Entretiens avec Christian Godard – Le feuilleton Godard, épisode 5 : Godard scénariste, d’autres partenariats
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Entretiens avec Christian Godard – Le feuilleton Godard, épisode 5 : Godard scénariste, d’autres partenariats

 

Cinquième partie de l’entretien avec Christian Godard par Laurent Lafourcade. Godard, scénariste de Mittéï, Derib, Blesteau & Clarke pour un mélomane gaffeur, un western réaliste, un bébé en famille et des bébés en garde. L’auteur multiplie les collaborations, diverses et variées, toujours avec le même talent.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les années 70, on note deux collaborations avec Mittéï pour des séries que vous n’avez pas créées : Indésirable Désiré et Modeste & Pompon. C’est lui qui vous appelé pour l’aider.

 

Oui, oui bien sûr. C’était pour le plaisir là. Sur Modeste et Pompon, passer après Franquin était un défi. C’était amusant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1987, Derib vous fait l’honneur de dessiner un western réaliste : L’homme qui croyait à la Californie. Vous y dressez des portraits rudes, cruels et réels de cow-boys.

 

Derib, un charmant garçon, m’avait contacté. Ça a été une expérience pure et simple  pour voir ce que l’on pouvait faire tous les deux dans le domaine du  western à la John Ford. C’était un recueil d’histoires complètes qui avaient été prépubliées dans le journal Tintin. J’aurais personnellement renouvelé l’expérience avec  beaucoup de plaisir mais Derib ne le souhaitait pas. Il n’avait pas très envie d'avoir un auteur qui en profitait pour s’exprimer lui-même si je puis dire. L’album a été pas mal remarqué. Je m’étais exprimé dans chaque histoire dans un registre assez dur et différent à chaque fois. Il a été étudié jusqu'à l’université en Russie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1989, commence la grande aventure Toupet avec Blesteau dans Spirou. Pourtant le personnage est né sous vos crayons beaucoup plus tôt.

 

J’ai créé Toupet en 1965. C’était mes tout début. Je travaillais donc à Pilote.  Vous savez, au départ, créer un journal qui va devoir trouver des lecteurs qu’il va voler à des journaux qui existent depuis longtemps, ce n’est pas facile, facile. Par voie de conséquences, pour s’approprier des collaborateurs, il avait fallu que Pilote monte les prix, les paie plus cher qu’ailleurs. J’étais donc très très bien payé à Pilote, mais sans le savoir. Quand j’ai été en situation de créer un personnage à Spirou et qu’on m’a demandé de passer une facture, j’en ai passé une correspondant au tarif pour lequel j'étais payé à Pilote. Dupuis m’a demandé si je plaisantais, car personne à Spirou n’était rémunéré à ce prix-là. Franquin n’était pas payé cher à la planche à l’époque parce qu’il avait des albums. Je ne pouvais pas en avoir instantanément et par conséquent autre chose qui se vend en librairie. Je demandais plus cher que Franquin. Ça m’a fait beaucoup rire à l’époque et encore maintenant. L’éditeur a fait savoir qu’il ne voulait plus entendre parler de moi. C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté très vite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi n’avez-vous pas dessiné la reprise vous-même ?

 

Quand il s’est agi de reprendre la série plus tard, en 1987, je suis revenu à des prix plus raisonnables, mais seulement en qualité de scénariste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avez-vous mis beaucoup de vous dans Robert Dubois, le père de Toupet ?

 

Au moment de la création de Toupet, je me souviens que mon fils était très jeune. Il était en bas âge et il fallait, pour faire en sorte qu’il accepte de manger, lui trouver une occupation pour qu’il puisse utiliser ses doigts pendant qu’on lui enfournait de la nourriture dans le bec. J’avais placé une petite horloge sur sa chaise haute qu’il a, au fil du temps, complètement détruite en jouant avec le mécanisme. Il l’a rapidement réduite à l’état de cadavre d’horloge. On retrouve une séquelle de cette horloge réduite en miettes dans le marteau de Toupet qui s’en servait pour casser tout ce qui se présentait, ce qui était le cas de mon fils à cette époque-là.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus généralement, la série a été un moyen de parler du cercle restreint de la famille : enfant, parents, grands-parents, et donc beaux-parents. Ça ne vous a pas causé de soucis ?

 

Eh bien, c’est assez curieux, mais il aurait fallu que ma famille lise Spirou pour s’en inquiéter, ce qui n'était absolument pas le cas. Je pouvais donc aisément me payer la tête de mon entourage familial sans qu’il en ait clairement conscience.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pas d’ennuis non plus avec la SPA, parce qu’on ne peut pas dire que Binette, la chienne boxer, soit à la fête ?

 

C’est vrai. (Rires…) J’ai eu un boxeur. Ma « Trombine » a occupé une grande place dans ma vie. Elle a vécu dix ans avec divers ennuis de santé. Elle m’a laissé un souvenir impérissable. Quand je m’adressais à elle, j’avais l’impression de m’adresser à quelqu’un de mon niveau. Elle comprenait tout ce que je lui disais. La Binette de Toupet n’était qu’un reflet lointain de celle qui a accompagné ma vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Toupet connaîtra 18 albums jusqu’en 2007. C’était un véritable succès du catalogue Dupuis.

 

Absolument. Mais un jour, on a nommé à la direction de Dupuis un nouveau Directeur Général, à la suite du rachat de la maison par Média-Participations. A la suite de cela, on a demandé à me voir. J’ai deviné très vite que j’allais avoir des difficultés parce que je disposais d’un contrat qui me permettait de toucher deux fois de suite de l’argent, une première fois grâce à la prépublication de la série dans le journal, puis ensuite grâce à la publication des albums. Je me suis trouvé en face d’un tribunal, le mot n’est pas choisi au hasard, qui ne m’a pas dit que j’étais trop bien payé mais qui m’a annoncé l’arrêt de la série. Comme on me l’avait suggéré lors d’un coup de fil, j’étais venu avec les comptes. Je leur ai demandé pourquoi arrêter une série alors que l’on vendait 600 000 exemplaires d’albums rien qu’en français. Les éditions étrangères étaient très nombreuses ; elles doublaient ou triplaient probablement les ventes de l’éditeur. Eh bien, on ne m’a pas dit pourquoi on arrêtait la série, et je n’ai découvert la vérité que quand les contrats ont été annulés at après que le nouveau directeur général ait été mis à la porte.

 

 

 

 

 

 

 

 

Blesteau, le dessinateur de la série, avait un trait rond formidable.

 

L’arrêt fut mortel pour lui. Compte tenu des tirages et des droits qu’il touchait, il n’a pas compris pourquoi on arrêtait la série. Ça lui semblait extravagant. Il est rentré chez lui et je n’en ai plus jamais entendu parlé. C’est une histoire hallucinante d’une absurdité totale que je n’arrive pas à comprendre encore aujourd’hui. Le directeur a qui nous avons eu à faire avait probablement été choisi avec pour mission de virer tous les contrats classiques en se contrefichant des chiffres de vente.

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est vraiment étonnant qu’il n’ait pas proposé de renégociation.

 

Il a été lui-même viré entretemps. Il n’est resté qu’un an.

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1997, c’est le début des Baby-Sitter, avec Clarke, alias Valda, au dessin. Décidément, tout ce qui tourne autour du monde des bébés vous inspirait.

 

Je ne sais pas trop quoi dire. Je n’avais pas beaucoup de rapport avec le dessinateur. Je ne le connais pas du tout. Ça a démarré comme une farce. Les lecteurs de Spirou ne savaient pas que le dessinateur de Mélusine se cachait derrière lui. Nous avons travaillé à distance et nous n’avons pas eu de rapport d’amitiés comme c’est souvent le cas entre un scénariste et son dessinateur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les baby-sitter ont été publiées dans la collection Humour libre, à la maquette moche dont les couvertures étaient uniquement faites pour être visibles en grandes surfaces.

 

La série s’est rapidement arrêtée, au bout de trois albums. La directrice de collection est partie. Elle a changé de maison. Nous n’avions plus les mêmes interlocuteurs et je ne connaissais pas la personne qui l’a remplacée. Cet épisode n’a été qu’un mini-événement dans ma carrière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(à suivre…)

 

 

 

Entretien réalisé par Laurent Lafourcade

Les dessins sont © Christian Godard/Mittéï/Derib/Blesteau/Clarke

La photo de titre d’article est © Laurent Mélikian

 



Publié le 08/04/2020.


Source : Bd-best

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