Entretien avec Gos : première partie - Le Scrameustache
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Entretien avec Gos : première partie - Le Scrameustache

 

 

 

Peyo, Franquin, Tillieux, Roba, Walthéry, Jidéhem, Seron, Derib, Mittéï,… Quel grand auteur encore en activité a travaillé avec autant de grands noms de la bande dessinée ? Gos. Pour BD-Best, Laurent Lafourcade a eu la chance d’interviewer son auteur préféré, le créateur du Scrameustache. Avant le second volet survolant sa carrière, voici la première partie consacrée au Scrameustache.

 

 

 

 

 

 

 

Au fil de la lecture des épisodes du Scrameustache, on se rend compte que la série est savamment construite. Que ce soit les origines de Khéna aussi bien que celles du Scrameustache, aviez-vous tout prévu dès le départ ?

 

Pour Khéna, oui, dès le premier épisode, mais pas plus. Pour expliquer comment est né le Scrameustache, c’est venu au fur et à mesure des histoires. L’histoire de Scrameustache vient du rédacteur en chef de Spirou à l’époque qui m’a dit un jour : “Mais le Scrameustache, ça veut dire quoi, d'où vient-il”. Ça a fait tilt et le lendemain j’avais tout mon scénario du tome 18. Pour tous les épisodes précédents ou suivants, la plupart du temps, ça vient d’une réflexion, la vue d’une image quelque part. Je me dis que je pourrai peut-être faire ci ou ça. Mais alors je suis parti d’un grand principe que m’avait donné Franquin : “Si tu ne veux pas t’embêter dans tes histoires, à part tes deux héros principaux, amène régulièrement des gens, des inconnus, qui peuvent apporter un plus”. C’est comme ça que sont arrivés les Galaxiens dans la série. Ils étaient d’ailleurs les premiers croquis du Scrameustache. Comme ça n’allait pas, ils étaient trop nus. Comme j’aime beaucoup les chats, j’ai fait un Scrameustache qui ressemble à un peu à un chat.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat 

 

 

 

Georges Caillaut, appelé Oncle Georges, est archéologue et ethnologue. Après avoir bourlingué autour du monde, il rédige ses mémoires et s’occupe de mon neveu d’une quinzaine d’années : Khéna. Est-ce que Georges, c’est un peu vous, et Khéna votre fils Walt ?

 

Non pas du tout. Quand j’ai fait ça, Walt était tout gamin. Il avait huit ans. Il est né en 66, le Scrameustache date de 72.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

On apprend dans le troisième épisode, le Continent des deux Lunes que Khéna vient d’une autre planète. Il faudra attendre le neuvième volume (Le dilemme de Khéna) pour en savoir plus sur ses parents, puis le seizième (Le grand retour) pour qu’il les ramène du passé. Distiller ces informations au fil des ans, est-ce un moyen de garder un fil rouge ?

 

Oui, peut être que j’ai fait ça inconsciemment. Quand je fais l’histoire, je me laisse toujours une porte ouverte où je peux retourner pour la suite. Là, je ne sais pas comment ça s’est fait. L’envie de donner une vraie famille à Khéna, de lui permettre de voyager, je trouve que c’est très chouette. Je n’ai jamais pu expliquer d'où venaient mes idées et en y réfléchissant dernièrement j’ai trouvé une explication. Quand j’étais gamin, c’était la guerre. Mes parents habitaient un trou perdu dans les Ardennes, un hameau du village à 2 km et demi du centre. C’était quand même assez loin, les copains ne venaient pas jouer avec moi et je ne pouvais pas aller jouer avec eux. Comme j’étais seul je m’imaginais des histoires et je pense que c’est là que ma capacité à écrire des histoires s’est développée. Après, j’ai eu un petit vélo et j’ai pu me déplacer.

A l’école, quand il fallait faire une rédaction sur un sujet précis, le prof me disait toujours : « Le fond est très bon, Goossens, mais le style est nul. »

 

 

 

 

© Gos - Glénat

 

 

Quelle est l’origine du mot Scrameustache ?

 

C’est un mot inventé au service militaire. J’étais engagé. Il y avait deux matelots rigolos dans mon service qui s’amusaient à inventer des mots qui n’existaient pas en collant des syllabes les unes aux autres. J’avais trouvé le mot « Scra » : Sujet Créé par Radiations Artificielles. J’avais le début, il me manquait la fin, puis je l’ai trouvée : « -meustache » : …et Manipulations Extra-Utérines Sans Toucher Aux Chromosomes Héréditaires Endogènes.

 

 

Pourquoi la série Khéna et le Scrameustache, a-t-elle été rebaptisée Le Scrameustache au tome 7 ?

 

C’est à cause du rédacteur en chef de l’époque Thierry Martens. Il s’amusait à faire des commentaires sur les lettres des lecteurs. Pour gagner du temps, comme il est plus facile de taper à la machine “Khéna” que “Scrameustache”, c’était toujours Khéna par ci, Khéna par là. Cela m'énervait souverainement et j’ai proposé au directeur éditorial de rebaptiser la série Le Scrameustache, car c'était lui le héros, et non pas Khéna. Il a accepté et c’est comme cela que la série a changé de nom.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat


 

Dans La fugue du Scrameustache, expatrié, le Scrameustache se pose des questions existentielles sur sa place dans la société. Il va mettre la panique dans le village. Ses tourments l’amènent à faire tout un tas de potacheries. On se rend compte que le personnage à une vraie âme. Pensiez-vous tenir là l’album de la maturité ?

 

Je n’ai jamais travaillé en me disant ça va marcher ou ça ne va pas marcher, mais plutôt dans le sens où si je me suis bien amusé, ça peut amuser les autres. Et effectivement, la série a décollée au troisième épisode de la série. A l’époque, on faisait des référendums dans Spirou. Le Scrameustache s’est trouvé classé deuxième, juste derrière Gaston. Ça m’a évidemment fait plaisir mais pas apporté d’augmentation pour autant. Ha ha !

 

 

L’épisode La fugue du Scrameustache voit également la première apparition des Galaxiens (mise à part la dernière case du tome 3).

 

Les Galaxiens sont apparus dans l’un de mes tout premiers croquis. Je l’ai mis dans un tiroir et je l’ai oublié. A moment donné, j’ai voulu apporter une explication hors contexte de l’histoire. J’ai pris ce petit personnage-là qui a eu tellement de succès auprès des gamins que je l’ai ensuite repris. C’est comme cela que sont nés les Galaxiens.

Comme j’étais à l’armée dans la marine, j’avais un insigne sur mon bras gauche qui désignait ma spécialité. J’étais secrétaire et je ne sais d’ailleurs pas pourquoi j’avais une feuille d’érable comme insigne. Voulant reprendre un tel codage pour désigner les spécificités de mes personnages, si je mettais un insigne sur le bras, on n’allait rien voir. Alors, je le leur ai placardé sur le ventre.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

Les Galaxiens, aussi organisés que drôles, accompagnent une bonne partie des aventures. On pense aux Schtroumpfs, mais leur communauté a un côté beaucoup plus scientifique, politique et tayloriste dans leur façon de vivre. Etait-ce un moyen pour vous de vous démarquer ?

 

Oui. Les Schtroumpfs viennent des sept nains. On peut comparer les Galaxiens avec les Schtroumpfs, mais chaque fois qu’un type va faire une histoire avec des petits personnages, il va tomber dans cette comparaison avec l’un ou l’autre. Moi, ça m’est bien égal. J’ai travaillé cinq ans sur les Schtroumpfs. J’en ai appris beaucoup de choses. Peyo était charmant mais très difficile.

 

 

Dans Le prince des Galaxiens, une Galaxienne naît par magie. On y voit un hommage à une certaines Schtroumpfette, elle aussi naquit artificiellement.

 

Oh, non pas du tout. Je n’y ai même pas pensé. D’ailleurs, je lis très peu de BD, sauf ce qui paraît dans Spirou, pour éviter les influences.

 

 

En 1983, votre fils Walt vous rejoint et vous formez un véritable duo indissociable tant sur les scénarios que sur les dessins.

 

La plupart du temps, les scénarios viennent de moi. On discute tous les deux. Il apporte des idées et/ou me fait remarquer quand quelque chose ne va pas et me propose des modifications. Il peaufine aussi, souvent, les dialogues. Walt a aussi écrit quelques scénarios seul comme Le président Galaxien, Tempête chez les Figueuleuses, Casse-tête olmèque et des gags des Galaxiens. Accaparé par ses autres activités, on a moins collaboré ces derniers temps, mais il revient. Il va faire de bonnes choses. Vu mon âge, je ne vais plus en faire beaucoup.

 

 

 

 

© Walt

 

Des albums mettant en scène uniquement les Galaxiens dans des gags ou des histoires courtes s’insèrent dans la collection. Il était question à une époque que votre fils Walt s’en occupe, parallèlement aux histoires du Scrameustache que vous auriez pris en charge ?

 

Oui, il a déjà commencé mais pour des raisons qui lui appartiennent il a suspendu ce projet. Il m’a dit qu’il allait le reprendre, qu’il était temps qu’il finisse cet album. Au départ, je pensais que si les Galaxiens avaient une collection parallèle, je ne pourrais plus les utiliser. Or, ce n’est pas un problème. Quand Peyo a lancé la série Les Schtroumpfs, il a continué à les faire participer aux aventures de Johan et Pirlouit.

 

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

Une autre personne est intervenue sur les albums de gags, c’est François Gilson.

 

C’est un confère dont la collaboration nous avait été suggérée par Patrick Pinchart lorsqu’il était rédacteur en chef du magazine Spirou.

 

 

 

Vous avez eu une carrière parallèle à celle de Pierre Seron. Enfant, j’attendais impatiemment dans Spirou les nouvelles aventures du Scrameustache et celles des Petits Hommes. Puis un jour, un cross over a mélangé les deux séries. Comment est née cette double collaboration dans lesquelles les séries se sont invitées l’une chez l’autre ?

 

C’était l’idée de Pierre Seron. On revenait d'Angoulême un jour et il y avait sept à huit heures de train. Tout en parlant, on s’est dit qu’on avait un style de dessin très proche. On pourrait se faire rencontrer nos personnages, même dans l’espace si c’est nécessaire. J’ai pensé que c’était une bonne idée. En discutant le long du trajet, on en est arrivé à la conclusion que ce serait encore plus rigolo, de faire deux histoires qui s'interfèrent l’une dans l’autre. Comme j’avais déjà sept pages de dessinées dans ma nouvelle histoire, il m’a dit: ”Ce n’est rien. Tu m’envoies des copies et moi j’adapterai mon histoire à la tienne”. Au fur et à mesure que j’avançais je lui envoyé mes planches et lui créait son scénario d'après ça, bien que ce soit très différent de ce que je faisais. Dans certains passages, je lui disais : “Attention nos personnages vont travailler pendant deux ou trois planches ensemble.”. Au fur et à mesure, il dessinait ses petits personnages, me les envoyait et Walt les redessinait sur nos planches. C'était très complexe car à l’époque il n’y avait pas de mail et toute l'électronique. Alors on faisait des photocopies que l’on envoyait par la poste. Ça nous a coûté une petite fortune en timbres mais ça a fonctionné. Pierre Seron était un virtuose. Il savait s’adapter à tout.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

La prépublication d’une telle « double histoire » dans Spirou a dû être complexe.

 

Justement, je me suis fâché avec la rédaction à l’époque. Je les avais prévenus que les deux histoires devaient paraître en même temps pour que les lecteurs puissent passer d’une image à l’autre, pour voir ce que disait l’une par rapport à l’autre. Ils m’ont dit que oui, mais ne l’ont pas fait. Un assistant de rédaction s’était trompé mais ne voulait pas l’admettre.

 

 

Très souvent, les militaires et les gendarmes passent pour de sombres crétins dépassés par les événements (T.7 : Les galaxiens, T.27 : Les naufragés du Chastang,…) Aviez-vous des comptes à régler avec votre premier métier ?

 

Non pas du tout. Il fallait bien que quelqu’un représente un peu l’autorité. Ce n’est pas bien méchant. Ils passent un peu pour des innocents, mais pas pour des salopards. Ça reste affectueux.

 

 

Avec le diptyque La caverne tibétaine et Le cristal des Atlantes sur le mythe de l’Atlantide, vous signez un scénario exigeant. Vous montrez que ce n’est pas parce qu’on s’adresse en priorité à des enfants qu’il ne faut pas les faire réfléchir. Est-ce un objectif que vous gardez en tête quand vous écrivez ?

 

Oui, je ne veux pas devenir bêtifiant. J’essaye toujours que les gosses posent une question à leurs parents et leur demandent des explications s'il y a quelque chose qu'ils n'ont pas compris. Mais les enfants d’aujourd’hui sont beaucoup plus délurés qu’avant, avec tout l’électronique qui les entoure.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat


 

Les naufragés du Chastang (T.27), aventure scientifique, est une bonne synthèse de l’univers du Scrameustache : un problème dans l’espace, des aliens en péril que Khéna et le Scrameustache doivent aider et qui débarquent sur terre, et des militaires hébétés. L’action se déroule autour du barrage éponyme, centre hydro-électrique corrézien existant.

 

J’ai des amis de longue date qui sont partis habiter à Argentat en Corrèze, non loin du barrage. Un séjour pendant huit jours dans un petit hôtel à côté de chez eux a donné naissance au scénario. En voyant le barrage, j’ai eu des idées et les ai écrites en rentrant.

 

 

Il y a de nouveau un décor réel dans Les petits gris (T.28), dont l’action se déroule à Pommerol en Drôme provençale, basé sur un schéma narratif semblable, les militaires en moins.

 

Pour Les petits gris, le scénario était quasiment écrit et je cherchais un endroit pour le développer. Un reportage vu à la télévision sur un médecin à la retraite qui avait retapé tout un vieux village m’a donné l’idée. On a loué une maison sur place, puis j’ai imaginé toute l’action en référence aux croquis et aux photos que j’avais faits. Je me suis bien amusé à faire cet album.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

Est-ce que le fait de partir de lieux et de choses réelles apporte un plus ?

 

Quand on a un décor à sa disposition, ça apporte de la facilité pour évoluer.

 

 

Aventure, science et fantastique, ce sont pour vous les trois angles d’une histoire réussie ?

 

Oui. Pour le Scrameustache, c’est exactement ça.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

Vous êtes un des derniers dinosaures de l’âge d’or. Pensez-vous que c’est parce que votre série n’est pas figée dans une époque révolue et a évolué avec la société ?

 

C’est fort possible. Quand j’ai commencé cette histoire, je suis allé voir Charles Dupuis et je lui ai dit que j’avais une nouvelle série à proposer. Il m’a dit : « Tâchez d’être original, parce que l’on a déjà un peu tout fait. ». Alors, j’ai dessiné trois pages et les dix suivantes au crayon. J’avais mon scénario écrit que je lui ai montré, et lui ai expliqué qu’avec mes personnages, je pouvais faire vivre des aventures dans le présent, dans le passé, dans le futur, ici sur terre ou sur une autre planète, rien n’était impossible. Il m’a répondu : « Je n’y aurais jamais pensé. Ça va faire un bel album ! ».

 

 

 

 

© Gos, Walt - Dupuis


 

Le dernier album paru à ce jour montre que le Scrameustache est une série résolument d’actualité. Cette « porte des deux mondes » est un symbole de passages de migrants. Sans qu’ils ne s’en rendent forcément compte, vous inculquez à vos lecteurs des valeurs de tolérance et de respect, voire d’œcuménisme.

 

C’est involontaire de ma part. Je n’ai pas fait le rapprochement. Si je l’ai fait, c’est inconsciemment.

Je suis simplement parti sur le fait que beaucoup de soleil faisait monter le taux de mélanine. La peau des Galaxiens noirs s’est adaptée au soleil. La température étant montée sur la planète de ces personnages, certains sont partis, d’autres se sont adaptés.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

En 2005, coup de théâtre, vous quittez Dupuis pour Glénat. Mais que s’est-il passé ?

 

C’est une longue histoire. Mon fils connaissait un journaliste chinois qui venait régulièrement en Europe. Il voulait éditer tous les Scrameustache en chinois. A eux deux ils ont monté tout un business plan pour ce marché. Différentes éditions étaient envisagées : en couleur pour les plus riches, en noir et blanc et d’autres encore avec une couverture souple bon marché. Ils avaient fait une étude de tout le marché chinois, ce qui représentait un boulot énorme. On a proposé ça chez Dupuis. Ils ont tergiversé de manière frileuse en humiliant notre correspondant chinois avec des discussions de tapis sans fin, ce qui est ne rien connaître de la mentalité d’affaire locale.

Nous nous sommes fâchés. Mon fils Walt, qui -à l'époque- n’avait pas sa langue dans sa poche, leur a fait entendre quelques bonnes vérités. Le directeur de collection a dit qu’il ne voulait plus le voir, mais qu’il me gardait moi parce que j’étais sympa. Je lui ai répondu que je refusais car nous étions deux qui ne formions qu’un. On reste ou on part. Nous sommes partis le lendemain et avons prospecté. On ne voulait pas aller au Lombard parce qu’on trouvait qu’il y avait trop d’histoires réalistes. Walt a entamé des démarches avec Glénat qui nous a dit tout suite “Bienvenue chez nous”.

 

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

Au final, on trouve le Scrameustache en Chine ?

 

Non, pas du tout. Notre interlocuteur a poursuivi son métier de journaliste mais s’est tourné vers d’autres types d’investissements professionnels d’après ce que je sais.

 

 

Le Scrameustache devait être le fer de lance du label Paris-Bruxelles, hébergé par Glénat. Il en est aujourd’hui le seul survivant.

 

Je ne connais pas toutes les différentes raisons de l’étiolement de cette collection. J'apprécie Jacques Glénat. Il est très sympa et maintenant sa fille Manon va reprendre la direction d’édition. Son autre fille va reprendre la logistique d’après ce que je sais.

 

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

On ne peut pas dire que Glénat fasse le moindre effort pour mettre la série en évidence. Ne regrettez-vous pas aujourd’hui de ne pas avoir une belle série en intégrale dans la collection Dupuis patrimoine ?

 

On parle de moi dans les albums de la collection Dupuis patrimoine, c’est déjà une chose. Mais une édition en intégrale ne m’enchante pas. Il y a minimum trois albums dans un volume. Parfois, vous touchez à peu près en droits d’auteur l’équivalent de ce que vous touchez pour un album classique. C’est l’éditeur qui empoche la différence.

Les lecteurs prennent l’habitude d’acheter des intégrales et n’achètent plus les albums individuels. Si je donne mon accord pour une édition en intégrale, on ne vendra plus les autres. Je travaille pour les enfants. Lire une intégrale pour eux, c’est comme soulever un sac de dix kilos de patates.

 

 

Roger Leloup a embarqué Yoko Tsuno dans une grande histoire composée en fait de deux parties indépendantes d’une trentaine de planches car il avait peur de ne pas arriver au bout. Raoul Cauvin vient d’annoncer qu’il arrêtait le scénario des Tuniques bleues. Vit-on la fin d’une époque ?

 

Malheureusement, je crois que oui. Par exemple, dans le journal Spirou, il y a un tas de gars qui travaillent mais je n’en connais que trois qui font vraiment du bon travail. Tous les autres font du boulot de fanzines. Mais quand on sait combien on les paye, ce n’est pas étonnant. Nous, en faisant avec soin, une planche à une planche et demie par semaine, on arrivait au bout du mois en pouvant vivre avec notre travail. De nos jours, pour vivre, les jeunes doivent faire au moins trois planches. Ils ne peuvent pas y consacrer beaucoup de temps, ce qui s’en ressent dans la qualité du travail.

 

 

Le Scrameustache est l’une des créations les plus originales en bande dessinée. Il a encore un potentiel certain qui ne demande qu’à être lu par les nouvelles générations. Y a-t-il encore des enfants qui découvrent la série avec les nouveautés ?

 

Je ne saurais pas dire. La plupart de mes jeunes lecteurs sont des gens qui ont maintenant une quarantaine ou une cinquantaine d’années, et qui ont passé la collection à leurs enfants. Alors, une fois qu’ils ont commencé, ils accrochent et ils continuent. C’est plutôt par les parents que ça se fait.

 

 

 

 

© Gos, Walt - Glénat

 

 

Qu’en est-il du projet de dessins animés du Scrameustache que l’on nous promet depuis 2016 ?

 

Il était bien avancé. Le producteur qui avait monté ce projet a eu un enfant gravement malade. Il a alors mis toute son énergie pour s’occuper de cet enfant et il a eu raison. De ce fait, il a fait faillite. C’est  très dommage car le projet était prometteur.

Je n’ai jamais eu de pot dans ce domaine. Quand j’étais chez Dupuis, le directeur commercial me disait qu’ils travaillaient sur les dessins animés des Schtroumpfs et que pour mes personnages il faudrait attendre. Après, il y avait autre chose. Un gars m’avait dit : « Vous les suivants des grands seigneurs de la BD, vous êtes des sacrifiés. ». Il y avait Franquin, Peyo, Roba, Tillieux dont on s’occupait. On arrivait juste derrière et on nous disait de patienter. Puis, une troisième génération est arrivée avec des gars plus jeunes et on s’est tout de suite occupés d’eux. Le rédacteur en chef de Spirou se trouvait plus en relation avec les troisièmes qu’avec les deuxièmes. On avait des antécédents avec la maison, tandis que les nouveaux venus étaient bien obligés de marcher comme on leur disait.

 

 

Une adaptation en live comme l’a fait Alain Chabat avec le Marsupilami vous séduirait-elle ?

 

Ah, oui, peut-être...

 

 

Lire un nouveau Scrameustache, c’est comme lire un nouveau Natacha, un nouveau tuniques bleues,… C’est une délicieuse madeleine qui revient en bouche. Avez-vous conscience, lors de séances de dédicaces par exemple, de l’effet que vous faites sur les lecteurs maintenant quadras ?

 

Oui. Je ne fais plus beaucoup de séances de dédicaces avec la santé de ma femme, mais je vais tout de même tous les ans au salon de la BD à Bruxelles. Il y a des gens qui viennent de partout, d’Allemagne, de France, du Luxembourg, qui ont 45, 50, 60 ans, qui continuent d’acheter la série et qui en sont toujours friands. Ils ont l’impression de commettre une faute s’ils n’achètent pas la suite de ce qu’ils ont. Et c’est tant mieux pour moi, d’ailleurs. Ha ha ! Mais il faut être honnête, la vente de BD a fortement diminué.

 

 

 

 

© Gos - Glénat

 

 

Que nous réserve le prochain album ?

 

Là, ça va être une surprise. Khéna et Scrameustache, qui sont avec une petite gamine, commettent une imprudence. Ils sont embarqués dans un ovni qui appartient à des êtres venus sur terre pour chercher des plantes médicinales parce que leur médecine ne convient pas à tout le monde. Ils repartent avec eux. Ils demandent à faire demi-tour, mais trop tard. Ils sont entrés dans un vortex et partis jusqu'à la destination finale. Mais ils leur promettent de les ramener le lendemain une demi-heure après leur départ. En attendant, Khéna et sa compagne de voyage vont découvrir là- bas un monde qu’ils ne connaissent pas … Mais je ne vais pas tout spoiler !

Ça va être surprenant, d’autant plus que, je ne l’ai jamais fait, mais je vais tuer un personnage annexe pour mettre un peu plus d’action dans l’histoire.

 

 

(à suivre...)

 

Entretien réalisé par Laurent Lafourcade



Publié le 22/09/2019.


Source : Bd-best

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