Entretien avec Gilson
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Entretien avec Gilson

Gilson est connu pour avoir collaboré à plusieurs albums collectifs avec et autour de François Walthéry. Sa carrière est loin de se limiter à ça. Dans la plus pure tradition d’un graphisme franco-belge, il nous revient cette année avec Tatanka, un petit sioux qui a tout pour prendre une grande place dans le cœur des enfants…et de leurs parents.

 

 

 

 

 

 


 

Bonjour Gilson. Tatanka, une journée extraordinaire, est un album jeunesse qui vient de paraître aux éditions La surprise du chef. Peux-tu nous présenter ce personnage ?

 

Bonjour Laurent. Il s'agit d'un jeune Sioux, d'à peu près 8 ans.  Il est de l'ethnie des Lakotas.

 

 

 

© Gilson – La surprise du chef

 

 

Tatanka a l’air de te tenir particulièrement à cœur. En 2011, il s’est d’abord appelé Wichita et c’était un petit navajo.

 

En effet, la première version se nommait Wichita sur base d'un scénario de Jacques Devos (Génial Olivier chez Dupuis) qui était destiné, 30 ans plus tôt à Salvérius. Ce dernier, malheureusement n'eut pas l'occasion de mener à bien cette histoire dédiée à la collection Carrousel car il décéda avant de mener à bien ce projet.  Je me basais cette année-là (2009) sur quelques études de personnages afin de garder l'esprit de l'époque. Mais j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un quelconque plagiat. En réalité, une véritable volonté de faire honneur au scénario et au graphisme de ces chers disparus.

 

Comment t’es-tu retrouvé à travailler avec l’un des piliers de l’âge d’or de Spirou ?

 

Complètement par hasard et avec une amitié qui s'est tissée au fil des festivals. Dans les années 2000, j’avais tout autre chose à présenter dans ces manifestations et, au fil de nos échanges, j’ai eu la gentille proposition du fils de Jacques Devos à créer ce petit personnage. Ce fut une belle collaboration et de beaux souvenirs persistent encore.

 

 

 

 

© Gilson – La surprise du chef

 

 

En 2018, on retrouve Wichita sous le nom de Tatanka, et il revient aujourd’hui. C’est un peu ton sparadrap du Capitaine Haddock dans L’affaire Tournesol ?

 

Pas du tout. Depuis une dizaine d'années et ce via de nombreux salons BD, on me posait très souvent la question de savoir quand il y aurait une nouvelle aventure de ce petit indien. Comme il n'y avait qu'un seul scénario disponible, il m'était donc difficile de promettre une suite. J'y ai donc réfléchi très longuement et pris donc la décision de lui donner une renaissance sous un autre nom et d'écrire mes propres histoires. Voici, par conséquent, l'explication du changement de direction de ce personnage qui était je le rappelle à l'origine, un Navajo.  Je ne m'autorisais pas à reprendre le nom original et ce pour une raison évidente de respect et une certaine volonté de proposer au public quelque chose de totalement nouveau et plus actuel par rapport au jeune public de notre époque.

 

Pourquoi avoir choisi le format album jeunesse plutôt que d’en faire une bande dessinée ?

 

Je peux me tromper mais je pense que la tendance va vers le livre d'illustration et le roman graphique de nos jours. J'aime la bande dessinée, évidement ! Mais je me considère plutôt comme un illustrateur. Si je devais être obligé de ne dessiner QUE de la bande dessinée, je pense que j'en réaliserais comme le fameux Paul Gillon qui produisait ses planches dans un format XXL si je puis dire, soit la taille d'une case comme approchant au minima, un format A4. Là, oui j'y prendrais un plaisir immense. Mais enfermer mes personnages dans un petit cadre de quelques centimètres, j'y éprouve beaucoup de difficultés. Et cependant j'admire tous ces auteurs qui y parviennent sans mal je dirais. Ce n'est pas mon cas (rires).

 

 

 

 

© Gilson – La surprise du chef

 

 

Le livre ne se contente pas de raconter une histoire, mais propose une recette de cuisine sioux, un cahier de jeux, des dessins hommages, et une conclusion didactique expliquant comment la petite histoire rejoint la grande. Plus qu’un album, tu as réalisé un bel objet. As-tu voulu faire un livre qu’on lit aux enfants et qu’ils liront eux-mêmes à leurs enfants quand ils seront grands ?

 

Oui mais c'est surtout dans le but que parents et enfants partagent un bon moment ensemble. Je m'explique : J'ai moi-même trois petites filles de 7 à 11 ans.  Je bannis (enfin presque, je ne suis pas un monstre) les tablettes, YouTube et tutti quanti. Avec elles, nous jouons à bricoler, peindre, dessiner, inventer des jeux de sociétés, nous jouons dans les plaines de jeux, balades en forêt à la découverte de la faune, etc. Je pense qu'il est très important que parents et enfants partagent une foule de choses. A une époque qui visiblement privilégie le repli sur soi, j'estime qu'il est grand temps de revenir à ces partages que nous, vieille génération si j'ose dire, avons vécu avec nos pères, mères et grand parents. Je parle de cette époque où un tire-bouchon nous servait de vaisseau spatial dans notre imaginaire, où une caisse de bananes devenait un bolide de course. Voilà l'essence de ce livre, que petits et grands s'y retrouvent tous et surtout s'y amusent ensemble.

 

Parlons de l’histoire. Comment écrit-on une histoire de petit indien en se démarquant de Yakari que tout le monde connaît ?

 

Yakari est un univers totalement différent bien qu'étant Sioux lui aussi. Veux-tu que je te raconte un paradoxe, cher Laurent ? J'ai rencontré dans ma carrière Job (le scénariste) et Derib (le dessinateur). A aucun moment je ne leur ai demandé quoique ce soit sur leur série. Et le plus drôle, je ne connais rien de Yakari, je n'ai jamais lu aucun album. Donc il me serait bien fastidieux d'y trouver quelconque référence (rires).

 

 

 

 

© Gilson – La surprise du chef

 

 

Il y a aussi l’influence des albums où Lucky Luke rencontre des personnages historiques. Ça fait partie de ton Panthéon ?

 

Pas du tout, au même titre que ma réponse plus haut. Certes, j'ai rencontré quasiment tous les auteurs mais au grand dam ou fureur des aficionados je n'ai lu aucune ces séries, oui... étant petit... mais j'ai oublié (rires) et encore une fois je respecte avec humilité et respect leur immense et incroyable travail et talent. Mais non, aucune influence à ce niveau. J'en ai d'autres évidement mais pas dans ce registre. Je peux simplement remercier Eric Maltaite qui m'a conseillé d’observer de très près Jijé pour les chevaux par exemple.

 

Tatanka a tout pour réjouir les enfants d’aujourd’hui et les nostalgiques de l’âge d’or du journal Spirou et des éditions Dupuis. C’est un grand écart délibéré ?

 

Ce n'est pas faux ce que tu dis, en effet je voulais réunir les deux générations extrêmes. Réjouir les « anciens » (dont je suis) et faire découvrir à la jeunesse, ces trésors d'antan qui finalement, continuent de faire rêver n'est-ce pas ?

 

 

 

 

© Gilson – La surprise du chef

 

 

Tu rebondis sur le côté réaliste avec un cahier instructif en fin d’album. Est-ce que rentrer dans la grande Histoire par des petites est un moyen de la retenir ?

 

Je trouve qu'il est important et même indispensable de redonner le goût de l'histoire aux enfants. Comme l'adage le dit, oublier l'histoire c'est se condamner à la répéter. Et modestement, j'espère que ce premier album de Tatanka donnera cette petite étincelle d'intérêt. Je n'ai pas la prétention de dire que Tatanka leur donnera cette envie, mais s’il est ce petit souffle, ce petit murmure qui leur évoque cette intention, j'en serais ravi.

 

Venons-en au cahier jeu. C’est un concept osé de faire un si beau livre dans lequel on peut écrire dedans. Tu n’as pas peur de te faire pourrir par des parents dont les bambins vont aller gribouiller dans n’importe quel album de leur bibliothèque ? Corto Maltese colorié par le petit Kévin, ça ne serait pas mal.

 

Au contraire, il n'y a qu'à voir la lumière dans les yeux des enfants lors des séances de dédicaces. Quand je leur annonce :  « Tu sais, dans ce livre, tu peux colorier et y écrire sans que papa et maman n'en soient fâchés ou ne te punissent ! ». Le sourire qui s'imprime sur le visage de l'enfant ensuite vaut de l'or et crois moi, les parents eux-mêmes en sont ravis, c'est comme une espèce de complicité nouvelle, vois-tu ?

 


 

© Gilson – La surprise du chef



Un des autres points forts de l’album est le recueil d’hommages signés de tout un tas d’auteurs, des plus célèbres aux moins connus. Il y a entre autres Hermann, Wasterlain,… Le plus drôle, les lecteurs iront le lire, est signé Hugues Hausman. Qui est-il, que fait-il ?

 

Hugues ? C'est le fils de René (Hausman). Un homme à l'instar de son père, d'une gentillesse incroyable et aux multiples talents. Il excelle aussi bien en tant qu'acteur, auteur, sculpteur, écrivain... Je te conseille d'ailleurs ses Calembredaines qu'il publie pour le moment à foison sur Facebook et qui seront fort probablement éditées en 2021 sous forme d'album. Cerise sur le gâteau, Hugues est un ami de longue date

 

Tatanka travaille pour la Croix Rouge. Comment s’est faite cette collaboration ?

 

Non, il ne travaille pas pour la croix rouge, j’ai tout simplement proposé ma participation à cette action humanitaire parrainée par Jean Van Hamme, voilà tout.

 

 

 

 

© Gilson – La surprise du chef

 


A l’instar de séries comme P’tits Boule et Bill, ou plus récemment Grandir avec les Schtroumpfs, Tatanka s’adresse aux plus jeunes tout en ayant le mérite d’être une création originale. Est-ce que l’univers de Tatanka est un univers que tu as l’intention de développer ?

 

Haa, je l'espère Laurent, je l'espère. J'avoue que la crise actuelle en 2020 à énormément freiné la créativité. Le climat anxiogène, la frilosité d'achat du public que je comprends parfaitement, les festivals qui s'annulent les uns après les autres, les librairies qui disparaissent à un rythme effrayant et d'autres tragédies de ce genre ne me donnent pas beaucoup d’espoirs en l'avenir mais bon, nous nous devons de nous y accrocher à cet espoir et donc pour répondre à ta question oui...un large univers existe déjà. De là à le développer se pose la question au moment où j'écris ces phrases. Le doute est bien présent oui, immanquablement.

 

 

 

 

© Gilson


 

Gilson, dans le monde de la BD, c’est une family. Il y a François qui a entre autres scénarisé Mélusine, David, l’auteur de Bichon, et toi Bruno. Génétiquement, vous avez des accointances ?

 

Aucune, à moins de test ADN pour détecter un cousinage...(rires).

 

Quand on tape Bruno Gilson sur le net. On trouve un chanteur. C’est honteux d’avoir piqué ton nom. Tu lui as réclamé des droits d’auteur ?

 

Non, je chante comme une casserole et un Gilson n'attaque jamais un Gilson. Nous sommes une tribu solidaire, UGH !

 

 

 

 

© Gilson

 

 

Tu admires Walthéry avec lequel, parmi quelques autres grands noms de la BD, tu as participé à de nombreux albums hommages ou parodiques. Que représente pour toi ce dessinateur qui est l’un des derniers dinosaures de l’âge d’or ?

 

Si je parle de François, il faudra consacrer une autre interview. Je dirais simplement que j'ai eu une chance incroyable de le rencontrer, de réaliser quelques trucs machins choses avec lui et qu'il a été avec moi adorable, conciliant et très patient (rires).

 

 

 

 

© Gilson, De Lazare – Bardaf

 

 

A part ces albums collectifs, as-tu déjà travaillé avec François Walthéry ? Es-tu déjà intervenu sur des albums de Natacha ?

 

Non du tout, c'est une légende urbaine et jamais je n'ai travaillé sur l'ombre d'une planche de Natacha... et si un jour on me proposait de reprendre la série, je pense que je demanderais à cette personne si elle saine d'esprit (rires). Sérieusement, je considère que j'ai encore 50 ans de pratique à effectuer avant d'oser prétendre à une quelconque reprise de ce merveilleux personnage.

 

 

 

 

© Gilson

 


L’un de tes principaux camarades de parodies est Dragan de Lazare. Vous avez tous les deux un style de dessin proche, issu justement de l’école Walthéry. Aurais-tu pu reprendre Rubine après son départ ?

 

Non, pour la même raison évoquée plus haut.

 

Tu es aussi un grand amateur de Franquin dont tu vénères les monstres. Un Artbook monstrueux, ça ne serait pas une bonne idée ?

 

J'en rêve mais j'aimerais que le public le demande ou m'en donne l'autorisation, je n'ai pas l'outrecuidance et le culot de l'imposer. On parle de toucher l'Everest, L'Olympe, je me demande si je suis juste capable d'atteindre le seuil de la montagne.

 

 

 

 

© Gilson

 

 

Quels sont tes projets pour le futur proche et moins proche ? N’as-tu pas envie de te lancer dans une série de BD rien qu’à toi ?

 

Une BD non. Comme je le disais en début d'interview, je suis plus illustrateur qu'auteur de bande dessinée. J'ai un projet fou en tête mais en parler serait trop téméraire ici et je pourrais me faire souffler l'idée mais crois moi c’est un travail qui me prendrait pas mal de temps et d'énergie mais oui, bon sang qu'est-ce que j'aimerais pourvoir y arriver... seul le temps le dira... mais ça c'est une autre histoire...

 

 

Merci Gilson !

 

 

Propos recueillis par Laurent Lafourcade, en exclusivité pour BD-Best

 

 

 

 

 

 

 

Série : Tatanka 

Titre : Une journée extraordinaire

 

Genre : Aventure indienne

Scénario, Dessins & Couleurs : Gilson

Mise en page : Studio Archibald and co

Éditeur : La surprise du chef

Nombre de pages : 68

 

Prix :  20 €

ISBN : 9782807500198

 



Publié le 07/12/2020.


Source : Bd-best

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