Exposition Will, le jardin des couleurs.
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Exposition Will, le jardin des couleurs.

Les beaux jours reviennent bientôt et la galerie Champaka vous propose des les voir en couleurs et au jardin grâce à Will par le biais d'une exposition.

Après la réédition de sa Trilogie avec dames, Dupuis poursuit son travail de redécouverte de l'oeuvre de Willy Maltaite, alias Will. À travers croquis, esquisses, dessins et peintures, on retrouvera dans cet Artbook toutes les facettes de ce génial illustrateur trop souvent réduit à son travail sur Isabelle et Tif et Tondu. Un beau livre qui permet de revisiter l'oeuvre d'un des Maîtres du neuvième art, alors que la galerie Champaka lui consacre en mai 2012 une exposition. L'occasion également de découvrir un fond iconographique peu connu, issu des archives personnelles de la famille de Will.

Les derniers albums de Will sont placés sous le soleil de la mise en couleurs directes. Beaucoup croient alors que cet adepte du trait en noir et blanc, allant toujours à l’essentiel, opère une forme de révolution copernicienne. Pourtant, la couleur l’accompagne depuis sa jeunesse. Une période qui le voit découvrir, grâce à Joseph Gillain, les lumières du Sud. De tempéraments radicalement différents, les deux hommes auront souvent des trajectoires en miroirs. En 1942, Willy Maltaite a 14 ans et n’est pas encore Will.

 

 


Suivre des études, surtout de dessin, est ardu, en pleine guerre. Sa mère l’inscrit à l’Abbaye de Maredsous, afin de le familiariser aux métiers de l’art. L’orfèvrerie le tente, mais il échoue lors de l’examen d’entrée. Un professeur d’une école de dessin de Dinant, la ville la plus proche d’Anthée, son village natal, l’aiguille vers Joseph Gillain, alias Jijé. L’homme-orchestre du Journal de Spirou dessine alors « Spirou et Fantasio », « Jean Valhardi » et « Christophe Colomb ». « C’était un coup de chance incroyable ; sans cela, je pense que je n’aurais jamais continué, étant donné les circonstances de l’époque (…) Il a proposé de me garder quinze jours à l’essai… ».

 De 14 à 20 ans, Will fera partie de la tribu Gillain qu’il considérait comme sa propre famille. Outre l’ABC du métier, Jijé lui transmet un de ses sésames graphiques : « voir juste ».« C’était un type universel, il faisait aussi bien de la gravure sur bois que de la sculpture ou de la peinture. J’ai tout fait avec lui, sans réaliser de bande dessinée, jusqu’à 20 ans. »  Après avoir fourni des illustrations pour diverses revues des éditions Dupuis, Will reprend le dessin des aventures de « Tif et Tondu » pour l’hebdomadaire « Spirou ».

Illustration et graphisme

Willy Maltaite est passionné par le dessin, mais sa relation avec ce qui n’est pas encore le Neuvième Art est loin d’être obsessionnelle. Tout au long de sa carrière, il prendra plusieurs fois ses distances. Souvent, en alternant bandes dessinées et illustrations. Parfois, en rompant les amarres. Ainsi, en 1958, il vient de réaliser cinq aventures de « Tif & Tondu », scénarisées par Maurice Rosy, qui ont donné sa modernité au duo d’enquêteurs et fait entrer Monsieur Choc dans la galerie de Grands Méchants. Pourtant, rebuté par le côté répétitif d’une série qu’il anime depuis presque 10 ans, Will abandonne « Tif & Tondu » au profit d’un poste de directeur artistique. « J’en avais un peu marre de la BD. Or, il s’est trouvé que les Editions du Lombard voulaient changer le look du journal « Tintin ». Franquin, qui travaillait pour eux sur « Modeste et Pompon », leur a proposé de me confier ce travail. »  Pendant deux ans, il ne fera plus de bande dessinée ! Esthète, il a des ambitions graphiques pour le « Journal des jeunes de 7 à 77 ans ». « Je voulais faire « Tintin » comme « Playboy » avec cette qualité de graphisme, de présentation, avec des blancs, de belles illustrations… Je suis persuadé que l’enfant est sensible à ça. A l’époque où « Spirou » était encore imprimé en typo, avec des traits épais, des trames de couleurs si grosses que l’on ne voyait plus le dessin, j’entendais des gens qui disaient que « Tintin » était quand même plus beau parce qu’il était déjà en hélio. Les gens ne savent pas pourquoi, ils ne se rendent pas compte, mais je crois que le public est quand même sensible à une certaine qualité de présentation, d’impression…»

 

Will en profite pour explorer, en toute liberté, différentes techniques de dessin et de mise en couleurs, pour combiner textes et illustrations avec élégance. « C’était un boulot qui me plaisait bien, mais j’ai quand même déchanté assez vite, parce qu’entre ce qu’on rêve de faire et ce qu’on vous permet de faire, il y a une grosse différence. On doit respecter certaines valeurs, comme la publicité, qui viennent foutre en l’air ce qu’on a réalisé ! »  La bureaucratie liée au travail en entreprise le vide de son énergie créatrice. « Quand je rentrais à la maison, j’étais content d’aller me balader, de faire n’importe quoi, mais surtout plus dessiner. » Cet intermède lui a été profitable. Pendant deux ans, libéré du carcan des personnages récurrents et des attentes supposées du public, son talent d’illustrateur et de graphiste a été mis à contribution sur des sujets variés. Mieux, le rythme intensif lié à la parution hebdomadaire l’a poussé à travailler plus spontanément, en esquivant souvent la phase du crayonné.

L’homme d’une seule série ?

Lorsqu’il revient chez « Spirou », il attendra près de quatre ans avant de se réinvestir dans l’univers de « Tif & Tondu », et préférera créer d’autres personnages (dont « Eric et Artimon ») ou faire des décors pour le « Benoit Brisefer » de Peyo. C’est un des paradoxes de celui qui est trop facilement catalogué « homme d’une seule série ». De même, il accepte, fin des années ‘60, la sollicitation de Jean-Michel Charlier qui le convie à rejoindre « Pilote ». Selon les versions, Charles Dupuis lui aurait envoyé un courrier de licenciement, ou fait l’impossible pour le retenir. Dans tous les cas, la réunion de crise entre les deux hommes débouche sur la création de collections de livres pour enfants dont Will assurera la direction artistique et le graphisme.

Pour la collection « Carrousel », il illustrera, en couleurs directes, deux récits de Charles Degotte : « Antonin et le petit cirque » (1967) et « Antoine et l’anneau Magique » (1968). Sans oublier son rôle de co-auteur pour les deux « Petit Noël » de Franquin. « J’aime beaucoup faire des décors, créer des ambiances. Quand je réussis une image, je ne sais pas si c’est réfléchi véritablement. Je dois être un instinctif. »  C’était déjà le cas quand il dessinait, en noir et blanc (la mise en couleurs étant déléguée), une place ou un port méditerranéens dans « Tif et Tondu » ou « Eric et Artimon » mais, avec ses propres couleurs, les décors transmettent désormais des émotions. Mieux, ils deviennent des personnages à part entière.

Depuis toujours, Will peint. D’abord sur papier, avant de s’offrir la toile blanche. Il rejoint en cela Joseph Gillain. Tous deux quittent le monde en miniature de la planche pour une composition unique, en grand format. Les différences éclairent les caractères. Jijé peint quasiment tous les jours ; Will officie entre la réalisation de deux albums. Il confie à Claude, son épouse : « Pour la peinture, je dois être dans un environnement je suis libre de bande dessinée ». Jijé et Will ne peignent pas pour être exposés, et encore moins pour vendre. La recherche d’un équilibre personnel et, surtout, du plaisir est leur motivation. Contrairement à Gillain, Will ne peint pas sur le motif. « Je ne suis pas Van Gogh. Je me laisserais trop influencer par mon sujet. Lorsqu’on peint de mémoire ou d’après un petit croquis, il y a quand même un côté plus inventif. Et si quelque chose m’ennuie dans le sujet, je le fais disparaître en imagination. Tandis que quand je l’ai devant moi… » L’alliance du sens de l’observation et d’une belle mémoire se mettent au service de sa sensibilité aux éléments de la Nature.

 

 

 

 

Dame Nature

Depuis 1960, les Maltaite sont installés à La Hulpe, un village semi-campagnard progressivement intégré dans la banlieue verte de Bruxelles. Le jardin est un espace de ressourcement pour le dessinateur assis, toute la journée, à sa table à dessin. « Quand je travaille plusieurs jours d’affilée sur une BD et que je suis tendu et nerveux, je bricole ou je vais au jardin pour me déconnecter complètement. » Tous les matins, il observe les oiseaux que son épouse nourrit et retrouve ensuite leurs noms dans des ouvrages ornithologiques. Pour lui, la maison idéale est lovée dans la « vraie » nature. Il profitera de « Tif & Tondu » pour les bâtir sur papier. Certaines réponses à un questionnaire -abécédaire éclairent sa personnalité. Tout d’abord « A comme Arbre »: « Les arbres, c’est la beauté, la nature, l’harmonie. Ma maison est parmi les arbres afin de pouvoir les admirer ». Ensuite « H comme Harmonie » : « Tout est harmonieux dans la nature. On essaie que les créations humaines le soient un peu aussi. ». Et enfin « L comme Luxe » : « Je ne connais guère le luxe au sens où on l’entend d’habitude, c’est-à-dire lié à la grosse fortune. D’ailleurs, ce luxe-là ne m’intéresse pas. Mon genre de luxe, ce serait plutôt les beaux objets, les belles toiles. J’avoue tout de même qu’un beau domaine rempli d’arbres et de pelouses me ferait plaisir. »  En vacances, lorsque le couple découvre un bel endroit, il n’hésite pas à s’asseoir, longuement, pour l’admirer, sans avoir besoin de parler. Fusionnel, le couple apprécie des moments de rêve. « Je suis un campagnard. J’aime bien voir les vaches. Le blé en été, je trouve cela superbe. »  Comme son ami Raymond Macherot, Will vit une relation fusionnelle et sereine avec la Nature. Il en fera, à sa manière, une philosophie de vie.

 

Retour au Sud

Sa première période de peinture prend place durant les vacances d’été, début des années soixante, dans la maison espagnole de Sirius, située à Jávea. Le créateur de «L’Epervier Bleu » commente avec justesse le travail de son ami : « Nous possédons une gouache de lui, peut-être une des premières qu’il ait faites : un paysage de Ravaillac, qui est un peu la synthèse de notre village »  La famille Maltaite s’y rendra jusqu’à ses soixante ans. Il peint d’abord des paysages de montagne et de mer. L’élément féminin s’y glissera plus tard. Sur l’autre versant des Pyrénées, Will retrouve les lumières de ses deux séjours méridionaux, chez les Gillain. D’abord dans la villa « Le Petit Moulin », sur les hauteurs de Cassis, non loin de la calanque de Port Miou. Ensuite, plus tardif, à Juan-les Pins.

 

 

C’est là qu’il aurait acquis le goût de la vie douce et, surtout, du soleil qui irradiera ses illustrations et ses peintures. Il y vivrait sans doute, si son métier ne lui demandait pas de rester proche de la rédaction des journaux qui accueillent son travail et s’il n’avait donné la priorité à l’épanouissement de sa famille. Faute d’y être, il installera la chaleur du Midi, chez lui, en Belgique. C’est là qu’André Franquin et Yvan Delporte le rejoignent, pour les séances de travail ouvrant de nouvelles pistes pour la série « Isabelle ». Hors des contraintes aventureuses de « Tif &Tondu », Will développe un univers empreint de poésie et de fantastique. Pour un projet de dessin animé, il réalise de superbes illustrations destinées à aider les animateurs. Il en fera de même pour un long métrage du « Marsupilami » qui ne verra pas le jour. Chacune de ces compositions est une merveille combinant lumière et ambiance pour ouvrir les portes de l’imagination.

S’il fut soulagé d’abandonner « Tif & Tondu », en 1989, Will vit l’arrêt forcé d’« Isabelle », en 1995, comme une blessure. Pour oublier, il repart explorer les chemins de la peinture. Bien qu’il se soit toujours senti plus illustrateur que dessinateur de BD, il attend une occasion de renouer avec le 9e Art. Lorsque Stephen Desberg, le scénariste des derniers « Tif & Tondu », lui propose « Le jardin des désirs », en 1989,. Will est enthousiaste. « Cela fait très longtemps que j’avais envie de faire autre chose que de la bande dessinée traditionnelle, et de raconter une histoire plus adulte, ce qui ne veut pas dire pornographique ! Mais une histoire érotique, avec des filles – jolies de préférence – et de l’humour. Un jour, Desberg m’a apporté le scénario du « Jardin des désirs » et j’ai marché à fond. »  L’album paraîtra chez « Aire Libre », un label de qualité que les éditions Dupuis viennent de lancer.

 

Enfin la couleur directe

« Cesser de ronronner, prendre des risques, se remettre en cause, se faire plaisir aussi ! Moi, ça fait des années que je peignais, que je faisais des aquarelles, que je trouvais mon bonheur dans le maniement et le jeu des couleurs. »  Pour Will, les choses sont claires : au changement de sujet correspondra un changement de techniques. « La BD telle qu’on la conçoit habituellement, c’est d’abord du dessin au trait noir, réduit ensuite au format du journal et colorié par la suite ; je dis d’ailleurs toujours qu’une BD doit déjà « tenir » rien que par noir et blanc. Pour « Le jardin des désirs », j’ai au contraire travaillé la couleur directement sur le format original de la planche – bien plus grand – et j’ai traité cela un peu comme une gouache, en fait un mélange de tout, gouache, crayon, aquarelles… C’était bien sûr beaucoup plus satisfaisant pour moi. Je suis un peu peintre sur les bords, quand j’ai le temps, et ce travail rejoignait un peu le travail du peintre. » Desberg confirme ce changement de cap pour lequel renaissance et reconnaissance sont au rendez-vous : « A l’époque des « Tif & Tondu », jamais il ne me montrait ses planches. Alors que durant la période « Aire Libre », chaque fois qu’il recevait de la visite, Will les sortait spontanément. Il était ravi parce que les gens les appréciaient. »  « La 27elettre » (1990), avec son sujet plus tragique, et « L’appel de l’enfer » (1993), un retour vers l’humour, seront les jalons qui compléteront cette « Trilogie de Dames ». Des récits plus adultes ? « Beaucoup de gens l’ont pris comme ça. En fait, cette façon de dessiner avait toujours été la mienne ! Simplement, je devais jusqu’alors tenir compte de certains impératifs techniques et également de l’âge moyen des lecteurs de « Spirou ». Alors qu’avec ces trois titres, j’ai eu enfin la liberté de faire ce que je voulais, que ce soit sur le plan thématique ou graphique. » 

L’année du peintre

Interrogé sur ses projets, Will hésite : « Je n’en ai pas ! Si je pouvais, je ferais de la peinture, mais j’aurais du mal à me remettre à la bande dessinée ensuite. » A l’aube de ses 70 ans, il va, pour la première fois, consacrer une année entière à la peinture. Sans être sollicité par un galeriste, uniquement pour enfin accomplir cet impossible rêve de jeunesse. Il s’interroge sur son style en peinture : « C’est « mon » style, il n’y a pas de rapport avec ce que je fais en BD, mais parfois les gens y trouvent des parentés. » Les dames aux yeux d’amande, à la longue chevelure brune et à la poitrine aussi généreuse que leur taille est fine trouvent leur meilleur apôtre graphique. Fréquemment nues, elles évitent de flirter avec la vulgarité. Ses proches le disent, l’homme avait fait de la tendresse et de la bonté les tropiques de sa vie et cela transparaît dans le regard de ses sujets. Après cette plongée en apnée dans le jardin des couleurs, Will, presque étonné, confie à son épouse : « Tu sais quoi, j’ai envie de refaire de la bande dessinée. » Lorsqu’elle l’encourage en lui rappelant qu'un scénario sommeille dans ses tiroirs, il lui répond : « Je vais la commencer, mais il ne faut pas que cela se sache, car je ne sais pas si je saurai la finir… ». Quatre mois plus tard, il fermait pour toujours la porte de son atelier et « L’arbre des deux printemps » (2000) fut terminé par ses amis dessinateurs. L’un d’eux, Stéphan Colman, écrira : « Et maintenant… qui peindra les platanes en bleu ?... Qui servira le pastis à l’ombre des cannisses ? … Qui nous remplira les yeux de soleil ? … Qui dessinera ces filles sensuelles et mystérieuses ? … Qui fera chanter les couleurs ?... Qui sèmera des fleurs sur le chemin ? … Qui remplira les toiles d’étoiles ? … Qui couvrira le papier de poésie ?... Qui donnera au ciel tant de lumière ?... Qui nous fera rêver ? … Il faudra s’habituer à un grand vide… » 

 

Eric Verhoest

 

Sources des propos de Will :

- « Hop ! » n° 64 (3e trimestre 1994)Entretien avec Gilles Ratier

- « Hommage à Will » (Jean-Pierre Verheyleweghen - CBEBD - 2003)Entretien avec François-Xavier Burdeyron

- « Schtroumpf-Les cahier s de la bande dessinée » n°45 (1980)Entretien avec Henri Filippini et Jean Léturgie

- « L’Impartial » (26/08/1989)Entretien avec Frédéric Maire

- « Will - Collection privée » (Editions Concerto - 1995)Entretien avec Rudi Miel

- « Le Soir » (02/01/1985)Entretien avec Diana De Crop

- « Le publicateur » (début des années ’80)Entretien avec Michel Gauthier

- « La Lettre » n° 15 (janvier-février 1994)Entretien avec Rodolphe

- Claude Maltaite Entretien avec Eric Verhoest (2011)

- « Spirou » n° 3231 (15/03/2000)

 

L’éditeur remercie Claude Maltaite d’avoir donné accès aux merveilles graphiques de son époux, afin qu’elles puissent être scannées dans les règles de l’art. Son sourire malicieux et son rire franc ont accompagné la réalisation de cet ouvrage.Grâce à Franz Van Cauwenbergh, ce jardin des couleurs a trouvé ses repères bibliographiques.

 

Galerie Champaka
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sablon@galeriechampaka.com

http://www.galeriechampaka.com



Pays : Belgique

Date de l'événement : du 10/05/2012 au 02/06/2012.

Publié le 16/04/2012.


Source : Graphivore

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