Entretien avec Jean-Philippe Lefevre
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Entretien avec Jean-Philippe Lefevre

"Un monde de bulles" fut la seule émission BD de la TNT, elle vécut de 2005 à 2013 et reste une référence culturelle, reconnue aussi bien par les fans, les auteurs ou les éditeurs. En plus de 2000 entretiens d'auteurs BD pendant cette période, elle aborda des thématiques passionnantes comme le monde des comics, des mangas, le droit à la caricature, l'homosexualité dans la BD ou des hommages talentueux à Moebius ou Hergé.
Inscrite au sein des programmes de "Public Sénat", cette émission se rendit dans les 4 coins de la France pour couvrir festivals BD, ateliers d'auteurs ou librairies dans un souci pédagogique et de connaissance BD toujours renouvelée. Rencontre avec son présentateur, Jean-Philippe Lefevre qui nous raconte la création de cette émission qui s'adressait à un large public de 7 à 77 ans bien sûr.

Avec "un monde de bulles", vous avez su imposer une émission sur la BD, racontez la genèse de ce concept sur Public Sénat.


En septembre 2004, Jean­Pierre Elkabbach m’a nommé responsable de l’antenne. Je devais trouver des idées pour amener “Public Sénat” de façon originale sur la TNT en mars 2005.
Parmi mes propositions je lui parlais tout le temps de la BD dont j’étais fan pour son émission “Bibliothèque Médicis”. Il a accepté d’en réaliser une, des auteurs comme Tardi, Moebius, Sfar, Satrapi étaient sur son plateau. Le succès a été important et chez Jean­Pierre Elkabbach cela va vite dans son esprit. En janvier 2005, lors d’une conférence de presse, il annonce sans m’en avoir averti que l’on allait créer une émission sur la bd et que j’allais l’animer…
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Vos plus belles rencontres d'auteurs BD sur cette émission?

2000  interviews,  donc  beaucoup de belles rencontres, d’émotions,  de rires, de repas, de soirées, de déplacements….je retiendrai Jean Giraud, le parrain de l’émission, Gilles Chaillet et Tibet qui me manque aujourd’hui. Mais l’aventure fut et reste magnifique.


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Vos derniers coups de coeur en BD?


“La république du catch” de Nicolas de Crécy chez Casterman, “le rapport de brodeck” de Larcenet chez Dargaud, “Transmetropolitan” chez Urban Comics….voilà mes trois dernières chroniques !


­"Un monde de bulles"défendait la liberté d'expression et le droit à la caricature, 2 combats toujours d'actualité?


J’ai réalisé plusieurs émissions sur la caricature avec les amis de Charlie. J’ai été meurtri par ce qui s’est passé car il y a le symbole bien sûr mais il y a surtout les hommes et les femmes et j’en connaissais deux personnellement. Par contre sur les symboles, oui je n’ai jamais eu de limite  sur  les thématiques abordées dans l’émission et je m’étais personnellement engagé contre les violences faites aux femmes avec trois émissions autour de la bd aux éditions “Des ronds dans l’eau”.

 

 

 

 



­Racontez­-nous les galères de cette émission, histoire de se marrer.


Quand vous aimez, que vous êtes enthousiaste, que vous voulez transmettre, il n’y a jamais de galère. La seule sans doute c’est d’avoir dû arrêter. Ce fut violent pour moi. Alors pour rire, un jour je recevais Ted Benoit en plateau et ma première question fut : “Vous êtes un peu le Joe Dassin de la bd car l’Amérique vous la voulez et vous l’avez eu ?”. Ce fut un flop, il n’a pas du tout apprécié...


­­Selon les dires Marion Maréchal Le Pen, "Public Sénat" est regardé en moyenne par 10 télespectateurs par jour (15 au maximum, toujours selon elle) ; en réalité, l'audience de votre émission était de combien?

Disons qu’elle va trop vite dans ses conclusions, sans doute la jeunesse. “Un monde de bulles” a marqué l’histoire de la TV, il n’y a pas une semaine sans qu’on vienne me féliciter pour l’émission alors qu’elle s’est arrêtée il y a deux ans…. “ Public Sénat”, c’est une chaîne à part, un  véritable  outil  pour  la  démocratie,  le  carrefour  pour  découvrir  et  analyser  autrement l’actualité. Si demain tout le monde regarde quatre chaînes en boucle, l’intelligence, je parle de l’intelligence humaine, tout cela s’affaiblira. Moi j’aime passionnément cette chaîne, je l’ai au cœur, c’est en moi.


­"Culture T " est une émission culturelle, mais vous y insérez toujours une petite séquence BD, pourquoi?


J’aime tellement la bd. J’ai appris à lire le soir avec une lampe de poche et un gâteau BN avec la série des Gaston et de Leonard. Mon père est passionné de Tintin qui l’a fortement inspiré pour devenir grand reporter dans les années 60. La BD c’est une émotion et je ne vis que pourl’émotion. Et dans “Culture T”, j’ai voulu donner à la bd une estrade, un haut­parleur unique.
Dans la même  émission un auteur de bd se retrouve avec un sculpteur,  un  artiste contemporain, un chanteur, un artisan…. La bd s’affirme alors comme un art majeur.


­A force de faire des dossiers thématiques et de rencontrer des auteurs BD, comment voyez­v-ous le monde de la BD d'un point de vue éditorial et économique?, En gros, avez­-vous constaté la précarité généralisée des auteurs BD ?


Le métier d’auteur de bd s’est fortement précarisé. Le métier reste une sorte de rêve pour beaucoup mais ceux pour qui le rêve devient réalité sur le long terme sont de moins en moins nombreux. Les éditeurs en sont responsables pour la plupart, mais ils sont aussi responsables aussi de la parution de bd qui n’existeraient pas sous d’autres formats culturels, l’équilibre est fragile et les auteurs souffrent c’est un fait ! Par contre nous vivons l’âge d’or de la bd, jamais ce médium culturel n’a été aussi riche dans son histoire, jamais autant de bonne sortie ont permis au 9 ème art de porter aujourd’hui ses lettres de noblesse.
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­Pour votre émission "un monde de bulles", il me semble que vous n'avez pas fait de reportage sur les éditeurs BD, pour ne pas leur faire de publicité?


Si si j’en ai fait de nombreuses des émissions spéciales “Delcourt, Le Lombard, Casterman, Dargaud, Soleil”….j’ai essayé au mieux d’équilibrer.
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A la mort de MOEBIUS­ Jean Giraud, vous lui avez consacré 2 émissions spéciales, comment voyez­-vous le personnage?


Jean était un génie absolu de l’art. Rarement un auteur a su aussi bien m’expliquer un trait, une courbe, une vision globale de sa passion. Jean était ailleurs, dans ce monde ou les noms restent après le départ de l’enveloppe charnel, Jean était tellement gentil, il nous a toujours supporté  et  aidé,  j’ai eu la chanc de le rencontrer à de nombreuses  reprises, un homme exceptionnel.

 

 

 

 

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Vos auteurs favoris en mangas, comics ou BD franco­belge.

Impossible, il y en a trop.


­D'un point de vue technique audiovisuelle, c'était facile d'intégrer des planches BD sur l'écran?  Avez-­vous fait d'ailleurs de vraies  prouesses technologiques pour "un monde de bulles"?


Mes monteurs ont su je pense révolutionner un genre de montage. Entre les débuts et les dernières émissions notamment sur les comics leur boulot était dingue. J’étais souvent sidéré par la qualité de leur travail. Mais j’ai su m’entouré de personnes talentueuses qui sont restés des amis pour la plupart, pour qu’une émission marche il faut du liant, il faut cette matière humaine qui donne de la logique et de la consistance.


­Vous êtes beau gosse, jeune (et riche?), ca sert pour présenter une émission culturelle?

Je remercierai mes parents pour cette remarque physique, je suis très riche en effet de ces milliers de rencontres que j’ai pu faire dans la bd et ailleurs. Je fais un métier exceptionnel car il faut aller vers l’autre.

 

Propos recueillis par Dominique Vergnes



Publié le 07/05/2015.


Source : Bd-best

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