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Il était une fois la révolution...et la mort !
Chihuahua, Mexique, 1910. La guerre civile vient de commencer. Rodolfo Fierro, dit Rudy, fraichement sorti de prison, croise la route des insurgés de Pancho Villa, qui pillent et rançonnent pour le compte de la révolution. Une aubaine pour cet aventurier dans l’âme : rejoignant les compagnons historiques de Villa – Tomas l’ami d’enfance, Calixto l’indien révolté, Felipe l’expert en artillerie –, il va bientôt nouer avec ce truculent personnage, d’un charisme exceptionnel, une relation d’amitié hors norme. C’est leur formidable histoire commune que retrace « Les Amis de Pancho Villa » (Rivages/Casterman/Noir), avec en toile de fond la chronique minutieuse et crue de la révolution mexicaine. Entre brigandage et politique, une histoire d’hommes tour à tour horrifiante et passionnée, forgée dans la violence et l’exaltation révolutionnaire, par delà la morale, par delà le bien et le mal.
Premier album pour Léonard Chemineau, qui adapte un roman de James Carlos Blake et fait une entrée remarquée dans l'univers du 9ème art .
Effectivement, il s'agit de mon premier album. J'ai été sélectionné à Angoulême en 2009 et mes planches ont été exposées dans l'espace « jeunes Talents ». J'y ai rencontré des éditeurs, dont le directeur de la collection Rivages/Casterman/Noir qui avait en tête une adaptation des Amis de Pancho Villa, et il semble que mon dessin pouvait convenir à ce projet.
Le Mexique, la révolution, c'est un univers que vous connaissiez ?
Assez bien , oui. Les planches que j'avais présenté s'inspiraient de « l'escadron Guillotine » de Guillermo Arriaga, qui se déroule au Mexique à cette période. Je suis depuis longtemps attiré par ce pays et son histoire, et la révolution a révélé des personnages incroyables, bien réels mais qui trouvent facilement place dans une BD.
Comment se déroule une adaptation comme celle des Amis de Pancho Villa ? Avez-vous eu des contacts avec James carlos Blake, l'auteur du roman ?
Non, aucun contact. J'ai travaillé seul à l'adaptation de son bouquin, mais ce n'est pas plus mal car j'ai été libre d'inventer certains petits ponts ou liens qui permettent de retrouver plus aisément un fil directeur...ce qui est plus pratique pour une BD. Le format d'un roman permet de développer plusieurs histoires parallèles, en BD c'est moins évident. C'est une écriture différente.
Une telle adaptation pour un premier album, n'était-ce pas une contrainte ?
A mon stade, pas du tout. Comme le romancier avait, d'une certaine manière, déjà réalisé une grosse partie du boulot, je pense que ça m'a permis d'aller beaucoup plus loin dans le graphisme, ça m'a donné une énorme liberté de dessin, et la contrainte était plutôt, pour moi de gérer cette liberté. Mais je pense avoir pu mettre dans cet album la totalité de ce que j'avais imaginé, c'est un privilège !
Si vous deviez définir Rodolfo Fierro, le « héros » de cette histoire, comment le décririez-vous ?
Euh...c'est difficile ça... En premier lieu, c'est un opportuniste qui rentre dans cette révolution pour rigoler, s'offrir des armes, des chapeaux, mais qui en vient à changer progressivement et finit par être convaincu du bien-fondé de la révolution, de la nécessité d'un vrai gouvernement pour son pays... Il devient idéaliste sur le tard mais tout en gardant son côté impitoyable, et tout en sachant que le progrès recherché ce ne sera pas pour lui. Il est en-dehors de ça.
En lisant l'album, je trouvais qu'à travers celui-ci, alors que progressivement la division du nord perd des chefs et s'affaiblit, l'Histoire (avec un grand H), elle, s'accélère...
C'est vrai, mais on se trouve au tournant d'une certaine modernité. On a dit de la première guerre mondiale qu'elle était la première guerre moderne, mais il y avait des prémices de cette « modernité » dans la révolution mexicaine. On y trouve des conseillers prussiens, des observateurs américains, et les premières « machines de guerre », avions, mitrailleuses, chars... Et on les retrouve opposées à des cavaliers. C'est presque le contraste entre deux époques, peut-être plus marquant ou décalé encore que lors de 14-18...
Ce matin je découvrais une publicité pour les Amis de Pancho Villa avec pour slogan « il était une fois la révolution...et la mort ». Si je vous dis « Il était une fois la révolution »...
Le film ? Une inspiration forte, mais sans doute trop « westernisée » à l'américaine. Et c'est souvent le cas, il y manque le piment et peut-être même une forme de saleté qui sont vraiment au coeur du Mexique, mais qu'il est difficile de capter pour l'étranger. Mais hormis ça, il exite vraiment une bonne documentation historique sur la révolution, avec de nombreuses photos et même des films d'époque... On parlait d'une forme de modernisme, juste avant, non ?
Et la mort...? Elle s'imposait en couverture ?
Et bien, là, c'est un personnage qui n'apparaît pas dans le roman. Or c'est bien un personnage très présent dans l'Histoire et la vie du Mexique. Moi je voulais qu'elle apparaisse de manière flagrante. C'est un personnage de la culture populaire mexicaine, et c'est ainsi que je voulais la représenter, avec un air rigolard. Le rapport à la mort des Mexicains est différent du nôtre, et la fête des morts, au Mexique, est avant tout une fête.
On la retrouve sous cette forme dans les tableaux de Frida Kahlo...
Oui, bien sûr, et dans les oeuvres de son mari Diego Rivera. Là aussi, même s'ils sont postérieurs à la révolution, ce sont de solides influences, et leur travail a été nourri de cette imagerie... Pour en revenir à la mort, il en existe plein de représentations, entourée de fleurs etc. J'y tenais ! Et puis elle est omniprésente dans l'album, la piste des Amis de Pancho Villa n'est pas vraiment de tout repos...
Après un tel album, quels sont vos projets ?
Rien n'est encore signé, mais il y a une histoire se déroulant à nouveau en Amérique latine, mais à notre époque...et un projet se déroulant en France basé sur les conséquences réelles de la crise économique... C'est encore relativement noir, mais pas noir pour noir. J'aime bien conserver un second degré qui permet de dédramatiser... Un peu comme dans les Amis de Pancho Villa.
Léonard, une dernière question...le cocktail Vouvray(*)-tequila, ça donne quoi ?
Ah, jusque maintenant ça a l'air de fonctionner plutôt bien, non ? (rires)
(*)Léonard Chemineau est originaire de Vouvray, mondialement connue pour son vignoble d'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC).
Propos recueillis par Pierre Burssens
Interview © Graphivore-Pierre Burssens 2012
Images © Casterman 2012
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