gosses sont fans. Et mon épouse.

Moi, je lis très très peu de bébés, a fortiori jeunesse. Ou alors, il s'agit de bédés "pointues", très originales, histoire de me donner des coups de pied au cul. Le marchand de frites ne se ressert pas une assiette de frites le soir, à la maison!

Pour "Tueurs de Mamans", nous avons la chance de ne pas être publiés dans SPIROU. Cela nous permet d'aller plus loin dans le côté "thriller pour ados", comme vous le constaterez dès le volume deux. 

 

-Vous étiez catalogué "humour" (à l'exception de ProTECTO), vous abordez de plus en plus de sujets réalistes ou sociétaux. Est-ce une manière d'élargir votre registre ou, plus loin, un désir de vous exprimer sur telle ou telle problématique ?

Ah mais moi, j'ai toujours voulu faire cela! Ce sont les autres - les éditeurs essentiellement - qui ne m'avaient que trop rarement donné l'opportunité de montrer l'immmmmmmmmmense étendue de mon talent. Combien de "l" à "talent"? Le scénario du "Beau Voyage" par exemple a été écrit il y a 12 ans. 12 ans!  Heureusement que je suis un garçon persévérant! Enfin! Là, c'est bon, je crois que les gens ont compris que j'avais plus d'une corde à mon arc. Et encore, ils n'ont pas tout vu!

 

 

 

 


 

-Pour Tueurs de Mamans, c'est la révolte adolescente, un climat de violence et les dérives d'internet ?

Tout est "dérive" aujourd'hui, à croire les gentils médias. Et il n'y a rien de mieux qu'un ancien ado (comprenez un adulte) pour stigmatiser le quotidien (culturel et autre) d'un ado. "Le péril jeune", "La jeunesse désœuvrée", "Les méfaits de l'alcool auprès des ados", "Les périls du sexe"... voilà des sujets qui semblent ne jamais se démoder. J'ai 51 ans et, croyez-moi, j'en aurai déjà entendus des prédicateurs, des oiseaux de mauvaises augures! Je ne dénonce rien. Pas dans cette bédé-là en tout cas. Internet, c'est génial (la preuve!). J'adore les ados. Je suis jaloux, parfois, de leurs révoltes. Et la violence, ben... je prône beaucoup plus de sexe et le problème sera résolu!

 

-Et à travers le groupe de filles, il y a aussi le sujet (sensible) du port du voile avec Anggun, le handicap avec Beatriz et on pourrait même évoquer l'homosexualité avec la maman de Toronto...

J'en fais peut-être trop, là, en fait. Le voile n'est en rien un problème sensible. Tout dépend de votre lieu de naissance. Ma grand-mère portait le foulard quand elle sortait en ville ou à la messe. Et tout le monde trouvait ça normal. Là n'est pas le problème. 

Beatriz; il me fallait une ado marquée dans sa chair. Ça a failli être une tache de vin. Mais avec le handicap que j'ai choisi, la symbolique est plus forte et le sentiment de culpabilité éventuelle de la mère plus crédible. L'homosexualité n'est plus un problème qu'en France. Pour moi, c'est juste un ressort dramatique de plus... et cela justifie le "s" à "Tueurs de MamanS". Je le répète, j'ai juste cherché à faire un chouette thriller pour ados, disons, de 11 à 16 ans. C'est tout. 

 

-Tueurs de Mamans est annoncé comme un diptyque. Un premier cycle ou un seul diptyque ?

Ah non! J'ai déjà en tête le deuxième diptyque. Vous noterez que j'ai écrit "deuxième" et pas "second"! Car j'espère bien en vendre des palettes! 

Le cycle 2 devrait sortir en 2015, à un rythme rapproché comme pour les volumes 1 et 2 qui sortent à une mois d'intervalle.

 

Bonne lecture à tous! Et... me maudissez jamais votre mère!

 

 

 

Propos recueillis par Pierre Burssens

 

Photos : Jean-Jacques Procureur

Interview © Graphivore-Burssens 2013

Images © Dupuis 2013





Publié le 03/06/2013.


Source : Graphivore

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